Maurice Kamto à l’école de la pratique politique et à l’heure du recyclage en droit électoral

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À propos du non dépôt des listes du MRC dans certaines circonscriptions électorales
Alors qu’il est l’auteur de deux études en droit électoral (1), Maurice Kamto, le président du MRC ne pourra pas participer aux élections législatives du 30 septembre dans le Mfoundi, circonscription pour laquelle il devait conduire une liste investie par son parti politique ; le MRC ne pourra pas davantage participer à la compétition électorale dans son Haut-Plateau natal ni dans les Bamboutos ni dans Wouri-Est, faute d’avoir présenté ses dossiers à temps.
La situation est d’autant plus étonnante que, dans son étude sur « La liberté du candidat » à la correction de laquelle nous avons été associés, l’intéressé sensibilise ses lecteurs sur « un certain nombre d’exigences légales » que le candidat doit impérativement satisfaire « pour accéder au statut de candidat ».
En raison des graves incohérences, des travestissements ainsi que de la mauvaise foi des acteurs et commentateurs, observés au sujet du non dépôt des listes de candidats du MRC dans certaines circonscriptions électorales, il est utile de rétablir les choses et d’éclairer l’opinion sur les circonstances et sur les arguments pseudo-juridiques invoqués.
Les partisans de Maurice Kamto essayaient encore de se remettre de leur désillusion, au constat que leur champion n’avait finalement essayé de déposer des listes de candidats que dans huit circonscriptions sur les 58 départements où se déroule la compétition pour les élections législatives du 30 septembre 2012, soit une présence souhaitée dans 4,64% de départements. Après le non-dépôt des listes de ce parti dans quatre des huit départements convoités, le taux de présence de son parti politique par département est tombé à 2,32 %. Ce qui classe automatiquement le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) dans la catégorie des petits partis, en comparaison avec les mastodontes que sont le Rdpc, le Sdf et l’Undp.
Ceci entraînant cela, les observateurs de la scène politique camerounaise ont dû constater, en conséquence logique, que l’agrégé de Droit public des Hauts Plateaux qui espérait susciter une dynamique d’unification de l’opposition autour de sa personne, a plutôt été témoin, en marge, d’une dynamique de petits partis de l’opposition s’organisant en dehors de lui, notamment dans le cadre du Pacte républicain qui réunit l’Udc d’Adamou Ndam Njoya, le Cpp de Edith Kah Wallah, l’Afp de Me Bernard Muna et le Padec de Me Momo Jean de Dieu. Pire, ils ont découvert que le Mrc s’est rangé avec le Mouvement citoyen de Théophile Yimgaing Moyo, le Mouvement écologique camerounais (Mec) de Fritz Ngo’o et l’Union pour la fraternité et la prospérité (Ufp) de Olivier Bilé dans la « confrérie des pleureuses » qui essaient de trouver des justifications à leur incapacité à déposer à temps leurs listes de candidats pour des scrutins dont l’échéance, connue longtemps à l’avance, a du reste été repoussée à maintes reprises, afin de permettre à toutes les parties prenantes de mieux s’y préparer.
Mais à la différence de ses nouveaux collègues qui adoptent un profil bas et en appellent à l’indulgence des responsables de l’organisation du scrutin comme Fritz Ngo’o ou s’en remettent respectueusement à la Justice de leur pays comme Olivier Bilé, Maurice Kamto a opté pour des menaces explicites et brutales de recours à la violence politique. « Nous n’hésiterons pas à opposer la force à la force » a-t-il donné comme sûr, au cas où les candidatures que son parti n’a pas pu présenter à temps ne seraient pas admises à la compétition. Il n’a même pas hésité à se dire prêt à en venir au « combat de rue ». Curieux pour un démocrate que l’on dit « fin lettré », qui se déclarait par ailleurs respectueux des institutions et soucieux de mener ses activités politiques dans la paix.
Le président du Mrc n’est pas à une incohérence près. A le suivre, le 17 juillet 2013 avant minuit, ses dossiers étaient à la fois complets et incomplets. Dans sa déclaration publiée dans le quotidien Le Jour du 22 courant, le président de cette formation politique affirme sans équivoque que « [b]ien avant minuit, nous avons envoyé le mandataire de notre parti […] au siège d’Elecam […] Nous y sommes allés avec l’ensemble de nos dossiers, comprenant l’ensemble des pièces requises par le code électoral ». Or, dans le quotidien Mutations paru le même jour, il déclare sans ambages que « [c]es dossiers réunissaient l’ensemble des pièces requises par le code électoral pour être candidat aux élections du 30 septembre 2013, sauf les attestations de cautionnement ».
Si les dossiers du Mrc étaient complets à l’arrivée de ses mandataires à Elecam « [b]ien avant minuit », pourquoi n’ont-ils pas été déposés sans histoires ? Que faisaient des représentants de ce parti politique au Trésor jusqu’à « presqu’au petit matin » ? La réponse est qu’en réalité, les dossiers que portaient les mandataires du Mrc dépêchés à Elecam étaient incomplets, ce qui explique que d’autres émissaires de ce parti politique étaient en quête de certificats de versement du cautionnement au Trésor. Peu importe que les représentants du Mrc aient « passé la nuit à Elecam », munis de dossiers incomplets. Car, chacun sait qu’il ne s’agissait pas pour les candidats ou les partis politiques d’introduire des représentants à Elecam avant minuit, mais d’introduire des dossiers complets à Elecam avant minuit et de les y déposer par la suite.
Maurice Kamto a poursuivi le récit des péripéties de son parti au Trésor dans le quotidien Le Jour : « [c]ertains partis politiques sont arrivés avant nous. […] Et lorsque c’est notre tour, nous sommes presqu’au petit matin. Nos dossiers sont complets, nous voulons les déposer et c’est à ce moment-là qu’on nous dit que nous ne pouvons pas le faire ». Le président du Mrc confirmait ainsi les propos rapportés dans le quotidien Mutations du 19 juillet, où il déclarait que « [l]es représentants du Mrc sont arrivés à Elecam avant minuit ! Seulement, nous ne pouvions pas déposer nos dossiers avant d’y avoir enjoint [sic] les récépissés du versement des cautionnements ». En clair, le Mrc avoue qu’il n’a pas pu déposer les dossiers en cause uniquement en raison de ce que l’ensemble des pièces requises n’étaient pas prêtes avant minuit et non en raison d’un quelconque traitement discriminatoire de Elecam. Deux remarques s’imposent à ce stade.
D’abord, les dossiers querellés du Mrc n’ayant pas pu être déposés, l’on ne saurait parler de « rejet », comme le président de ce parti l’a fait à deux reprises, que dans le troisième sens de ce terme, celui de « ne pas admettre » et « repousser », ce qui signifie que le dossier en cause n’a en fait jamais été déposé. Le terme « rejet » ne peut être utilisé en l’occurrence dans son premier sens, qui renvoie à l’idée de « jeter en sens inverse » et « renvoyer » (Le Petit Robert, 2012), ce qui inciterait à penser que les dossiers litigieux avait été reçus avant d’être par la suite « jetés en sens inverse ».
Dans le langage courant, l’on dit également qu’un candidat est « recalé » au Baccalauréat ou qu’il est refusé à tout autre examen lorsqu’il a déposé un dossier complet, a composé et a échoué. Ce qui est loin d’être le cas en l’occurrence. L’on ne saurait donc davantage parler de x ou de y comme « recalé » par Elecam ou par tout autre organisme, si son dossier n’a même pas pu être déposé.
Ensuite, il est constant que c’est au petit matin que le Mrc a obtenu les certificats de versement du cautionnement pour ses candidats. C’est donc également au petit matin  que les dossiers ont été complétés. C’est enfin au petit matin qu’ils ont voulu déposer leurs dossiers. Cela étant, comment Maurice Kamto peut-il, sans se contredire, tenter de faire croire à l’opinion que le mandataire du Mrc s’est rendu à Elecam bien avant minuit « avec l’ensemble de nos dossiers, comprenant l’ensemble des pièces requises par le code électoral » ?
Il y a pire. En déclarant devant les médias que « [c]ertains partis politiques sont arrivés avant nous. Donc on traite leurs dossiers avant les nôtres. Il est évident qu’on ne pouvait pas avoir traité cela avant minuit, puisque eux-mêmes sont arrivés presqu’à minuit », Maurice Kamto suggère que le Mrc est arrivé au Trésor après minuit. Il est tout à fait vraisemblable que le parti qui suit un autre arrivé « presqu’à minuit » est nécessairement arrivé après minuit. Auquel cas, l’on devrait se demander comment les certificats de versement du cautionnement délivrés au Mrc peuvent porter la date du 17 juillet 2013.
Si l’on retient l’« habitude juridique » (François Luchaire) suivant laquelle celui qui se trouve dans un service avec tous les éléments voulus avant l’heure de fermeture doit être servi avant la fermeture des guichets, un récépissé daté du 17 juillet peut être délivré au petit matin du lendemain à un usager arrivé sur les lieux nanti de tous les éléments avant l’heure de fermeture.
Il en va naturellement autrement ailleurs lorsque ce n’est que le 18 juillet « au petit matin » qu’un dossier affiche complet et que l’on tente de le déposer après l’expiration du délai légal, comme si de rien n’était. Dans ce cas, il est évident que le dossier en cause ne saurait être reçu sans enfreindre les principes de neutralité qui guident le travail d’Elecam, attesté par le rejet par ses soins de quatre listes du Rdpc, le parti dominant lors des élections sénatoriales, le privant finalement, après réhabilitation de deux listes par la Cour suprême, statuant comme Conseil Constitutionnel, de 14 sièges de Sénateur élus.
C’est donc à tort qu’Elecam est accusé de discrimination et que le Mrc feint la perplexité face à la non réception de ses dossiers. Il importe de relever que Elecam applique uniformément la loi à tous les partis politiques. C’est ainsi que, suivant les déclarations du mandataire de l’Udc publiées dans le quotidien Cameroon Tribune du lundi 22 juillet 2013, dans la localité de Tombel, le démembrement d’Elecam a d’abord refusé de recevoir la liste de l’Udc « à cinq minutes de minuit », prétendant que le délai était passé. Ce n’est que grâce à l’intervention du sous-préfet du coin, qui a prouvé que la montre du représentant d’Elecam avait cinq minutes d’avance, que ce parti a pu déposer son dossier dans cette localité.

En jurisprudence également, aucune erreur n’est pardonnée dans le domaine des pièces à produire par chaque candidat. Dans l’affaire Njana Marie Joseph et Mouvement pour la Démocratie et le Progrès (Mdp) Mbanga c. Etat du Cameroun (Minatd), jugement n° 070/06-07/CE du 12 juin 2007, le dossier du Mdp a été rejeté en raison de l’erreur qui a consisté à payer le cautionnement du suppléant Toh Clémentina en lieu et place du candidat titulaire Chia Hyceth, n° 21 sur la liste.
La seule tolérance admise se réalise dans l’hypothèse où des dossiers incomplets sont déposés à temps et que les récépissés sont établis le jour fatidique, avant minuit. Dans plusieurs affaires, le juge électoral camerounais a en effet validé les dossiers des candidats, dès lors que certaines pièces manquantes, non déposées à temps, avaient néanmoins été établies à bonne date. Ce fut notamment le cas dans l’affaire Mpens Tolka c. Etat du Cameroun (Minatd) (Commune de Doume), jugement n° 45/06-07/CE du 12 juin 2007 :

Attendu que le requérant a présenté aux débats le récépissé de dépôt des dossiers de candidature du SDF délivré le 14 mai 2007 par le sous-préfet de Doume ainsi que la quittance de paiement le 11 mai 2007 du cautionnement ;
Que ces pièces ayant été établies dans les délais, le recours est justifié.

Il se trouve toutefois que le Mrc ne se trouve pas dans ce cas de figure où il aurait déposé des dossiers quasi complets où il ne maquerait que les attestations du paiement du cautionnement établies dans les délais, mais qui ne seraient pas parvenues à temps à Elecam, en raison de la distance entre le lieu du paiement et l’organe chargé d’organiser les élections.
Le parti politique de Maurice Kamto n’ayant pas déposé de dossier, il est également difficile d’envisager que ses dossiers soient reçus ou validés à la Cour suprême. Comme plaidé par le représentant de l’Etat en l’affaire Njana Marie Joseph et Mouvement pour la Démocratie et le Progrès (Mdp) Mbanga c. Etat du Cameroun (Minatd), jugement n° 070/06-07/CE du 12 juin 2007, « l’Auguste Chambre est incompétence pour réceptionner le complément du dossier de candidature aux élections ». Une position valable a fortiori pour l’ensemble du dossier. D’autant qu’en matière d’élection des députés à l’Assemblée nationale comme dans le domaine des élections municipales, le législateur est limpide : « [l]es candidatures font l’objet, dans les quinze (15) jours suivant la convocation du corps électoral, d’une déclaration en triple exemplaire […] déposée et enregistrée, contre récépissé, à la Direction Générale des Elections ou au niveau du démembrement départemental d’Elections Cameroon de la circonscription » (articles 164 et 181 du Code électoral).
Il en va de même du Conseil électoral qui ne peut recevoir de dossier de candidature. En vertu de l’alinéa 2 de l’article 10 du Code électoral, cet organe ne peut qu’« examine[r] les dossiers de candidature » reçus par la Direction Générale des Elections. Un guichet spécial de réception des dossiers tardifs du Mrc ne saurait par conséquent légalement être créé ni au Conseil électoral auquel le Mrc a adressé un recours, ni à la Cour suprême statuant en tant que telle (Chambre administrative) ou statuant comme Conseil constitutionnel.
Quant à la saisine annoncée du Conseil constitutionnel par le Mrc, l’on peut se demander sur quelle base une telle requête pourrait valablement être examinée, en l’absence de « la décision motivée de rejet d’une candidature […] faite à l’intéressé par le Directeur Général des Elections » prévue à l’alinéa 2 de l’article 125 du Code électoral.
Il reste que la décision d’Elecam ne change rien au sort final des listes que le Mrc n’a pu déposer à temps. Si ce parti politique avait déposé ses dossiers le 17 juillet avant minuit, ils auraient été incomplets (faute de récépissés de paiement des cautionnements). Que serait-il alors advenu ? Ils auraient été rejetés par Elecam au moment de la publication de la liste des candidatures et tout recours introduit devant le juge électoral se serait probablement soldé par le même résultat, si l’on considère le dictum de la Chambre administrative de la Cour suprême en l’affaire Ngome Akolo Jean (Sdf) c. Etat du Cameroun (Minatd) (Commune de Mombo), jugement n° 037/06-07 du 12 juin 2007 :

[a]ttendu en l’espèce que le recourant ne rapporte pas la preuve de ce que les dossiers de la liste SDF étaient accompagnés, à leur dépôt, des pièces dont l’absence a motivé le rejet contesté ;
Qu’il s’ensuit que le recours n’est pas justifié et qu’il encourt le rejet.

Furieux de n’avoir pas pu déposer ses dossiers dans les délais et faisant feu de tout bois, Maurice Kamto compare Elecam à une juridiction dont les greffiers ne peuvent que recevoir les dossiers sans s’intéresser à l’heure à laquelle ils sont déposés. « Le personnel d’Elecam a un rôle de greffier. Un greffier ne rejette pas un dossier. Un greffier ne tranche pas. Un greffier enregistre tout ce qui arrive et c’est à l’instance juridictionnelle, qui se trouve être le Conseil électoral, de trancher », a-t-il martelé. Il reproche aussi au Président du Conseil électoral de ne pas respecter le principe judiciaire du contradictoire dès lors que ce dernier lui a donné « l’impression qu’il avait déjà arrêté sa position. Il me semble qu’en bonne justice, on écoute et examine chaque cas avant de se prononcer ».
Or, en matière électorale, le respect du principe du contradictoire est plus que relatif (Masclet) et, en tant qu’autorité publique indépendante, Elecam agit plutôt rarement comme une juridiction. A l’étape de la réception des dossiers de candidature, cet organisme effectue le même travail qui était confié au Minatd, c’est-à-dire un travail administratif décisoire. Sous cet angle, les préposés de la Direction générale des élections à la réception des dossiers de candidature ne sauraient être comparés à des agents du greffe d’un tribunal. D’autant que les dossiers reçus ou non admis ne sont en relation avec aucun litige né et actuel au moment où l’usager du service public d’Elecam se présente dans ses services.
Pareillement, lorsqu’il examine les dossiers des candidats, le Conseil électoral effectue un travail administratif de type décisoire. C’est pourquoi Elecam est partie aux procédures contentieuses en ce qui concerne notamment le contentieux des candidatures – au même titre que le Minatd naguère – devant le juge administratif ou constitutionnel, selon le type d’élection. L’on se souvient qu’Elecam a ainsi comparu comme partie pendant le contentieux des candidatures aux élections sénatoriales en mars 2013. Si Elecam agissait comme une juridiction dans son activité préélectorale de réception des dossiers de candidature ou dans la plupart de ses autres activités concernant la conduite des opérations électorales, comment expliquer que cet organisme comparaisse en tant que partie à un procès ? Où a-t-on jamais vu une juridiction comparaître devant une autre juridiction en tant que partie à un procès ?
Il est patent que la Direction générale d’Elecam agit comme un guichet administratif lors de la réception des dossiers de candidature aux élections. En conséquence, elle ne peut, sans violer la loi, recevoir le moindre dossier après le délai légal de dépôt des dossiers fixé par le législateur. Point n’est besoin de rappeler à Maurice Kamto que, dans son rapport au législateur, l’administration est essentiellement chargée d’appliquer la loi. Aucune disposition légale n’autorise en effet Elecam à déroger à la loi pour recevoir des dossiers après le délai fixé par le Code électoral. De même, l’article 184 du Code électoral interdit à Elecam de recevoir « toute liste […] non accompagnée des pièces et indications visées par la […] loi ».
Le bureau de réception de la Direction générale d’Elecam fait uniquement office de greffe dans le cas des « contestations et réclamations » portant sur les contestations préélectorales et électorales visées à l’alinéa 2 de l’article 10 du Code électoral. Ce fut le cas avec les réclamations de certains partis politiques visant la réouverture des inscriptions sur les listes électorales qui furent interrompues avant la convocation du corps électoral.
Il est piquant de relever que, lorsque l’Administration organisait les élections, le chef de l’Administration camerounaise qu’est de président de la République a parfois pris la liberté d’autoriser une tolérance ou de rallonger les délais de dépôt des candidatures au profit de tous les partis politiques. L’on se souvient de la célèbre phrase de Gilbert Andzé Tsoungui pour justifier cette approche : « la loi est faite par les hommes et pour les hommes ».
Or, maintenant que les élections sont organisées par une autorité publique indépendante à qui il est interdit de solliciter ou de recevoir d’instruction de quiconque, cette possibilité de souplesse n’existe plus. Encore qu’au contentieux, le juge électoral s’en est toujours tenu aux délais légaux et n’hésite pas à annuler des résultats obtenus par des listes illégalement réhabilitées sur instruction présidentielle, après le report du double scrutin en 2002 (Cour suprême, Assemblée plénière, arrêt n° 94/A/02/03 du 19 avril 2004 rendu en l’affaire Social Democratic Front (Sdf) (Commune urbaine de Nkongsamba) c. Etat du Cameroun (Minatd) et Rassemblement démocratique du peuple camerounais).
Il en résulte que, si par extraordinaire, Elecam acceptait les dossiers tardivement présentés par le MRC, cet organe s’exposerait à une condamnation devant la Cour suprême à la requête de partis politiques concurrents et que le Mrc n’irait pas bien loin. Ses listes seraient en effet disqualifiées et tout éventuel résultat obtenu annulé.

Au vu de cette argumentation, l’on comprend que le président du Mrc préfère régler ce problème sur le terrain de la transaction ou de la violence politique, plutôt que sur celui du droit. Il a en effet laissé entendre que « Elecam n’a pas rejeté nos dossiers sur une base juridique, mais sur des bases politiques. Ceci est notre conviction et la bataille sera politique » (Mutations 22 juillet). Sauf à avoir mal lu, l’on est en présence d’un professeur agrégé des Facultés de Droit qui demande que l’on écarte le droit pour le laisser passer. Quid de l’Etat de droit ?
En somme, le non dépôt des listes du Mrc résulte de l’inexpérience politique de ses dirigeants et de leur méconnaissance de la jurisprudence électorale. Plutôt que de le reconnaître humblement, à l’instar de son collègue Théophile Yimgaing Moyo, Maurice Kamto incrimine « le système » et confesse son imprévoyance en égrenant assez piteusement les causes du non dépôt des dossiers de son parti politique dans plusieurs circonscription : le fait que « le parti n’était pas seul au guichet » ; les deux week-ends figurant dans le délai de 15 jours imparti pour le dépôt des candidatures ; la difficulté « de procéder aux investitures et en même temps s’occuper des formalités administratives et financières » ainsi que la brièveté « du temps imparti et des tractations visant à constituer des listes complètes ». « C’est le système lui-même qui ne permet pas que les choses puissent être disponibles à temps », a-t-il conclu, alors qu’en réalité, c’est lui qui n’a pas su s’y prendre. D’autant que le délai de 15 jours en question, applicable aux élections municipales et législatives de 2007, n’a pas été modifié par le nouveau code électoral et que nombre de petits partis ont pu déposer leurs listes sans encombre, parmi ceux-ci, l’on mentionnera l’Ufdc, l’Amec, le Pap, le Mnpc, le Cpsi, le Popc et le Cnc.
Posons la question : si « le système » rendait le dépôt des listes impossible dans les délais impartis, comment les partis politiques comme l’Udc d’Adamou Ndam Njoya, l’Undp de Bello Bouba maïgari, le Sdf de Ni John Fru Ndi et le Rdpc de Paul Biya ont-ils fait pour déposer des dizaines ou des centaines listes sans problème dans le même délai, avec mes mêmes week-ends, en passant par les mêmes guichets dans un plus grand nombre de circonscriptions que le Mrc, dans la majorité des circonscriptions en compétition, voire dans toutes les circonscriptions des législatives et des municipales comme c’est le cas du Rdpc ?
Les propos du sénateur Pierre Flambeau Ngayap, secrétaire général de l’Undp sont éclairants sur ce point : « [l]’Undp n’a pas de préoccupation spéciales par rapport au dépôt des listes. Compte tenu du calendrier électoral, même si nous ne connaissions pas la date exacte, nous avions une fourchette durant laquelle le corps électoral devait être convoqué. Le 9 mai, le président national a pris une circulaire qui demandait à tous les potentiels candidats de commencer à préparer leurs dossiers. En conséquence, lorsque la convocation est intervenue fin juin, aucun de nos responsables ou militants n’a été surpris » (Cameroon Tribune du 23 juillet). A méditer.

Au vu de ce qui précède, le constat s’impose que Maurice Kamto a été incapable de faire déposer les dossiers des candidats de son parti dans une poignée de circonscriptions dans un délai longtemps connus à l’avance. D’autant que ce délai est inscrit dans le Code électoral qu’il a par ailleurs eu soin de commenter dans les médias (cf. sa Tribune dans La Nouvelle Expression du 2 mai 2012, reprise dans différents sites Internet), sans jamais signaler que le délai de dépôt des candidatures était susceptible de poser le moindre problème. A notre tour d’exprimer notre incompréhension que celui qui a publiquement avoué qu’il n’était pas pauvre lors de son interview télévisée à Canal 2 le 2 décembre 2012, n’ait pas pu s’acquitter de son cautionnement dès le lendemain de la convocation du corps électoral.
Pour réparer ses pertes, le président du Mrc demande à bénéficier des exceptions non prévues par la loi ni par la jurisprudence électorale, voire à faire admettre de manière subjective et arbitraire des dossiers du Mrc « qui ne pouvaient pas être déposés sans les attestations de paiement des récépissés de cautionnement » (Mutations (19 juillet), au besoin, par la force brute, suivant ses propres déclarations, en méconnaissance des principes de neutralité et d’objectivité qui guident le travail d’Elecam, conformément à l’alinéa 1 de l’article 10 du Code électoral. Une manière aussi de vouloir rompre l’égalité juridique entre les candidats et de transformer l’Etat de droit, que tous devraient préserver et consolider au Cameroun, en État de passe-droits.
Quoiqu’il en soit, le président du Mrc est suffisamment juriste pour savoir que Nemo auditur propriam turpitudinem allegans (nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude).

James Mouangue Kobila

Professeur agrégé des Facultés de Droit
Vice-doyen chargé de la Recherche et de la Coopération
Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
Université de Douala
1 Cf. Maurice KAMTO, « Le contentieux électoral au Cameroun », Lex Lata, n° 020, novembre 1995, pp. 3-13 et « La liberté du candidat », leçon prononcée à l’Académie internationale de Droit constitutionnel de Tunis en 1997, ébauche de l’auteur corrigée par nos soins, dactyl., 12 pp.
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