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Cameroun: autopsie d'un Etat naufragé - 50 ans après : quel avenir pour nos forces de défense?, par Adrien Macaire Lemdja

Cameroun: autopsie d'un Etat naufragé - 50 ans après : quel avenir pour nos forces de défense?, par Adrien Macaire Lemdja

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Index de l'article
Cameroun: autopsie d'un Etat naufragé
Trois décennies blanches et sèches, par Souley Onohiolo
Visage de la pauvreté : une vie-misère, par Jean-Bosco Talla
Santé : le coma avancé, par Simon Patrice Djomo
Le Renouveau en rupture d’eau, d’électricité et de logements, par Olivier Ndenkop
Infrastructures de communication: Des desseins aux actes manqués, par Joseph Keutcheu
parJean Paul Sipadjo
Plus de 50 ans de politique macabre et d’assassinats,par Olivier Ndenkop
Le Cameroun, malade de sa justice, par Junior Etienne Lantier
Une justice aux ordres,par Jean-Bosco Talla
L’humanité emprisonnée, par Hipolyte Sando
Le conservatisme politique du Renouveau:Entre instinct, intérêt, censure et expression, par Mathias Eric Owona Nguini
Le management politique à dispense, à suspens et à distance de Paul Biya, par Mathias Eric Owona Nguini
Une diplomatie au service du pouvoir personnel, par Georges Noula Nangué
La tyrannie de la corruption, par Fabien Eboussi Boulaga
Jeux et enjeux de la manipulation dans la propagande électoraliste au Cameroun, par Louis-Marie Kakdeu
50 ans après : quel avenir pour nos forces de défense?, par Adrien Macaire Lemdja
La crise des valeurs au miroir de l’école camerounaise, par Hilaire Sikounmo
Financement: Une politique obstinée de la pénurie, par Roger Kaffo Fokou
Coût de l’éducation et déscolarisation massive, par Roger Kaffo Fokou
Le calvaire des enseignants depuis 1993, par Roger Kaffo Fokou
Du plomb dans l’aile de la réforme, par Roger Kaffo Fokou
Une Urgence : sauver le système universitaire camerounais, par Fogue Tedom
Universites : Meformes comme resultantes des reformes, par Leger Ntiga
Professionnalisation de l’enseignement superieur, par Luc Ngwe
Réforme Lmd dans les Universités camerounaises: virage manqué?, par Ambroise Kom
Eglises et création d’universités privées au Cameroun: Enjeux stratégiques de l'investissement dans la formation supérieure
Privatisations: Un véritable marché de dupes, par Jean-Marc Bikoko
Le règne des idoles et l’athéisme camerounais, par Ludovic Lado sj
Médias sous le Renouveau : L’épreuve d’une liberté contrôlée, par Christian Kaffo
De Augustin Kontchou Kouomegni à Issa Tchiroma Bakari
Désacrilisation de la figure du pontife présidentiel et autopsie d'un Etat zombifié, par Jean-Bosco Talla & Maheu
Toutes les pages

50 ans après : quel avenir pour nos forces de défense?, par Adrien Macaire Lemdja
Le cinquantenaire des forces de défense et de sécurité a été commémoré le 08 décembre 2010 à Bamenda . Ainsi en ont décidé nos autorités. 50 ans dans la vie d’un Etat et de ses institutions est certes une durée relativement courte pour dresser un bilan complet et définitif mais il n’en demeure pas moins qu’elle est assez longue pour s’y appuyer afin d’entrevoir les améliorations que nous pouvons leur apporter.

Si nos forces de défense ont été bâties depuis 50 ans autour de l’honneur et de la fidélité, l’évolution du Monde, de l’Afrique et de notre sous-région impose qu’elles dépassent cette devise originelle.
En effet, le Cameroun :
- occupe une position stratégique en Afrique centrale et est la porte d’entrée du golfe de guinée riche en ressources halieutiques et pétrolières.
- contribue à lui tout seul à la moitié du Pib de la Cemac et fait contre poids au géant nigérian.
- offre une stabilité apparente qui contraste avec les soubresauts que connaissent les pays qui l’entourent.
Pour consolider ces paramètres stratégiques, nos forces de défense doivent donc faire face aujourd’hui à un triple défi :
- Assurer l’intégrité des frontières terrestres poreuses du pays en répondant aux menaces dites de « basse intensité » qu’engendrent les différents conflits de la région, protéger l’espace aérien contre l’intrusion d’aéronefs hostiles ou transportant des produits prohibés, maintenir la sécurité maritime indispensable au commerce international.
- Devenir plus que jamais une armée républicaine, un creuset de la nation, respectueuse non seulement des institutions mais aussi des droits de l’homme.
- Participer au développement du pays (constructions d’ouvrages), intervenir en cas de catastrophes (inondations, épidémie, évacuations, sauvetage etc ….)
Faire désormais face, de manière simultanée, à des situations multiformes.
Ce triple défi qui appelle à une nouvelle définition des missions de nos forces de défense dans le cadre d’une doctrine militaire profondément remaniée s’impose à nous en raison de nos rapports modifiés avec notre principal partenaire en matière de défense, la France (nouveaux accords de défense et intégration progressive de ce pays dans l’Otan) et de la dimension désormais multilatérale de la sécurité dans le monde
Pour atteindre un tel objectif, un nouveau concept stratégique doublé d’un concept géopolitique doit être défini dans le cadre d’un livre blanc sur la réforme de nos forces de défense.
L’analyse des risques, des menaces, potentiels et/ou avérés nous aidera ensuite à élaborer notre politique de défense, à adapter notre diplomatie dans le cadre de ce concept stratégique.
Pour l’heure, les foyers de tension sont nombreux.
Après la rétrocession de Bakassi, les actes récurrents de piraterie maritime de la part d’une nébuleuse de mouvements tantôt du Nigéria tantôt du Cameroun créent une instabilité dans une zone dont l’exploitation des richesses pourrait permettre à notre pays d’accélérer son émergence. Le conflit tchadien a engendré depuis des années la prolifération d’armes légères qui alimentent elle-même le phénomène des coupeurs de route dans le septentrion. Les éléments démobilisés du mouvement du rebelle congolais Mbemba, errent à la frontière centrafricaine semant parfois terreurs et désarrois derrière elles. L’enlèvement d’un opposant équato-guinéen sur notre territoire par les services de notre voisin, son évasion puis son retour dans notre pays, ces derniers jours, soulève le problème de la gestion des flux migratoires entre nos deux pays et les tensions qui peuvent en découler. Nos forces de défense peuvent-elles entreprendre l’évacuation de nos concitoyens en cas d’urgence ?
Nos territoires limitrophes des frontières sont progressivement grignotés par nos voisins, en l’absence de démarcation claire et surtout faute de politique de développement de ces contrées oubliées. L’organisme chargé de gérer ses problèmes ne donne que très peu de lisibilité à ses actions.
Le plan de développement des territoires frontaliers d’un montant de 240 milliards de FCfa, imaginé par le gouvernement avec le concours de nos partenaires bilatéraux, tarde à produire ses fruits, tant la mobilisation des ressources est difficile mais lorsqu’elles existent, leur gestion ne résiste pas aux maux que connaît notre pays : lenteur bureaucratique, corruption, inertie, gabegie etc …
Il n’est donc pas rare de voir souvent les populations voisines et les autorités des pays voisins hisser leurs drapeaux sur notre territoire, faire la police, collecter les impôts tout en brutalisant nos compatriotes.
L’assèchement du lac Tchad a accentué ce phénomène de transhumance entre le Tchad, le Niger, le Nigéria et le Cameroun et dont la persistance, sans régulation, constitue une source de conflagration future.
Le Cameroun a été victime ces derniers mois de catastrophes auxquelles nos forces de défense auraient pu faire face en apportant leurs précieux concours. Qu’ils s’agissent des inondations dans la région de Pouss, de l’épidémie de choléra dans l’Extrême Nord où l’assainissement, la construction des forages, des latrines publiques auraient pu s’effectuer par le génie militaire. Le soutien des services de santé de nos forces de défense aux côtés de leurs collègues civils n’aurait pas été de trop. De la construction du pont sur le Nkam à Yabassi dans les années 70 à celle de la route menant à Isanguelé, en passant par les casernes et la réfection de la tribune du 20 Mai à Yaoundé, notre génie militaire a toujours fait preuve d’expertise et peut mieux faire encore pour peu qu’on lui en donne les moyens. Si celui-ci disposait de ponts flottants pour le franchissement, l’incident du Bac de Natchigal aurait trouvé une solution provisoire avant la fin de la réhabilitation du pont d’Ebebda. Le comice agro pastoral d’Ebolowa tout comme certains travaux liés à la commémoration de ce cinquantenaire aurait dû être des terrains d’expression de leur savoir faire mais hélas.
En fait, l’organisation, le déploiement et l’équipement actuels de nos forces de défense répondent plus au besoin d’assurer l’ordre constitutionnel.
Autrement dit de faire face à une menace de déstabilisation du pouvoir qu’elle soit interne et/ou externe. L’utilisation des forces de troisième catégorie pour lutter contre la montée de la criminalité dans les grandes villes (commandement opérationnel) ou stopper les émeutes de Février 2008 a implicitement validé cette option.
Un livre blanc qui intègre les éléments sus évoqués, pour réorienter notre politique de défense, s’avère aujourd’hui indispensable.

Quelle organisation proposer?
L’esprit, le fonctionnement, l’organisation et les règles d’engagement de nos forces de défense ont été hérités du contexte dans lequel elles firent leur baptême de feu.
Un commandement par gouvernorat militaire devrait être mis en place. Au gouverneur civil de la région, on aurait un gouverneur militaire comme interlocuteur pour les questions de sécurité et d’ordre.
Chaque gouvernorat disposerait d’une ou plusieurs unités d’intervention rapide BIR pour les questions de sécurité militaire et Big (bataillon d’intervention du génie) pour des opérations de sécurité civile avec les moyens de projection adéquats (avions, - - de récréer un lien distendu entre notre armée et la nation,
- de permettre à nos concitoyens d’apprendre la discipline, la rigueur, la morale tant galvaudés ces dernières années,
- d’apprendre à servir qu’à se servir,
- de se former à de nouveaux métiers pour ceux qui ont perdu l’espoir d’en avoir un etc
Avec quels moyens?
La mise en œuvre d’un tel chantier nécessite non seulement des moyens conséquents mais aussi de la durée.
A l’instar des plans quinquennaux qu’il est nécessaire de réhabiliter et revisiter en économie, il est important de définir une loi de programmation militaire après une évaluation concrète des ressources humaines, matériels, casernes dont nos forces armées ont besoin.
Les membres de ce corps doivent bénéficier des conditions de vie adéquates pour accomplir efficacement leurs missions, dans la discipline et le respect des droits des citoyens.
A l’observation du nombre de soldats circulant dans nos grandes villes, parfois sans ordre de missions, l’on pourrait se poser les questions suivantes :
- Nos dirigeants connaissent-ils vraiment en temps réel le nombre d’hommes en tenue à leur disposition ?
- En cas de mobilisation surprise pour évènement imprévu, comment s’attèleront-ils à alerter et rassembler ses hommes en tenue dispersés dans la nature ?
Une solution passerait par le lancement par exemple d’un vaste programme de construction de casernements afin :
- d’offrir aux éléments de nos forces armées, de réelles conditions de vie et de travail,
- de rapprocher les hommes de rang de leurs chefs (tous habiteront la caserne sauf exception),
- de renforcer la discipline, la rigueur et la morale un peu malmenées ces dernières années,
- d’accroitre l’efficacité de leur intervention en cas de mobilisation.
Il faudrait améliorer et multiplier les structures de type coopérative dans les domaines de la couverture médicale, l’éducation, l’approvisionnement et la finance afin d’arrimer nos vaillants soldats et leurs familles à la vie moderne, de réduire les risques de paupérisation de la troupe et les tentations d’affairisme et de corruption.
La gestion des carrières dans nos forces de défense doit retenir également l’attention de nos responsables.
En effet des passerelles entre les carrières militaires et celles de la société civile doivent se multiplier. La professionnalisation implique une formation soutenue dans les domaines variés. Les militaires après la fin de leur contrat pourraient mettre à profit leur compétence cumulée au service du développement du pays.
En développant des centres de recherches au sein de l’institution militaire, on pourrait booster la recherche scientifique nationale et inversement.
Notre pays a atteint l’âge de la maturité pour lancer sa propre industrie militaire afin de réduire les importations dans le domaine (tenues, bottes, munitions, etc…)
Nous devons par ailleurs renforcer la souveraineté de notre Etat dans certains secteurs clés de notre sécurité tels que les télécommunications.
- Organiser régulièrement des manœuvres militaires nationales dont nous n’avons plus eu d’échos depuis fort longtemps puis multi nationales avec nos partenaires régionaux et d’ailleurs (France, Etats-Unis) afin d’accroître nos capacités opérationnelles et l’interopérabilité de nos forces de défense.
- Accroître de façon significative notre participation aux opérations de maintien de la paix dans le cadre de la Cemac, l’Ua et de l’Onu afin :
- D’aguerrir nos soldats au respect des droits de l’homme,
- De promouvoir l’interopérabilité de notre armée avec celle des pays amis dans un contexte où la sécurité et la défense ne s’appréhendent plus simplement au niveau national.
Tout cela implique des hommes et femmes de bonne moralité recrutés selon des critères rigoureux, bien formés, bien équipés et surtout bien entrainés. Nous y arriverons par :
- La formation multilatérale dans les écoles nationales à vocation régionale (Envr) telles que le Cours Supérieur Interarmées de Défense (Csid) de Simbock, le Pôle Aéronautique National à Vocation Régionale (Panvr) de Garoua, le Centre de Perfectionnement aux Techniques de Maintien de l’Ordre (Cptmo) d’Awae, l’école internationale des forces de sécurité (Eiforces) et d’autres encore.
- La création de lycées militaires préparatoires ayant pour vocation d’inculquer l’esprit de discipline, forger une moralité exemplaire aux jeunes camerounais désireux d’entrer éventuellement dans nos forces de défense. Si tel était le cas aujourd’hui, ces établissements auraient servi de véritables viviers pour le recrutement des 1900 commandos, annoncé récemment par le Mindef.
- Le passage de l’école nationale polytechnique sous la tutelle du ministère de la défense sans pour autant modifier son fonctionnement actuel.
Il s’agit d’un vaste chantier auquel n’échappera aucun gouvernant dans les prochaines années si nous souhaitons « sanctuariser » notre territoire face aux diverses menaces puis jouer le rôle de leader que confère la position géostratégique et le potentiel de notre pays sur l’échiquier sous régional et africain.
Adrien Macaire Lemdja
* Consultant international en Finance