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Biyaïsme sans Biya au sein du MRC : Les conséquences politiques de survie Cameroon

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La dualité politique ambiante au Cameroun est appauvrissante pour la pensée politique et sociologiquement malsaine pour l’esprit critique. Elle joue sur les esprits comme un chape de plomb qui oblige à être pour Biya ou pour Kamto. Ceux qui se déclarent pro-Biya et ceux qui se réclament pro-Kamto pensent alors être les plus courageux des Camerounais. Ils disent assumer publiquement leurs positions et pensent renoncer à ce qu’ils nomment « la lâcheté de la neutralité ». S’ils ont le droit d’avoir un champion et de le suivre les yeux fermés, il est important de rappeler qu’ils ne peuvent être plus courageux que celui qui choisit la neutralité. Celui-là n’est protégé par aucune figure éponyme qui lui sert de bouclier : les pro-Kamto s’abritent derrière le système-Kamto quand les pro-Biya s’abritent derrière le système-Biya. Le courageux est moins celui qui a un bouclier que celui qui critique ces deux figures politiques sans base arrière, sans lieu de retraite. Qui plus est, la critique, celle qui se veut objective parce que sans limites, celle qui n’a autre

chose à défendre que la Respublica, est la seule capable de faire naître une gouvernance au service de tous les Camerounais. Participer efficacement à la construction d’un peuple camerounais souverain, véto et évaluateur, condition de possibilité d’une démocratie authentique, exige qu’on ne donne un blanc-seing et ne signe un chèque en blanc à personne. Pouvoir, opposition, leurs leaders et personnalités doivent savoir que quiconque aspire à la magistrature suprême et donc à la gestion de la chose publique, ne peut et ne doit échapper à la critique quel que soit son statut, ses promesses, ses discours et son passé. Autant Biya paye cher le fait que personne ne le critique dans son camp, autant Kamto tombe dans les mêmes travers à cause d’un fanatisme qui frise le ridicule. Ce texte propose de sortir de cette démission de la critique en mettant en lumière la réalité de ce que nous appelons le « Biyaïsme sans Biya » au sein du MRC à travers Survie Cameroon.
 

•Le masque du don : Quels buts visait Survie Cameroon ?
Survie Cameroon Survival Initiative, que nous désignons dans ce texte Survie Cameroon, a été lancée par le MRC en pleine expansion de la pandémie covid-19 au Cameroun. Le chef de l’Etat Paul Biya s’était emmuré dans son palais et n’agissait plus que par son gouvernement qui avait pris la décision de confiner partiellement. Le MRC avait jugé que cela était insuffisant au point de mettre sur pieds Survie Cameroon en faisant appel à la générosité des Camerounais, notamment de la diaspora encore mobilisés au lendemain de la tournée occidentale du président du MRC suite à sa sortie de prison. Si les sympathisants, les militants et les adhérents du MRC ont surtout mis en avant le grand cœur de Maurice Kamto et le souci qu’il accorde à la santé du peuple camerounais, il faut noter que ce sont-là des objectif affichés et/ou explicites. Commander des produits hygiéniques et distribuer des masques aux populations camerounaises masquait aussi une opération politique multiforme : rendre visible Maurice Kamto face à Paul Biya invisible ; montrer aux Camerounais que Maurice Kamto s’occupe mieux d’eux que ne le fait Paul Biya ; renforcer la légitimité de Kamto comme « président élu » en soulignant qu’il est plus préoccupé par la santé des Camerounais que Biya par ailleurs considéré inapte à gouverner par le MRC ; prouver, via cette action humanitaire, que la gouvernance du MRC est meilleure que celle du RDPC ; puis, à travers le succès escompté de survie Cameroon, renforcer l’idée que c’est effectivement Maurice Kamto qui doit être président au Cameroun : l’homme qu’il faut à la place qu’il faut.
L’engouement que les sympathisants, militants et adhérents diasporiques du MRC mirent à répondre favorablement à cette levée de fonds prouve que cette action humanitaire visait des dividendes politiques d’ordre biopolitique dont notamment faire de Maurice Kamto le prototype du seul leader politique camerounais qui soigne la population camerounaise et la met en sécurité, objectifs de toute gouvernance d’un territoire et d’un peuple. Le régime camerounais devait donc se prendre une leçon de leadership, de responsabilité et de bonne gouvernance. La preuve en est que le régime de Yaoundé a répondu politiquement à cela en distribuant à son tour des dons anti-covid dits du Chef de l’Etat dans plusieurs localités camerounaises. Cela prouve que faire un don en politique est une façon de s’occuper des autres en s’occupant de soi, d’aider pour mieux s’aider. C’est cela le masque des dons covid-19 dont le but politique est de se construire une image favorable auprès des populations en faisant d’une pierre deux coups : soigner et se faire aimer. Survie Cameroon devait servir à cela pour le MRC et Maurice Kamto. C’est pourquoi les partisans de ce dernier n’ont pas lésiné sur leurs moyens pour construire un trésor de guerre à leur champion dont la force de frappe via Cameroon Survival devait servir à installer la centralité du leadership biopolitique au Cameroun.

•Un audit qui renforce le flou artistique, un arbitrage sous optimal et des rumeurs
Avec Survie Cameroon, Maurice Kamto allait donner aux Camerounais et au régime de Yaoundé une leçon magistrale de sollicitude et de bonne gouvernance. C’est cela le discours qu’ici et là, nuit et jour, colportaient et promouvaient les adhérents, sympathisants et militants du MRC. Force est cependant de constater que la montagne survie Cameroon accouche d’une souris. Il est à noter que le peuple camerounais n’a jamais eu droit ni à un cahier de charges clair, ni à un timing précis et régulier des interventions de survie Cameroon en dehors de quelques masques et gels hydroalcooliques distribués de façon sporadique.
Dans tout projet, il faut au préalable un cadre logique, sorte de tableau de bord où sont présentés les objectifs, les échéances et la façon dont seront mobilisés les moyens. Le même cadre logique met en lumière une distinction entre les objectifs quantitatifs (nombre de masques à distribuer par exemple), les objectifs qualitatifs (types de masques par exemple et leurs prix), les objectifs d’impact (par exemple le changement de mentalité des Camerounais suite à la promotion des gestes barrières) et fait aussi des hypothèses en imaginant des situations où la stratégie passerait de X à Y. Plus un projet est ainsi calibré dès le départ, plus l’audit est facile et peut être faite par n’importe qui sachant lire et compter pour dresser un tableau des ressources et des emplois. L’audit diligenté par Maurice Kamto n’est pas un audit de routine, non seulement parce que sans cadre logique dès le départ un flou artistique règne sur les objectifs quantitatifs, qualitatifs et d’impacts de survie Cameroon, mais aussi parce que c’est un audit qui a pour objectif de constater officiellement ce que tout le monde sait déjà, c’est-à-dire la disparition sans traces de près de 300.000 euros. Comment des fonds mobilisés digitalement peuvent disparaître sans traces à l’heure du numérique et de la monnaie scripturale ?
Etant donné qu’il s’agit des fonds collectés auprès des Camerounais pour soigner des Camerounais, faire appel à un cabinet d’audit et lui payer 80.000 euros avec cet argent est une affectation et un arbitrage sous optimaux et délictueux pour plusieurs raisons. Premièrement, les erreurs de gestion ou des cas de malversations organisationnelles ne doivent pas être supportées par les fonds cotisés officiellement pour soigner les Camerounais mais imputées à ceux qui en sont les responsables. Deuxièmement, il est économiquement sous optimal de payer un cabinet d’audit 80.000 euros pour qu’il rende publique une information que tout le peuple camerounais possédait déjà, à savoir la disparition de 300.000 euros du compte de survie Cameroon. Mettre 80.000 euros pour un audit qui donne des résultats déjà connus entraîne un double dégât : d’abord, le détournement des fonds de leur but initial, soigner les Camerounais ; ensuite la possibilité donnée aux Camerounais ainsi floués de porter plainte. De même, avoir relevé sieur Djoko, gestionnaire des comptes de survie Cameroon, de ses fonctions, est une preuve que l’audit a été payé alors qu’on savait d’où venait la malversation et qui en était l’auteur. Qui plus est, même sieur Djoko peut porter plainte contre le MRC et Kamto car il a perdu son poste alors que l’audit ne l’incrimine nulle explicitement.
Le cadre logique est aussi nécessaire au début de tout projet parce qu’il permet de poser des hypothèses au cas où l’état du monde dans lequel naît le projet vient à changer. Le fait que l’audit de survie Cameroon présente des hypothèses en lieu et place des informations concrètes qui expliquent l’ordonnancement, le montant des ressources et des emplois, est de la prestidigitation pour combler le flou artistique du départ. Des hypothèses ne se posent pas à la fin d’un travail d’audit. On discute à ce stade les hypothèses de départ qui peuvent aider à en formuler de nouvelles si le projet se poursuit : ce n’est pas la même chose. Il apparait ainsi que les hypothèses les plus à même d’apporter des explications aux manquements constatés ne sont pas celles de sieur Ekoka, mais celles qui viennent des rumeurs ayant précédé l’audit : l’argent volatilisé aurait été détourné par le sieur Djoko en complicité avec Kamto qui aurait hésité le sanctionner avant qu’ Ekoka ne menace de démissionner ; l’argent aurait alimenté le chantier de construction d’un bâtiment appartenant à Maurice Kamto Yaoundé ; l’argent aurait servi à l’achat de grosses cylindrées aux responsables du MRC et à financer clandestinement le parti. Autant de rumeurs qui constituent les effets politiques contraires que ceux que visait le MRC pour son leader et son image en lançant Survie Cameroon. Et cette rumeur qui venait d’en bas et la vérité d’en haut suivant Paul Biya, s’est avérée vraie sous son régime car tous ceux que le bas peuple a traités de voleurs sont aujourd’hui incarcérés à la prison centrale de Kodengui. L’effet politique désastreux et contradictoire qui en découle pour Kamto, le MRC et leur renaissance est qu’ils ne sont ni crédibles ni meilleurs pour gérer le Cameroun s’ils ne peuvent gérer sainement une petite ONG et quelques millions d’euros.

•Survie Cameroon, preuve du Biyaïsme sans Biya au sein du MRC
Nous avons, en 2011, publié un ouvrage intitulé « Le Biyaïsme : Le Cameroun au piège de la médiocrité politique, de la libido accumulative et de la (dé)civilisation des mœurs ». Cette analyse sociopolitique du Renouveau National fait, entre autres choses, une conceptualisation du Biyaïsme. La forme basique de celui-ci est le « Biyaïsme nominal » au sens de système politique dont Biya est à la fois la racine désignationnelle et la métonymie politique. Le « Biyaïsme lexical », c’est le libéralisme communautaire au sens de lexique politique de Biya. Le « Biyaïsme systémique » est quant à lui l’ensemble des mœurs, des pratiques, des institutions et des logiques qui constituent la tendance politique lourde et l’identité remarquable du régime Biya ; et dont les racines se retrouvent à la fois dans la première république du Cameroun sous Ahidjo et dans les liens historiques entre le Cameroun et la France. Ce dont nous voulons vous parler est le « Biyaïsme sans Biya ». Il traduit, étant donné la longue vie du régime et le nombres d’hommes et de femmes ayant transité par lui, la probabilité que le Cameroun connaisse la continuité du « Biyaïsme systémique » même en l’absence politique et physique de Biya. Cela peut se faire soit de façon intentionnelle par des hommes et des femmes passés par ce régime et qui perpétuent les mêmes logiques (Kamto, Ekoka, Nzongang…), soit de façon non- intentionnelle parce que l’inertie du régime est si forte que ses effets externes restent très forts dans la société camerounaise. Comment et pourquoi survie Cameroon est une preuve du « Biyaïsme sans Biya ? ». Plusieurs phénomènes permettent de le montrer :

1.Biya est bon, seuls ses collaborateurs sont nuls et méchants
Le peuple camerounais est désormais habitué à cette rengaine : Paul Biya est très mal entouré. Méthode qui chaque fois, revient à sanctuariser Paul Biya et à jeter l’opprobre sur un entourage qui serait démonique en omettant de souligner que c’est Paul Biya qui choisit cet entourage depuis près de 40 ans. Force est cependant de constater que nous assistons exactement à la même stratégie autour et au profit de Maurice Kamto : Petit exemple, Akéré Muna, Paul Eric Kingué, Celestin Djamen, Jules Nyonga et Patrice Nganang se sont séparés de Maurice Kamto avec lequel Michel Ndoki a désormais des relations plus que distantes. Cependant, personne n’interroge le caractère du leader du MRC. Sont-ce toutes ces personnes qui sont fautives ? Pourquoi mon champion n’arrive pas à garder ses associés ? La faute revient-elle uniquement à ceux qui claquent la porte du MRC ? Pourquoi Maurice Kamto nous dit qu’il n’a rien avoir avec survie Cameroon mais sanctionne sieur Djoko à la place de ceux qui en ont la charge ? Les amis, militants et sympathisants du MRC considèrent que ce sont ceux qui quittent ou s’éloignent de Maurice Kamto qui sont nuls et mauvais car Maurice Kamto, comme Paul Biya pour le « Biyaïstes », est par nature bon et excellent. La thèse qui fait florès après la publication de l’audit de Survie Cameroon est celle suivant laquelle Ekoka serait en train de couler Maurice Kamto en exécutant une mission politique ourdie par le régime de Yaoundé. Comme dans le « Biyaïsme », c’est l’entourage qui est le problème et jamais le leader. Cela révèle une caractéristique commune entre le « Biyaïsme » et le « Kamtoïsme » : Kamto est excellent comme Biya ; il est bon mais victime, tout comme Biya, de ses collaborateurs. Paul Biya Ayop Ayop n’est donc pas seulement l’apanage du RDPC. « L’ayopisme politique » devient aussi l’expression d’un fanatisme qui élève et exalte chaque fois le leader du MRC et ne souligne jamais ses erreurs, carences et manquements. Autant Biya laisse des voleurs en poste ou les nomme, autant Kamto a quand même donné la responsabilité des fonds de Survie Cameroon à sieur Djoko sachant que celui-ci était frappé d’une interdiction de gérer l’argent par la justice française.

2.Le glissement des échéances
En dehors de « l’ayopisme politique » en partage, le « Biyaïsme » et le « Katoïsme » se rencontrent aussi dans le glissement des échéances. La CAN qui sera organisée par le Cameroun et dont la CHAN actuelle est la séance de rodage, pour ne citer qu’elle, a connu ce que Paul Biya a conceptualisé comme un simple glissement de date dans le temps. Situation entraînée par plusieurs retards dans l’exécutions des chantiers et des malversations financières sur lesquelles les Camerounais attendent toujours l’ouverture d’enquêtes. On se serait donc attendu à ce que la preuve de bonne gouvernance vienne de Survie Cameroon et qu’aucun glissement ne soit observé. Mais la publication de l’audit de Survie Cameroon a enregistré un glissement de près d’un mois de retard dans le temps par rapport à la date initialement annoncée pour finalement accoucher d’une malversation comme dans le cas des stades de la CAN. Il apparait donc que le MRC et son leader doivent s’armer de modestie car si faire l’audit d’une petite ONG comme Survie Cameroon connait un glissement d’un mois pour publiciser une disparition de fonds, quel retard enregistrerait un gouvernement MRC s’il avait à construire des stades, des hôtels en préparation de la coupe d’Afrique de nations ou des barrages et des routes au Cameroun ? Cela montre que la critique est aisée mais l’art difficile. La rupture annoncée se révèle être une continuité du glissement théorisé par Biya. Cette expérience de gestion en miniature qu’est Survie Cameroon le révèle.

3.La prestidigitation financière : L’argent en apesanteur entre Paypal et Survie Cameroon
Des milliards qui disparaissent des caisses de l’Etat pour les comptes des particuliers, des ministres qui gardent des fonds publics dans leurs bureaux et des deniers publics qui repartent des comptes des particuliers pour les caisses de l’Etat sont devenus le quotidien des Camerounais depuis plusieurs années. Les Camerounais ordinaires se rendent compte qu’il y a des milliards au Cameroun uniquement lorsqu’ils sont détournés par l’élite qui les gouverne. Un élément qui défraya la chronique du « Biyaïsme systémique » est l’opération coup de cœur des Lions indomptables lancée par le Renouveau National pour soutenir notre excellente et valeureuse équipe nationale de football. Comme d’habitude, les Camerounais mirent la main à la poche. Dans toutes les localités camerounaises, chômeurs, vendeurs à la sauvette, taximen et Bayam-Sellam contribuèrent à la cagnotte nationale et donnèrent avec leur cœur le peu qu’ils pouvaient. Cette cagnotte nationale a pourtant disparu comme neige au soleil jusqu’à nos jours tout comme les primes des joueurs encore dans une mallette toujours suspendue entre Yaoundé et New-York. On se serait attendu, concernant le MRC et survie Cameroon, que de telles situations ne se répétassent point. C’est manifestement raté avec la disparition de 300.000 euros des comptes de Survie Cameroon alors que nous sommes en pleine révolution numérique où tout est traçable et repérable par le capitalisme de surveillance. Biya a eu son cœur de cœur devenu une arnaque nationale, Maurice Kamto a désormais Suvie Cameroon rebaptisé « Survivol » par les Camerounais. La prestidigitation financière qu’on constate dans Survie Cameroon est une caractéristique du Biyaïsme.

4.Le rapport pathologique des Camerounais à l’argent
Un autre effet miroir qui atteste du « Biyaïsme sans Biya » au sein du MRC et de survie Cameroon, est la reproduction du rapport pathologique des Camerounais à l’argent. La preuve en est que le « Biyaïsme lexical » dont la rigueur dans la gestion et la moralisation des comportements étaient les vecteurs du programme politique, se concrétise de nos jours par son antithèse au sens des détournements de deniers publics comme sport national des élites politiques. Force est cependant de reconnaitre que Survie Cameroun continue et confirme le fait que l’argent public ne peut être utilisé correctement là où se trouvent des Camerounais qu’ils soient du RDPC ou du MRC. Comme le disait feu Jean Miché Kakan, 5 Francs va toujours chercher son frère avec les Camerounais. Le « Biyaïsme sans Biya » signifie ici qu’on retrouve au sein du MRC et de survie Cameroon les mêmes Camerounais roublards, voleurs, de moralité douteuse et incapables de gérer l’argent public de façon saine et intègre. Même la diaspora camerounaise dite résistante se fait remarquer dans une économie de la résistance par les mêmes comportements de détournements des cotisations des militants comme cela a été le cas pour l’achat du bus dit du MRC. La culture de la « feymania » est donc solidement installée dans les mœurs des Camerounais. Quel est le rapport de Maurice Kamto à l’argent ? Cette question doit être posée car si Biya est un homme de pouvoir, il n’est pas un homme d’argent. Cela aurait été le contraire que la BAS aurait déjà montré tous ses biens et comptes à l’étranger. Pourquoi Maurice Kamto a désavoué politiquement Patrice Nganang mais a encaissé les fonds collectés par le même Nganang pour lui venir en aide ? Ces questions doivent être posées dans un Cameroun où le rapport des Camerounais à l’argent relève quasiment de la psychanalyse.
Au bout du compte, il apparait que le « Biyaïsme sans Biya » est une logique propre à la bourgeoisie d’Etat. Nous entendons par Bourgeoisie d’Etat au Cameroun tous les Camerounais qui dominent politiquement, intellectuellement et économiquement le Cameroun grâce à l’Etat du Cameroun et cela depuis le système Ahidjo jusqu’au système Biya. Cela est valable partout en Afrique noire car ceux qui pillent nos Etats, les gouvernent, changent les constitutions pour le pouvoir à vie et deviennent riche grâce à l’Etat sont, opposition ou régime, dans la même logique. Paul Biya et Maurice Kamto en font partie. Plusieurs membres de cette bourgeoisie d’Etat ne peuvent se rendent compte de ce qu’un seul million de FCFA représente pour les masses pauvres de Camerounais. Ils vivent dans un autre monde et prennent avec légèreté tant les espèces sonnantes et trébuchantes que la souffrance populaire. Il en découle une gouvernance mortifère, étant donné que les détournements au sein de l’Etat ou des ONG sont autant de vie de Camerounais dont on ne s’occupe et qu’on sacrifie. L’enjeu politique camerounais n’est pas que Kamto succède à Biya car cela serait la reproduction de la bourgeoisie d’Etat à la tête du Cameroun avec les mêmes logiques de domination des masses pauvres. L’enjeu est que cette masse de pauvres montre et démontre qu’elle est le pouvoir et réussisse à plébisciter un pouvoir à son image afin que celui-ci travaille pour son bien-être. Le système au Cameroun c’est la bourgeoisie d’Etat et l’opposition ce sont les masses populaires. Là se trouve la clé du combat de libération et de reconstruction nationale avec nos compatriotes anglophones.
Thierry Amougou, Économiste, Pr. UCL, Belgique.
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