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Les chantiers de l'inertie dans un Etat voyou - Quand les syndicats indépendants donnent une trouille bleue à Paul Biya

Les chantiers de l'inertie dans un Etat voyou - Quand les syndicats indépendants donnent une trouille bleue à Paul Biya

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Index de l'article
Les chantiers de l'inertie dans un Etat voyou
L'aloi fondamentale de Paul Biya
La Haute cour de justice pour le décor
Cachez vos biens!!!
La réforme de l'Education aux calendes camerounaises
Quand les syndicats indépendants donnent une trouille bleue à Paul Biya
La CSP soumet au gouvernement un avant projet de loi
Le Cameroun, un Etat voyou
Pr Magloire Ondoa : Nous n'avons pas de constitution tant que son protecteur n'est pas mis en place
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Quand les syndicats indépendants donnent une trouille bleue à Paul Biya
Si on en croit la doxa officielle, le Cameroun est un pays où l’Etat met tout en œuvre pour le respect des libertés publiques. D’ailleurs soutiennent les tenants de cette thèse, « des lois allant dans ce sens ont été promulguées. Il suffit de se conformer à celles-ci et jouir pleinement de ces libertés que sont entre autres la liberté de réunions et manifestations publiques, la liberté d’association, la liberté d’aller et de venir ».
Intéressons-nous un tout petit peu à la loi n°90/053 du 19 décembre 1990 portant liberté d’association. Celle loi dispose à l’article 5, al. 4 que « les partis politiques et les syndicats sont régis par des textes partis particuliers ». Il est évident que la loi sur les partis politiques a été déjà votée. C’est d’ailleurs sur la base de celle-ci que se sont créés ou se créent à la pelle les partis politiques dont le nombre avoisine aujourd’hui 300. La loi sur les syndicats reste attendue, 26 ans après le vote des lois sur les libertés. En attendant la loi n°68/LF/19 du 18 novembre 1968 et son décret d’application (décret n°9/7 du 6 janvier 1969) qui sont en vigueur, textes que l’Etat du Cameroun a souvent tenté d’opposer à certains syndicats, notamment ceux des fonctionnaires et agents de l’Etat, particulièrement les syndicats des enseignants, pour justifier leur soi-disant illégalité.
Certains syndicats des enseignants à un moment ou à un autre, se sont vus opposés les dispositions de ces différentes lois. Qu’il s’agisse du Syndicat national des enseignants du supérieur (Synes), du Syndicats national autonome des enseignants du secondaire (Snaes), du Syndicats national autonome de l’éducation et de la formation (Snaef), ou de la Centrale syndicale du secteur public (Csp), pour ne citer que ceux-là.
Le cas du Synes est assez illustratif de cette volonté des pouvoirs publics de museler certaines catégories sociales. Ce syndicat est né malgré de nombreux obstacles que les pouvoirs publics ont dressé sur les chemins de ses promoteurs. Le paradoxe est que cette naissance douloureuse s’est faite à l’université, temple du savoir et des connaissances sur la liberté d’association, dont la liberté syndicale.
Face à la volonté des enseignants - dont certains avaient été victime d’agressions physiques -  de promouvoir un syndicat indépendant au sein de l’université, le ministre de l’enseignement supérieur d’alors n’avait pas hésité d’adresser une mise en garde aux promoteurs du Synes : « j’ai l’honneur de porter à votre connaissance que la loi du 19 décembre relative aux libertés d’association prévoit l’intervention de dispositions particulières sur les associations syndicales. Lesdites dispositions ne sont pas à notre connaissance intervenues ». Par conséquent : « vous êtes illégal ».
Seul la témérité des enseignants qui avaient porté plainte et gagné le procès contre l’Etat du Cameroun devant l’Organisation internationale du travail (Oit) était venu à bout de la résistance des pouvoirs publics qui aujourd’hui impliquent les responsables du Synes dans la gouvernance universitaire.
Les pouvoirs publics ont la trouille des syndicats. Les arguments convoqués pour justifier la répression exercée sur certains syndicats, l’interdiction de leurs activités et l’arrestation des syndicalistes sont le plus souvent spécieux. Ce d’autant que le Cameroun a signé et ratifié les conventions fondamentales de l’Oit en matière de liberté syndicale, notamment la convention n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (1948) et la convention n°98 sur le droit d’organisation et de négociation collective (1949). Selon l’Oit, « la convention 87 garantit à tous les travailleurs et à tous les employeurs, sans distinction d’aucune sorte et sans autorisation préalable, le droit de constituer des organisations syndicales de leur choix ainsi que celui de s’y affilier. Ces organisations doivent avoir le droit d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion, et de formuler leur programme d’action sans intervention des autorités publiques. Elles ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative. Elles doivent avoir le droit de constituer des fédérations et des confédérations et de s’affilier à des organisations internationales de travailleurs et d’employeurs. »
Les conventions obligent les Etats qui les ratifient, des Etats souverains, à garantir certains droits – droits sociaux, droits en matière de travail, droits fondamentaux de l’homme, etc. – à leurs nationaux et aux étrangers résidant sur leur territoire. Ce qui, selon l’Oit, « modifie le concept de souveraineté nationale, puisque les Etats, du fait de la ratification, reconnaissent qu’il existe dans ces domaines un droit international transcendant les frontières, que les gouvernements doivent observer, même s’il s’agit de questions qui, d’ordinaires, relèvent de leurs compétences. »
Ce qui est valable pour les syndicats devraient l’être pour les associations. Celles-ci ont le droit de constituer des coalitions, des alliances, des plateformes. Mais, au Cameroun les autorités administratives interdisent leurs activités sous de fallacieux prétextes qu’elles n’ont pas d’existence légale alors qu’il n’existe pas de lois interdisant ou régissant les plateformes, les coalitions et les alliances.
Notons pour le regretter, que 26 ans après l’avènement du multipartisme et de la liberté d’association, la loi régissant les syndicats n’a pas encore été votée. Ce qui est révélateur de la méfiance que les pouvoirs publics ont vis-à-vis de ces organisations particulières de la société civile qui constituent des contre-pouvoirs efficaces et une puissante force de mobilisation. Ce ne sont pourtant pas des initiatives allant dans le sens de l’adoption et de la promulgation d’une loi régissant les syndicats qui ont fait défaut.
Jean-Bosco Talla