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Qui veut la paix...prépare la guerre contre la misère

Qui veut la paix...prépare la guerre contre la misère

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Le dicton selon lequel « qui veut la paix prépare la guerre » n’est pas valable seulement pour la non-agression frontalière des voisins. L’Histoire du monde, et désormais plus singulièrement celle de l’Afrique, montre que cet adage est plus significatif par rapport à la gouvernance des États, en indiquant que, comme le dirait une encyclique papale, « le nouveau nom de la paix c’est le développement »
Il se trouve que dans le développement, comme dans la tranquillité aux frontières, ce sont les gouvernements qui portent la responsabilité de la recherche ou de l’instauration de la paix. Le gouvernement qui veut la paix aux frontières élabore des stratégies de défense et fourbit ses armes… Celui qui prépare la « paix-développement » instaure et protège la démocratie et la justice dans son pays comme les clés du bonheur social. Il lutte contre la pauvreté de ses populations et les inégalités sociales, garantit l’égal accès à tous les droits sociaux, culturels, économiques, et politiques pour tous les citoyens, et surtout les plus fragiles comme les femmes, les enfants, les travailleurs employés, etc.


La raison d’être de l’État est la réalisation du bien commun dans l’ordre temporel de la nature. C’est-à-dire, et dussé-je me répéter, l’organisation de la production des biens nécessaires à la vie de tous ; la reconnaissance, la garantie, et surtout la protection de tous les droits humains (naturels ou acquis) ; la construction de la solidarité humaine et de la sécurité sociale ; l’établissement et la protection d’une justice pour tous, dans un État de droit où la force de la loi ne puisse pas s’accommoder de la loi de la force.
Mais, l’État n’est qu’une institution qu’un gouvernement compétent, légitimé par le choix du peuple, et responsable doit gérer, pour pouvoir instaurer une paix sociale qui signifie coexistence pacifique et harmonieuse des populations   quelles que soient leurs origines sociologiques, culturelles ou religieuses, sans « allogènes et autochtones » constitutionnels, mais uniquement liées par un destin commun.
Nous parlons ici d’une paix sociale induite par la sécurité alimentaire et sociale de tous ; par l’égalité de protection ou de punition  de tous devant la loi que garantit l’indépendance de la magistrature ; par l’égal respect des droits humains de la part des autorités publiques et privées; par l’égalité de chances économiques, sociales  et culturelles pour tous, égalité que permettent d’un côté une législation stimulant la créativité et la production,  et de l’autre une justice distributive  organisée par une administration publique neutre, ou plus précisément non partisane, acquise au service des citoyens et non inféodée à un parti au pouvoir. 
Nous parlons, par-dessus tout, d’une paix sociale induite par le droit et le pouvoir effectifs que doivent avoir les citoyens, de choisir librement ledit gouvernement, de contrôler son action, et de le révoquer, le cas échéant, sans devoir recourir aux voies insurrectionnelles porteuses de germes de conflits.
En tout état de cause, la paix sociale, ou « paix développement » dont nous parlons, ne saurait être, comme dans le Cameroun du RDPC, une tranquillité basée sur la peur d’être tué par les balles de la répression militaire si l’on exprime sa légitime indignation. Les Camerounais aspirent à autre chose en matière de « paix-développement ». Et si M. ne veut pas tourner la bonne page pour en tirer le bénéfice historique dont il rêve, elle se tournera sans lui.
Sauf qu’en ce moment où son âge, sa santé et la frilosité de ses créatures plongent le pays dans une menaçante incertitude, il ne doit pas oublier de s’être engagé à rester dans l’Histoire comme « quelqu’un qui a apporté la démocratie à son peuple ».
Et à moins que son discours ait donné au mot « démocratie » un sens pratique fossile ou contraire à sa signification authentique, elle se définit comme « un gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple ». Elle est donc le sésame qui ouvre la porte sur le champ de la « paix-développement ». Et comment peut-on programmer une « paix-développement » sans faire la guerre au « sous-développement » ? C’est cette question qui nous autorise le rapprochement analogique qui suit.
Le chef qui prépare la guerre militaire parce qu’il veut la paix aux frontières suspecte préventivement son ou ses voisins, d’une capacité potentielle d’agression frontalière aux motifs divers. S’il veut plutôt la paix sociale, il doit préparer la guerre contre le sous-développement dont le potentiel « conflictogène » et les capacités de nuisance à la paix, sont davantage connus que soupçonnés. L’arme fatale contre le sous-développement, c’est une démocratie authentique qui permet au peuple de se donner un gouvernement légitime, par voie électorale, pour imaginer et mettre en œuvre des politiques publiques adaptées aux exigences d’une vision plus humaine et juste de la société.
On peut donc comprendre que parvenu à la tête de l’Etat, M. Biya ait eu, et a peut-être encore, l’ambition de léguer à « son » peuple, au soir d’une vie dont il a déjà passé les 3/5ème dans le pouvoir, un pays démocratisé et fier de se gouverner. Mais, comment s’expliquer sa prétention bien optimiste, à l’heure où nous sommes, de réussir la construction d’un tel héritage dans un contexte de monolithisme pluriel là où seul un réel pluralisme partisan peut lui offrir l’opportunité de tourner avec gloire la page de son autocratie avérée.
Le musellement de l’opposition et sa réduction à la portion d’alibi, par l’administration publique acquise au RDPC, l’appel  des « créatures » à leur créateur pour qu’il brigue un nouveau mandat en écourtant celui dont il n’a exercé que la moitié, la suggestion d’une modification de la Constitution en vue d’instaurer une Vice-présidence de la République, sans compter les intrigues  du sérail, sont des indicateurs d’une problématique de l’après Biya qui arrive peut-être trop vite et qu’il faut résoudre de manière à préserver durablement leurs prébendes.
En tout cas, il semble désormais que le caillou dans la chaussure de M. Biya ne soit pas les opposants extérieurs en qu’il qualifie d’« apprentis sorciers », mais les cadres de son système qui deviendraient les « tout-perdants » dans toute donne alternative
Du coup, M. Biya qui a passé 34 ans à défier le peuple camerounais à l’occasion de toutes les exigences citoyennes majeures, est face à son propre défi qui est, selon le proverbe camerounais « un homme c’est sa parole », d’honorer ses engagements historiques, avant que sa conscience ne commence à lui demander « Où est passé le renouveau ? Qu’est devenu Le Libéralisme communautaire ? »
Par exemple, le 10 février 1984, lors de son discours à la Jeunesse, et quelques semaines après qu’il ait souhaité entrer dans l’Histoire comme l’apporteur de la démocratie, il informait la nation que les mots d’ordre du « Renouveau national » seront « la rigueur et la moralisation, la libéralisation et l’ouverture démocratique […].
Trois décennies après, on n’a rien vu se produire, ou si peu. Tout s’est même passé comme si ce discours n’était qu’une ironie. A ceux qui le pressent de se porter à nouveau candidat à l’élection présidentielle, M. Biya devrait donc rétorquer par les questions suivantes : « Pourquoi le Renouveau formulé depuis 33 ans est-il resté essentiellement une errance de l’esprit, alors qu’on s’attendait à ce qu’il devienne une pratique et qu’il irrigue tout le tissu social, pour provoquer un changement de mentalité (et) donc, de comportement ?».
Une fois la question posée, il lui resterait simplement à faire ce qu’un chef fait  quand il a été désobéi et exposé à la condamnation de l’Histoire : les renvoyer  cultiver le chou, et intimer au Parlement à ses ordres, de doter le Cameroun d’un Code électoral abaissant l’âge électoral à 18 ans pour les jeunes, instaurant des élections à deux tours, autorisant les candidatures indépendantes aux élections municipales, accordant une éligibilité à la totalité de la diaspora nationale, et donnant l’indépendance de Elections Camerons…
Le Président n’a pas de collaborateurs assez honnêtes pour lui dire que s’il  partait aujourd’hui, il ne laisserait aux Camerounais que le souvenir d’un Chef qui a abîmé l’autorité de l’État dans la permissivité morale et l’impunité sociale (pillage des ressources publiques, corruption systémique de la société jusque dans les écoles où sévit en plus la consommation de la drogue, désordre urbain généralisé, déconstruction de la mystique nationale, pauvreté et inégalités sociales endémiques, etc. ).
Quoi qu’il en soit, et au regard de ce qui précède, un Code électoral qui rétablit le peuple dans sa souveraineté, et lui permet par une alternance paisible, est une manière de préparer la guerre contre le sous-développement.
Jean-Baptiste Sipa