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Des désastres judiciaires - Rendre justice la faim dans le ventre

Des désastres judiciaires - Rendre justice la faim dans le ventre

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Index de l'article
Des désastres judiciaires
Une justice rendue au nom du ministre de la justice, de l'exécutif et de Paul Biya
Ces condamnations qui discréditent la justice camerounaise
Une justice indépendante à l'épreuve des fait
Une justice accroupie
Indépendance de la justice: attention danger!
Rendre justice la faim dans le ventre
Construire des ennemis intérieur
Me Charles Tchoungang : «Dans certaines affaires, la principale motivation ayant permis le déclenchement des poursuites a été politique »
J'accuse...
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Rendre justice la faim dans le ventre

Solde insuffisant, très mauvaises conditions de travail peuvent expliquer les critiques faites aux magistrats. Ne faudrait-il pas aussi un minimum de bien-être des magistrats pour appliquer la justice ?
Pour tenter de colmater les bêches des manquements dans l’exercice de leur profession, après moult revendications, le décret n° 095/048 portant Statut particulier de la magistrature a été signé le 08 mars 1995. Ce décret donne les détails sur les conditions d’administration dans le corps de la magistrature, le mécanisme de promotion des magistrats, leurs droits et devoir, etc. Seulement, 21 ans après ce texte, la magistrature camerounaise ne se porte guerre mieux.
Selon plusieurs spécialistes de la chose juridico-judiciaire « au-delà du décret portant statut particulier des magistrats, décret discutable à plusieurs égards, il faut noter que beaucoup de magistrats sortis de l’Enam commencent leur carrière après des années de frustration et de misère car ils attendent souvent des années au quartier ». La raison de ce retard est que le président de la République ne convoque pas régulièrement le Conseil supérieur de la magistrature qui valide l’entrée dans la profession de magistrat.
Une fois intégrés, nos magistrats se retrouvent submergés par le travail, eux qui doivent suivre et étudier des dizaines voire des centaines de dossiers. Face à l’immensité de la tâche, ils se limitent aux minima. Certains magistrats rencontrés estiment que « ceux qui critiquent les juges ne savent pas dans quelles conditions déplorables [ils travaillent] ». Un tour au Palais de justice, centre administratif permet de constater que la plupart des magistrats travaillent dans des véritables capharnaüms, des sortes de « cases de fous ». Après plusieurs hésitations un magistrat qui a requis l’anonymat explique : « On nous refuse jusqu’à la sonorisation des salles d’audience et l’informatisation de procédures ».
Comme l’on peut très bien se rendre compte, les tribunaux camerounais manquent cruellement de personnel. Ce qui n’est pas sans conséquences sur le suivi des dossiers.
En limitant le nombre d’auditeurs de justice qui entrent à l’Enam, l’exécutif fragilise insidieusement le judiciaire. Car s’il y a peu de magistrats pour beaucoup plus de dossiers, ces derniers seront nécessairement survolés et ce sera, dira-t-on en fin de compte, la faute des magistrats. Pour ne pas arranger les choses, le décret cité plus haut fait la part belle aux magistrats de la Cour suprême alors que les magistrats «ordinaires» qui triment dans les tribunaux de l’arrière-pays sont très mal lotis.
Faut-il le souligner, le président de la Cour suprême perçoit mensuellement 1 605 000 F CFA, sans compter les primes et avantages divers. Il bénéficie de l’attention du président de la République qui peut proroger à l’infini son admission à la retraite comme on a pu le voir avec Alexis Dipanda Mouelle. Du coup, nombre de magistrats, malgré les difficultés rencontrées, préfèrent se taire pour ne pas s’attirer les foudres de l’exécutif. On s’installe alors dans un cycle vicieux avec pour corollaire une justice affaiblie que l’on veut à dessein tenir par le ventre des magistrats.
Olivier Atemsing Ndenkop