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Le crépuscule des idoles

Le crépuscule des idoles

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Combien de Camerounais vivant, aujourd’hui, hommes de cultures, leaders politiques ou d’opinion, un jeune, peut avoir envie, sinon de ressembler, du moins de s’inspirer pour son cheminement personnel ? Les exemplaires sont rares et les modèles durables pratiquement inexistants. Il est évident que la jeunesse camerounaise est en quête de repères. Elle ne se voit très souvent offrir que des stars artificielles, des gloires acquises à bon marché par une élite prompte au reniement, à la compromission.
Et c’est presque toujours au moment où l’on attend d’eux des attitudes courageuses, qu’ils basculent dans la compromission. La politique à cet égard offre le plus de tentations. Pourtant, l’histoire nous enseigne que c’est dans la capacité à résister aux tentations que l’on détecte la fibre des leaders que recherche la société. À peine tel intellectuel a-t-il émergé du lot qu’avant même d’avoir fait des disciples, il se laisse phagocyter par le pouvoir politique, détourneurs des talents et des valeurs. Et à l’intérieur du système, il s’évertue à défendre l’indéfendable, mieux à affronter permanemment sa raison.


Au début des années 90, ébloui par la lumière du jour au sortir de la caverne obscure du monolithisme, le peuple ne pouvait voir clair tout de suite. De nos jours, face aux  multiples trahisons, grenouillages, rencontres nocturnes avec le directeur du cabinet si vil et erreurs stratégiques des leaders dits de l’opposition – en réalité des alliés objectifs de Paul Biya - et au moment où les discours et les poings levés n’impressionnent plus que ceux qui ont la mémoire courte, il est tout à fait logique que le peuple ne sache plus à quel saint se vouer. Beaucoup de leaders politiques qui se  paraient de l’étiquette d’opposant ont soi quitté la scène, soit rejoint la mangeoire, leur activisme n’ayant été qu’une façon de  « se faire voir par le pouvoir qui distribue les cartes d’invitation au grand festin où se partage le gâteau national. En ces temps de disette, le réalisme impose le devoir de négociation qui met fin à l’insécurité matérielle dans laquelle on ne peut tenir trop longtemps », observe le sociologue Jean-Marc Ela. D’autres se parent du statut d’opposant alors qu’ils sont nourris la nuit par de nombreux sympathisants qui sont au sein du pouvoir, mais qui refusent qu’on sache qu’ils ont la sympathie pour tel ou tel “leader”  politique.
Au juste, qui sont ces hommes et femmes, que, l’on regroupe généralement dans la catégorie, presque unanimement admise de classe politique ? Quel est le cheminement de tous ces politiciens qui tiennent entre leurs mains, en jouant si souvent avec le destin du peuple camerounais ? Que valent-ils ? Ces questions, on ne les pose pas très souvent, alors qu’elles sont essentielles pour savoir si l’on peut oui ou non faire confiance aux politiciens qui postulent à la charge de l’État. La classe politique camerounaise est un monde, une jungle où le pire côtoie le meilleur. Dans l’ensemble le peuple Camerounais a affaire aux affamés, sans principe et sans conviction.
Ayant fait leurs classes dans les rangs du parti unique, ils ont été pour toujours marqués par une culture de l’unanimisme, donc de l’intolérance. Ne faites surtout pas une remarque désobligeante à un certain John Fru Ndi qui prétend gouverner le Cameroun alors qu’il est incapable de faire plus d’un mois hors de son Bamenda natal. Ne lui dites surtout pas qu’il n’est pas normal qu’un leader de parti qui aspire gouverner le Cameroun fasse de son domicile privé le lieu privilégié pour donner les conférences de presse avec derrière lui la photo de sa défunte épouse. Ne relevez pas cette anomalie qui consiste à faire de son domicile privé (sa chefferie) le lieu privilégié où toutes les réunions du NEC tiennent. La réaction est immédiate. Comme celle d’un adolescent. Chantal Kambiwa et d’autres bannis du Sdf en savent quelque chose.
En tout cas, le Cameroun ne peut espérer construire une démocratie solide si les partis politiques font fi de la formation du personnel politique, des hommes et femmes d’envergure, capables d’assumer les responsabilités les plus importantes. De manière à faire en sorte que, comme dans les démocraties avancées, l’accession à des responsabilités politiques soit le couronnement d’un long parcours jonchés d’embûches et au cours duquel les convictions ont été éprouvées. En politique, comme dans plusieurs autres domaines de la vie, tout ce qui relève de la génération spontanée est observé avec circonspection.
Et tant que l’opposition sera incapable de relever le défi de la cohésion, c’est-à-dire de la création d’un cadre de concertation pouvant lui permettre de régler des questions stratégiques et d’intérêt commun, de concevoir et de promouvoir des projets alternatifs crédibles, des approches politiques novatrices et efficaces ;  autrement dit, tant qu’elle n’aura pas créer un cadre pour une véritable synergie d’association et d’actions en vue de l’alternance politique pacifique au Cameroun, elle passera son temps à faire du bruit comme un tonneau vide, à aboyer pour signaler le passage de la caravane du Rassemblement démocratique du peuple camerounais. Le grand manitou d’Etoudi continuera de l’utiliser comme un faire-valoir démocratique.
Jean-Bosco Talla