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Succession présidentielle: La guerre totale - Vers Etoudi en marchant sur des cadavres

Succession présidentielle: La guerre totale - Vers Etoudi en marchant sur des cadavres

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Index de l'article
Succession présidentielle: La guerre totale
Vers Etoudi en marchant sur des cadavres
Succession présidentielle: passé, présent et avenir
Louis Paul Motaze: L'Ambitieux silencieux
Rémy Ze Meka: Mourir d'espoir
Edgar Alain Mebe Ngo'o: Le pouvoiriste bling bling
Laurent Esso: Le Magistrat-chirurgien de l'Opération épervier
Franck Biya sur le starting bloc
René Sadi: Le parangon de l'inertie
Broyé par le rouleau compresseur
Mathias Eric Owona Nguini:
Les conditions d'une succession ou d'une transition politique pacifique au Cameroun
Toutes les pages
Vers Etoudi en marchant sur des cadavres

Tous les moyens sont bons pour s'accrocher au pouvoir. La manipulation de la constitution devient partout la règle, au Cameroun comme ailleurs en Afrique. La mort et la succession par le fils sont devenues la nouvelle forme d'alternance dans le continent..

Malgré le faux exorcisme des appels et des motions demandant à Paul Biya de se représenter à la magistrature suprême, le débat successoral bat son plein. A juste titre. Puisque malgré la révision constitutionnelle de 2008, il semble avoir un divorce  ou un malentendu entre Paul Biya et ses lieutenants. Malentendu qui se dégage de ses propos pertinent d’un ministre de la République à un opposant, exilé volontaire aux États Unis: « Massa, le patron est vieux, en 2011 il partira. Nous allons faire la politique autrement. Toi et moi, on aura un duel de chevalier ; on va s'affronter ». C’était sans compter avec la volonté d’éternisation au pouvoir de Massa. Conséquence, alors que le chef veut des actions de ses lieutenants pour servir son ambition, ceux-ci par contre s’organisent chaque jour pour sa succession qui peut intervenir à tout moment. Inertie, détournements de deniers publics, opération épervier à tête chercheuse, bref une gouvernance de la tricherie est mise à contribution. Preuve que, même différée la succession présidentielle est déjà là. Ce que témoigne la multiplication des G11, G18, G21 et autres Brutus.
Si on s’en tient à l’esprit et à la lettre de la loi électorale et de la loi constitutionnelle n° 2008-1 du 14 avril 2008 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 96-6 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972, l’élection et la vacance au sommet de l’État sont bien encadrées et se feront, en théorie, sans heurts, malgré les incertitudes et les imprécisions de certaines dispositions contenues dans ces textes.
La loi constitutionnelle susvisée dispose :
«Article 6.- (2) (nouveau) : Le président de la République est élu pour un mandat de sept (7) ans. Il est rééligible.
(4) (nouveau) : En cas de vacance de la présidence de la République pour cause de décès, de démission ou d'empêchement définitif constaté par le conseil constitutionnel, le scrutin pour l'élection du nouveau président de la République doit impérativement avoir lieu vingt (20) jours au moins et cent vingt (120) jours au plus après l'ouverture de la vacance.
a) L'intérim du président de la République est exercé de plein droit, jusqu'à l'élection du nouveau président de la République, par le président du Sénat. Et si ce dernier est, à son tour empêché, par son suppléant suivant l'ordre de préséance du Sénat.
b)  Le président de la République par intérim- le président du sénat ou son suppléant ne peut modifier ni la constitution, ni la composition du gouvernement. Il ne peut recourir au référendum. Il ne peut être candidat à l'élection organisée pour la présidence de la République.
c) Toutefois, en cas de nécessité liée à l'organisation de l'élection présidentielle, le président de la République par intérim peut, après consultation du conseil constitutionnel, modifier la composition du gouvernement.»

Il est certes vrai que parler de succession dans une communauté historique qui se proclame République ayant choisi la démocratie comme système de gouvernement peut paraitre paradoxal. En ce sens, on peut convenir avec Alain-Didier Olinga que « le langage de la succession suppose immédiatement l'existence d'héritiers identifiables, ainsi que celle d'un patrimoine dont on peut hériter. D'un strict point de vue logique, l'on ne devrait pas hériter d'un individu qui n'est pas mort. Rigoureusement parlant, le lexique constitutionnel des républiques démocratiques ne connaît pas la notion de " succession ", laquelle est propre aux États monarchiques organisés autour du changement en principe dynastique à la tête de l'État, la structure gouvernementale ayant quant à elle généralement une légitimité démocratique, adossée qu'elle est à une majorité parlementaire élue au suffrage universel. »
Mais, à l’observation, le changement inéluctable qui se prépare au Cameroun se fera suivant le principe de la transmission dynastique ou monarchique du pouvoir. Étant donné que, même s’il n’existe pas de lien de filiation biologique entre le président actuel et la plupart des potentiels postulants à la fonction présidentielle, tous ceux qui gravitent autour du pouvoir et le servent se perçoivent comme des « fils », des « créatures » ou « des esclaves », du « Père » ou de « l’esclavagiste » Paul Biya.
On ne peut comprendre autrement les propos de Jacques Fame Ndongo, sémiologue et ministre de l’Enseignement supérieur, s’adressant à ses camarades, frères et sœurs de la région du sud : « Nous sommes tous les créatures ou des créations du président Paul Biya, c’est à lui que doit revenir toute la gloire dans tout ce que nous faisons. Personne d’entre nous n’est important, nous ne sommes que ses serviteurs, mieux, ses esclaves »
Même si cette sortie de Fame Ndongo s’apparente à une sorte de bouffonnerie clientéliste qui confine aux comiques de geste et de situation du théâtre où, comme l’a montré l’univers d’Alfred Jarry, le comique côtoie presque toujours le tragique, personne ne peut affirmer de manière péremptoire qu’il se livre à un simple exercice de rhétorique. Cette sortie du sémiologue est révélatrice d’une sorte de « liens de parenté » entre le Père-Créateur et les Fils-Créatures.
Au regard du contexte sociopolitique actuel caractérisé par des rivalités de pouvoir entre les barons et baronnies les plus en vue, les luttes proclamées contre la corruption et le terrorisme, de l’âge de Paul Biya et de ses absences régulières du pays, de longs courts séjours privés en Europe quelquefois, pour ne pas dire le plus souvent, pour des raisons de santé, les observateurs de bonne foi estiment que la guerre de succession a été engagée depuis plus une dizaine d’année. C’est donc à juste titre que Urbain Olanguena estime qu’ « un climat de fin de règne est fortement marqué par la violence de la guerre de succession comme dans la fable du vieux lion malade, en bout de course, et des lionceaux qui se battent férocement pour capter l’héritage »
Les différents protagonistes que sont entre autres, Franck Biya, Laurent Esso, Edgar Alain Mebe Ngo’o, Louis Paul Motazé, Réné Sadi, Rémy Zé Meka, amassent les munitions de guerre et affutent leurs armes. Pour les besoins de la cause, certains créent des sociétés de gardiennage, véritables milices, le plus souvent en usant de prête-noms. D’autres, en plus des réseaux et clans qu’ils forment ou favorisent l’émergence jusqu’au sein des forces de défense et de sécurité, créent - ou font main basse sur – les médias qui seront utilisés le moment venu comme outils de propagande. D’autres enfin usent ou ont utilisé l’Opération Épervier soit pour se faire une clientèle, soit pour éliminer de potentiels concurrents.
La dernière catégorie de protagonistes considère leur filiation biologique ou leur parenté avec le Leader perpétuel comme un avantage comparatif. Compte tenu de la structure encore largement patrimoniale du pouvoir étatique et présidentiel camerounais, leurs chances ne sont manifestement pas nulles, même si elles ne sont pas non plus inéluctables.
Visiblement, on s’achemine vers une guerre totale.
Jean-Bosco Talla