• Full Screen
  • Wide Screen
  • Narrow Screen
  • Increase font size
  • Default font size
  • Decrease font size
Société Prisons camerounaises: des univers surréalistes - Prison de Ngambe: trop délabrée

Prisons camerounaises: des univers surréalistes - Prison de Ngambe: trop délabrée

Envoyer Imprimer PDF
Note des utilisateurs: / 0
MauvaisTrès bien 
Index de l'article
Prisons camerounaises: des univers surréalistes
Les tares des prisons du Cameroun dénoncées
Clément a vécu un enfer avant d’être libéré
Des adultes logés au quartier des mineurs
Assistance et argent au bout du coup de fil des détenus
Un détenu veut porter plainte contre l’Etat
Des policiers torturent pour faire avouer des suspects
Un condamné à mort soigne ses codétenus
Des étudiants condamnés pour avoir voulu manifester
Les détenus payent leur transfert au tribunal
Sortis de New-Bell, ils se forment et travaillent
Des nourrissons font ''leurs premiers pas''
Une ministre enferme un paysan
Les abandonnés galèrent pour survivre
Des détenus cisèlent, sculptent, cousent…
Distribution des tracts: des opposants emprisonnés dix jours
Prison de Mantoum: La réinsertion par le travail aux champs
Torturé et détenu sans motif pendant trois ans
Guy crée des bijoux et revit
Un jeune abattu à la prison de Bafoussam
Les ''pingouins'' dorment à la belle étoile
Prison de Ngambe: trop délabrée
A Bantoum, des habitants dénoncent le racket de l’adjudant-chef
Toutes les pages
Prison de Ngambé
Trop délabrée pour accueillir de nouveaux détenus
L’administration de la prison secondaire de Ngambe hésite à accueillir de nouveaux pensionnaires. Les mauvaises conditions de détention y sont contraires aux textes des Nations Unies.
"Ici, il y a de l’espace et de la tranquillité. Nous ne sommes pas étouffés comme à la prison principale d’Edéa mais les conditions de vie restent très difficiles. On dort sur des planches non couvertes. Il faut se trouver un morceau de matelas ou de natte pour y mettre dessus avant de dormir. Ce n’est pas facile si tu n’as pas de soutien". La vingtaine sonnée, Mahira Florent, visage clair, est déçu. Condamné à quatre ans d’emprisonnement ferme à la prison principale d’Edéa pour "vol de voitures", le jeune homme a obtenu son transfert à la prison secondaire de Ngambe dans l’espoir d’y retrouver de meilleures conditions de détention. Hélas, il a trouvé une cellule au toit fissuré, sans lit ni de lumière suffisante. Une situation qui explique que la prison de Ngambe n’abrite que vingt trois pensionnaires alors que sa capacité d’accueil est de cent cinquante.

Toits troués
Comme ses codétenus, Ngando Sébastien doit aussi supporter l’humidité dans sa cellule. Le soleil, comme celui qui brille en cette matinée de mai 2012, limite les dégâts. "Les tôles du toit sont vieilles et toutes trouées. Quand il pleut, l’eau rentre dans la cellule. Nous profitons du peu de soleil qui passe par la petite fenêtre pour chasser la moisissure qui s’attaque à nos vêtements", raconte ce détenu qui aime cuisiner pour ses compagnons.
Construite dans les années cinquante, la prison secondaire de Ngambe accueille les détenus adultes condamnés à de courtes peines, en provenance des prisons d’Edéa et de Douala. Outre le souci de décongestionner ces grands pénitenciers, ce statut de prison secondaire permet de pallier le manque de juridiction dans cette localité rurale. "Ngambe ne dispose pas d’un tribunal. S’il faut fonctionner comme une prison normale, les transfèrements des prévenus vers la juridiction la plus proche à Edéa vont coûter extrêmement cher à l’Etat", explique l’intendant principal des prisons Mofa Godwin, régisseur de la prison de Ngambe.

L’Etat interpellé
Le mauvais état des cellules ne l’incite donc pas à accueillir plus de pensionnaires. "Il faut réfectionner les bâtiments vétustes. Quand il pleut, ça coule partout. Nous avons plusieurs fois tenté de boucher les trous des tôles mais la situation ne change pas. Nous ne pouvons pas accueillir plus de détenus dans ces conditions", prévient le régisseur. D’autant plus que l’administration de la prison a de la peine à assurer la prise en charge médicale et alimentaire de ses pensionnaires.
Ces mauvaises conditions nuisent aussi à la capacité des prisonniers à travailler. "Tous les jours, on dort sur les planches. Le matin, certains détenus ne peuvent pas aller en corvée parce que le corps fait mal. On est obligé de supporter, c’est la prison", explique un prisonnier. Pour résoudre ces problèmes, les détenus qui, pour la plupart, ne reçoivent pas de visites de leurs proches, se tournent vers l’administration qui, à son tour, lance sans cesse des appels en direction de l’Etat.

Textes non respectés
Qu’elles soient centrales, principales ou secondaires, les prisons du Cameroun sont toutes dans un état lamentable. Une situation qui courrouce les défenseurs des droits de l’Homme. "Le préambule de la constitution stipule que la dignité de toute personne, y compris le détenu, doit être respectée en toute circonstance. Il existe également des conventions internationales ratifiées qui s’imposent à l’ordonnancement juridique camerounais. Ces textes ne sont pas respectés. Dans le cas spécifique de la prison de Ngambe, on peut se rendre compte que ces minima ne sont pas respectés parce que les détenus n’ont pas un logement décent", indique Me Ngue Bong Simon Pierre, avocat au barreau du Cameroun. Il conclut : "Il faut une volonté politique réelle pour assainir la gestion de la chose publique c'est-à-dire s’assurer que les crédits alloués à ces prisons pour leur fonctionnement leur parviennent effectivement et qu’on tienne compte des difficultés propres aux prisons. Il ne s’agit pas de faire des prisons une priorité mais de leur accorder un peu plus d’attention".
Ne serait-ce que pour respecter les recommandations des Nations Unies qui précisent : "Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement des détenus pendant la nuit, doivent répondre aux exigences de l'hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d'air, la surface minimum, l'éclairage, le chauffage et la ventilation ".
Christian Locka (Jade)