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Société Prisons camerounaises: des univers surréalistes - Assistance et argent au bout du coup de fil des détenus

Prisons camerounaises: des univers surréalistes - Assistance et argent au bout du coup de fil des détenus

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Index de l'article
Prisons camerounaises: des univers surréalistes
Les tares des prisons du Cameroun dénoncées
Clément a vécu un enfer avant d’être libéré
Des adultes logés au quartier des mineurs
Assistance et argent au bout du coup de fil des détenus
Un détenu veut porter plainte contre l’Etat
Des policiers torturent pour faire avouer des suspects
Un condamné à mort soigne ses codétenus
Des étudiants condamnés pour avoir voulu manifester
Les détenus payent leur transfert au tribunal
Sortis de New-Bell, ils se forment et travaillent
Des nourrissons font ''leurs premiers pas''
Une ministre enferme un paysan
Les abandonnés galèrent pour survivre
Des détenus cisèlent, sculptent, cousent…
Distribution des tracts: des opposants emprisonnés dix jours
Prison de Mantoum: La réinsertion par le travail aux champs
Torturé et détenu sans motif pendant trois ans
Guy crée des bijoux et revit
Un jeune abattu à la prison de Bafoussam
Les ''pingouins'' dorment à la belle étoile
Prison de Ngambe: trop délabrée
A Bantoum, des habitants dénoncent le racket de l’adjudant-chef
Toutes les pages

Téléphoner à la prison de New Bell
Assistance et argent au bout du coup de fil des détenus
Malgré son interdiction au sein de la prison, des détenus utilisent le téléphone portable pour demander un soutien familial, judiciaire ou développer leur activité commerciale, à leurs risques et périls.
Assis dans un coin de la prison, Ibrahim cache avec soin son téléphone portable qu’il détient par devers lui. De temps à autre, des détenus s’approchent de lui et après quelques secondes de causerie, les deux hommes se retirent dans un endroit calme de la prison où le premier donne au second, son téléphone portable afin qu’il puisse passer un appel. Le prix de la minute d’appel est connu : 100Fcfa. La communication dure près de trois minutes et Ibrahim perçoit 300Fcfa. Cinq minutes plus tard, les deux hommes sont de retour. La scène se répète plusieurs fois dans la journée avec d’autres détenus.
Bien qu’interdit au sein de la prison centrale de Douala, nombreux sont les bagnards qui ont en leur possession des téléphones portables. Certains ont choisi de commercialiser les appels. Alors que les détenteurs des téléphones portables sont attirés par l’argent, les autres détenus sont motivés par le désir de communiquer avec leurs proches ou avocats. « J’appelle souvent mes parents pour leur demander soit un médicament si je suis malade ; ou encore de l’argent quand je n’en n’ai plus», informe Pascal qui vient de passer un appel. D’autres détenus soutiennent appeler leur avocat afin que ce dernier viennent à la prison pour qu’ils travaillent sur leur dossier et sur la stratégie à adopter le jour du procès. Pour d’autres encore, « il faut appeler l’extérieur pour qu’on m’aide à payer mes dépens afin que je sois libéré », informe Bruno.

 

Cellule disciplinaire comme sanction
Cependant, les détenus s’accordent à dire que le téléphone portable est beaucoup plus utilisé pour ceux des détenus qui ne bénéficient pas des sorties. Cependant, à en croire Me Madeleine Nsali Mbebi, défenseur des droits de l’homme, « la communication des détenus est permise et les détenus utilisent souvent le téléphone pour communiquer avec leurs avocats ou leur familles et connaissances », informe-t-elle. Pourtant, l’activité est risquée ; car, « l’usage du téléphone portable par les prisonniers est interdit au sein de la prison centrale de Douala », informe un  gardien de prison. A en croire ce dernier, « tout détenu saisi en possession d’un téléphone portable est interpellé et conduit en cellule disciplinaire (Cd). Son téléphone est également confisqué ». La cellule disciplinaire est une cellule très obscure. Elle possède juste un tout petit trou d’aération que les détenus se disputent pour voir la lumière du jour. C’est dans cette cellule que le détenu est gardé trois ou cinq jours en guise de sanction.
Un risque qui ne décourage pas pour autant les prisonniers. Car, « lorsqu’un garde prisonnier nous saisi, si on peut négocier, on n’hésite pas à le faire. Lorsque ce n’est pas possible, nous sommes sanctionné et envoyé en Cd (cellule disciplinaire) », explique Pascal. Mais, après leur sortie de la Cd, les prisonniers ne s’arrêtent pas là. Ils recommencent de plus belle. Car, pour les détenus, « si nous devons arrêter de le faire, cela veut dire que nous signons notre arrêt de mort. Et si on le fait, comment ferons-nous pour survivre pendant notre incarcération ? », s’accordent-ils à dire.

Pour assurer sa survie
D’autres détenus sont plutôt attirés par l’argent. «Je vends la minute à 100Fcfa quel que soit l’opérateur ; que ce soit Mtn ou Orange. La minute à Mtn me revient à 60Fcfa et celle d’Orange, à 69Fcfa. Donc, je gagne 40Fcfa ou 31Fcfa par minute d’appel en fonction de l’opérateur choisi », informe Honoré, un autre détenu qui fait du « call box ». Ce dernier affirme réaliser un bénéfice journalier qui peut aller jusqu’à 2000Fcfa. Pascal qui, lui, n’a qu’un seul opérateur affirme réaliser un bénéfice journalier qui varie entre 800Fcfa et 1000Fcfa.
Pourtant, il n’y a pas que les appels téléphoniques qui soient payant. Les réceptions d’appels également ne sont pas gratuites. « Si tu n’a pas assez d’argent pour appeler tu peux biper un numéro. Et, si la personne que tu bipes appelle, après la causerie, tu paies le propriétaire du téléphone », explique un détenu. Dans ce cas, le propriétaire du téléphone perçoit la somme de 100Fcfa. Toute chose qui accroit les gains journaliers des propriétaires des « call box » et leur permet d’améliorer leurs conditions de détention. «Cela nous permet de nous offrir des repas copieux, de nous vêtir décemment », se réjouit Ibrahim.
Blaise Djouokep (Jade)