Lettres ouvertes de M. Marafa Hamidou: un atout pour la conquête de la démocratie et la bonne gouvernance au Cameroun

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Croire le gouvernement camerounais et son président en mesure de mettre en œuvre une « opération épervier » respectueuse de l’intérêt du peuple et apte à rétablir la morale publique est une terrible erreur. Comment peut-on espérer du « chef bandit » qu’il neutralise ses acolytes au nom des principes moraux que lui-même a violé et continue de violer sans retenue ?

Comme dans les précédentes, la 4ème lettre ouverte [1] de M. Marafa Hamidou révèle faits extrêmement graves qui confirment s’il en était besoin, que les autorités camerounaises ont depuis longtemps atteint un niveau de corruption et de prévarication vertigineux.

La généralisation de l’insouciante et de l’impunité, conjuguée avec une kleptomanie et une vénalité systématiques à tous les niveaux de la fonction publique, y compris et surtout dans les plus hautes sphères de l’état, ne laisse aucune chance de développement au Cameroun. Cette 4ème lettre révèle notamment que :

- La Saa South African Airways en charge de l’entretien des 2 avions Boeing 737 et 747 appartenant à la défunte Camair, a corrompu des autorités du gouvernement

camerounais et de la Camair pour obtenir en 1994 les contrats d'entretien de la flotte de cette compagnie, et a continué cette corruption afin de couvrir des « négligences grossières » dans l’exécution de ces contrats. Ces négligences sont probablement à l'origine du crash du Boeing 737 en 1995 à Douala, et de la perte en plein vol d'un réacteur du Boeing 747 en 1997 aux environs de Paris en France.

- Une juridiction compétente et indépendante a rendu « juridiquement nuls les contrats conclus entre Saa et Camair ». La Saa a restitué à la Camair les 32.500.000.000 (trente deux milliards cinq cents millions) francs Cfa perçus dans le cadre de ces contrats, en plus des dommages et intérêts dont la lettre de M. Marafa ne précise pas le montant.

- Ces sommes n’ont servi ni à indemniser légitimement les ayants droits des 71 victimes humaines de ces catastrophes aériennes causées par ces avions mal entretenus, ni à renflouer les caisses de la défunte compagnie aérienne nationale qui aurait pu ainsi échapper à la faillite et éviter la mise en chômage de centaines d’employés camerounais. Aucun usage de ces fonds n’a été rendu public ni ne figure dans les comptes de l’état. On est fondé à postuler que ces milliards se sont évaporés dans les circuits bien huilés de la corruption qui sévit de manière endémique dans l’administration camerounaise.

La qualité de l’auteur de cette lettre - personnalité ayant occupé depuis une vingtaine d’années les plus hautes fonctions de la république – peut justifier de donner du crédit à ces révélations. Et le seul fait que celles-ci soient tardives, qu’elles sortent après que M. Marafa ait été débarqué du gouvernement, ne parait pas suffisant pour les déconsidérer, même dans le cas où un certain esprit de revanche animerait leur auteur. De nombreux éléments factuels - comme l’évaporation des 32,5 milliards de francs restitués à la Camair, et l’absence de toute poursuite judiciaire des autorités camerounaises impliqués dans les faits de corruption ayant entraîné les accidents des avions de la Camair, puis ladite restitution de paiements - ne paraissent pas sérieusement discutables.

Il est avéré que M. Marafa a été un acteur de la gabegie ayant conduit notre pays dans le gouffre. Lui-même fait état d’une longue proximité avec les plus hauts sommets de l’état, et il a sa part de responsabilité du désastre dans lequel notre pays s’enfonce inexorablement depuis 30 ans. Cela ne constitue pas une raison pour jeter « le bébé avec l’eau du bain », les révélations qu’il fait sont autant d’éléments factuels dont nous avons besoin pour avoir des certitudes et non plus des soupçons, pour justifier et renforcer notre volonté du changement. Cette repentance, même tardive, est certainement un atout dans la lutte pour instaurer la démocratie et la bonne gouvernance au Cameroun.

Si de tels faits sont avérés - je n’en ai aucun doute pour ma part -, des faits gravissimes qui semblent avoir été portés à la connaissance du chef de l'état sans que ce dernier réagisse, continuer dans ces conditions de croire le gouvernement camerounais et son président en mesure de mettre en œuvre une « opération épervier » respectueuse de l’intérêt du peuple et apte à rétablir la morale publique est une terrible erreur. Comment peut-on espérer du « chef bandit » qu’il neutralise ses acolytes au nom des principes moraux que lui-même a violé et continue de violer sans retenue ?

Je n’ai jamais caressé un tel espoir.

Ces révélations ont la vertu de frapper les consciences, et de convaincre chacun de nous s’il en était encore besoin qu’il ne faut rien attendre du pouvoir en place aujourd’hui dans notre pays, que ce pouvoir ne peut que donner une mort lente et inexorable. La seule issue qui s’impose nécessite un changement d’acteurs au plus haut niveau des responsabilités. Pour ce changement, il y a urgence.

Eugène Wope

[1] http://quotidien.mutations-multimedia.com/201206041007/1007-4eme-Lettre-ouverte-de-Marafat-a-Paul-Biya.html