A la prison centrale de Yaoundé
Des nourrissons font ''leurs premiers pas''
Des enfants naissent et vivent dans les prisons du Cameroun. Ils sont cinq de moins d’un an à la prison centrale Kondengui de Yaoundé. Une situation pointée du doigt par la Commission des droits de l’Homme et des libertés.
Odilon, un nourrisson d’un an fait ses premiers pas maladroits dans le local 16 de la prison centrale de Yaoundé. "Il essaie aussi de parler", nous dit Médard Koalang Bomotoliga, le régisseur. Il est né en prison, comme la fillette de dix mois du local 3 et les autres nourrissons de trois à quatre semaines qui tètent encore leurs mères.
"Détenus de fait "
Une délégation de la Commission nationale des droits de l’Homme et des libertés (CNDHL), emmenée par son président Divine Chemuta Banda, a pu constater, le 16 juillet dernier, que cinq nouveaux nés sont "détenus de fait" à la maison d’arrêt de Kondengui. Elle s’est étonnée que ces enfants ne soient pas extraits de "ce milieu carcéral peu propice à leur éducation et à leur épanouissement". "Les mères refusent de se séparer de leur progéniture venue au monde en prison", a expliqué le régisseur, Médard Koalang Bomotoliga. Conscient de cette anomalie, le service social de l’établissement affirme envisager de les en faire sortir. D’autant plus que quatre femmes enceintes viennent tout juste de rejoindre le pénitencier où elles accoucheront. La CNDHL a demandé que les nouveaux nés soient retirés des lieux réservés aux malades indigents, afin de leur éviter toute contamination.
Pas de crèche
Si les lois du Cameroun sont muettes sur cette question des bambins nés en prison, les défenseurs des droits de l’Homme ont établi des règles précises les concernant. Exemple : "Lorsqu’il est permis aux mères détenues de conserver leurs nourrissons, des dispositions doivent être prises pour organiser une crèche, dotée d’un personnel qualifié, où les nourrissons seront placés durant les moments où ils ne sont pas laissés aux soins de leurs mères" Or, pas de crèche ni de personnel qualifié à Kondengui.
Autres règles minimales : "Dans les établissements pour femmes, il doit y avoir les installations spéciales nécessaires pour le traitement des femmes enceintes, relevant de couches et convalescentes. Dans toute la mesure du possible, des dispositions doivent être prises pour que l’accouchement ait lieu dans un hôpital civil. Si l’enfant est né en prison, il importe que l’acte de naissance n’en fasse pas mention." Là encore, la prison centrale est bien loin d’appliquer ces recommandations de simple humanité.
Victimes de la surpopulation
Il faut dire que la promiscuité y est la chose la mieux partagée. Les chiffres parlent : prévu pour 800 détenus, le pénitencier en détient aujourd’hui 3 992, dont 114 femmes et 211 mineurs (cinq filles), auxquels il faut ajouter les 2 658 prévenus (93 femmes) victimes des lenteurs judiciaires.
Au quartier 5, qui abrite les femmes, les conditions de vie sont certes plus favorables. Elles subissent moins surpopulation et étouffement, bénéficient même d’un climatiseur. Les plus aisées peuvent avoir des employées en échange d’une ration alimentaire quotidienne. On est loin des quartiers 8 et 9, les plus pourris, baptisés Kosovo 1 et 2, réservés aux prévenus et condamnés les plus pauvres, sans se rapprocher tout à fait des conditions confortables des pensionnaires les mieux nantis.
En dépit des difficultés administratives à gérer cette surpopulation, ne serait-il pas possible de construire des nids un peu plus douillets pour cinq nourrissons innocents et les quatre qui vont naître bientôt ?
Léger Ntiga (Jade)