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Cinquantenaires de toutes les confusions

Cinquantenaires de toutes les confusions

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Les 13 et 14 juillet 2010, M. Nicolas Sarkozy, président de la France, a reçu à sa table et sur les Champs-Élysées à Paris, les chefs d’État des anciennes colonies françaises d’Afrique, dont les armées ont pris part au défilé de ce jour, dans le cadre de la célébration du cinquantième anniversaire de leurs indépendances. Un véritable festival d’amalgames, de confusions, de jeux de passe-passe, d’ hypocrisies, de mensonges…
1- D’abord, les chefs d’État et leurs armées qui ont paradé à Paris ce 14 juillet, à la manière des « vieux nègres… pour la médaille », rappelons-le, sont des Africains qui devraient bien se rappeler ce que l’actuel président français pense d’eux : « Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l'idéal de vie est d'être en harmonie avec la nature, ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine, ni pour l'idée de progrès.
Dans cet univers où la nature commande tout, l'homme échappe à l'angoisse de l'histoire qui tenaille l'homme moderne, mais l'homme reste immobile au milieu d'un ordre immuable où tout semble être écrit d'avance. Jamais l'homme ne s'élance vers l'avenir. Jamais il ne lui vient à l'idée de sortir de la répétition pour s'inventer un destin. »
(Discours de Dakar, Sénégal, 26 juillet 2007, moins de quatre mois après son entrée en fonctions). Hypocrisie !
2-Ensuite, le Français Jacques Toubon, le marionnettiste en chef des cinquantenaires africains (comme d’autres Français gèrent nos autres affaires) avait justifié cette incongruité : « Par ce défilé, nous voulons rendre hommage aux centaines de milliers d’Africains qui se sont battus pour la France ». Amalgame !
Pourquoi cela le 14 juillet, qui commémore la prise de la Bastille en 1789 et la chute de la royauté EN FRANCE, et non les guerres mondiales de 14-18 et 39-45 auxquelles les «Tirailleurs sénégalais » ont pris part pour défendre la France, à leur corps défendant ? Pourquoi ce geste magnanime en cette date purement franco-française ?
On va leur rendre hommage aujourd’hui, tout en décidant tardivement et malicieusement de leur octroyer des pensions de même niveau que leurs frères d’armes français, sans préciser si ces anciens combattants longtemps ignorés, méprisés où leurs ayants droit recevront un rappel d’arriérés réparant vaille que vaille le long préjudice subi. Hypocrisie et discrimination !
Mieux vaut tard que jamais, dira-t-on. De toutes les façons, les éléments (38 par pays, avec un bonus de deux supplémentaires à la dernière minute) de nos armées de répression néocoloniales qui ont paradé devant Sarkozy, ses satrapes et quelques maigres « Tirailleurs » survivants, n’étaient même pas nés à l’époque, ni en 1945, encore moins en 1918. A qui a-t-on rendu hommage, finalement ?
Ensuite, pourquoi cet hommage survient 92 et 65 ans après leurs exploits, et pourquoi à l’occasion des 50 ans des indépendances de leurs pays ? Comment a-t-on réussi une telle connexion ? La françafrique voudrait-elle cacher son sexe qu’elle ne s’habillerait point autrement. La toile transparente ne dissimule finalement rien du tout, même aux minus habentes qu’on nous croit être. Les colonialistes sont décidément indécrottables !
Ainsi, aux Ivoiriens et à leur président qui ont boycotté la mascarade parisienne, ont refusé d’aller faire allégeance aux héritiers des esclavagistes, et se sont demandé pourquoi la France organise à notre place un anniversaire qui ne la concerne pas, le même Jacques Toubon rappelle…tout bonnement que la France et l’Afrique cinquantenaire ont «  une histoire commune ». Comme s’il s’agissait de la fête de la colonisation ! « L’histoire commune » du colonisé et du colonisateur, du cheval et du cavalier, du maître et de l’esclave, est-elle « fêtable » en commun, avec tout ce qu’elle a comporté d’exploitation, de mépris, de brimades et de génocides ?  L’ « histoire commune » qui, croyions-nous, s’est arrêtée avec, précisément, les « indépendances » que nous avons gérées à l’emporte-caisse, et que nous célébrons  cette année sans pudeur, avec pompe ? Confusions, encore !
3- Les confusions ont souverainement présidé ces histoires de cinquantenaires au Cameroun.
Paul Biya (président de la République depuis plus de la moitié de cette période (28 ans), pour ceux qui ne le sauraient pas) a attendu, selon les mauvaises langues, les ordres de Sarkozy via Toubon, pour s’apercevoir que 2010 sonnait le cinquantième anniversaire de la levée de la tutelle onusienne sur ce pays et, conséquemment, de la proclamation de l’indépendance le 1er janvier 1960. Voilà pourquoi ce n’est que la veille, le 31 décembre 2009 à 20 h que notre Guide Eclairé a parlé, pour la première fois, de cet important événement national, et évoqué publiquement, pour la première fois également, sans citer aucun nom, les compatriotes qui ont lutté et qui sont morts pour obtenir cette indépendance. C’est du tonnerre ! Y en avait-il donc dans notre histoire, des combattants  de la souveraineté nationale ?
Pas étonnant qu’ils aient été ainsi ignorés jusqu’à ce jour par le régime cinquantenaire des Ahidjo et Biya, qui les avait combattus et traités de maquisards, de subversifs et de tous les noms d’oiseaux, et qui les avait éliminés un à un par le fusil, par la torture et par le poison. Subitement, ils sont devenus des « héros » dans la bouche présidentielle. À quoi croire ? On n’a évidemment pas manqué de remarquer que les discours officiels, les banderoles, les inévitables motions de soutien et les encens des thuriféraires inséraient insidieusement et impudiquement le roi d’Etoudi dans la liste (anonyme pour les autres) de ces « héros » à la gloire desquels sera bientôt édifié un panthéon devant accueillir, en toute promiscuité, les victimes et leurs bourreaux. Amalgames, confusions, quand vous nous tenez !
Mais, si la raison et la logique commandaient nos actes, il y aurait un dilemme : tout le monde, au Cameroun, n’a pas accédé à l’Indépendance le même jour, ni la même année. Pour les Anglophones des anciens Southern et Northen Cameroons, c’est le 1er octobre 1961, à la faveur de la Réunification pour laquelle ils ont opté. Comment donc célébrer un seul cinquantenaire en République désormais « unitaire » depuis le référendum frauduleux de 1972 ? Eh bien, on en célèbrera deux !
Mais alors, au nom de qui et pourquoi notre unique, éternel et bien-aimé président répond-il à la convocation de « son » homologue français ? Ira-t-il à Londres l’année prochaine ?
Et les 38-40 troufions qui représentaient l’armée camerounaise au défilé du 14 juillet sur les Champs-Élysées à Paris, sont-ils tous francophones ou « mélangés » ? Dans un cas, dommage pour l’unité de notre armée. Dans l’autre cas, les Anglophones crieraient à l’assimilation, à la confusion. On y est encore : la confusion !
Confusion finale : le cinquantenaire de l’Indépendance francophone (1er janvier) a été célébré le …20 mai, qui est la fête de l’État unitaire francophone-anglophone. En 2011, l’autre cinquantenaire, ce sera le 1er octobre ou …le 20 mai encore? Qui vivra verra, comme on nous le promet souvent. Gardons le souffle, si possible.

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