Chaque fois que je discute avec des amis au sujet des insuccès ou échecs dans la vie, ce conseil prodigué à Banda, personnage principal de Ville cruelle d’Eza Boto, alias Mongo Beti, de son vrai nom Alexandre Biyidi Awala, me vient à l’esprit :
« Vois-tu, fils, chaque fois qu’il t’arrive un malheur, cherches-en la cause en toi-même, d’abord en toi-même. Nous portons en nous-mêmes la cause de nos malheurs. »
Ce conseil pose le problème du devoir d’introspection profitable que chacun devait se donner, en même temps qu’il fait émerger la problématique de l’insuccès ou de l’échec dans la vie.
C’est énoncer un truisme si j'affirme que personne n'aime perdre, ou qu'il est courant d’entendre ceux qui ont été confrontés à de multiples insuccès dire :« C'est fini je ne recommencerai plus!". "Je n'en peux plus", « je ne veux plus me battre », « je n’ai plus de l’énergie pour me battre », « ce n’est pas fait pour moi », « Pourquoi ceci ou cela ne réussit-il qu'aux autres, pas à moi », et que sais-je encore !
Généralement, la défaite a tendance à laisser un goût amer chez celui qui la subit. Elle peut générer également un sentiment d'incomplétude, de découragement qui pousse à vouloir tout abandonner.
La peur de l'échec, tout le monde l'a ressentie à un moment ou un autre de la vie. Cependant, la plupart des êtres humains ont une vision culpabilisante qui leur nuit, entrave leur audace et leur capacité à rebondir.
Très souvent, ils confondent l'échec de leur projet et celui de leur personne. Changer de regard sur les insuccès devient un impératif catégorique pour ceux ou celles qui veulent réaliser des choses exceptionnelles dans leur vie. Regarder autrement nos échecs, c’est d’abord les reconnaître, les analyser froidement, et voir en nos insuccès moins une sorte d’humiliation, de malédiction ou sort qu’on aurait jeté sur nous, qu’une expérience positive, une possibilité d'une bifurcation existentielle, une chance pour marquer un temps d’arrêt dans nos vies trop trépidantes, trop hâtives, arrêt nous permettant de nous interroger sur nos désirs, de méditer sur nos actions et sur notre responsabilité dans ce qui nous arrive. Car, il y a des échecs qui nous rendent plus combatifs, poussent la volonté à insister en donnant la force de persévérer dans la même voie et ceux qui induisent le relâchement et nous rendent plus sages.
Si une personne a vraiment voulu le succès dans l’une de ses entreprises, l’insuccès ou la récurrence des échecs devraient aussi lui apprendre que tout ne dépend pas d’elle. Dans une attitude stoïcienne, elle devrait donc avoir la lucidité de distinguer ce qui dépend d’elle et de ceux qui n'en dépendent pas. C’est en ayant cette disposition d’esprit que tous ceux et toutes celles qui sont confrontés aux épreuves multiples dont les causes sont insuffisamment élucidées ou questionnées seront guéris des maux tels que le pessimisme, le défaitisme, la résignation et/ou de l'illusion de l’omniscience, de la toute-puissance qui sont incompatibles avec la réussite sur le long terme.
Faut-il le souligner, les insuccès les plus douloureux sont ceux que nous rencontrons sans avoir oser. Face aux déceptions et déboires plus ou moins récurrents, une question fondamentale devrait traverser l'esprit de chaque être humain désireux de réussir : qu'est-ce que ces insuccès m'apprennent ou m'ont appris ?
Toutes les personnes qui veulent réussir devraient aussi être attentives à leurs échecs surtout lorsque ceux-ci sont répétitifs et deviennent plus douloureux. Si elles y regardent de plus près, elles se rendront compte qu'ils ne se répètent pas à l'identique. Elles devraient toujours garder à l’esprit qu’essayer, c’est s'attendre à l'échec. Par exemple, prendre une mototaxi, une voiture et/ou un avion, c'est s'attendre à un accident plus ou moins mortel. Ce n'est pas parce que les mototaxis, les voitures et les avions font régulièrement des accidents plus ou moins mortels tous les jours, ou parce qu’une personne a déjà été victime de plusieurs accidents qu’elle ne prend plus de voitures ou d’autres moyens de transports.
Peu devrait importer, essayer encore. Échouer encore, échouer mieux, échouer de mieux en mieux, c'est déjà réussir. La réussite est toujours une succession d'échecs et de succès. Si l’on place l'échec et les succès sur une échelle chronologique, on s’apercevra que souvent chaque succès est en fait, d'une manière ou d'une autre, l'enfant de l'échec qui l'a précédé. Soit parce que cet insuccès a été une source d'apprentissage, soit parce qu'il a été l'occasion d'une bifurcation ou d'un changement après avoir rendu le sujet disponible pour une autre aventure. Bachelard nous enseigne d’ailleurs que la vérité n'est que la rectification d'une longue suite d'erreurs.
Bien souvent, l'insuccès a pour fonction de nous montrer que nous voulons mal, que nous concevons mal, que nous abordons mal une chose, que nous avons adopté une mauvaise démarche, que nous avons été trop candide, naïf ou naïve, que nous sommes infidèle à notre désir profond, autrement dit que nous vivons en contradiction avec notre être profond, avec nous-même. Antoine de Sainte Exuspéry nous apprend que « l’homme se découvre quand il se mesure avec l’obstacle ». Et il faut être assez lucide pour se regarder dans un miroir.
Face à ses insuccès, pour comprendre sa situation, toute personne devrait aussi chercher à savoir comment les autres ont fait pour s'en sortir quand ils se sont retrouvés dans des situations presque identiques ou pires que les leurs. L'histoire des autres, racontée ou lue dans des ouvrages, peut nous aider à relativiser notre situation. En prenant connaissance de l’expérience des autres confrontés aux situations plus ou moins identiques et qui ont réussi à s’en sortir que chacun peut se dire : « Ce que, et là où, les autres, confrontés aux difficultés, ont réussi, je peux aussi le réussir »
Eza Boto, écrivait dans l’ouvrage sus-cité que « dans la vie […] ce qu’il faut, c’est ne jamais se décourager ; il faut toujours lutter ; nul ne sait où est fourrée sa chance ; un jour, il la découvre par hasard en fouinant ». C'est à force de chercher sans trouver que l'on finit par trouver sans chercher. Les voies de Dieu, nous enseigne-t-on souvent, sont insondables.
Pierre Corneille disait dans le Cid que : « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.»
Dans la Bible, Dieu indique la voie à tous ses fils. "«Je t'instruirai et te montrerai la voie que tu dois suivre ; je te conseillerai, j'aurai le regard sur toi »Psaumes 32.8.
Dieu, par sa Parole, enseigne à tous les chrétiens et les guide par les secrets intimes de Sa Volonté. Il leur demande de tenir bon, comme Jésus son Fils, dans toutes leurs entreprises, malgré les tentations et les obstacles, quand ils ont l'intime conviction qu’ils sont sur le bon et droit chemin sur lequel Il les a placés, le chemin de l’Amour, de la Paix, de l’Humilité, de la Concorde et de la Miséricorde.
La plus grande victoire, disait Socrate, n’est pas celle que l’on obtient sur autrui, mais celle que l’on remporte sur soi-même.
J.-B. Talla