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Médias Au nom de notre amitié - Médias

Au nom de notre amitié - Médias

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Index de l'article
Au nom de notre amitié
Pius Njawé: Fin tragique d’une vie titanesque
Pius N. Njawe plus vivant que jamais
Pius Njawé : Né pour combattre
Pius N. Njawe: Bloc-notes du Bagnard
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Pius N. Njawe: Bloc-notes du Bagnard

Le matin du lundi 12 octobre 1998, Pius Najwé, directeur du trihebdomadaire camerounais Le Messager, sort de la prison de New Bell à Douala, où il était détenu depuis neuf mois. Il y purgeait une peine d'un an d'emprisonnement pour « propagation de fausse nouvelle ». Le président de la République du Cameroun, Paul Biya, a finalement signé un décret de grâce.
C'est l'heureux dénouement longtemps attendu d'un des trop nombreux drames de la répression du droit d'expression et du droit à l'information. Pour Reporters sans frontières comme pour beaucoup d'autres organisations professionnelles et de défense des droits de l'homme, le cas de Pius Njawé était devenu exemplaire du non-respect généralisé de l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont on célèbre cette année le cinquantième anniversaire.
Quel était le « crime » de Pius Njawé ? Le 22 décembre 1997, sous le titre « Le président Biya est-il malade? », son journal avait fait état d'informations selon lesquelles le président avait souffert d'un malaise cardiaque alors qu'il assistait à la finale de la coupe du Cameroun de football. Arrêté dès le 24 décembre, selon une procédure d'urgence, il était condamné trois semaines plus tard à deux ans de prison et 500 000 francs Cfa d'amende. L'extrême sévérité du jugement, pour une infraction aussi contestable, avait provoqué dans le monde une vague de protestations qui contribua sans doute à ce que, au mois d'avril, la peine soit réduite de moitié en appel.
Depuis lors, toutes les interventions effectuées auprès du président et du gouvernement du Cameroun par de nombreuses personnalités internationales, pour obtenir la libération du directeur du Messager, se heurtaient à un fallacieux argument légaliste, qui a été finalement démenti par les faits. Pius Njawé, disait-on à Yaoundé, avait été condamné par une instance judiciaire pour un crime de droit commun, et la séparation des pouvoirs qui prévaut au Cameroun interdisait au président et à son gouvernement de se mêler de cette affaire.
En réalité, la condamnation de Pius Njawé était bel et bien politique. Elle a résulté, ici comme ailleurs, du refus de l'homme au pouvoir de respecter les droits démocratiques, et notamment les droits à l'expression et à l'information. Au Cameroun, comme ailleurs, c'est un droit qui se paie cher. L'histoire du Messager, et d'autres publications du pays, est une longue suite de saisies, de suspensions, de censures, de menaces, d'arrestations, d'amendes et d'emprisonnements.
Que Pius Njawé ait été, comme beaucoup d'autres journalistes dans le monde, condamné « légalement » pour un délit de « droit commun », n'est pas une justification acceptable. Cela prouve simplement qu'au Cameroun, comme dans beaucoup d'autres pays, il existe encore des lois liberticides. Ce n'est pas parce qu'ils sont inscrits aux codes que les délits élastiques d'injure aux détenteurs du pouvoir ou de propagation de fausse nouvelle, et les lourdes peines de prison qui les sanctionnent, sont autre chose que des prétextes à réprimer la liberté de l'information et les droits de l'opposition.
Reporters sans frontières présente ici quelques extraits du « Bloc-notes du bagnard » de Pius Njawé. C'est le cri d'un journaliste persécuté qui refuse de se laisser abattre et qui, du fond de sa prison, continue à faire entendre sa voix contestataire. Bien qu'il ait maintenant recouvré la liberté, nous faisons écho à sa voix car elle est au cœur même du combat que nous menons. Pour avoir rencontré Njawé à la prison de New Bell, six semaines avant sa libération, je peux témoigner qu'il était tout sauf abattu.
Un des moyens auxquels il a eu recours pour survivre aux conditions extrêmement dures de sa détention a été de continuer à écrire. Il a réussi à faire parvenir à son journal, avec une régularité variant selon l'humeur de l'administration pénitentiaire, une chronique de sa vie en prison. Le titre un peu mélodramatique de Bloc-notes du bagnard est compensé par l'humour dont il ne se départit jamais. Humour attendri lorsqu'il évoque les misères de ses codétenus, même ceux qu'il sait ne pas être très recommandables. Humour féroce lorsqu'il s'en prend aux hommes politiques, hauts fonctionnaires et magistrats qu'il tient pour responsables de ses épreuves... et pour coupables de bien d'autres crimes.
Humour donc mais colère aussi devant les injustices et les mauvais traitements dont sont souvent victimes les hommes simples et misérables qui l'entourent dans sa cellule, et qui n'ont pas les mêmes moyens que lui de se faire entendre. C'est surtout d'eux, et pour eux, que le « bagnard » parle dans son bloc-notes.
Pour nous qui tenons l'État de droit pour un acquis, cette rare chronique de la vie quotidienne dans une prison africaine peut paraître surprenante, voire incroyable. Elle est émaillée de notations reflétant des us et coutumes qui nous sont inconnus, de termes familiers propres à la région de Douala (que nous avons explicités en note). Mais en dépit de la distance, celui qui l'a écrite est un des nôtres, un homme de presse qui a souffert dans son corps et dans son esprit pour avoir exercé une liberté dont nous jouissons quotidiennement, sans y penser.
Avant propos de Claude Moisy, Vice-président de Reporters sans frontières
Source : Pius Njawé, Bloc notes du bagnard, Paris, Editions des mille et une nuit, 1998, pp.5-8

 



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