• Full Screen
  • Wide Screen
  • Narrow Screen
  • Increase font size
  • Default font size
  • Decrease font size
Covidgate et sextape au Cameroun : soubresauts d’une trentenaire (dé)civilisation des mœurs

Covidgate et sextape au Cameroun : soubresauts d’une trentenaire (dé)civilisation des mœurs

Envoyer Imprimer PDF
Note des utilisateurs: / 0
MauvaisTrès bien 

L’erreur majeure à ne surtout pas commettre, mais que commettent pourtant plusieurs d’entre nous, est d’être des génies de surface en pinaillant et en glosant jours et nuits sur des phénomènes qui, respectivement sont des faits conjoncturels (covid-gate) et des faits évènementiels (sextape) en oubliant leur structure de fond à savoir la dynamique de long terme de (dé)civilisation trentenaire des mœurs enclenchée au sein de la société camerounaise au lendemain de la prise de pouvoir par le Renouveau national. C’est cette dynamique structurale et structurelle qu’il faut saisir et mettre en exergue si on veut être utile au pays. C’est à travers cette tendance lourde de fond qu’on peut comprendre à la fois les ressorts souterrains et les effluves sociopolitiques et éthiques des faits conjoncturels (covidgate) et évènementiels (sextape) au cœur de l’air du temps qui nous baigne depuis quelques semaines. À quel moment s’est fait le basculement du Cameroun dans la (dé)civilisation des mœurs ? Quelles sont les principales figures de celle-ci de 1982 à 2018 ? Quels en sont les nouvelles formes depuis la dernière élection présidentielle

camerounaise et la révolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication ?

« La vérité vient d’en haut et la rumeur vient d’en bas »
Lorsqu’il arrive avec l’homme du 6 novembre 1982, le Biyaïsme lexical est une politique de civilisation des mœurs. D’un côté, la rigueur dans la gestion ne concerne pas seulement la chose publique. Elle se pense aussi comme une valeur systémique pourvoyeuse et constructrice d’un esprit rigoureux dans l’application des lois, des normes, des règles et des principes de vie en société quel que soit l’endroit où vivent les Camerounais et quelle que soit leur occupation dans la vie. De l’autre côté, la moralisation des comportements a pour objectif de réenchanter le Cameroun en devenant la caution morale de la rigueur de façon à éviter que l’efficacité et l’efficience que vise la rigueur dans la gestion politique, économique et sociale ne soit orpheline de considérations éthiques qui permettent de ne pas séparer efficacité et éthicité. Les sociétés et même les organisations qui ont, par le passé, plus pensé à l’efficacité qu’à l’éthique ont sombré dans une rationalité du mal ayant entraîné des choses comme la Shoa où le marché aux esclaves. Le but visé par le Biyaïsme lexical était donc de réaliser l’idéal de justice basée sur une rigueur juste, une rigueur sans le mal, c’est-à-dire sans injustices. Raisonner ainsi revient à confirmer, comme le pense Michel Foucault, que le politique est productif. C’est-à-dire qu’il donne naissance à un type de gouvernance, de gestion, d’hommes, de femmes, d’enfants et de société.
Mais qu’avons-nous obtenu au Cameroun en lieu et place d’une politique de civilisation des mœurs ? Paul Biya, président de la république dont la parole est aussi rare que les ébats sexuels entre chats, répondit aux accusations populaires de détournements de deniers publics par la phrase suivante : « La rumeur vient d’en bas et la vérité vient d’en haut ». Cette phrase signe l’acte de sortie de la politique de civilisation des mœurs au sens où elle marque le divorce entre le Biyaïsme lexical et le Biyaïsme au sens de pratique politique et d’exercice du pouvoir. Alors que le Renouveau National avait annoncé une société camerounaise guidée par deux principales valeurs pourvoyeuses de sens (rigueur dans la gestion et moralisation des comportements), le Président par cette phrase venait de balayer d’un revers de main la critique populaire comme instrument devant participer à une société camerounaise rigoureuse et éthique. Il venait de refuser une gouvernance démocratique qui consiste en un pouvoir de surveillance, de contrôle, de notation et d’évaluation qui pénètre la société et se manifeste à de multiples échelles et avis. En martelant que la vérité vient d’en haut et la rumeur d’en bas, le président camerounais divisa définitivement la société camerounaise et créa automatiquement une injustice entre « le haut » qui détient l’information authentique et « le bas » qui n’est qu’un viatique de rumeur. Il dichotomisa « le haut » constitué de savants et de sachants et « le bas » composés d’ignorants. Il officialisa « le haut » qui incarne la loi, la norme et « le bas » qui les ignorent. Il entérina « le haut », figure du riche, du cadre du parti au pouvoir et « le bas » domaine de l’homme de la rue et du « no name » colporteur de fausses nouvelles, de potins et de médisances sans fondements.
Que la star du bikutsi Sala Bekono s’égosillât à demander dans un tube où s’était évaporée la richesse du Cameroun était désormais peine perdue car le président camerounais venait, non seulement de consacrer et de sacraliser la parole de « l’homme bien de là-bas » du talentueux Dave K Motoi comme parole d’évangile, mais aussi de donner le bâton de commandement à la raison du plus fort devenue le « haut de la société camerounaise » synonyme de vérité devant un peuple dont le sort basculait vers celui de l’agneau dans « Le Loup et l’agneau » de la Fontaine. C’est également le moment où le même président camerounais dit à son peuple qu’il n’y avait aucune preuve que ses ministres et hauts fonctionnaires pillaient l’Etat. Conséquence, les « hommes bien de là-bas » se multiplièrent autant que les milliards disparaissaient des caisses de l’Etat. Le peuple camerounais retrouva sa position d’esclave et le haut fonctionnaire, le ministre, le directeur et le dignitaire du parti au pouvoir celle de maître. C’est cela la dynamique de fond qui fait que chaque Camerounais est roi où il a des marges de manœuvres liées à sa position ou à son argent et traite non seulement ses compatriotes comme « le bas » de la société sur laquelle il a tous les droits y compris celui de cuissage, de dépucelage et de troussage (ce qui explique les sextape), mais aussi les choses publiques comme des biens privés de ceux qui détiennent la vérité, c’est à dire « le haut » de la société camerounaise (ce qui explique le covid-gate qui, dans le cas d’espèce, constitue un tout avec Survival).

Les principales figures de la (dé)civilisation des mœurs au Cameroun
Ce qui précède marque le moment du grand basculement du Renouveau National dans un œcuménisme politique où le Biyaïsme lexical est dévoyé par le Biyaïsme au sens de pratique politique et exercice du pouvoir. La rigueur dans la gestion et la moralisation des comportements ont généré une « feymania d’Etat » qui, en appauvrissant le peuple prépare et devient un catalyseur d’une « feymania populaire. » (Faux et usages de faux, produits frelatés tous azimuts). L’Etat, la société civile, les individus et le secteur privé constituent désormais au Cameroun les coordonnées polaires d’une république des corrompus. Sans avoir prêché par l’exemple ni prévu dès le départ un système d’évaluation et de sanction des contrevenants dans la gestion de la chose publique, les modèles d’autorité et de réussite au Cameroun sont devenus les braqueurs de l’Etat (fonds-covid) qui ne laissent aux jeunes hommes et femmes que leurs corps comme capital et intérêts réunis. La sextape est, dans ce cas, une transaction politique, sociale et économique où la jeunesse camerounaise appauvrie accède à de petits avantages sociopolitiques et économiques en échange de son corps-sexe esthétique et attractif pour la jouissance du « haut » de la société camerounaise : c’est « le maître de la plantation à esclaves » qui étend ainsi sa propriété privée jusque dans l’intimité de l’esclave dont il use et abuse comme il l’entend. Voici quelques figures de cette (dé)civilisation des mœurs synonyme d’un ensauvagement généralisé incompatible avec l’idée de république :

1. Le haut fonctionnaire milliardaire
En Angleterre, la figure élitiste majeure est le juge. Aux Etats-Unis, c’est l’entrepreneur qui prend cette position lorsqu’en France c’est une place occupée par le haut fonctionnaire sorti de l’ENA. Le cas du Cameroun est celui d’un pays qui a, non seulement hissé le haut fonctionnaire et le ministre au sommet de la société camerounaise, mais aussi fait de quiconque possède une moindre proportion de pouvoir un roi qui écrase tout ce qu’il y a autour de lui. Ainsi, ce qui matérialise la (dé)civilisation des mœurs dans la société camerounaise depuis près de quarante ans est un fait rarissime dans la gestion normale des Etats à travers le monde : des fonctionnaires et des ministres milliardaires. Autrement dit, la gestion de l’Etat qui implique du sacrifice, du service et de l’ascèse pour en faire un sacerdoce, est transformée au Cameroun en un business comme le disait Jean-Marc Ela. Dès lors, le produit fini le plus abouti du déphasage entre le conçu du Biyaïsme lexical et le vécu du Biyaïsme pratique, est un Etat producteur de milliardaires qui, non seulement tiennent le reste de la société camerounaise en laisse, mais aussi concentrent tous les pouvoirs en ajoutant à leur pouvoir économique et politique, le contrôle des chefferies traditionnelles et des organes dirigeants des partis au pouvoir. Le haut fonctionnaire et le ministre camerounais milliardaires utilisent ainsi les ressources de l’Etat comme escabeau pour leur ascension dans le hit-parade des dominateurs et mettent en place une concentration verticale du pouvoir dans la société camerounaise à travers une monopolisation de tous les leviers d’action de la ville au village dans toutes les sphères.

2. L’Homme d’affaire proche du pouvoir
La (dé)civilisation des mœurs au Cameroun est aussi le fait que les grandes fortunes nationales issues du monde des affaires ne s’expliquent pas et sont impossibles sans leur proximité avec l’Etat camerounais et donc avec la fortune publique. Le peuple camerounais est spolié par un écheveau de réciprocités négatives constituées d’un système clientéliste où le soutien au régime exonère du paiement de certains impôts qui auraient dû participer à des investissements publics dans le domaine de l’éducation, de la santé et ou de la sécurité routière. L’homme d’affaire camerounais proche du pouvoir est donc aussi un maillon fort dans la transformation du peuple camerounais et de la société camerounaise en de simples facteurs de production d’une richesse nationale privatisée par les cercles politiques et d’affaires affinitaires au pouvoir. Les fonds-covid détournés, les malversations de Survival et la sextape ne sont que les derniers soubresauts d’une logique structurelle profonde qui s’accapare des terres de nos paysans sans indemnisation, menace de relever de ses fonctions un chef traditionnel qui refuse un don du chef de l’Etat ou tire à balles réelles sur les manifestants comme en février 2008 lors de la modification de la Constitution. Vous conviendrez avec moi que la sextape et le covid-gate font pâles figures devant des drames le pillage des terres des paysans et les tirs à balles réelles sur la jeunesse camerounaise.

3. Le citoyen perroquet
Une fois le peuple camerounais clochardisé par « le haut » détenteur de la vérité, le Camerounais n’est plus citoyen que de nom. Le régime lui retire son droit de penser, de manifester, d’avoir un avis et d’être quelqu’un qui pense par lui-même. Il devient ce que j’appelle un citoyen perroquet. Autrement dit, comme la vérité vient d’en haut et la rumeur d’en bas, le Camerounais devient quelqu’un qui n’est en paix que s’il répète, comme un perroquet, ce que lui disent ses maîtres à savoir ce qui sont au pouvoir ou sont riches. La preuve en est que l’information, ressource capitale dont a besoin un citoyen digne de ce nom pour critiquer, évaluer et noter son gouvernement, est confisquée par le refus de rendre public le rapport d’audit de la cour des comptes. Il en découle que la politique du perroquet ne fait pas seulement du Camerounais un répétiteur de ce que pensent les forts, mais aussi quelqu’un qui subit le rationnement des informations qui concernent sont avenir parce que les savants, les sachants et les riches pensent que les Camerounais du bas ne sont dignes que de rumeur. Il va sans dire qu’une telle rétention de l’information induit automatiquement une ventriloquie politique à travers laquelle c’est le bourreau qui parle avec autorité et non la victime comme dans le cas de la sextape et du covid-gate où les mis en cause saturent l’espace public de leurs discours et éclipsent les victimes. La figure du citoyen perroquet au Cameroun est celle de celui ou de celle qui ouvre sa bouche mais fait sortir la voix et la réflexion d’un autre Camerounais plus puissant politiquement et plus riche économiquement que lui. Cela, est le signe plus d’une société des statuts et des privilèges que de la démocratie qui promeut, suivant Pierre Rosanvallon, une société des égaux.

4. La justice comme assureuse en dernier ressort de la conservation du pouvoir
Dans une société des privilèges et des statuts, la loi n’est pas la même pour tout le monde et tout le monde ne jouit pas d’une égale protection par la loi. Situation d’autant plus aggravée au Cameroun que la justice devient l’instance qui assure en dernier ressort les carences du champ politique. En d’autres termes, l’institution judiciaire ne peut plus bénéficier de la séparation des pouvoirs une fois que l’exécutif la met aux ordres au point d’en faire une chambre d’enregistrement de ses désiderata. Le Cameroun est donc ce pays où l’institution judiciaire est non seulement privatisée par ceux qui sont pouvoir et leurs challengers isolés dans des compartiments VIP de la prisons centrale de Yaoundé, mais aussi une machine à broyer les petites gens qui y meurent, y restent sans être jugés pendant toute leur vie ou sortent malades, estropiés et complètement perdus pour leurs familles. L’idée de justice est pourtant, comme le disait Paul Ricoeur, une idée qui ne s’arrête pas à la seule institution judicaire mais va au-delà de celle-ci. Dans cette veine, tout Camerounais qui détourne les deniers publics, tout Camerounais qui s’accapare des terres paysannes sans compensations, tout Camerounais qui triche pour avoir un concours/diplôme ou l’achètent pour les siens, tout Camerounais qui vend des produits frelatés et tout Camerounais qui exploite d’autres Camerounais éloigne notre pays de l’idée de justice républicaine. Force est de connaître que ces comportements sont plus la règle que l’exception depuis près de quarante ans dans notre pays.

5. Le bas et le bas ventre comme culture
Si, suite à la (dé)civilisation des mœurs l’Enam est désormais connue et reconnue moins pour ses apports innovants dans la gouvernance du Cameroun, que pour être une industrie, mieux, une fabrique des pilleurs de la république camerounaise, la culture camerounaise n’a pas échappé à la perte de ses lettres de noblesses. Le temps où les paroles et les mélodies géniales d’Eboa Lotin, de Messi Martin, de Manu Dibango, de Dina Bell, de Ben Decca, d’Anne Marie Ndzié, d’Ekambi Brillant, de Francis Bébé, d’Ottou Marcellin, de Cyril Effala et de bien d’autres étoiles de la musiques camerounaises nous berçaient sans inquiétudes de conscience est désormais de l’histoire ancienne. Or la civilisation d’un pays est aussi le rayonnement de sa culture donc de sa musique qui en fait partie. Peut-on trouver meilleures preuves de la (dé)civilisation des mœurs au Cameroun que « Coller la petite » ; « Ton Caleçon fait quoi chez moi ? » ; « Il faut manger ce que tu peux chier » ; « On ne binda plus, on ne pine plus », titres des nouveaux tubes de la musique camerounaise ? Quelle moralité, quelle jeunesse et quels Camerounais espérer avec de telles titres ? Puisque le « j’ai donc je suis » est la valeur suprême, la qualité compte désormais moins que l’argent qu’on cherche par tous les moyens. Réduits à faire ce qu’il voit et ne pas faire ce qu’il ne voit pas (Jean Miché Kankan), ou à « Fala le Nyama » par détestation du « Nguémè » (Aveiro Djess), le Cameroun n’a plus pour culture que la devise suivant laquelle c’est ce que tu fais avec ton sexe et ce que tu as dans ton ventre qui constituent le sens de ta vie et représente ta culture. D’où un pays sans avenir parce que prisonnier de la tyrannie de sens et de la satisfaction des plaisirs animaux les plus élémentaires. C’est le besoin d’assouvissement de ces instincts animaux basiques qui explique sextape et covi-gate au sein d’un peuple sans grandes valeurs transcendantales et sans autocontraintes y afférentes.

• Une partouse géante et à ciel ouvert de la société camerounaise : les conséquences de la (dé)civilisation des mœurs
Les Camerounais et les Camerounaises s’émeuvent du covid-gate et des sextapes qui circulent dans les réseaux sociaux. Cela peut se comprendre. Cela nous rassure aussi que quelque chose puisse encore susciter une once d’indignation dans le triangle national. Cependant, il faut, si on veut être sérieux, souligner que les sextapes dans les bureaux et chambres d’hôtels sont, autant que le détournement des fonds-covid, de simples pièces d’une pornographie gouvernementale à ciel ouvert depuis près de quarante ans. Les Camerounais et les Camerounaises sont victimes d’une partouse politique géante et à ciel ouvert depuis 1982. La crise civique (détournements de deniers publics), la crise morale (lycéens et collégiens qui font des fellations en direct, musique pornographique, produits frelatés, notes et diplômes sexuellement transmissibles, injures tous azimuts sur Facebook entre Camerounais), la crise sécuritaire (Boko Haram, NOSO…), la crise patriotique (détestation de son pays), la crise économique (retour de l’ajustement structurel), la crise sanitaire (covid-gate), la crise politique (pro-Kamto versus pro-Biya) et la crise des valeurs fondatrices de l’autorité (c’est le plus riche qui parle, sait tout et est le plus intelligent au Cameroun) sont autant de sextapes politiques au sens où ces différentes crises sont des preuves que l’idée de république et le projet républicain sont « enculés » au Cameroun depuis près de quarante ans.
Dans cette mouvance, ainsi que nous le démontrons dans « L’esprit du capitalisme ultime », un de nos ouvrages, la femme, comme l’argent, la terre, les voitures et les maisons sont des instruments de démonstration de sa réussite socio-économico-politique et de satisfaction d’une libido accumulatrice au service du « j’ai donc je suis » devenue la valeur suprême d’une société camerounaise où les plaisirs des orifices (manger, boire, déféquer, baiser…) placent le pays dans la trajectoire des déchets politiques, économiques et sociaux car la consommation est l’antichambre du déchet. Comment respecter une femme considérée comme un simple exutoire de nos pulsions libidinales ? Un simple vagin justifiant une politique de bureaucratie matrimoniale des puissants phallocrates ? Comment soigner de la covid-19 un peuple transformé en citoyens-perroquets lorsque les fonds-covid détournés peuvent aider à nous rendre plus puissants encore sur ces perroquets ?
Parlant du bas ventre, un autre orifice a pignon sur rue au Cameroun : l’anus à travers la sodomie qui consacre une « anustocratie politique ». Que cette pratique soit fondée ou non, le fait qu’un professeur d’université en la personne de Messanga Nyamding en fasse l’objet d’un cours à l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) et que le peuple en parle autant, montre combien notre pays est en pleine fange et putréfaction morale car l’anus est aussi l’orifice via laquelle nous expulsons naturellement nos déchets. Il ne s’agit pas ici de l’homosexualité mais de « l’anustocratie politique » comme d’un instrument de domination des puissants sur les pauvres filles et garçons camerounais qui n’ont plus que leurs corps comme argument d’échange. La sodomie semble fonctionner au Cameroun comme un péage obligatoire pour qui espère que s’ouvre la porte d’accès à quelques billets de FCFA ou à un poste de pouvoir dans le régime.
Que dire de l’opposition camerounaise et de la diaspora ? ils ne font pas du tout mieux que le régime en place. Le lexique politique de la diaspora camerounaise dite politiquement engagée se résume à un Kamasutra d’injures, de médisances, de commérages, d’appels au meurtre ou à l’épuration ethnique. Celles qu’on nomme désormais influenceuses ne se gênent pas de faire des directs en petites culottes ou en chemises de nuits aussi discrètes sur leurs atouts féminins que peut l’être le voile dentelé d’une mariée sur sa coiffure. Par ailleurs, Amazones et autres supportrices de Kamto nous livrent leurs corps nues en trophées pour nos yeux qui, malheureusement, se ferment après avoir quand même vu les corps dénudés de nos mamans, sœurs et épouses sur la place publique. Une économie politique critique de l’image de la diaspora camerounaise engagée politiquement s’impose aussi car celle-ci montre que l’obscénité du discours et du comportement y règne en maître. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ne font qu’amplifier puis accélérer la visibilité et la circulation d’une (dé)civilisation trentenaire des mœurs au sein de laquelle la dernière présidentielle apporte une innovation supplémentaire constituée d’une animosité à peine voilée en Camerounais, l’appel au meurtre et à l’épuration ethnique de ses adversaires politiques, le tribalisme décomplexé, les injures comme arguments politiques et la mise en scène médiatique de ses ébats sexuels et de son corps-sexe. C’est cela que « la vérité qui vient d’en haut » a fait de nous et du Cameroun. Un prolongement phallocratique de la dictature politique, de la domination et de la dégénérescence morale.
Thierry Amougou Economiste, professeur, Université catholique de Louvain. Dernier livre publié : « Qu’est-ce que la raison développementaliste ? », 2020, Academia. https://www.quebecloisirsnumerique.com/fr/products/qu-est-ce-que-la-raison-developpementaliste
Sur la (dé)civilisation des mœurs au Cameroun, voir mes ouvrages ci-dessous :
L’esprit du capitalisme ultime : démocratie, marché et développement en mode kit, PUL, 2018, https://www.decitre.fr/livres/l-esprit-du-capitalisme-ultime-9782875587152.html
Le Biyaïsme : le Cameroun au piège de la médiocrité politique, de la libido accumulative et de la (dé)civilisation des mœurs, Paris, l’Harmattan, 2011. https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782296561991-le-biyaisme-le-cameroun-au-piege-de-la-mediocrite-politique-de-la-libido-accumulative-et-de-la-de-civilisation-des-moeurs-thierry-amougou/