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Livres Au Poteau

Au Poteau

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Au Poteau
Tu es poussière et tu retourneras à la poussière
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Un climat sociopolitique en décomposition progressive. Le roman de Monsieur Hilaire Sikounmo en fait un constant à peine romancé, bien rédigé et agréablement structuré. Des formes variées de folie sont signalées. Il s’étend un peu plus sur la démence précoce, et semble en soupçonner les principales causes dans l’expansion de la délinquance sénile, une indépendance en trompe-l’œil, une classe politique préfabriquée depuis l’Occident, une économie nationale fragilisée de par sa conception, en lambeaux dans son fonctionnement quotidien, progressivement essoufflée, pour ne laisser entrevoir qu’un avenir d’angoisse collective, exceptée peut-être dans la mince couche des premiers gestionnaires mandataires de l’Etat néocolonial.

La narration se situe dans une série restée ouverte d’enquêtes pour savoir – ou montrer - comment un jeune homme que tout prédestinait au bonheur n’a bouffé que de la vache enragée depuis sa tendre enfance, chez des marâtres implacables, dans des cellules de commissariat, des prisons infectes, « au poteau » d’une justice populaire aveugle. Chemin faisant, le narrateur - enquêteur passionné - rapporte avec application des observations, allusions, commentaires plus ou moins avisés sur la vie de la nation comme du Continent noir.
Sur le plan anecdotique, tout part d’un communiqué radio anonyme, œuvre sans doute d’un Bon Samaritain, annonçant la mort d’un jeune fou qui vient de décéder sur l’une des montagnes d’ordures ménagères qui jonchent les carrefours d’une capitale provinciale en Afrique des républiques sous tutelles. Le narrateur se souvient d’avoir connu le mort dans les premières années de sa vie. L’enterrement à la sauvette dans une famille, chez un peuple bien connu pour son culte multimillénaire des morts lui enfonce la sensibilité et lui ouvre davantage les yeux sur l’accélération de la dépersonnalisation collective ambiante.  C’est le point de départ d’une longue réflexion, d’un périple d’enquête au sein de la famille élargie du défunt – qui est aussi la sienne – pour pouvoir se faire une idée de ce qui s’est passé dans les vingt dernières années de l’enfant martyr.
Les membres abordés de cette grande lignée, comme les riverains de la place publique dernier repaire du malade mental ne se contentent pas de témoigner. D’une conscience socio-historique remarquablement profonde, sensible, ils ne manquent pas souvent d’esquisser -  chacun à son niveau, compte tenu de ses moyens intellectuels, du contexte dans lequel l’a trouvé le perspicace narrateur - un tour d’horizon  des problèmes de l’heure qui tournent autour de la criminalité grandissante, de sa racine politique qui depuis l’ère coloniale n’a pas hésité à envoyer au poteau d’exécution les meilleurs patriotes ; son versant populaire qui poursuit à sa manière le massacre par une justice instantanée appuyée en principe sur le flagrant délit, mais dont l’observation n’est pas toujours sereine et se laisse facilement prendre au piège d’un montage savant des Services Spéciaux ou des « on dit » plus ou moins manipulés.
Au bout du compte, un exode rural massif, prévisible, aux effets nullement contenus dans le sens de tendre la perche à ses plus fragiles victimes, qui saigne les villages aux quatre veines pour encombrer dangereusement les centres urbains, embouteiller les pistes de plus en plus aventureuses de l’émigration en bandes désespérées vers n’importe quoi, pourvu qu cela s’annone un peu différent de l’enfer que l’on tente de fuir.
Quel avenir pour la majorité des citoyens en quasi débandade ou figés dans un état second devant l’implacable sort? Le narrateur ne se risque à rien prévoir. Il se limite, s’échine à appuyer les traits les plus sombres d’un tableau socio politique au bord de l’explosion. Sans indiquer de quel côté survira la chiquenaude et à quelle occasion. C’est probablement aux lecteurs avisés de prolonger l’observation, la réflexion, d’essayer des solutions. Question de vie ou de mort collective. D’une société piégée. D’un peuple dont les manœuvres d’émasculation persistent depuis des siècles.
Serge Alain Ka’abessine

Repères
Nom de l’auteur : Hilaire Sikounmo
Titre de l’ouvrage : Au Poteau
Genre littéraire : Roman
Edition
: L’Harmattan
Nombre de pages : 258
Année d’édition : juin 2010
Nationalité : camerounaise
Profession : Enseignant
Prix unitaire
: 23 euros
Collection
:Encre noire

Du même auteur
1-Afrique aux épines, L’Harmattan, 2010
2- Débris de rêves, L’Harmattan, 2010
3- Jeunesse et éducation en Afrique noire
, L’Harmattan, 1995
4- L’Ecole du sous-développement : gros plan sur l’enseignement secondaire en Afrique, L’Harmattan, 1992



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