La Grande Palabre dans le collimateur des sous-préfets

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Les partisans de Paul Biya sont prêts à crier au complot quand ils sont indexés dans les rapports des organisations nationales et internationales des sociétés civiles. Pourtant, sur le terrain, la réalité dépasse l’affliction.
Depuis le 3 novembre 2014, les initiateurs des conférences-débats dénommées La Grande Palabre éprouvent d’énormes difficultés pour organiser des sessions de discussions publiques, dans le département du Mfoundi. Ils sont confrontés aux sous-préfets des arrondissements de Yaoundé, qui, en violation des dispositions pertinentes de la loi n°090/055 du 19 décembre 1990 relative au régime des réunions et manifestations publiques au Cameroun, interdisent systématiquement les assises de ce forum de discussion, alors que les organisateurs se sont toujours conformés à la loi susvisée en déposant dans leurs services des déclarations de réunions publiques. Les raisons évoquées pour justifier ces différentes interdictions sont nombreuses. Elles varient en fonction des sous-préfets.
Dans sa correspondance n°324 /L/JO6-01/SP, Monsieur Tsanga Foé Jean-Paul, sous-préfet de l’arrondissement de Yaoundé 1er estime que « l’objet de [notre] conférence-débat en date du 6 novembre 2014, est contraire aux dispositions

de la loi sur la communication sociale et eu récépissé de dépôt de déclaration de [notre] organe de presse ». Le 8 décembre 2014, dans la correspondance n°365/L/JO6-01/SP, cette autorité administrative revient à la charge en invoquant cette fois-ci une seule raison, l’objet de la conférence-débat qui, selon lui, « est contraire au récépissé de déclaration de votre organe de presse ». Trois mois après, même après avoir tenté d’organiser La Grande Palabre par le biais de Human Rights’s Initiatives (Hri) une organisation de la société civile camerounaise, Tsanga Foé trouve toujours un autre motif. Dans la décision n° 012/D/JO6/01/SP, le sous-préfet de l’arrondissement de Yaoundé 1er écrit : « est et demeure interdite la conférence-débat du mardi 24 mars 2015 de 14 heures à 18 heures 30mn prévue à l’hôtel Franco sis à Nlongkak par le Directeur de publication du journal dénommé Germinal et du président de l’association dénommée « Human Rights Initiatives » de Monsieur Jean-Bosco Talla pour défaut d’existence légale de l’espace dénommée « La Grande Palabre » créé en février 2011 »
Par la suite, les initiateurs de ce forum de discussion ne trouvent pas grâce aux yeux de monsieur Mamadi Mahamat, sous-préfet de l’arrondissement de Yaoundé 5 quand ils tentent d’organiser par le biais de Hri, La Grande Palabre dans son unité de commandement. Dans la décision n°16/D/JO6.05/SP, monsieur Mamadi Mahamat invoque d’autres motifs pour l’interdire : « défaut de conformité (non communication des termes de références de la conférence) ; absence d’accord préalable de monsieur le ministre de l’Enseignement supérieur, Chancelier des Ordres académiques.»
Face aux tracasseries administratives à Yaoundé, les responsables de La Grande Palabre décident en 2015 de poursuivre leurs activités dans les autres capitales régionales où en partenariat avec Dynamique Citoyenne, ils organisent sans entraves administratives des discussions publiques. Ils ont ainsi été, à Bafoussam, Bamenda, Douala, Bertoua, Buéa, Ebolowa, Maroua, Garoua et Ngaoundéré.
Après la publication en octobre 2015 d’un ouvrage de La Grande Palabre, les responsables de ce forum de discussion tentent, le 28 janvier 2016, un retour à Yaoundé et déposent auprès du sous-préfet de l’arrondissement de Yaoundé 2 une déclaration de réunion publique dans l’optique d’organiser à l’hôtel Somatel, sis à la montée Aurore, une conférence dédicace de l’ouvrage Société civile et engagement politique au Cameroun. En vain. Le 28 janvier 2016, le sous-préfet de l’arrondissement de Yaoundé 2, Monsieur Yampen Ousmanou suit les pas de ses collègues de Yaoundé 1, Yaoundé 3 et Yaoundé 5 et interdit ladite la conférence-dédicace aux motifs que : « La Grande Palabre n’a pas d’existence légale. Le journal « Germinal » n’a pas vocation à organiser des dédicaces. Le risque potentiel de trouble à l’ordre public reste constant ».
Face à ces actes liberticides pris par les autorités administratives, les responsables de Germinal, animateur de La Grande Palabre, décident de donner une suite judiciaire à ces violations flagrantes de la liberté d’expression et de la loi susvisée en introduisant, conformément à la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs, des requêtes auprès du tribunal administratif de Yaoundé. Aussi engagent-ils parallèlement une action au pénal contre monsieur Yampem Ousmanou, administrateur civil principal, pour abus de fonction et refus de services dus.
Les décisions de justice sont attendues. En attendant, les sessions de La Grande Palabre se poursuivent en région.
Junior Etienne Lantier

 


Penser au Cameroun constitue une menace au même titre que Boko Haram

Au royaume du Renouveau, penser est un crime au même titre qu’un acte terroriste
En prolongeant, depuis février 2011, comme cela se fait partout dans les États démocratiques, dans le cadre des conférences-débats dénommées « La Grande Palabre », sa mission de service public d’information, d’éducation, de débat et d’analyse des thématiques qui sont régulièrement abordées dans l’espace public médiatique en général, et dans ses colonnes, en particulier, Germinal et les animateurs de ce forum de discussion citoyenne ne pouvaient pas s’imaginer qu’après quatre années d’échanges sans heurts, l’une de ses rubriques préférées par les lecteurs serait dans le collimateur du préfet du Mfoundi et des sous-préfets des arrondissements de Yaoundé. En initiant une série de conférences-débats, Germinal et les responsables de cette espace de la parole et de la citoyenneté n’avaient qu’une seule idée à l’esprit : monter au front contre tous les obscurantismes, tous les fondamentalismes, toutes les xénophobies ; libérer la parole ; promouvoir la culture politique informée, du dialogue et de la tolérance au Cameroun ; contribuer au renforcement de la citoyenneté, à la démocratisation du savoir pour éloigner le fanatisme et la manipulation des masses, et par conséquent favoriser les alternances et les alternatives basées sur la compréhension et l’acceptation mutuelles. Des objectifs qu’ils croient nobles.
Les différentes décisions d’interdiction, aux motifs bizarres et quelque peu saugrenus, sont les preuves patentes de l’inexistence d’un État de droit au Cameroun. Les sous-préfets des arrondissements de Yaoundé, à travers leurs décisions liberticides, infligent un cinglant démenti aux prétentions dont se gargarisent les défenseurs de l’ordre établi, prêts à monter au créneau pour dénoncer des complots imaginaires ourdis contre le Cameroun chaque fois que le Cameroun est mis à l’index dans les rapports des organisations de défense des droits humains.
Peut-être ne faudrait-il pas s’attarder sur les élucubrations et les fantasmes de monsieur Mamadi Mahamat, sous-préfet de l’arrondissement de Yaoundé 5 qui pousse son zèle jusqu’au ridicule en invoquant des motifs qui n’existent que dans son esprit.
Tout comme il n’est pas utile de s’arrêter sur le motif selon lequel Germinal ne serait pas dans son rôle quand il organise une conférence-débat ou qu’il n’aurait pas la qualité pour le faire. Une affirmation qui est en contradiction avec la position des défenseurs de l’intérêt de l’État dans les procès engagés par Germinal contre l’État du Cameroun et qui, dans leurs mémoires en défense, écrivent noir sur blanc que cet organe d’information est dans son rôle et a le droit d’organiser une réunion publique.
Mais, il serait plus instructif d’accorder une attention particulière au motif invoqué par Tsanga Foé et Yampen Ousmanou et selon lequel « La Grande Palabre n’a pas d’existence légale » pour dénoncer ce complot que ces autorités administratives, qui agissent sous l’instigation de Jean Claude Tsila, préfet du Mfoundi, ourdissent contre la pensée. Ce motif prouve à suffisance que ces sous-préfets entretiennent volontairement l’amalgame et la confusion entre l’organisateur Germinal, et la réunion publique (un événement) : la conférence-débat dénommée ‘’La Grande Palabre’’ qui est, en réalité, une rubrique de cet organe d’information (Cf. p.12 version papier du journal) et qui se présente comme un forum d’expression et d’échange scientifique autour des thèmes sociopolitiques exposés par des personnalités et intellectuels d’horizons divers, sélectionnés en raison de leur expertise avérée sur les thèmes retenus. Par conséquent, La Grande Palabre, n’est ni une association, ni une ONG, ni une organisation de la société civile au sens de la loi n°900/053 du 19 décembre 1990, mais un simple synonyme de Conférence-débat, dénomination choisie par souci de contextualisation ou d’africanisation des concepts ;
Aussi, en alléguant le défaut d’existence légale de La Grande Palabre, messieurs Tsanga Foé et Yampen Ousmanou affirment implicitement qu’un séminaire, un colloque, un symposium, une réunion publique, une table ronde, une rencontre, un congrès, une conférence-débat fut-elle dénommée « La Grande Palabre », doivent avoir une existence légale.  A tort. Au Cameroun, le ridicule ne tue pas.
Interdire systématiquement les réunions et manifestations publiques, formes d’expression consacrées par la Constitution, empêcher les citoyens de se réunir pour penser les banalités camerounaises, c’est bien la preuve qu’au le Cameroun la principale menace est moins “Boko Haram” que la liberté d’expression
Somme toute, ayant depuis longtemps pris conscience de leur rôle, les initiateurs de La Grande Palabre ont fait leur ces propos de Henry De Montherlant. La vérité existe et existera toujours. Il suffit d’en payer le prix. Selon eux en tout cas, penser n’est un délit que dans les régimes non démocratiques.
Jean-Bosco Talla


Loi n°055/90 du 19 décembre 1990 fixant le régime des réunions et manifestations publiques

(Extrait)
Chapitre II : Des réunions publiques
Article. 2.- A un caractère public, toute réunion qui se tient dans un lieu public ou ouvert au Public.
Article. 3.- (1) Les réunions publiques, quel qu’en soit l'objet, sont libres.
(2) Toutefois, elles doivent faire l’objet d'une déclaration préalable.
(3) Sauf autorisation spéciale, les réunions sur voie publique sont interdites.
Article.4.- (1) La déclaration visée à l’article 3 al. 2 ci-dessus est faite auprès du chef de district ou du sous-préfet sur le territoire duquel la réunion est prévue trois jours francs au moins avant sa tenue.
(2) Elle indique les noms, prénoms et domicile des organisateurs, le but de la réunion, le lieu, la date et l'heure de sa tenue, et doit être signée par l'un d'eux.
(3) L'autorité qui reçoit la déclaration délivre immédiatement le récépissé.
Article. 5.- (1) Toute réunion publique doit avoir un bureau composé d'au moins trois personnes chargées de maintenir l’ordre, d'empêcher toute infraction aux lois, d'interdire tout discours contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs, ou de nature à inciter à la commission d'actes qualifiés crime ou délit.
(2) L'autorité administrative peut déléguer un représentant pour assister à la réunion.
(3) Seul le bureau peut suspendre ou arrêter la réunion. Toutefois, en cas de débordement, le représentant de l'autorité administrative, s'il est expressément requis par le bureau, peut y mettre fin.