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Les sévices présidentiels

On veut bien prendre les propos de Joseph Anderson Le publiés dans Mutations du 26 avril 2016, comme des paroles d’Évangile, quand il écrit ; «il faut […] rendre grâce au Ciel d’avoir fait don au pays d’un chef d’État, son Excellence Paul Biya, pour son management d’État si avisé, son énergie si débordante et sa sagesse si légendaire au service de la Nation à laquelle il a consacré pour son édification, en vue de son émergence »
C’est vrai les Camerounais ont, depuis 34 ans, été victimes de nombreux sévices rendus par Paul Biya. De sorte que de nos jours, ils peuvent rendre grâce à celui qui leur permet au quotidien d’avoir, l’eau, les médicaments, les routes, l’électricité, brel d’avoir le minimum vital.
Titus Edzoa, avait déjà parlé du vrai Paul Biya aux Camerounais. Dans une interview accordée, après sa démission du poste de ministre de la Santé, au journal l'Expression n°116 saisi par les autorités camerounaises, Titus Edzoa jetait un pavé dans la mare en présentant le président de la République, Paul Biya,

non comme l'homme n'ayant pas d'amis, mais comme celui qui affectionne la calomnie et les basses manœuvres susceptibles de braquer les uns contre les autres et qui, pour gouverner, crée gratuitement des ennemis à chacun de ses collaborateurs. Dans cet entretien, le désormais ex-pensionnaire du Secrétariat d'État à la Défense (Sed) présentait le chef de l'État comme un disciple de Machiavel qui n'hésite pas à utiliser, dans la gestion quotidienne du pouvoir suprême, l'inhumanité comme arme absolue de division. Autrement dit, pour consolider son pouvoir, Paul Biya attise les antagonismes et les rivalités entre les individus et les acteurs politiques.
Anderson Le ne pense pas nécessaire comme le Prof. de Nsimeyong.
Mais, allons interroger Urbain Olanguena Owono, Marafa Hamidou, Abah Abah et autres.
Sa manière de gérer ses collaborateurs et le Cameroun a toujours installé au cœur du gouvernement une sorte de cacophonie qui gêne sa cohésion, son action et son efficacité. La preuve, les conseils ministériels, cadre de concertation, de discussion, de suivi des affaires de la nation, d'orientation et de réorientation et même d'évaluation pourquoi pas, qui se tiennent hebdomadairement dans certains pays, sont, au Cameroun, aussi rares que la pluie au désert.
Les Camerounais, masochistes, aiment bien vivre dans des déserts


Le Renouveau atteint de cécité stratégique

Les plans quinquennaux sous Ahidjo ont permis le développement du Cameroun. Paul Biya bricole et ne sait où il conduit le Cameroun
L’un des acquis indéniables du régime du Renouveau en termes d’héritage politique est le capharnaüm communicationnel observé dans l’espace public camerounais. Ainsi, l’étranger qui débarque au Cameroun est émerveillé par le droit à l’impertinence qui caractérise l’exercice de la fonction journalistique. Une réalité tentaculaire n’épargnant aucun domaine de la gouvernance ou de la vie des gouvernants.
Même, s’il était mal avisé de s’accorder une définition sur ce qu’être journaliste veut dire dans le contexte camerounais, que l’on peut, à juste titre, qualifier de pré-démocratie. Pour autant, en se laissant instruire par ses usages, il faut reconnaitre que ce qui peut s’apparenter à la liberté des journalistes camerounais a plus confiné la corporation ou ce qui en tient lieu, dans une espèce d’embrigadement, dans l’immédiateté, à la diversion politique orchestrée par des politiciens sans âmes (certains gouvernants et opposants). En un mot, il s’agit d’une race de journaliste servant de support aux luttes entre réseaux positionnés pour la conquête ou l’exercice du pouvoir, qui ne se préoccupent que très peu du respect du sacro-saint principe de la critique des sources, encore moins du souci d’explication causale des faits collectés.
Au lieu d’ânonner au quotidien, de manière moutonnière les discours d’une opposition nominaliste visiblement en panne de stratégie et s’engager dans les débats oiseux qu’impose et priorise l’ordre gouvernant actuel ; il faudrait repenser notre fonction de journaliste en devenant ces missionnaires de la raison dont parle le philosophe Leibniz. Heureusement, cette profession regorge de talents reconnus, mais hélas, noyés dans un océan de brebis galeuses. Il faut de tout pour faire un monde, nous dira-t-on.
Avec le recul, nous ne manquerons pas d’observer que : les affaires Vanessa Tchatchou à Yaoundé, Koumateke à Douala, du quintriplé à Yaoundé…participent bien de l’état de naufrage systémique dans lequel est enfoncée notre configuration sociopolitique depuis des lustres.
Ce constat froid auquel nos lecteurs ont été habitués dans nos précédentes parutions par ailleurs repris et c’est tant mieux par le président de la République (discours de fin d’années 2013), a pour explication pertinente la gouvernance aveugle, qui n’est rien d’autre qu’une gouvernance sans vision, sans contenu en termes de programme et qui, pour donner l’impression d’exister au travers d’une rationalisation de l’action publique affuble ou mieux anesthésie les populations de slogans creux du genre, émergence en 2035 qui n’est qu’une prospective politique et non un programme ou des initiatives propagandistes telles que le plan triennal, le plus d’urgence comme si on devait gérer un pays dans l’urgence permanente, organisation des CAN, projets structurants…Bref, un catalogue d’actions sans cohérence qui participent de l’escroquerie politique dont on a du mal à voir avec des lunettes métaphysiques, pour paraphraser Mgr Jean Zoa, l’impact au plan économique et en termes d’amélioration du niveau de vie.
Au plus, on s’en sort, comme c’est les cas aujourd’hui, avec une crise d’endettement, synonyme d’un nouvel ajustement structurel. À preuve : la ballade ces derniers temps au Cameroun, des disciples d’une thérapie de sortie de crise économique ne trompe personne, une crise qui a déjà fait beaucoup de mal aux populations camerounaises (Visite de Christine Lagarde, conférence économique avec la participation des défenseurs de l’ordre libéral le plus achevé).
Entre temps aussi, nous assistons impuissants au surdimensionnement d’ego à la mesure des prébendes obtenues de la caste des responsables de cette nième crise économique qui pointe à l’horizon.
Que voulez-vous ? C’est un trait constant de la situation politique et sociale de notre temps : plus cruelle est la misère qui, telle une lèpre, ronge les masses, plus éclatants sont les privilèges d’une petite caste de miraculés sociaux formant l’édifice de l’aristocratie locale compradore africaine comprenant familles et clientèles.
Illustrant quelques aspects sociaux de cette cécité stratégique, il y a cinq ans environ, une édition spéciale de Germinal, faisait le constat d’une paupérisation en vrille des populations camerounaises en ville et plus particulièrement encore de la paysannerie qui en forme la grande majorité. L’expression, que le lecteur pouvait croire hyperbolique alors parait bien faible aujourd’hui. Qu’on en juge par cet exemple pris dans un domaine pouvant être considéré comme un bon baromètre de l’évolution d’un pays sous-développé : l’investissement social. Bien modeste sous le régime Ahidjo au regard du nombre d’hôpitaux et d’écoles construits, mais réels sous le régime Biya, les services de santé n’ont cessé de péricliter depuis la crise économique des années 1990 pour s’effondrer paradoxalement dans le contexte d’embellie économique retrouvée du fait de l’atteinte du point d’achèvement, comme l’atteste les observateurs les moins suspects de malveillance à l’égard du régime. Désormais, le malade qui vient se soigner dans un hôpital doit se munir de ses compresses, de ses propres médicaments, des gangs de soin, de l’alcool, des seringues ; rien n’est donné à l’hôpital pour un waman (pauvre). Mais, la bourgeoise compradore aux affaires et leurs sous-multiples et sous-fifres (familles au sens africain qui est le plus large possible, maitresses, etc.) se soignent régulièrement et au prix fort, pour une affection bénigne, dans les meilleures cliniques occidentales et aux frais des misérables contribuables camerounais qu’un extrême dénuement exempte du minimum vital. Qu’est devenu le slogan santé pour tous en l’an 2000 ? Une simple incantation.
Le démantèlement de l’embryonnaire système performant d’éducation laissé par le colonisateur et conservé par Ahidjo apparait plus révoltant à l’ère du Renouveau pourtant plus alphabétisé. L’introduction d’un livre au programme scolaire est désormais soumise à la logique des guichets et non à celle de la qualité.  Dans le secteur de l’éducation, comme dans bien d’autres, les slogans font office de réalisations. École ordinaire, promotion collective et démocratique, tous engagés pour une école de qualité, nouvelle gouvernance universitaire et son slogan, un étudiant un emploi, tous ces gadgets n’ont conduit qu’à une privatisation méthodique à tous les niveaux de l’enseignement. Pourtant, à l’examen, l’ordre gouvernant a souvent consenti des moyens colossaux pouvant permettre aux responsables de ces secteurs de se doter de politiques publiques pertinentes. Hélas, leur manque de vision installe ces secteurs dans la sinistrose.
Pour tout dire, sortir le pays du marasme dans lequel il se trouve aujourd’hui, impose une rupture avec la gouvernance aveugle ou par embuscade. Une démocratie sans vision ne peut conduire qu’à l’impasse. C’est le cas de certains pays africains, qui malgré le respect des principes démocratiques, des règles du FMI et de la Banque Mondiale demeurent des pays sous-développés, car en panne de vision.

Étienne Lantier


Mensonges explosifs

S’il est vrai qu’au centre du jeu politique se trouvent la ruse et le mensonge, c’est-à-dire la tromperie délibérée, organisée, calculée, on doit reconnaître que Paul Biya exagère en allant au-delà. Il recourt constamment et sans scrupule au mensonge pour se maintenir au pouvoir. Les mensonges répétés de Paul Biya ont fini par lasser les Camerounais. Ces derniers comprennent que ses promesses n’engagent que ceux qui y croient et que le moment est venu de prendre leur destin en main.
Avec la rencontre tripartite à Yaoundé, en novembre 1991, Paul Biya étale au grand jour sa volonté de fragiliser l’opposition et même de la décapiter. Le pouvoir refuse ainsi d’élargir l’ordre du jour aux questions relatives à la constitution, au code électoral et au code médiatique. L’opposition se retrouve ainsi piégée. Elle accepte cependant de prendre part à une rencontre dont toutes les modalités ont été fixées unilatéralement par le gouvernement: désignation du président de séance, fixation de l’ordre du jour, choix du lieu de la rencontre et invitation des ‘’personnalités indépendantes’’. Pendant toute la rencontre, Paul Biya, à travers ses affidés, s’illustre par un machiavélisme de haut vol. Le pouvoir utilise tout son cynisme pour parvenir à ses fins. On parle alors de consensus. Ce prétendu consensus.
Les adversaires des positions gouvernementales se voient collées, un contradicteur, le temps d’une concertation, en coulisses. Le duel Samuel Eboua/Robert Mbella Mbappe retient l’attention. Les deux personnalités sont originaires du département du Mungo. François Sengat Kuo et Augustin Kontchou Kouemeni s’illustrent dans une passe d’armes. Le premier a été l’imminence grise du président Ahidjo puis de Biya avant de se mettre au service de l’opposition. Le second s’illustre comme le porte-voix du Cameroun, après le retour au multipartisme.
Pendant la Tripartite, le pouvoir réussit à diviser le clergé catholique. Mgr Jerome Owono Mimboé est chargé de ‘’contrer’’, le cardinal Tumi, favorable aux thèses des partis d’opposition. Sous la contrainte, le gouvernement finit par accepter certaines propositions de l’opposition. Le Premier ministre Sadou Hayatou s’engage, au nom du chef de l’État, à respecter les engagements de la rencontre tripartite.
Les partis de l’opposition partent de la Tripartite divisé, tout en gardant l’espoir que le « consensus » auquel ils sont parvenu sera respecté. Erreur ! Car il est apparu avec le temps qu’il ne s’était agi que d’un pseudo-consensus. Pour preuve le malaxage permanent de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 issue des accords de ses assises dans l’optique de maintenir Paul Biya au pouvoir ad vitam aeternam. La rencontre Tripartite restera dans les mémoires des Camerounais comme n’ayant été qu’un mirage.
Maheu
Source: Germinal n°083.


Paul Biya : l’immobile à grand pas vers l’émergence

On peut tout reprocher au président camerounais sauf sa propension à faire de belles promesses. La toute dernière en date : « Faire du Cameroun un pays émergent à l’horizon 2035 ».
L’idée a séduit plus d’un. Mais, au fil des ans, les faits ou surtout l’absence des faits ne cessent de faire déchanter. Et à cause de l’inertie, il n’est pas jusqu’à son initiateur qui y croit encore ! Pour marquer une innovation dans sa nouvelle promesse, le président de la République a tenu à ce qu’elle soit accompagnée d’un document de référence. Une sorte de boussole devant orienter tous les acteurs mobilisés pour conduire le Cameroun à son émergence annoncée pour 2035. Le Document de Stratégie pour la Croissance et l’emploi (DSCE) est ainsi rendu public en août 2009. Ainsi, suivant le DSCE l’Émergence du Cameroun passera par la réalisation de quatre objectifs : (1) la réduction de la pauvreté ; (2) l’atteinte du stade de pays à revenus intermédiaires (3) l’atteinte du stade de nouveau pays industrialisé et (4) la consolidation du processus démocratique et de l’unité nationale dans le respect de la diversité qui caractérise le pays. Six ans après son adoption, le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi semble avoir connu le sort de tous les bons textes dont se dote régulièrement le Cameroun. Il est rangé au magasin des accessoires.
Dans la pratique, les fonctionnaires et autres acteurs chargés de conduire le Cameroun vers l’Émergence ont renoué avec les vieilles pratiques. Pour s’en convaincre, il suffit de parcourir les rapports du Centre d’analyse et de Recherche sur les politiques économiques et sociales du Cameroun (Camercap-Parc). Cet organisme parapublic dans un sursaut d’objectivité ne cesse de lister les pesanteurs qui t empêcheront le Cameroun d’être émergent en 2013.  Dans son dernier rapport publié en août 2015, le Camercap-Parc pointe la mauvaise « qualité de l’administration publique », l’ « accaparement du pouvoir d’État par des groupes d’intérêts », l’absence de mérite et de l’éthique »…
Dans son discours à la nation le 31 décembre 2013, le chef de l’État avait vertement fustigé le manque de coordination gouvernementale. Seulement, il a laissé les mêmes ministres étaler leurs divergences sur la place publique pendant près de deux ans ! En 2015, dans les mêmes circonstances, il a fustigé l’administration publique et sa bande de fonctionnaires installés pour se servir et non pour servir les usagers. Là encore, les mesures pour instituer la rigueur et la moralisation n’ont pas été prises par le président. Un peu comme s’il suffisait de critiquer pour que les choses changent miraculeusement.
Résultats des courses, tous les quatre objectifs pour l’émergence repris plus haut connaissent un insurmontable retard. La pauvreté ne cesse de croitre et le peu de richesse produite ne profite qu’à une minorité qui s’enrichit au détriment de la masse.

Insurmontables retards
Six ans après l’adoption du DSCE, le constat est clair, à savoir que le Cameroun est loin d’être sur le chemin de l’émergence. La richesse est faiblement produite et inégalement répartie. L’industrialisation du pays est restée un slogan à cause de l’absence des infrastructures de base, de l’insuffisance criarde de l’énergie électrique pourtant condition sine qua non du décollage industriel, de la pression fiscale…En ce qui est des projets devant booster la production électrique au Cameroun à savoir les barrages de M’mvelle et Mekin, les travaux ont connu des retards.
Côté pouvoir, la volonté de faire avancer les choses au rythme soutenu se limite à quelques grands discours ! Illustrations de ces retards à travers quelques extraits du DSCE : « Dans le souci d’utiliser rationnellement les ressources disponibles tant en personnels, en infrastructures qu’en équipements, l’État mettra en place de grands établissements d’enseignement technique qui engloberont sur le même site les CETIC et les lycées techniques actuels. Les filières créées au sein de ces établissements seront adaptées aux zones agro écologiques du Cameroun pour disposer d’un vivier de professionnels des métiers de la pêche, des forêts et de l’artisanat, notamment. Cette spécialisation tiendra également compte des grands projets à réaliser dans le pays » (p.78). Plus loin, le DSCE prévoit « l’amélioration de la production agricole avec les bassins de production de riz à Yagoua, Ndop, Santchou, Maga » (p. 109). De simples annonces spectaculaires. Au lieu de se transformer en véritable ingénieur de l’émergence en visitant régulièrement les chantiers y afférents pour imposer le respect des délais et des normes comme on le voit ailleurs, au lieu de faire le tour des campagnes pour constater l’enclavement qui réduit à néant les efforts des villageois obligés de laisser pourrir 40 à 50% de leur production faute de routes ou à cause des tracasseries policières, Paul Biya préfère tout faire (ou ne rien faire ?) à partir de son palais douillet d’Etoudi.
Olivier Atemsing Ndenkop


Hôpitaux : des mouroirs du Renouveau

Aujourd'hui, les centres hospitaliers camerounais inspirent inquiétudes et mort plutôt qu’assurance et santé. En témoignent les scandales à répétition : Affaire des bébés volés, Affaire Monique Koumateke…
L’image a fait le tour du monde. Une femme procédant à une césarienne post mortem à l’entrée de l’hôpital Laquintinie de Douala en 2016 ! Chirurgienne de circonstance, la sœur de Monique Koumatete voulait sauver la vie des jumeaux que cette dernière portait en son sein. Hélas, les jumeaux mourront comme leur mère Monique Koumateké!
On croyait la page tournée. Que non. Quelques mois après le drame de Laquintinie, une autre Camerounaise a perdu son quintuplés à l’hôpital central de Yaoundé. Ici, la cause aussi était aussi simple qu’incroyable : absence de couveuses. Inimaginable pour un pays qui entend être émergent dans moins de deux décennies.
Greffé à l’hôpital général de Yaoundé pour améliorer la qualité des soins de santé, l’Hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé est entré dans la conscience collective à travers une scabreuse affaire de bébé volé. En effet, une jeune fille, Vanessa Tchatchou y ayant suivi ses visites prénatales, sera délestée de sa progéniture une fois sortie de ses entrailles. L’affaire fit grand bruit entre 2011-2012. La détermination de Vanessa Tchatchou restera vaine. L’enfant ne sera pas restitué. Mais l’affaire aura le mérite de délier les langues. Avec la médiatisation que l’ « affaire du bébé volé de Vanessa » connaitra, d’autres femmes osent désormais révéler leur affaire à elles. C’est ainsi que des cas de vol d’enfants sont signalés dans d’autres hôpitaux à Yaoundé (hôpital de la police) et ailleurs. À cela il faut ajouter l’esprit mercantile qui a fait son nid dans les hôpitaux. Les patients sont devenus de véritables vaches à lait. Au mépris du serment d’Hippocrate qu’ils ont prêté, les médecins et autres aides-soignants ne s’occupent désormais que des patients qui ont de l’argent; s’érigeant au passage en chantre du chantage et de la corruption. La faiblesse et la vétusté du plateau technique ne sont pas un gage de fiabilité. Autant de manquements qui ont considérablement terni l’image des hôpitaux publics.
Les usagers se sont tournés vers les structures sanitaires pour espérer être mieux servis. Mais globalement, les mêmes maux reviennent : vénalité du personnel soignant, absence d’équipements…
Et pourtant, comme l’a reconnu le ministre de la Communication le 4 mai 2016, « un pays qui se développe est un pays en santé ». Issa Tchiroma s’exprimait ainsi lors d’une conférence de presse donnée dans ses services en compagnie de son collègue de la santé publique, André Mama Fouda.
Nos ministres et assimilés sont les premiers à avoir constaté cette descente aux enfers du système sanitaire national. Convaincus qu’on a autant de chances de guérir dans nos hôpitaux que d’y mourir, ils quittent le pays dès les premiers signes précurseurs d’une maladie même bénigne pour aller se faire soigner ailleurs.
Pourtant, tous les experts s’accordent à dire que le meilleur moyen de réduire les taux de morbidité et de mortalité dans un pays consiste à lui doter d’une assurance maladie. Au Cameroun, l’idée est agitée depuis des années, mais les faits, comme d’habitude, tardent à venir. En effet, dans sa section « protection sociale », le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi prévoit pourtant : “Le gouvernement, dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et les exclusions, s’est engagé à consolider les acquis, réorganiser structurellement les organismes de sécurité sociale existants d’une part et à élargir le champ d’application matériel, personnel et professionnel de la sécurité sociale au plus grand nombre d’autre part, notamment vers les catégories jusque-là en marge du système. Dans cette optique, deux projets de loi-cadre ont été élaborés. L’un portant sur le régime de la sécurité sociale prévoit un dispositif comprenant : (i) la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM), (ii) la Caisse Nationale des Personnels de l’État (CNPE),(iii) la Caisse Nationale de Sécurité sociale (CNSS), (iv) les mutuelles de santé (pour les risques maladie) et les mutuelles sociales (pension, vieillesse, invalidité, décès, chômage, etc.), p.81
Six ans après, ces réformes restent de simples promesses. Et pourtant, la Caisse nationale d’Assurance maladie (CNAM) par exemple aurait permis à plusieurs personnes démunies de bénéficier des soins de santé partiellement pris en charge par la CNAM. De leur côté, les médecins soigneraient les patients sans au préalable leur exiger d’asphyxiantes espèces sonnantes et trébuchantes, mais convaincus qu’ils seront payés à coup sûr par la CNAM. Avec un personnel en bonne santé, les entreprises augmenteront leur productivité. L’État en tirera profit avec des impôts et taxes en hausse. Le nombre de décès diminuera, augmentera la main-d’œuvre si importante pour relever les défis d’une véritable l’Émergence.
O. A. N


Paul Biya, le président du verbe

Ses discours sont en réalité des aveux d’incapacité.
Pour le bonimenteur Paul Biya, il est vain d’appliquer des thérapies de choc à un patient atteint de maladies presqu’incurables comme le Cameroun. Il suffit seulement de poser un bon diagnostic. Et la corruptocratie sera balayée. Le marchand d’illusion mérite le prix Nobel des incantations et de la diversion politique!.  Morceaux choisis.
2000 (31 décembre) : « je veux parler de la restauration de la morale publique et privée. Ce n’est pas une tâche facile, car le mal s’est profondément incrusté dans les habitudes à la faveur de la crise. Le gouvernement s’efforce d’appliquer des stratégies de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption.»
2004 (31 décembre) : Dans la pratique, les grandes ambitions pour le Cameroun signifie : « que nous allons continuer d’avancer résolument dans la voie du progrès démocratique, […] en assurant le respect des droits de l’homme, en défendant l’intérêt général, notamment en luttant contre la fraude et la corruption ».
2005 (31 décembre) : « Il y a évidemment une totale incompatibilité entre les efforts que nous déployons pour faire reculer la pauvreté et l’enrichissement scandaleux de quelque uns. Le détournement de fonds publics se fait, faut-il le rappeler, au détriment de la communauté nationale. Je voudrais dire aujourd’hui qu’il faut que cela cesse ».
2006 (31 décembre) : l’une des raisons qui fait que le Cameroun tarde à assurer son décollage économique « est imputable à la corruption, à la fraude et la contrebande qui font passer l’intérêt personnel avant l’intérêt général. Les sanctions sévères qui ont été prises ont fait reculer le mal, mais il reste tapi dans l’ombre. Nous saurons le débusquer.»
2006 (21 juillet) « Nous avons encore un grave problème de morale publique. Malgré nos efforts pour les combattre, la fraude, les détournements de deniers publics, la corruption continuent de miner les fondations de notre société. J’ai eu souvent à m’exprimer sur le sujet et à dire ma détermination à éradiquer ces comportements asociaux. Des sanctions sévères ont été prises au cours des derniers mois. Nous n’allons pas nous arrêter en chemin. Ceux qui se sont enrichis aux dépens de la fortune publique devront rendre gorge. »
2008 (3 juillet), « Les résultats obtenus n’ont pas été à la hauteur de toutes nos attentes. Il était donc nécessaire de se demander pourquoi, d’identifier les obstacles rencontrés et d’en tirer les leçons. […] Certes, la crise mondiale qui a atteint le Cameroun […] Mais la crise n’explique pas tout. Globalement en effet, notre économie a été plutôt moins touchée que d’autres. Pour dire les choses clairement, je crois que nous avons manqué de dynamisme. L’inertie que j’ai souvent dénoncée a repris le dessus. Malheureusement aussi, la corruption, même si elle est vigoureusement combattue, continue de freiner notre action »
2009 (31 décembre) « Mais la démocratie c’est aussi la préservation de la fortune publique. C’est pourquoi nous avons entrepris de lutter sans merci contre la corruption. Qu’on ne s’attende pas à ce que nous nous arrêtions en chemin. Nous irons jusqu’au bout, quoi qu’en disent certains.
De la même façon, nous ne laisserons pas s’installer un climat d’insécurité qui perturbe la vie de nos concitoyens dans les centres urbains et les zones rurales. Nous sommes déterminés à mettre les moyens qu’il faudra pour éradiquer les phénomènes du grand banditisme et des coupeurs de route.
»
2011, (Ebolowa, 17 janvier 2011) « L’agriculture « constitue une mine de richesses énorme pour notre pays, mais son potentiel reste encore largement sous exploité. La conséquence la plus paradoxale est que notre pays, pour nourrir ses populations, est obligé d’importer des denrées que non seulement il pourrait produire, mais aussi qu’il pourrait exporter… et ceci évidemment aggrave le déficit de notre balance commerciale au lieu de le résorber… Une telle situation n’est pas tolérable »
2011 (31 décembre) « Je pense que, dans le passé, l’action gouvernementale a souffert d’un déficit d’esprit d’entreprise et que l’administration a péché par immobilisme. Nous devons venir à bout de cette inertie qui nous a fait tant de mal.
Autre ennemi sournois et redoutable, la corruption.
[…] J’ai dit à plusieurs reprises que nous continuerons sans relâche le combat contre ce fléau. La création du Tribunal Criminel Spécial, dont on peut attendre une accélération des procédures en cours et, on peut l’espérer, le reversement des sommes détournées, illustre notre détermination en la matière. »
2013 (31 décembre) « Sans doute faudra-t-il impérativement s’attaquer aux causes de nos insuffisances en supprimant les points de blocage, les zones de dispersion et les doublons. Serions-nous incapables de faire ce que d’autres pays comparables au nôtre ont fait ou sont en train de faire ? Je ne le crois pas. Nous avons des hommes, des femmes et des jeunes talentueux, ingénieux, bien formés et entreprenants, capables de relever ces défis. Nous avons des ressources naturelles, abondantes et variées. […]. Alors que nous manque-t-il ? Je crois que nous avons des progrès à faire sur deux points importants : la primauté de l’intérêt général et la coordination de nos efforts […]
La plupart de nos grands projets mettent en jeu, à un stade ou à un autre de leur mise en œuvre, les compétences de divers services. Je ne suis pas sûr que l’indispensable coordination entre ceux-ci ait toujours lieu. Il nous faudra sans aucun doute améliorer les choses de ce point de vue. »


Paul Biya ou le degré zéro de la communication

Les experts en communication reconnaissent que les « silences présidentiels » sont la preuve de son incapacité à dialoguer avec les médias et à tenir des propos cohérents sans “bordereau” ou aide-mémoire.
Il est facile d’établir que depuis son accession aux hautes fonctions de l’Etat, Paul Biya, le président de la République parle peu. Jamais il n’a accordé une interview aux médias privés. En dehors de quelques interviews arrangées à l’avance avec Charles Ndongo, le chef de l’Etat s’est toujours payé une “ expertise “ étrangère pour polir son image. Il en est de même du rafraîchissement du site Internet de la Présidence. Le 12 janvier 2008, Paul Biya reçoit Patricia Balme, présidente de P.B.Com international, une agence française privée de communication, et Fernand De Labrosse, présenté comme l’un des conseillers en communication du chef de l’Etat français, Nicolas Sarkozy. Dans les colonnes du quotidien gouvernemental, Cameroon Tribune, et la Crtv, l’office public de radio et télévision, les deux Français confient aux journalistes que leurs discussions avec le chef de l’Etat camerounais avaient porté sur les technologies de l’information et de la Communication (tic). En réalité, l’enjeu était de convaincre Paul Biya de la possibilité d’assurer la promotion internationale de son image et celle du pays par l’entremise des autoroutes de la Communication. Bénéficier par conséquent  d’un contrat de stratégie avec Paul Biya. Après avoir réussi le “ coup “ de l’interview du président camerounais sur France 24 en octobre 2008, Mme Balme voulait livrer un site Internet à Paul Biya comme le relevait notre confrère Christophe Bobiokono à l’époque. Jusqu’à présent, rien n’a filtré sur le coût des transactions qu’on n’imagine bien élevé.
Paul Biya préfère communiquer dans médias occidentaux. À coup de milliards de francs Toujours. Même les coups de gueule contre Jeune Afrique, qui sait si bien se prendre avec les autorités camerounaises qui n’hésitent pas à faire publier dans les colonnes de cet hebdomadaire panafricain des publi-reportages, ne trompent personnes.
Une évidence s’impose à tout observateur : Paul Biya fuit et a toujours fuit les médias locaux qui font face à une sorte d’omerta communicationnelle avec le fameux “New deal communicationnel”. Les affirmations de certains communicateurs qui soutiennent le contraire et tentent de démontrer que Paul Biya communique, même en gardant le silence, ne changent pas grand-chose. Le 22 mai 2015, François Marc Modzom s’est totalement fourvoyé lors de la soutenance de sa thèse de Doctorat Phd sur « les silences présidentiels et l’analyse des dispositifs et du traitement médiatique de la communication politique de Paul Biya ». Il avait éhontément soutenu avec détermination que le chef de l’Etat communique. L’examinateur Daniel Anicet Noah n’avait pas hésité à critiquer le parti-pris manifeste du candidat quand il écrit à la page 24 qu’ « il intervient régulièrement dans la communication présidentielle ». Il lui avait fait savoir qu’il n’avait pas pris de la distance.  D’après cet expert en communication, François Marc Modzom a choisi des informateurs spéciaux tels que Alim Ayatou, Charles Ndongo, Michel Njock Abanda, etc. « Il veut sacraliser le chef de l’Etat ! Au début, je me suis demandé si ce n’était pas un discours de positionnement ». Le professeur Zambo Belinga, un autre membre du jury était également resté sur sa soif : « Le candidat n’a pas compris que Paul Biya est surtout intervenu en période de crise. En 1984, 1986, 1991,1992 touts comme en 2008, il a parlé. Mais comme d’habitude, il n’a accordé aucune interview ». N’en déplaise à Jacques Fame Ndongo, président dudit jury pour qui a estimé que «les silences supposés de Paul Biya peuvent être considérés comme une pure construction médiatique ». Les faits sont têtus et prouvent le contraire. La véritable séduction politique est charmeuse et pro-active voire utilitaire
Yvan Eyango


Paul Biya, un jouisseur impénitent

« Je ne me considère pas du tout comme celui qui connaît le mieux M. Paul Biya aujourd’hui. Certes il y a eu un moment dans les années 50, où nous nous fréquentions beaucoup. C’est lorsque nous étions de jeunes étudiants à Paris. Je précise que ces fréquentations se situaient sur le plan purement personnel, fraternel. Par exemple lorsque je me suis marié à la fin de 1957, Biya est venu assister naturellement à mon mariage à l’Hôtel Lutetia et à l’Église. Il en a même été l’un des garçons d’honneur. J’aurais fait la même chose pour lui s’il avait pris femme à l’époque.
Dans d’autres domaines, en revanches, il n’y avait pas beaucoup d’entente entre nous. Je peux même vous confier qu’en matière syndical et politique, nous nous situions à plusieurs années-lumière l’un de l’autre, pour ne pas dire dans deux univers diamétralement opposés. Biya lui, appartenait au groupe des « aujoulatistes », c’est – à – dire des partisans du Dr Aujoulat, chef de file puissant de ceux qui combattaient, en France et au Cameroun, le nationalisme Camerounais, les patriotes Camerounais sortis du peuple, et l’indépendance de notre pays. Moi, j’étais un militant actif de l’Association des étudiants camerounais, véritable pépinière du nationalisme et du patriotisme camerounais.
Vous me demandez si le Biya d’aujourd’hui ne privilégie pas l’argent et les biens matériels en général. Je me permets de vous ramener aux années 50 pour vous raconter une anecdote.
Un dimanche, à la Cité universitaire de Paris où j’habitais alors, nous sommes partis un certain nombre, en groupe, pour aller déjeuner au restaurant de la Maison Internationale, le seul qui ouvrait le dimanche dans le secteur. Au retour, nous sommes montés six ou sept dans ma petite chambre pour aller continuer notre chahut d’étudiant. Parmi les chahuteurs, quatre Camerounais dont Biya, un Togolais, ma fiancée française, une normalienne que j’emmenais déjà aux réunions de l’Association et que Biya connaissait bien. À un moment, nous l’avons entendue interpeller Biya en disant. « Mais qu’est-ce qui t’intéresse donc dans la vie, jeune homme. Je ne te vois jamais aux réunions de l’Association des étudiants camerounais… » Biya lui a répondu du tac au tac : « Ce qui m’intéresse dans la vie, ma chère ? Je vais te dire : un bon compte en banque, de belles maisons, de belles voitures… »   
Les acquisitions immobilières que le président Biya a accumulées depuis son affectation à Etoudi en 1982 montrent qu’il a pleinement rempli son rêve de jeunesse. La dernière de ces acquisitions est sa somptueuse villa du quartier Bastos à Yaoundé, à côté de l’ambassade des Etats Unies. Villa construite en pleine crise, pendant qu’on demandait à tous les Camerounais de serrer la ceinture. À tous, sauf à lui, Camerounais d’exception n’est-ce pas, et par la volonté de qui ? Dans l’intérêt de qui ? »
Abel Eyinga
Source : Germinal n°001


Insécurité : le lourd passif du Renouveau

Sous le Renouveau, le spectre de la sécurité a pris le large dans certaines régions, notamment à l’extrême nord du Cameroun, en raison de l’abandon criminel et l’extrême indigence des populations.
Sur le plan diplomatique, la situation du Cameroun préoccupé au plus haut point les autorités et la communauté dite internationale. Le Département d’État américain vient de réagir à certaines allégations qui font du Cameroun, une destination dangereuse. Il ne reconnait pas avoir classé le Cameroun comme l’un des pays les plus dangereux au monde. La précision a été apportée par l’ambassade des États-Unis au Cameroun : «Contrairement aux récents articles publiés dans certains médias camerounais, le Département d’État et le Conseil pour les relations internationales n’ont pas classé le Cameroun comme le deuxième pays le plus dangereux au monde». Dans un droit de réponse signé le 16 février, le service de communication de l’ambassade des USA affirmait déjà qu’ « il n’y a jamais eu un tel rapport publié par le gouvernement américain ». Au contraire, les États-Unis « pensent que le Cameroun est un pays paisible en dépit des défis liés à Boko Haram ». Toutefois, « il y a cependant un avertissement pour les voyageurs en vigueur mentionnant les préoccupations dans la région de l’Est et demandant aux citoyens américains d’éviter tous voyages dans les régions du Nord et de l’Extrême–Nord à cause des menaces sécuritaires actuelles ».
Nous sommes en diplomatie et ces gymnastiques verbales se justifient. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Cameroun se meurt, car quadrillé par l’insécurité. À l’Est, dans le septentrion, la menace plane. Le spectre des otages bat son plein jusqu’à présent. Cette insécurité grandissante doit bel et bien être considérée comme un passif du régime en place. Gouverner, c’est prévoir a-t-on coutume de dire. Les autorités camerounaises n’ont rien fait pour éviter cette guerre ruineuse. D’après les estimations du Fmi, la guerre contre la secte islamiste Boko Haram aurait coûté entre 170 et 340 milliards de F.cfa. Inutile d’entrer dans les détails dans ces régions, mais l’actualité quotidienne montre à suffisance que la situation s’est empirée dans l’Extrême-Nord de sorte qu’au cours d’un mini-sommet sur la sécurité dans la sous-région d’Afrique centrale à Paris, le 17 mai 2014, Paul Biya indiquait à la presse : « Nous sommes ici pour déclarer la guerre à Boko Haram ». Après cette déclaration, le pays est devenu la cible de nombreuses attaques de la secte islamiste nigériane. De nos jours, dans l’Adamoua, l’insécurité semble avoir envahi tous les quartiers. À l’exception du Mayo Banyo, tous les autres départements sont concernés par le phénomène des prises d’otages. Le 8 février dernier, au cours d’une rencontre organisée à Women’s International League for Peace and Freedom (Wilpf) a indiqué qu’actuellement au Cameroun, 34 000 armes légères sont en circulation.

Enlèvement
Boko Haram a particulièrement sévi dans l’Extrême-Nord. Six des dix enseignants de langue chinoise de l’université de Maroua (Uma) ont quitté l’établissement le 26 mars 2016 pour des raisons d’insécurité. La plupart des chancelleries ont rappelé leurs compatriotes vivant dans la région de l’Extrême-Nord. Des enlèvements à Ngaoundéré battent leur plein. Le Quotidien Le Jour du 14 mars 2016 révèle que « 18 personnes, pour la plupart des éleveurs, ont été enlevées dans la journée de samedi 12 mars 2016, dans les villages Saltaka, Tchabal-Naboul, Tchabal-Mounguel et Margol par un groupe d’hommes lourdement armés et habillés en tenues militaires ». Les victimes sont des éleveurs, commerçants et des adolescents vivants dans les localités touchées par ce rapt.
Des fronts ou des ilots d’insécurité se sont installés dans l’Extrême Nord du pays et à l’Est. Les enlèvements des populations, les assassinats se poursuivent malgré la résistance de l’armée camerounaise. Le gouvernement camerounais ne semble pas avoir suffisamment pris la mesure de ce danger que représente le terrorisme qui défie quotidiennement les autorités traditionnelles, les autorités administratives.
Le Cameroun est en guerre. Avec la porosité de nos frontières, toutes les mesures nécessaires s’imposent pour assurer la sécurité du pays à ses frontières et assurer, à l’intérieur, la sécurité des hommes et des biens. L’insécurité est aggravée par la confusion instaurée autour de la délivrance des Carte nationale d’identité (Cni) et l’établissement des actes d’état civil, qui a fait en sorte que plusieurs étrangers et même des djihadistes , Au cours de la réunion des Élites du Nord tenue le 02 juin 2014, au sujet de Boko Haram, le Dgsn Martin Mbarga Nguélé a déclaré parlant de la Cni: « nous disons que l’objectif de sécurisation de la CNI n’a pas été atteint comme souhaité. Le faux s’y était installé. C’est la raison pour laquelle certains adeptes de Boko Haram ont la nationalité camerounaise. Nous allons y veiller désormais”. Des Camerounais se demandent comment on est arrivé à cette situation critique dans le septentrion. Selon le récent rapport de l’Institut national de statistique (INS) sur la 4e enquête camerounaise auprès des ménages (Ecam 4), le septentrion est passé d’environ 7,1 millions en 2007 à 8,1 millions en 2014 sur une population estimée à 22 millions d’habitants. Le Grand- Nord n’échappe pas à cette évolution de la démographie. Mais, la pauvreté s’accroit également. Selon les enquêtes Ecam 2, 3 et 4, la région de l’Extrême-Nord caracole en tête avec 74,3% de personnes pauvres, contre 65,9 en 2007 et 56,3 en 2001. Le Nord lui emboite le pas avec 50,1 en 2001 ; 63,7 en 2007 et 67, 9% en 2014. La région de l’Adamaoua n’est pas épargnée, bien qu’elle ait connu une petite baisse en 2014. De 52,9% en 2007, le pourcentage de la frange de la population pauvre est descendu à 47,1% en 2014. L’indigence des populations a fait en sorte que cette région devienne une terre fertile pour les actions de Boko Haram ou il a procédé aux recrutements. Si l’État n’avait pas « pénétré » en brousse pour reprendre une formule chère à Jean Marc Ela, nous serions donc en paix. Au cours de sa dernière visite d’État au Nigeria les 3 et 4 mai 2016, Paul Biya a déclaré entre autres : « Je crois que les pays de la zone du Lac Tchad, et particulièrement le Nigeria et le Cameroun, auront intérêt, une fois le phénomène terroriste éradiqué, à se concerter pour en prévenir la réapparition. Il s’agira bien entendu de dispositions communes d’ordres militaire et sécuritaire, mais aussi de mesures de nature à accélérer le développement des régions concernées. Nous savons, en effet, que le sous-développement, c’est-à-dire la pauvreté et l’ignorance favorisent les entreprises de mouvements terroristes tels que Boko Haram. » Mais pourquoi n’a-t-il prévenu cette situation avant ? Encore moins assurer le développement des populations camerounaises en général et du septentrion en particulier ? L’histoire retiendra cette infortune comme l’un des passifs du Renouveau.
Ikemefuna Oliseh


Un destin si funeste

1- Ceux qui nous gouvernent ont posé comme intangible la résolution suivante : ne montrer aucun signe de faiblesse. Ils l’ont tenue et appliquée, en l’interprétant ainsi : il ne faut faire aucune concession, sinon pour la forme, en la vidant de tout contenu ou à titre de ruse et de diversion avant d’user de la force. Jamais, aucun membre de ce régime n’a reconnu d’erreur sinon en termes généraux et abstraits du genre : « nul n’est parfait », « toute œuvre humaine est perfectible ». Tripartite, législative, présidentielle ont été menées quand et comme ils l’ont entendu. Il n’est pas douteux qu’ils continuent de la sorte.
2- Ils ont posé que le pouvoir d’État consistait dans le monopole de la violence et des ressources financières nationales. Gouverner, en ce cas, ne consiste pas à prévoir, à permettre à une communauté historique donnée de prendre les décisions et d’entreprendre les actions qui assurent la survie et la vie bonne à l’encontre des forces de la nature et des ennemis du dedans et du dehors. User de ses capacités d’intimider, d’emprisonner, de tuer, ne devient acte de gouvernement que si cela est reconnu comme partie du contrat immémorial qui lie l’homme à l’institution politique, où l’on donne contre la protection et la confiance. Mais, quand l’État est devenu le plus grand agent provocateur d’insécurité, quand l’entretien de celle-ci est un moyen ordinaire de régner, il n’y a plus d’État.
Il en va de même des ressources et des avantages sociaux. On en a conçu l’usage de la façon suivante : les donner à ses amis, frères et alliés pour s’assurer leur attachement ; pour constituer avec eux ceux qui peuvent réduire les autres à être leurs clients ou leurs dépendants ; enfin pour avoir avec eux les moyens de repousser toute tentative de porter atteinte aux privilèges acquis, soit en réprimant, soit en corrompant. Or, la juste répartition des biens matériels et moraux est constitutive de la société politique et c’est d’y veiller et d’y pourvoir qui justifie l’exercice du pouvoir. Citons les deux principes de la justice qu’on ne peut négliger structurellement ou constamment sans renoncer à la prétention d’être un État, et surtout un État moderne, sans perdre toute légitimité : « En premier lieu : chaque personne doit avoir un droit égal au système le plus étendu de libertés de base légale pour tous, qui soit compatible avec le même système pour les autres. En second lieu : Les inégalités sociales et économiques doivent être organisées de façon à ce que, à la fois, (a) l’on puisse raisonnablement s’attendre à ce qu’elles soient à l’avantage de chacun et (b) qu’elles soient attachées à des positions et à des fonctions ouvertes à tous ».
3- La troisième maxime du pouvoir établi est que la domination des hommes, par la répression, le mensonge, leur mise au pas, est la condition nécessaire et suffisante pour le redressement économique. D’abord la politique (tranquillité de l’«ordre ») et les investissements, les affaires, les aides, suivent nécessairement. Une telle option signe l’exclusion de notre État de la modernité, de sa rationalité, du principe d’efficacité. On ignore que c’est la recherche de la production et de la productivité qui exige la liberté des individus, l’égalité devant la loi et la participation juste aux biens sociaux. Les Droits de l’Homme, les droits civiques, ne sont pas un luxe. Ils sont une condition de survie de l’État moderne et de ses citoyens. Ils sont devenus une « nécessité technique ». C’est elle qui exclut les considérations tribales, religieuses, les différences de statut, les vaches sacrées de toutes sortes « l’Etat qui veut rester moderne sur le plan du travail social parce qu’il veut être capable de résister à la concurrence, à la pression et, le cas échéant, à la violence et autres, n’a pas la possibilité de renoncer à ce qui fonde ce travail moderne.
Or, il ne peut y avoir de travail universel là où interviennent des considérations autres que celles de l’efficacité, où donc un certain pourcentage des forces humaines disponibles (intellectuelles et physiques) est laissé en dehors du jeu et n’est pas recruté pour la lutte avec la nature extérieure. L’industrie moderne, non par conviction morale mais par nécessité technique, a poussé l’abrogation de toutes les formes d’esclavage ; l’organisation sociale a tout fait pour supprimer les différences de statut personnels ; la forme même du travail a exigé que la loi fût rationnelle (cohérente et ainsi calculable dans ses effets) et que, au lieu des sentiments, des vues et des convictions d’une personnalité sage, juste, divine, les règles de formalisme juridique fondent les jugements ». Il faut y insister : les idéaux de liberté, d’égalité s’alimentent aux sources « ethico-mythiques » de l’Occident gréco-romain et judéo-chrétien, mais leur mise en œuvre effective est requise par la structure économique des sociétés d’accumulation capitaliste, de science appliquée à la production et à la productivité. C’est cette société-là, du travail et du progrès, qui chante la grandeur et la splendeur des Droits de l’Homme et qui va en croisade en leur nom. Pour elle, l’égalité veut d’abord dire que l’industrie, la croissance, la production ainsi que la compétition demandent « l’emploi de toutes les forces disponibles, le formalisme juridique, c’est-à-dire, la possibilité de tous les différends pouvant survenir entre ceux qui jouent les rôles sociaux.»
Fabien Eboussi Boulaga
Source : Lignes de résistance, Yaoundé, Clé, 1999, pp. 59-61.