Certains clients de la Banque Internationale du Cameroun pour l'Épargne et le Crédit (BICEC), détenteurs de la carte de crédit, seraient-ils en insécurité totale ou permanente dans cet établissement bancaire ? Tout porte à croire au regard des récents événements survenus dans les différentes agences de cette banque, ce 27 décembre 2023, journée au cours laquelle ils ont constaté que leur compte avait été débité, à leur insu, autrement dit sans leur autorisation. Cette situation dure depuis plusieurs mois et les responsables de cette banque ne font rien pour y remédier. Arnaque ou volonté manifeste de spolier sa clientèle ? Toutes les hypothèses sont envisageables. Lisez plutôt.
L’information selon laquelle certains clients de la Banque Internationale du Cameroun pour l'Épargne et le Crédit (BICEC), notamment ceux qui ont souscrit au Contrat d’abonnement Package qui donne droit à une carte de crédit, ont vu leur compte indûment débité des sommes parfois allant jusqu’à plusieurs centaines de milliers de francs CFA, s’est propagée, ce 27 décembre 2023, sur les réseaux sociaux comme une trainée de poudre.
On aurait pu penser à une infox ou à une simple rumeur distillée par des Internautes en quête de likes et en mal de sensationnalisme. Que non ! Un tour dans toutes les agences de la BICEC de la ville de Yaoundé disposant d’un distributeur automatique nous a permis de toucher du doigt la réalité du désastre éprouvé par certains clients de cet établissement bancaire et de vivre l’intense désarroi général dans lequel cette information a plongé des clients de la BICEC.
À l’agence BICEC située au quartier Omnisport, Anne T., fonctionnaire venue de Soa, une banlieue de Yaoundé, pour prendre un peu d’argent pour acheter ses médicaments, n’en revient pas. « Après avoir pris connaissance de l’information sur Internet, je suis arrivé ici ce matin. Je voulais prendre un peu d’argent pour mes médicaments. J’ai constaté que le distributeur automatique ne marche pas. J’ai attendu l’ouverture des bureaux. Quand j’ai demandé ma position, j’ai constaté que j’étais débiteur de la somme de 146 000 FCFA alors que depuis que les salaires ont été virés je n’ai effectué aucune opération sur mon compte. Je n’ai jamais pris un crédit, même pas un acompte ».
La situation est presque identique à l’agence BICEC située au carrefour Bastos. Là aussi, le distributeur automatique ne fonctionne pas. Interrogé, le vigile, qui fait les cent pas, affirme « qu’il y a un problème depuis le matin ». Avant de poursuivre : « j’ai entendu des éclats de voix à l’intérieur vers 13h. Un monsieur se plaignait que la banque a prélevé de l’argent sur compte sans son autorisation. Il menaçait de trainer la banque en Justice si la situation n’était pas arrangée ».
Tous les distributeurs des agences de la BICEC situées au centre administratif n’ont pas fonctionné toute la journée du 27 décembre 2023. Plusieurs personnes rencontrées autour desdites agences, certaines venant de Biyem Assi, soutiennent qu’il y aurait eu un bug informatique. Pierre M., informaticien, visiblement au courant de la situation à la BICEC depuis un certain temps, qui suivait les conversations avec un air faussement distrait, tient, en ricanant, un propos énigmatique : « C’est plus profond que vous ne le pensez. Ce n’est pas un simple problème de bug informatique. Creusez, vous découvrirez beaucoup de choses. »
Le 28 décembre 2023, les choses semblent être revenues à la normale. Les clients disposant d’une carte de crédit sont alignés nombreux devant les distributeurs automatiques des agences situées au Centre administratif et même à l’agence centrale située au lieudit « Camair ». Ils entrent, chacun à son tour, et ressortent, le sourire aux lèvres, après avoir effectué une opération. Cependant, à l’intérieur de ces agences des plaintes s’amoncellent.
Devant le bureau de la Chef de l’Agence BICEC Le Parc, sise à côté de l’Institut français du Cameroun (IFC), plusieurs clients victimes des prélèvements indus sur leur compte courant attendent d’être reçus par cette responsable visiblement submergée. À l’entrée, à environ un mètre cinquante de son bureau, le reporter, venu à sa rencontre, peut écouter distinctement l’entretien qu’elle a avec un client dont le compte a été indûment débité d’une forte somme d’argent, plus de 131 000 FCFA, alors qu’après le virement de sa pension retraite, son compte était créditeur, le 22 décembre 2023, d’une somme d’environ 55 000 FCFA. Après l’avoir écouté, elle lui demande sa carte d’identité, puis son numéro de compte. Elle marque une petite pause, pianote sur le clavier de son ordinateur, fait défiler l’historique et revient vers le sexagénaire assis devant elle. « À quand remonte votre dernière opération avec votre carte ? », demande-t-elle. Spontanément, le sexagénaire répond : « depuis plus de trois semaines je n’ai effectué aucune opération sur mon compte ». La Chef d’Agence de préciser : « il s’agit d’un problème informatique que nous avons. Faites une requête, je vais la transmettre et les choses rentreront à la normale ». Immédiatement, le vieillard sort de la chemise cartonnée posée devant lui, une requête qu’il avait préalablement rédigée et la lui remet. Elle appelle sa collaboratrice, lui remet la requête en lui demandant de scanner en urgence et d’envoyer à Douala. Le sexagénaire se lève et libère le siège. Les autres clients agglutinés devant le bureau de la Chef d’agence entrent, chacun à son tour. Le même scénario se reproduit : entrée d’un client désabusé, exposé des récriminations, explications de la Chef d’agence, invitation à introduire une requête, sortie du bureau et le cycle recommence chaque fois jusqu’à la réception du dernier plaignant.
Après la rencontre avec Madame la Chef de l’Agence BICEC Le Parc, Jean T., ce sexagénaire très remonté contre la BICEC et visiblement choqué, accepte de parler, documents à l’appui, de la situation qu’il vit à la BICEC Le Parc depuis au moins six (6) mois. Jean T. affirme : « J'ai appris à travers les réseaux sociaux que certains clients de la BICEC avaient constaté des prélèvements indus sur leur compte bancaire logé à la BICEC. Le 22 décembre 2023, après le virement de ma pension, j’ai consulté à travers l’application BICEC, mon compte qui était créditeur de plus de 55 000 FCFA. Curieusement, hier (27 décembre 2023, Ndlr) alors que je n’ai effectué aucune opération sur ce compte depuis le positionnement de ma pension, je me retrouve être débiteur -76 331 FCFA. Ce qui signifie clairement que des prélèvements indus de plus de 131 000 FCFA ont été effectués sur mon compte, sans mon autorisation, ce qui constitue une violation flagrante des clauses contractuelles qui me lie à cette banque. C’est depuis au moins six (6) mois que je vis cette situation. Le 03 juillet 2023, j’avais constaté que des prélèvements indus étaient effectués sur mon compte. J’avais saisi le Chef d’Agence qui m’a orienté vers mon gestionnaire. Celle-ci m’avait fait comprendre que mon compte était piraté et que je devais bloquer ma carte et souscrire un nouvel abonnement pour une nouvelle carte de crédit. C’est ce que j’avais fait. J’ai obtenu une nouvelle carte et un nouveau numéro de code. Mais, curieusement, la même chose se reproduit. Donc ce n’est pas une question de piratage de mon compte, mais un problème lié à la gestion. Je n’irai pas jusqu’à penser que c’est fait exprès. Mais c’est tout comme. Sinon, comment comprendre que depuis six (6) mois rien n’est fait pour remédier à la situation ? »
Un détail dans le récit de Jean T. est évocateur et permet d’accréditer la thèse soutenue par certains clients de cette banque et selon laquelle « c’est à dessein que les responsables de la BICEC refusent de remédier à une situation qui leur profite depuis au moins six (6) et qui cause un énorme préjudice à une fraction importante de la clientèle ». Jean T. révèle : « Au départ, quand mon compte était débité indûment, je recevais un message sur mon téléphone portable m’indiquant qu’une opération vient d’être effectuée. Mais, cette fois-ci, mon compte a été débité sans que je ne reçoive un message. On dirait que la BICEC a fait exprès, en faisant en sorte que nous ne soyons pas mis au courant du débit qu’elle a effectué sur mon compte sans mon autorisation. »
Les propos de plus d’une dizaine de clients rencontrés dans les autres agences BICEC de la ville de Yaoundé corroborent ceux de Jean T.. Certains parmi les personnes rencontrées déclarent sans ambages que « c’est une stratégie mise en place par cette banque pour spolier les clients, car, n’eût été la vigilance de certains clients, les responsables de cette banque seraient en train de lécher leurs babines après cette rapine opérée en pleines fêtes de fin d’année ». Vu sous cet angle, le propos énigmatique de Pierre M., sus-cités prend tout son sens. « Les responsables de la BICEC ne peuvent pas affirmer qu’ils sont surpris par cette situation alors que le Monsieur qui parle avait fait le signalement depuis six (6) mois. Cette banque a mis en place une stratégie pour nous arnaquer à notre insu », réagit un client désabusé qui suivait l’entretien.
Un chargé de clientèle, communément appelé « gestionnaire », rencontré dans l’une des agences BICEC situées au centre administratif et ayant requis l’anonymat est de cet avis. Selon lui : « La BICEC vit cette situation qui lui profite depuis quelque temps. Chaque fois qu’un client vient se plaindre, nous prenons toutes les dispositions pour protéger son compte. En même temps, nous faisons remonter l’information au niveau des responsables et des personnes chargées de corriger les défaillances. Je ne comprends pas pourquoi ce n’est pas corrigé, surtout que ça devient très récurrent. Le Monsieur qui vient de sortir a fait un signalement depuis plus de 5 mois. Nous avons bloqué l’ancienne carte et lui avons donné une nouvelle. Je ne comprends pas pourquoi son compte est encore débité même avec cette nouvelle carte. Même si c’est 1 FCFA, je conseille aux clients de réclamer leur argent, si possible de saisir la Justice, car la banque ne fait pas la fine bouche quand elle veut prélever les agios et autres. Les Marocains, actionnaires majoritaires, qui sont au courant de cette situation, se comportent comme si c’est le gain absolu qui les intéresse et rien d’autre, même si cela se fait sur le dos des clients ».
Selon certaines sources, une pétition serait en train d’être préparée par les victimes des prélèvements indus opérés sur leur compte pour dénoncer ces agissements de la BICEC. Après avoir obtenu un certain nombre de signatures, le collectif des victimes entend organiser des manifestations devant les agences de cette Banque implantées dans les 10 régions du pays pour faire entendre leurs voix. Sûrement que l’image de cette banque prendra un sérieux coup. Déjà, en attendant de voir ce que nous réserve l’avenir, beaucoup de clients envisagent de quitter la BICEC.
Fabien Okwonko
Source www.actustime.com