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Cameroun: autopsie d'un Etat naufragé - Privatisations: Un véritable marché de dupes, par Jean-Marc Bikoko

Cameroun: autopsie d'un Etat naufragé - Privatisations: Un véritable marché de dupes, par Jean-Marc Bikoko

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Index de l'article
Cameroun: autopsie d'un Etat naufragé
Trois décennies blanches et sèches, par Souley Onohiolo
Visage de la pauvreté : une vie-misère, par Jean-Bosco Talla
Santé : le coma avancé, par Simon Patrice Djomo
Le Renouveau en rupture d’eau, d’électricité et de logements, par Olivier Ndenkop
Infrastructures de communication: Des desseins aux actes manqués, par Joseph Keutcheu
parJean Paul Sipadjo
Plus de 50 ans de politique macabre et d’assassinats,par Olivier Ndenkop
Le Cameroun, malade de sa justice, par Junior Etienne Lantier
Une justice aux ordres,par Jean-Bosco Talla
L’humanité emprisonnée, par Hipolyte Sando
Le conservatisme politique du Renouveau:Entre instinct, intérêt, censure et expression, par Mathias Eric Owona Nguini
Le management politique à dispense, à suspens et à distance de Paul Biya, par Mathias Eric Owona Nguini
Une diplomatie au service du pouvoir personnel, par Georges Noula Nangué
La tyrannie de la corruption, par Fabien Eboussi Boulaga
Jeux et enjeux de la manipulation dans la propagande électoraliste au Cameroun, par Louis-Marie Kakdeu
50 ans après : quel avenir pour nos forces de défense?, par Adrien Macaire Lemdja
La crise des valeurs au miroir de l’école camerounaise, par Hilaire Sikounmo
Financement: Une politique obstinée de la pénurie, par Roger Kaffo Fokou
Coût de l’éducation et déscolarisation massive, par Roger Kaffo Fokou
Le calvaire des enseignants depuis 1993, par Roger Kaffo Fokou
Du plomb dans l’aile de la réforme, par Roger Kaffo Fokou
Une Urgence : sauver le système universitaire camerounais, par Fogue Tedom
Universites : Meformes comme resultantes des reformes, par Leger Ntiga
Professionnalisation de l’enseignement superieur, par Luc Ngwe
Réforme Lmd dans les Universités camerounaises: virage manqué?, par Ambroise Kom
Eglises et création d’universités privées au Cameroun: Enjeux stratégiques de l'investissement dans la formation supérieure
Privatisations: Un véritable marché de dupes, par Jean-Marc Bikoko
Le règne des idoles et l’athéisme camerounais, par Ludovic Lado sj
Médias sous le Renouveau : L’épreuve d’une liberté contrôlée, par Christian Kaffo
De Augustin Kontchou Kouomegni à Issa Tchiroma Bakari
Désacrilisation de la figure du pontife présidentiel et autopsie d'un Etat zombifié, par Jean-Bosco Talla & Maheu
Toutes les pages

Privatisations: Un véritable marché de dupes, par Jean-Marc Bikoko

L’actualité économique en ce début du mois de Novembre 2010 au Cameroun a été marquée par l’annonce de l’imminence de la privatisation de la Camtel. Une des dernières entreprises encore à privatiser avec Camtainer et Sodecoton, suivant le processus engagé depuis 1993 avec la cession directe de l’Office Camerounais de la Banane (o.c.b) sur injonctions de la Banque Mondiale (bird). C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de revisiter le processus de privatisation au Cameroun en nous interrogeant sur ce qu’il en est de toutes les privatisations qui ont déjà eu lieu, particulièrement sur leur impact économique et social.
La crise économique des années 80 qui a particulièrement frappé les pays Africains a servi de prétexte aux différents bailleurs de fonds et principalement aux institutions de Breton Wood (Banque Mondiale et Fonds Monétaire International) d’entrer en force dans la gestion économique de ces pays, en raison de leurs difficultés grandissantes à honorer leurs engagements envers leurs créanciers respectifs. En effet, dans le cadre des négociations en vue de la mise en place des mécanismes de rééchelonnement des dettes, les clubs de créanciers publics (club de Paris) et de créanciers privés (club de Londres), à travers des clauses restées secrètes, se sont « désengagés » du processus, au profit de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International (fmi) devenus depuis lors les principaux, sinon les seuls bailleurs de fonds des pays sous-développés.
Il nous souvient que pour poursuivre les financements aux différents pays tout en leur permettant de continuer à assurer le service de la dette comme tout établissement financier, les Ifis avaient aux pays débiteurs toute une batterie de mesures supposées les aider à améliorer à terme leurs capacités de remboursement, quel que soit la contrepartie sociale à subir par les populations. Parmi les mesures préconisées, les privatisations comptent parmi les plus cyniques et les plus catastrophiques. Elles qui, à l’origine, devaient permettre automatiquement à l’état de baisser ses dépenses (en minimisant les subventions aux entreprises publiques) et d’améliorer ses recettes (produits des cessions et d’origine fiscale) tout en dopant la compétitivité des entreprises à travers la chute des monopoles et la transmission de la gouvernance d’entreprises aux privés nationaux ou non, supposés plus compétents et plus dynamiques, et donc à même de relever les défis. Qu’en est-il de cette vision idyllique au cours des deux dernières décennies ? Quel en est le bilan ?
Pour mieux comprendre le processus de privatisations au Cameroun, un rappel de la philosophie qui les a suscités s’impose. Celle-ci repose entre autres sur :
- l’assainissement des finances publiques ;
- la stimulation des initiatives privées et le développement des investissements ;
- la restauration des mécanismes de marché ;
- la mobilisation et l’orientation de l’épargne nationale vers les investissements productifs ; (initiative louable quoique les mastodontes de l’économie nationale aient malheureusement accordé la préférence et tout cédé aux expatriés, le plus souvent aux moins disant financiers ou sociaux).
- le développement de la compétitivité de l’économie nationale.
De cette philosophie ont découlé trois (3) grands principes qui sont :

1.La préservation de l’intérêt général.

La privatisation ne se limite pas, en effet, à un simple transfert de propriété du secteur public au secteur privé. A travers son souci de pérenniser les entreprises admises au processus de privatisation, l’Etat du Cameroun accorde une importance particulière d’une part à la préservation du plus grand nombre d’emplois qui soit compatible avec les critères d’efficacité et de rentabilité de l’entreprise, et d’autre part à la situation du marché dans lequel évolue l’entreprise afin d’assurer le bon fonctionnement des mécanismes de marché et d’éviter les situations de monopole ;

2. La transparence du processus de privatisation.
Celle-ci se caractérise par le respect strict de la réglementation en vigueur en matière de privatisation, laquelle consacre les principes suivants :
• L’appel à la concurrence (appels d’offres publics) ;
• La transparence et l’équité (modalités et règles de jeu clairement précisées dans un cahier de charges mis à la disposition de tous les candidats) ;

3.L’évaluation préalable. Avant de s’engager dans le processus de privatisations à lui imposé suite à la récession qui a frappé le Cameroun de 1986 à 1994, l’Etat a mis en place un programme dé réhabilitation qui a permis de procéder à l’évaluation de 171entreprises. En 1990, un premier groupe de 75 entreprises a été recensé. Parmi ces entreprises, 10 ont été admises à la privatisation, 43 à la liquidation et 22 à la réhabilitation. Puis en 1994, 15 autres entreprises ont été admises à la privatisation par décret présidentiel.
En procédant à une radioscopie des privatisations menées à leur termes aujourd’hui, il apparaît clairement que :
- globalement, ces principes n’ont pas été respectés ;
- les intérêts du Cameroun n’ont en rien été préservés, ni en terne de valorisation à la cession, ni en termes de recettes et de coût, l’Etat ayant repris à sa charge les principaux engagements financiers des entreprises privatisées qu’elle s’est d’ailleurs engagée à payer à travers le mécanisme de la titrisation des recettes fiscales du système b- l’impact de ces privatisations tant sur l’emploi que sur la croissance nationale est totalement négatif.
En nous basant enfin sur les conséquences du transfert de propriété et donc d’objectifs du management des entreprises privatisées, surtout celles en charge des services éminemment publics, nous émettons de sérieuses réserves quant à la poursuite de ce processus et son extension aux entreprises qui restent à privatiser parmi lesquelles la camtel. Même comme dans ce cas précis, les turpitudes des dirigeants actuels de cette entreprise stratégique battent en brèche notre position.

Tableau : Quelques entreprises privatisées

Ocb

Php-Spnp

Français

Agricole

Salaires trop faibles et mauvaises conditions de travail
Camsuco Sosucam Nationaux Agricole Faible niveau de production
Cocam Ecam Placages Italiens Bois Bonnes
Sofibel
Sepbc Sepbc Nationaux Bois export Bonnes
Ceper Ceper Nationaux Imprimerie Nulles
Socapalm Groupe Monkam Nationaux Agricole Non satisfaisant

Cte

Sud Africains

Agricole

Baisse des effectifs et mauvais traitements du personnel
Hevecam Gmg Intl Indonésie Agro-industrie Forte baisse des prestations

Regifercam

Bollore

Français

Transport Ferroviaire Offre sociale faible et maintenance nulle
Camai Camair-Co National Transport aérien En projet et toujours non opérationnel

Camtel Mobiles

Mtn

Sud Africains

Télécoms

Coût des communications trop élevée par rapport au pouvoir d’achat des populations
Licence de télécom France Télécom Français Télécoms Coût trop élevé par rapport à l’Afrique

Sonel

Aes Sirocco

Américains

Energie

Production insuffisante et de mauvaise qualité du service
Snec Cde - Camwater Marocains/National Eau Production insuffisante et de mauvaise qualité
Camship Camship Nationaux Transport Maritime Baisse des effectifs et des actions sociales
Camtainer
Socar Assurances
Ceper Mupec Nationaux Imprimerie Mauvaise Gouvernance – En restructuration
Socamac Sapa - Sté Groupe Ccei Nationaux
Sté Camerounaise de minoterie

Socoba

Nationaux

Industrie alimentaire

Sgbc Société Générale Français Banque

Baisse des effectifs et limitation de l’accès au crédit par les locaux

Bicec Groupe Bp Français Banque
Scb Crédit Lyonnais Français Banque

Comme le montre le tableau ci-contre, les effets des privatisations ont connu des fortunes diverses en raison des orientations qu’ont bien voulu leur donner les membres des commissions en charge des divers dossiers. En effet, quoique la clarté des lois régissant les privatisations au Cameroun ne fasse l’ombre d’aucun doute, les opérations menées dans les différents cas brillent par leur disparité et leur absence de transparence. Ainsi les modes de cession varient-ils suivant les entreprises, y compris de même nature, sans accent particulier sur les intérêts réellement privilégiés.
Cas particuliers de privatisations (Le financement des riches par les pauvres)
Pour être plus concret, nous allons revisiter quelques cas particuliers de privatisation qui peuvent permettre de mieux cerner les contours du processus au Cameroun

La privatisation de la regifercam
C’est en 1999 que cette entreprise d’Etat a été privatisée, concédée au groupe Bolloré, sous la dénomination de camrail, pratiquement au franc symbolique, au-delà de quelques charges qui ne seront jamais respectées. Cette concession à l’origine était prévue pour une durée de 30 ans, avec comme principaux objectifs de développer le transport des personnes et des marchandises, de renforcer la sécurité, d’équiper les gares de voyageurs. En effet, à l’époque de sa reprise du chemin de fer camerounais, camrail devait réhabiliter le matériel roulant et renouveler la voie. Le parc du matériel roulant se composait à ce moment là de 32 locomotives de ligne, de locomotives de manœuvre, de voitures voyageurs et de wagons marchandises.
De même, la convention de concession mettait l’accent également sur le transport des passagers dont on a l’impression aujourd’hui qu’il est pratiquement délaissé. Dans la même logique, les coûts de transport des colis ont subi une forte augmentation. Cf. tableau ci-après relatif à la tarification des produits Camrail sur la ligne Yaoundé - N’Gaoundéré

Tableau Tarification des produits camrail - Ligne Yaoundé - N’Gaoundéré
Ligne Niveau

Prix

Regifercam

Prix Camrail Taux de variation
Classique 2 7.000 10.000 42%
Classique 1 12.000 17.000 41%
Wagon-Lit 2 16.500 25.000 51%
Wagon-Lit 2 18.000 28.500 33%

L’on remarque en outre qu’aucun investissement n’a été fait dans les zones traversées par le chemin de fer. Les voyageurs se plaignent aussi des conditions peu humaines de voyage par train où l’hygiène est approximative.
Tous les dix ans, une négociation devait être opérée à l’effet de vérifier de manière contradictoire le respect des engagements réciproques. En 2009, suite aux divers accidents de trains survenus sur les lignes de la société, des débats ont eu cours entre le groupe Bolloré CAmrail et le Ministère des transports à l’effet de la mise en place d’un nouvel avenant à la convention ferroviaire, étant donné que nous étions déjà au terme de la première décennie de la susdite convention. Dans le cadre de cet avenant, les investissements évalués à hauteur de 240 milliards sont, au-delà des chiffres (soit 110 milliards pour l’Etat du Cameroun et le reste pour le Groupe Bolloré), inégalement répartis entre les deux intervenants au profit de Bolloré, alors que la répartition des recettes n’a rien à voir avec cette répartition des charges et des engagements. Cf. tableau ci-après.

Tableau. Répartition des recettes et des charges

En effet, la société Camrail, dans la prochaine configuration, ne prend pratiquement aucun risque. Ses risques et charges sont minimisés, car transférés à l’Etat, qui opère comme son assureur et financier. Les engagements que l’Etat du Cameroun prend envers le groupe Bolloré sont supérieurs aux charges que générait l’exploitation de la Regifercam au moment de sa mise en concession. «L’amortissement, la maintenance et le renouvellement de l’outil de production de la compagnie sont assurées par l’Etat en faveur de Camrail qui, curieusement, est également maître d’ouvrage dans cette opération » selon certains responsables au Ministère des Transports qui ont requis l’anonymat.

L’avenant N°2 prévoit notamment que les voies ferrées seront renouvelées avec des traverses métalliques. Ce qui semble arranger le concessionnaire Camrail au détriment de l’Etat du Cameroun. Car le choix des traverses métalliques est plus coûteux que celui des traverses bi blocs, utilisées actuellement. A en croire un spécialiste dans le domaine, «Il est important de noter que la technologie des traverses bi blocs est aujourd’hui avérée. Elles sont techniquement bonnes, très stables, très durables (autant sinon plus que les traverses métalliques) ; moins coûteuses (même si l’on intègre le coût de pose), et elles sont dorénavant réparables. Par dessus tout, elles ont l’avantage qu’elles pourraient être faites sur place, et ainsi offriront des emplois aux Camerounais, en plus d’intégrer dans leur fabrication une bonne part d’intrants de l’économie nationale, notamment le ciment, le concassé, … tout en réduisant d’autant les matériaux importés comme le fer qui a connu une inflation importante ces dernières années, et de ce fait participe à la fuite de nos capitaux».
Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de se poser ici la question de l’opportunité de cet avenant en l’absence d’un bilan convaincant de la première décennie de la convention. Et pourquoi cette frilosité de l’Etat qui se matérialise par l’absence de transparence et de concurrence ? Est-ce parce qu’il s’agit de Bolloré ?

La privatisation de la sonel
En octobre 1999, la décision est prise par le Gouvernement camerounais de céder plus de la moitié du capital de l'entreprise à une structure privée. La manifestation d'intérêt est sollicitée et un lancement du processus s'opère en septembre de la même année par la Commission Technique de Privatisation et de Liquidation des Entreprises Publiques et Parapubliques. Dans le courant de l'année suivante, le cabinet privé Arthur Andersen prépare un audit des comptes de la sonel. L'adjudication provisoire est annoncée pour la fin de l'année 2000 avec en prime aes Sirocco et le Groupe edf Saur. On procède alors au lancement de l'appel d'offres le 30 novembre 2000 sous la pression des mêmes Institutions de Breton Wood dans le cadre d’un Programme d'Ajustement Structurel triennal. Au courant de la même année, il est demandé aux deux derniers candidats restés en lice à savoir aes et edf de verser avant le 30 novembre une offre suffisante selon les termes d'acquisition de l'entreprise. Seule AES a réussi à remplir toutes les exigences et le 19 juillet 2001, la Sonel a été privatisée au profit de Aes Sirocco limited, une entreprise américaines qui contrôlera 56 % du capital de l'entreprise, sur une période de 20 ans. Le coût de la Privatisation de cette entreprise au capital de 72 milliards, disposant de surcroît d’un potentiel de croissance de 400% (clientèle privée et clientèle commerciale comprise) est de 23 milliards de francs cfa. A chacun de juger !
Il convient rapidement de relever que la Sonel dont le capital était évalué au moment de la privatisation à 72 milliards de Francs cfa a été facilement servie sur un plateau d'argent aux américains. Une concession synonyme de clin d’œil dont l’objectif était d’amener les Américains à convaincre les bailleurs de fonds multilatéraux que sont la Banque Mondiale et le Fmi à fermer les yeux sur certaines insuffisances et débloquer l'argent au titre de la deuxième phase de décaissement du Programme annuel.
Aes sirocco s’engageait alors à réaliser un investissement de 1.000 milliards en termes d'équipements les dix premières années, pour atteindre les quatre objectifs suivants ont été énoncés par l’équipe à Bassoro au moment de la cession de la Sonel. Il s’agissait en fait de :
- L’amélioration à bref délai de l’efficacité des systèmes et de la qualité des services.
La promotion de la prise de participation par le secteur privé national y compris les salariés de l’entreprise ;
- L’accroissement rapide des taux de desserte de la population sur l’ensemble du territoire national en matière de services publics de base (télécommunications, électricité, eau, transport….) avec un accent sur le milieu rural. L’Etat a mis l’accent sur la réalisation de cet objectif lors de la cession de la Sonel. Il est question pour la société de passer d’un taux de desserte de la population, de 31% en 1999 à 49% en 2019 et 55% en 2026 ;
- La réalisation des gains de productivité significatifs qui permettent d’assurer une structure tarifaire optimale pour les services publics concédés. Cet objectif montre l’importance de la tarification dans les services publics de base.
Malheureusement pour l’Etat du Cameroun, nous sommes très loin du compte aujourd’hui. La volatilité du haut management (Pca et Dg) en sont une parfaite illustration. Les problèmes sont si souvent évoqués par les différents intervenants au point qu’il serait fastidieux de les énumérer ici. Les opérateurs économiques et les ménages ne sont certainement au bout de leur calvaire. Elles qui se mordent encore les doigts du fait de cette privatisation qui a causé et cause encore tant de douleurs et désagréments sur la et survie des citoyens et surtout des entreprises.
Certains spécialistes affirment sans sourciller que les faibles performances en offre d’énergie ont couté au Cameroun sur les huit dernières années environ 2.5 point de croissance bon an mal an, d’autant plus que l’autorité en charge de la régulation n’a toujours pas compris quel est son véritable rôle et son pouvoir.
La fin du monopole nous fera certainement vivre une ère nouvelles. Nous espérons en effet que les désagréments en fourniture et facturation arbitraire de l’énergie ne seront plus qu’un lointain souvenir.

La privatisation de la Snec
La grande épidémie de choléra qui secoue actuellement notre pays a ramené à la une le problème de l’eau au Cameroun. En effet, les médecins nous ont permis de savoir que l’hygiène ou plutôt son absence est une des causes principales de la propagation de la maladie. L’on a fini ainsi par se souvenir de l’absence d’eau potable dans nos grandes villes et dans nos villages. Les pénuries, le rationnement et la mauvaise qualité de l’eau étant le lot quotidien du citoyen alors que la privatisation était supposée faire oublier ces problèmes. Que s’est-il passé réellement lors de la privatisation ?
En effet, le processus de privatisation de la Snec a été conduit en étroite concertation avec les partenaires au développement tels la Banque Mondiale, Chef de file, l'Afd et la Bei qui ont accompagné la partie camerounaise dans toutes les étapes de la procédure, ce qui du reste a suscité beaucoup d'intérêt auprès des grands opérateurs à l'expérience mondiale avérée dans le secteur de l'eau potable.
L’appel d’offres international lancé par le gouvernement camerounais le 25 juillet 2006 et relatif à la mise en "affermage" du volet production, transport, traitement, stockage, distribution et commercialisation de l’eau au Cameroun, a enfin livré son résultat. Le Groupement Office National de l’Eau Potable du Maroc (Onep-Delta Holding-Ingema) qui a présenté la meilleure offre technique et financière a été désigné adjudicataire provisoire de la Société Nationale des Eaux du Cameroun (Snec). Suite à la non-objection de la Banque Mondiale, financier de l'ensemble de la procédure, sur l'ensemble des opérations, du lancement de l'appel d'offres, à la proposition d'attribution après les résultats des analyses technico financières des offres d’une part, et l’accord du Président de la République du Cameroun d’autre part. Les différents documents de transaction entre l'État du Cameroun, Camwater et Cde, Filiale de l'Onep ont étéAAA AAA signés le 18 décembre 2007, consacrant alors l'aboutissement du processus de privatisation de la Snec.
Divers opérateurs économiques saluent la privatisation de la Snec, considérée comme exemplaire et ayant le mieux répondu aux attentes des pouvoirs publics et des différents bailleurs de fonds qui continuent à apporter leur précieux concours à la réussite de la réforme du secteur de l'hydraulique urbaine et périurbaine. Selon des sources proches du dossier, l’exécution du programme d'investissement de 300 milliards de FCfa prévu pour les dix prochaines années se déroule comme prévu, tant sur le plan de la mobilisation des financements que de celui des réalisations. Cf. tableau sur le consortium des bailleurs.

Tableau: Consortium des bailleurs

Partenaires

Montants du financement

En Milliards

Banque Mondiale 40
Don Gpoba 2
Exim Bank China 11
Banque africaine de développement 30
Agence française de développement 39
Banque européenne d’investissement 26
Commerz Bank Belgium 39
Badea Banque Arabe 15
Banque Islamique de Développement 15
Total 217

Il convient toutefois de se demander pourquoi à ce jour, à l’issue d’un processus aussi clair et avec un tel niveau de financement conforme aux besoins exprimés depuis une décennie par les responsables encore en poste aujourd’hui, les mêmes problèmes subsistent. Pourquoi avec une enveloppe de plus de 300 milliards de FCfa, la société de patrimoine ne parvient ni à étendre le réseau, encore moins à fournir aux citoyens de l’eau potable de manière satisfaisante. S’agit-il encore d’un problème de compétences ou alors de probité ?

Autres cas de privatisations
D’autres cas de privatisations de moindre envergure constituent également de bonnes illustrations. Il s’agit entre autres de :
- La cession d’Hevecam qui a consisté en la mise en place d’un bail emphytéotique de 40.000 hectares d’Hevea pour une période de 25 ans, tout en sachant que la durée de vie d’exploitation d’un hévéa est de 25 ans. A la fin de cette concession, que restera-t-il aux Camerounais ? Ce d’autant plus que l’extension des plantations existantes n’a jamais été à l’ordre du jour.
- La braderie de l’Ocb qui a consisté en une cession simple et définitive, sans que les procédures de publicité (appels d’offres) n’aient été vraiment observées. Les employés de cette entreprise dont les conditions de vie sont dignes de Germinal de Emile Zola en payent jusqu’aujourd’hui le prix fort.

Marches de dupe
L’une des curiosités de ces privatisations repose sur la reprise par l’Etat du Cameroun de tout le passif des entreprises privatisées. En effet, la plupart de ces entreprises étaient débitrices de sommes faramineuses auprès des banques de la place, toutes française curieusement. Ces créances énormes ont tout simplement été reprises par l’Etat, laissant ainsi aux différents acquéreurs les actifs, une véritable manne. Une dette que l’Etat s’est naturellement trouvée, tout au moins à ce moment-là, dans l’impossibilité de payer.
C’est alors que, à l’instigation des mêmes créanciers en consortium, l’Etat du Cameroun a mis en place un mécanisme de gestion de la dette appelé « la titrisation ». Il s’agit ici de la création d’un fonds de pension off shore qui devait gérer les ressources issues des versements fiscaux des différentes banques, et de les placer dans un paradis fiscal, afin que les sommes ainsi générées en capital et en intérêts, puissent assurer le remboursement de ces dettes. C’est donc ainsi que l’Etat du Cameroun a volontairement renoncé, sur de longues années, aux recettes fiscales de toutes natures que devaient lui reverser ces entreprises, qui comptent parmi les plus dynamiques et les plus rentables. A titre d’illustration, la SGBC fait bon an mal an (situations mensuelles publiables) un bénéfice de 6 milliards pour un chiffre d’affaires à douze chiffres. Vous pouvez imaginer le manque à gagner.
Pour ce qui est de la gestion de ce fonds off shore, sur ce que le Cameroun nous a montré jusqu’à présent, et connaissant le niveau de compétence et d’intégrité requis pour son contrôle et les incidents survenus sur ces marchés (crashs boursiers, Enron, Madoff et autres Kerviel) nous réitérons nos doutes sur la pertinence de ce mécanisme ainsi que sur sa parfaite maitrise par les financiers Camerounais.

Faible impact sur la croissance et l’emploi
L’autre aspect à relever sur les privatisations déjà effectuées est leur faible impact, aussi bien sur la croissance que sur l’emploi.
S’agissant de la croissance, Le modèle de fonctionnement que la plupart des repreneurs ont adopté leur a permis de gérer efficacement les petites barrières techniques que l’on a essayé de mettre en place contre le rapatriement des fonds. Les uns et les autres ont en effet mis en place des unités commerciales off-shore (bureaux de ventes et des bureaux d’achat) qui procèdent aux opérations commerciales qu’elles valorisent elles-mêmes, toutes choses qui leur permettent de procéder à des prélèvements induits et à la perception de toutes sortes de commissions de management à la base. C’est ainsi qu’ils minimiser subtilement mais avec la complicité de certains fonctionnaires, leurs marges bénéficiaires et donc le volume des versements à faire au niveau du fisc. On comprend donc pourquoi la plupart de ces entreprises peut continuer de déclarer des pertes cumulées, alors qu’elles sont situation de monopole. Ainsi donc, l’essentiel des bénéfices étant rapatrié dans les pays d’origine, ces entreprises ne contribuent en rien à la relance de l’économie nationale.
En ce qui concerne l’emploi, non seulement aucune disposition n’a été prise pour préserver les emplois et protéger les travailleurs, mais aussi et surtout, les privatisations au Cameroun ont suivi bêtement le Code du Travail de 1992, lui mal négocié par des leaders syndicaux non vigilants et mal préparés. Les travailleurs furent ainsi livrés pieds et poings liés à la toute puissance des nouveaux repreneurs, qui ont tous procédé à la baisse des effectifs, lorsque les liquidateurs ne l’avaient déjà pas fait avant la cession. Les conséquences évidemment ont été dramatiques sur l’emploi (baisse des effectifs, baisse des rémunérations et plus grande précarité en raison de la permissivité de la loi et de la forte concurrence générée par les personnels licenciés en quête de réinsertion).
Se fondant en outre sur le Smig (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti) d’alors qui était évalué à 23 000 FCfa contre 28 216 FCfa aujourd’hui, les entreprises privatisées ont presque toutes aligné leurs rémunérations sur les salaires des personnels de l’Etat, qui eux-mêmes venaient de subir une baisse drastique de plus de 70%.

Bilan social
D’une manière générale, il presque partout catastrophique. L’Etat ayant repris à son compte et dans la plupart des cas, les droits des employés des entreprises privatisées, ceux-ci n’ont jamais été payés aux rares survivants qui continuent d’attendre à coup de promesses non respectées, en raison nous dit-on, des difficultés de trésorerie de l’Etat, pendant que les repreneurs affichent des marges bénéficiaires réelles énormes.
Le seul cas qui constitue l’exception qui confirme la règle est la privatisation de la Snec. En effet, il est important de rappeler que dans le cadre de la réforme du secteur de l'eau potable, tous les emplois ont été maintenus. Ce qui est rare dans le monde entier au moment de la restructuration d'une entreprise publique. Avant la mise sous Administration provisoire de cette entreprise en 2002, la situation sociale du personnel était particulièrement précaire. Avec une dette sociale vieille de près de 23 ans, ces agents n'avaient pas de couverture sociale, les indemnités et avancements divers étaient gelés. C'est curieusement dans le cadre de la privatisation que leurs droits ont été payés à concurrence de 6 milliards représentant entre autres, le remboursement intégral en mars 2003 de l'épargne-prêt d'un montant de 908 millions de FCfa. A mettre également dans ce registre la restauration en janvier 2005 de la prime de productivité, suspendue depuis plus de 20 ans ; le rétablissement des reclassements et avancements des employés restés suspendus pendant 18 ans ; la reprise après 15 ans des cotisations sociales du personnel à la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (Cnps), suivie des paiements des prestations sociales en faveur des employés et agents retraités ; la remise des médailles d'honneur du travail à plus de 2000 employés méritants…
En guise de conclusion, nous pouvons affirmer avec conviction que les privatisations imposées par les IFIs (version Pas) constituent une véritable escroquerie. Il est inacceptable que des institutions du système des Nations Unies qui de surcroît ont imposé ces privatisations restent muette devant une telle spoliation d’un état qu’ils prétendent pourtant aider à sortir de la pauvreté et à se développer.
Nous rejoignons à cet effet la réflexion de certains observateurs et experts à savoir que le gouvernement camerounais n'avait pas compris qu'il aurait pu améliorer les conditions de gestion de certaines de ses entreprises en termes d'équipement et surtout en termes de distribution et de production, si une analyse en profondeur des offres de spécialisation de certaines sociétés en lice avait été faite. Malheureusement, il a investi à coups d'emprunt plus d'une centaine de milliards depuis les années 80 jusqu' au début des années d'avant la dévaluation de 1994 pour des résultats catastrophiques, aussi bien pour l’économie camerounaise que pour le bien-être des populations.
Nous pensons donc qu’il est urgent que de nouvelles négociations sur différents dossiers sont nécessaires, afin que des clauses de retour à meilleure fortune soient intégrées aux différents mécanismes. En y associant cette fois, et de façon systématique, d’autres énergies morales et intellectuelles dans l’élaboration des stratégies de croissance et de lutte contre la pauvreté. Ce qui permettra aux représentants des organisations de citoyens de bien veiller à leurs propres intérêts, «Les intérêts de l’Etat étant parfois différents des intérêts des citoyens».
Jean-Marc Bikoko 
Coordonateur de la Plateforme d’Information et d’Action sur la Dette
Président de la Centrale Syndicale du Secteur Public