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Société Prisons camerounaises: des univers surréalistes - Un jeune abattu à la prison de Bafoussam

Prisons camerounaises: des univers surréalistes - Un jeune abattu à la prison de Bafoussam

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Index de l'article
Prisons camerounaises: des univers surréalistes
Les tares des prisons du Cameroun dénoncées
Clément a vécu un enfer avant d’être libéré
Des adultes logés au quartier des mineurs
Assistance et argent au bout du coup de fil des détenus
Un détenu veut porter plainte contre l’Etat
Des policiers torturent pour faire avouer des suspects
Un condamné à mort soigne ses codétenus
Des étudiants condamnés pour avoir voulu manifester
Les détenus payent leur transfert au tribunal
Sortis de New-Bell, ils se forment et travaillent
Des nourrissons font ''leurs premiers pas''
Une ministre enferme un paysan
Les abandonnés galèrent pour survivre
Des détenus cisèlent, sculptent, cousent…
Distribution des tracts: des opposants emprisonnés dix jours
Prison de Mantoum: La réinsertion par le travail aux champs
Torturé et détenu sans motif pendant trois ans
Guy crée des bijoux et revit
Un jeune abattu à la prison de Bafoussam
Les ''pingouins'' dorment à la belle étoile
Prison de Ngambe: trop délabrée
A Bantoum, des habitants dénoncent le racket de l’adjudant-chef
Toutes les pages

La liste des fugitifs tués s’allonge
Un jeune abattu à la prison de Bafoussam
Des gardiens de prison ont abattu un jeune qui tentait de s'évader de la prison de Bafoussam. Les militants des droits de l'Homme dénoncent cette bavure, courante au Cameroun, et qui reste toujours impunie.
Condamné en 2011 à 7 ans d’emprisonnement ferme au Tribunal militaire de Bafoussam, Carlese Tchemi Towo, a été abattu, le 26 avril dernier par ses geôliers. Il tentait de s’évader par la toiture du quartier féminin, dont le mur est un peu plus bas. Alertés par des bruits, les geôliers ont organisé une chasse à l’homme. Le fugitif n’a eu aucune chance. "Il a été criblé de balles au niveau de l’abdomen et du thorax", décrit M. Kengné, pensionnaire du pénitencier, hanté par la vision de la dépouille de son codétenu.  

 

"Une jungle"
Le régisseur de la prison centrale de Bafoussam, Soné Ngolé, dresse un portrait négatif du prisonnier abattu. "Des coups de feu sont partis dans un premier temps pour le prévenir… Mais il en est mort. C’est un braqueur du tribunal militaire qui a été condamné à 7 ans. Il avait déjà passé 3 à 4 ans, ici, à la prison. Il marchait souvent avec des lames pour blesser et provoquer les autres (codétenus, Ndlr)", dénonce-t-il. Et de poursuivre : "On avait même écrit pour son transfèrement à Mantoum où on se disait qu’avec la hauteur des murs d’enceinte c’était un peu plus sécurisant. Mais avec son comportement il n’a pas voulu rester en vie et voilà comment il est mort, finalement. C’est vraiment malheureux".
Un prisonnier ayant requis l’anonymat estime, lui, que les évasions sont causées par les conditions inhumaines de détention. "Le régisseur fait des efforts pour nous mettre à l’aise. Mais jusque-là, nous souffrons assez. La ration journalière n’est ni consistante ni équilibrée. Nous consommons des aliments faits à base de farine à 95%. La sécurité à l’intérieur n’est pas garantie. C’est une jungle. Les plus forts dominent et briment les autres. Chaque fois, nous sommes témoins de bagarres et d’atrocités diverses. C’est invivable", déclare-t-il.    

"Pas d’outils performants"
Charlie Tchikanda, directeur exécutif de la Ligue des droits et libertés (Ldl) , active dans la région de l'Ouest, dénonce le surpeuplement des prisons pour justifier ces tentatives d'évasion. Construite en 1952 pour 300 détenus, celle de Bafoussam en accueille, aujourd'hui, 950.
Avocat au barreau du Cameroun, Me Che Fabien déplore les conditions de travail dans l’environnement carcéral de la place. "Il faut reconnaître que les responsables et les agents en service dans les prisons du Cameroun font beaucoup d’efforts. Cependant, s’il était soucieux de la préservation des vies humaines des personnes, quel que soit leur statut de condamnés, l’Etat devrait envisager la construction de prisons vraiment modernes et doter les geôliers camerounais d’outils performants comme des armes électroniques qui permettent d’immobiliser un détenu fugitif sans mettre fin à ses jours", explique-t-il.

L’Etat responsable
Informé par Dieudonné Kouamen, délégué régional de l’administration pénitentiaire à l’Ouest, le gouverneur de la région de l’Ouest, Bakari  Midjiyawa a ordonné l’examen de la dépouille du fugitif par un médecin légiste, afin de déterminer les causes de la mort. Selon Me Fabien Che, le document délivré par le médecin pourrait servir à la famille du fugitif abattu au cas où elle envisagerait de poursuivre l’Etat du Cameroun dont la responsabilité civile peut être retenue devant les instances judicaires spécialisées, aussi bien nationales qu’internationales.
Selon les règles minima de traitement des détenus des Nations unies, "les fonctionnaires des établissements ne doivent, dans leurs rapports avec les détenus, utiliser la force qu'en cas de légitime défense, de tentative d'évasion ou de résistance par la force ou par l'inertie physique à un ordre fondé sur la loi ou les règlements. Sauf circonstances spéciales, les agents qui assurent un service les mettant en contact direct avec les détenus ne doivent pas être armés". Tout le contraire de ce qui se passe au Cameroun où les gardiens de prison portent des armes et n'hésitent pas à tirer à balles réelles.  
Carlese Tchemi Towo, jeune homme de 25 ans, né à Banka dans le département du Haut-Nkam, fait partie de la longue liste des fuyards abattus dans les pénitenciers du Cameroun.
Guy Modeste Dzudie (Jade)