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Cameroun: autopsie d'un Etat naufragé - Le conservatisme politique du Renouveau:Entre instinct, intérêt, censure et expression, par Mathias Eric Owona Nguini

Cameroun: autopsie d'un Etat naufragé - Le conservatisme politique du Renouveau:Entre instinct, intérêt, censure et expression, par Mathias Eric Owona Nguini

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Index de l'article
Cameroun: autopsie d'un Etat naufragé
Trois décennies blanches et sèches, par Souley Onohiolo
Visage de la pauvreté : une vie-misère, par Jean-Bosco Talla
Santé : le coma avancé, par Simon Patrice Djomo
Le Renouveau en rupture d’eau, d’électricité et de logements, par Olivier Ndenkop
Infrastructures de communication: Des desseins aux actes manqués, par Joseph Keutcheu
parJean Paul Sipadjo
Plus de 50 ans de politique macabre et d’assassinats,par Olivier Ndenkop
Le Cameroun, malade de sa justice, par Junior Etienne Lantier
Une justice aux ordres,par Jean-Bosco Talla
L’humanité emprisonnée, par Hipolyte Sando
Le conservatisme politique du Renouveau:Entre instinct, intérêt, censure et expression, par Mathias Eric Owona Nguini
Le management politique à dispense, à suspens et à distance de Paul Biya, par Mathias Eric Owona Nguini
Une diplomatie au service du pouvoir personnel, par Georges Noula Nangué
La tyrannie de la corruption, par Fabien Eboussi Boulaga
Jeux et enjeux de la manipulation dans la propagande électoraliste au Cameroun, par Louis-Marie Kakdeu
50 ans après : quel avenir pour nos forces de défense?, par Adrien Macaire Lemdja
La crise des valeurs au miroir de l’école camerounaise, par Hilaire Sikounmo
Financement: Une politique obstinée de la pénurie, par Roger Kaffo Fokou
Coût de l’éducation et déscolarisation massive, par Roger Kaffo Fokou
Le calvaire des enseignants depuis 1993, par Roger Kaffo Fokou
Du plomb dans l’aile de la réforme, par Roger Kaffo Fokou
Une Urgence : sauver le système universitaire camerounais, par Fogue Tedom
Universites : Meformes comme resultantes des reformes, par Leger Ntiga
Professionnalisation de l’enseignement superieur, par Luc Ngwe
Réforme Lmd dans les Universités camerounaises: virage manqué?, par Ambroise Kom
Eglises et création d’universités privées au Cameroun: Enjeux stratégiques de l'investissement dans la formation supérieure
Privatisations: Un véritable marché de dupes, par Jean-Marc Bikoko
Le règne des idoles et l’athéisme camerounais, par Ludovic Lado sj
Médias sous le Renouveau : L’épreuve d’une liberté contrôlée, par Christian Kaffo
De Augustin Kontchou Kouomegni à Issa Tchiroma Bakari
Désacrilisation de la figure du pontife présidentiel et autopsie d'un Etat zombifié, par Jean-Bosco Talla & Maheu
Toutes les pages

Le conservatisme politique du Renouveau: Entre instinct, intérêt, censure et expression, par Mathias Eric Owona Nguini

Le régime du Renouveau National dont le Président Paul Biya est le chef central n’est pas né ex nihilo. En effet, cette formation gouvernante qui s’est structurée avec le passage des regalia étatique entre le Président Ahidjo (magistrat suprême sortant et démissionnaire) et le Président Biya (magistrat suprême entrant et intérimaire), est coulée dans le moule politico-historique de l’Etat présidentiel de parti unique d’orientation ultra-conservatrice mis en place des années 1960 aux années 1980 au Cameroun. C’est d’ailleurs sous le sceau de la continuité gouvernante que le Président-successeur (M. Paul Biya) inscrit sa prestation de serment du 6 novembre 1982, exprimant sa volonté d’assumer et de s’approprier l’héritage institutionnel et politique de l’Ahidjoïsme gouvernant.
Le régime du renouveau National dirigé par Paul Biya tient d’ailleurs son nom de baptême, d’un mot d’ordre initié par la machinerie politico-gouvernante monopoliste et conservatrice mise en place dans le cadre du double contrôle Etat-Parti Unique par le Président Ahmadou Ahidjo. L’esquisse idéologique fondatrice de la nouvelle Grande Direction Présidentialiste de l’Hégémonie politico-Etatique Camerounaise est donc formulée à partir d’un mot d’ordre émis dans le cadre du Parti Unique ou Parti Officiel Unc (Union Nationale Camerounaise) en 1981. La rhétorique légitimante de la nouvelle Présidence empruntera aussi les références de « rigueur » et de « moralisation » usitées comme slogans par le, en février 1980. Où l’on voit que le Renouveau National en tant que régime, est une formation dirigeante qui procède du système gouvernant ultra-monopoliste et ultra-conservateur mis en place par le Président Ahmadou Ahidjo.
A l’occasion de son accession à la magistrature suprême qu’est la Présidence de la République Unie du Cameroun le 6 novembre 1982, M. Paul Biya entend reformuler et réarticuler le projet gouvernant du « bloc hégémonique » néo-colonial et endo-colonial constitué par M. Ahmadou Ahidjo à partir d’une ossature conservatrice. Pour ce faire, le Président Biya et ses alliés vont habilement, agilement et utilement user le capital politique d’espérance appelé par la relève présidentielle à forme dauphinale constitutionnelle du 4 novembre 1982. Dans cette optique, le nouveau maître central de l’Etat va mobiliser les avantages à lui procurés par sa Suprême Position Présidentielle pour donner une reformulation libérale et modérée au discours gouvernant de l’orthodoxie politico-conservatrice et politico-monopoliste de l’Unc. président Ahmadou Ahidjo lors du 4ème Congrès Ordinaire de l’Union nationale camerounaise à Bafoussam
Le positionnement idéologique de relaxation autoritaro-libérale affiché par le Président Biya entre janvier et juillet 1983, va irriter son Mentor-Prédécesseur, en la personne du Président AHIDJO. C’est qu’en effet, les tenants du monopolisme ancien et rigide associés à la longue tenance étatique et partisane du Président Ahidjo vont rapidement se crisper face aux premières formulations de libéralisation autoritaire exprimées par le Président Biya et les suivants du monopolisme ravalé et flexible. La lutte s’effectuera alors au sein de l’appareil hégémonico-étatique et hégémonico-partisan du Cameroun autour des deux factions élitaires centrales regroupées respectivement derrière les Présidents Ahidjo et Biya. Cette compétition rude et sévère pour le contrôle politico-institutionnel et politico-gouvernant des commandes de l’Etat présidentiel de parti unique n’est pas seulement une lutte politico-stratégique d’intérêts de pouvoir autour des places d’Etat, mais est également une lutte politico-idéologique que révèlent les divergences de vue sur l’orientation managériale et légale de l’Etat autoritariste et monopoliste.

Conservatisme Autoritaire
Bien entendu, le Président Biya et ses associés qui entreprennent de reconstituer le double monopole gouvernant suprême basé sur la Présidence d’Etat et la Présidence du Parti, combattent les Suivants du Conservatisme Autoritaire Intangible fidèles à la ligne dont le Président Ahidjo était le principal dépositaire historique pour conquérir la présidence de l’Unc toujours contrôlée par le Président-Fondateur au détriment du Président-Successeur. Pour autant, l’on ne saurait perdre de vue que ces batailles hégémoniques se déroulent bien entre des élites de pouvoir instruites, formées, aguerries et expérimentées dans le cadre d’un formatage gouvernant autoritaire castrateur et conservateur. C’est surtout l’aiguillage de ce système autoritaire qui fait l’objet entre conservateurs anciens et rigides conservateurs nouveaux et libéraux.
Malgré un discours gouvernant basé sur une rhétorique libérale, l’entreprise hégémonique de prise de contrôle stato-monopolistique initiée par les groupes de pouvoir liés au Président Biya entre janvier 1983 et janvier 1984, ne va pas mettre en question la prévalence des structures gouvernantes conservatrices au Cameroun. En clair, cela signifie que le positionnement dominant du régime du Renouveau, lorsque le double monopole sera reconstitué à partir de septembre 1983, demeurera fondé sur un socle idéologique de droite dure et ultra conservatrice. Même les réformes calculées et auto-limitées de démocratisation interne du parti gouvernant entre 1986 et 1988, après la mue de l’Unc en Rdpc en mars 1985, ne remettront pas fondamentalement en question l’orientation conservatrice du système gouvernant camerounais considéré en pratique. Ceci signifie que l’habillage politico-discursif orienté formellement vers un libéralisme centriste, n’a pas fondamentalement mis en question la structuration conservatrice dominante et prépondérante du régime du Renouveau National dirigé par M. Biya.
L’effort de recentrage libéral et centriste de l’idéologie gouvernante du Renouveau National amorcé entre 1985 et 1990, va se dégrader avec la nécessité croissante pour les tenants du régime dirigé par le Président Biya d’assurer la défense d’un groupe gouvernant de plus en plus en butte aux critiques de son action gouvernementale et du sérieux de son « intention démocratique ». Alors que le Président Biya avait positionné le parti officiel et unique relooké, le Rdpc, comme une force de recentrage pouvant mobiliser la rhétorique modérée de la libéralisation et de la démocratisation internes du Parti, la contestation croissante va à nouveau attirer sur l’ancrage historiquement et structurellement conservateur de la formation dirigeante qu’est le Renouveau National. Le « National-libéralisme » dont le Rdpc voulait se parer, se présentera de plus en plus après 1988 comme une orientation conservatrice et autoritaire en termes de « National Conservatisme Libéral ».
La mutation politico-idéologique qu’était censée apporter l’ouvrage Pour le Libéralisme Communautaire posé en bréviaire gouvernant du Renouveau National publié en 1987, allait avorter du fait de l’action concrètement et délibérément conservatrice du Président Biya et de ses stratèges. Cette mutation allait aussi échouer en raison de l’émergence d’une crise systémique qui a substantiellement liquidé l’acquis politico-économique positif et réel de la gouvernance ultra-conservatrice camerounaise entre 1975 et 1986. Le Renouveau et ses défenseurs ou promoteurs n’ont pas pu ni définir une perspective idéologico-politique cohérente et consistante qui aurait pu s’appuyer sur une révision opportune voire une refonte décisive des orientations esquisses par pour le Libéralisme Communautaire, publié par Paul Biya comme auteur. Dès lors, s’étant montrés incapables de reformuler et de reconsolider une doctrine-vision et une doctrine-programme basées sur un solide socle théorico-philosophique, politico-idéologique, technico-scientifique et scientifico-politique, les élites du Renouveau se sont lancées dans l’errance idéologique.
Les meneurs et défenseurs du Renouveau National affrontent les luttes politico-idéologiques et politico-pratiques de la transition pluraliste (1990-1992) en étant fort dépourvues au niveau doctrinal compte tenu de l’avortement du projet réformateur exprimé sur le mode d’un autoritarisme libéral lié à Pour le Libéralisme Communautaire. En effet, la crise politico-économique qui a frappé le Cameroun à partir de 1986-1987, a empêché les promoteurs et défenseurs du Renouveau National de pouvoir expérimenter leur projet réformateur qui est précocement mort sous les coups de boutoir de la récession et de l’ajustement structurel. Dans ces conditions, la formation dirigeante et gouvernante qu’est le Renouveau National va dériver vers un conservatisme essentiellement instinctif et instinctuel.

L’ombre de l’Etat présidentiel
Lorsque les élites de l’appareil biyaïste de pouvoir et de gouvernement affronteront leurs rivaux de l’opposition montante, elles le feront sur une base monopoliste de défense des privilèges politiques et économiques accumulés à l’ombre de l’Etat présidentiel de parti unique dirigé par les leaders étatiques Ahmadou Ahidjo et Paul Biya. C’est dans cette posture qu’ils vont se crisper face aux assauts revendicatifs et contestataires des groupes émergents d’opposition faisant ouvertement pression pour la réhabilitation légale, administrative et concrète du multipartisme pourtant constitutionnellement consacré entre décembre 1989 et décembre 1990. En se mettant dans une telle position, les meneurs et supporteurs du régime du Renouveau National vont défendre de manière spectaculaire et ultra-conservatrice leur monopole en stigmatisant en avril 1990 le « multipartisme précipité ». Ce raidissement manifestant et processionnel attesté dans les marches contre le multipartisme, viendra exprimer concrètement le fait que la légalisation réitérée du multipartisme n’était pas une implication logique et automatique dans la programmation gouvernante des réformes politiques du Président Biya.
Ne disposant pas ou ne disposant plus d’une véritable boussole politico-gouvernante capable de leur donner une orientation idéologique fiable et sûre, les élites du Renouveau National vont essentiellement opérer sur la base d’un conservatisme viscéral plutôt que cérébral, d’un conservatisme fonctionnant à l’instinct plutôt que sur la base de la raison. Les luttes au couteau des années de braise (1990-1992) ne vont pas contribuer à une relance sérieuse de l’élaboration et de la discussion idéologiques dans les rangs du régime du Renouveau malgré les manœuvres partisanes initiées autour d’une littérature de simple vulgarisation politique sans grande capacité d’élaboration doctrinale et programmatique. C’est dans ce cadre que les ouvriers idéologiques du discours gouvernant ont produit le bricolage politico-conceptuel de la « démocratie avancée » entre 1991 et 1996 sans que soit clarifié le rapport de ce sous-produit idéologique avec les orientations esquissées par Pour le Libéralisme Communautaire.
Privées d’un cadre idéologique sérieux et élaboré du fait de l’avortement historico-politique du projet réformateur gouvernant d’autoritarisme libéral présenté de manière trompeuse (dolosive et abusive) comme projet de démocratisation, les élites du Renouveau National vont revenir aux fondations autoritaires et conservatrices de leur héritage politique monopoliste. Dans le même temps, une grande partie de ces formations élitaires mêle conservatisme foncier et néo-libéralisme débridé. Evidemment, le conservatisme viscéral prend alors le pas et imprègne fondamentalement le positionnement politico-économique et socio-économique ultralibéral de nombre d’élites du régime du Renouveau, élites principalement préoccupées d’amasser de manière éhontée de multiples privilèges AAA AAA statutaires et matériels. On peut alors comprendre pourquoi le Renouveau va dériver vers la kleptocratie systémique et la kleptomanie systématique en rapport avec un conservatisme castrateur monstrueusement couplé à un ultralibéralisme prédateur !
Démuni au plan politico-idéologique parce que le chef central du régime et ses principaux propagandistes se préoccupent surtout de consolider leur emprise autoritaire sur les commandes de l’Etat et du parti dominant, l’élite du pouvoir sera effectivement stérilisée en raison de la vacuité et de l’inanité de la discussion politique au sein des milieux gouvernants du Renouveau. Ce faisant, les idéologues et les stratèges du régime se montreront incapables de donner une forme rationnelle et élaborée à leurs postures expressives d’instincts ultra-conservateurs ou néo-conservateurs. Dès lors, le régime du Renouveau se trouve concrètement condamné à pratiquer de manière dominante une forme tropicalisée d’extrême droite, un conservatisme macoute. C’est dans un tel contexte de relâchement politico-idéologique et politico-moral de l’ambition libérale que de nombreux pans du régime vont dériver vers un conservatisme foncièrement destructeur.

Le conservatisme d’instinct
Le conservatisme d’instinct sera alors posé en humeur dominante et structurante dans les milieux gouvernants mêlé à l’autre forme de cynisme radical qu’est l’ultralibéralisme prédateur et déprédateur pratiqué par des élites réactionnaires versant désormais dans l’intégrisme suicidaire d’une droite hyper-immorale. En effet, par l’orientation dominante de leurs conduites, les élites principales et centrales au Rdpc vont tourner le dos à un choix de conservatisme éclairé et ordonné dans une perspective (auto-légitimée) de droite morale.
C’est ce qui explique la dérive politico-idéologique et politico-morale des élites conservatrices de pouvoir et de puissance associées au régime du Renouveau, dérive illustrée par l’explosion de la licence et du libertinage qui se révèle à travers la corruption radicale et fondamentale de ces formations élitaires mêlant cynisme et hypocrisie.
L’absence de cadrage politico-idéologique va fortement peser sur la gouvernance du Renouveau National entre 1990 et 1997, empêchant que la direction et les cadres du régime élaborant une stratégie politique cohérente de gestion systémique et économique capable d’éponger les problèmes créés par les périodes d’ajustement structurel (1988-1996). L’opportunisme et l’hédonisme qu’encouragent ce conservatisme alimentaire et viscéral posé en attitude dominante des baronnies du Renouveau, va accentuer la dérive politico-managériale et politico-gestionnaire du régime dont les seigneuries paresseuses, jouisseuses et oiseuses engluées dans le culte des plaisirs et la célébration des désirs vont verser radicalement dans l’impudence kleptocratique, la licence libidocratique et la malveillance mystocratique. On peut comprendre pourquoi le régime ne pouvait trouver de solution à la crise économico -politique endurante.
Désormais essentiellement plongée – avec l’assentiment complice du capitaine gouvernant – dans la danse du ventre qu’appelle la culture du présidentialisme de cour, l’élite du Renouveau va s’abîmer dans l’idolâtrie sectaire et principataire et la monolâtrie autoritaire et sécuritaire. Le Renouveau devenu incapable de toute tentative sérieuse d’imagination doctrinale du fait de l’embourgeoisement hédoniste et de l’encrassement mental de ses élites, se contentera de formules éculées de clientélisme hypo-idéologique qu’il va expérimenter avec des gadgets politiquement insignifiants comme la démocratie apaisée. Ce concept vaseux - si on daigne y voir un concept – qu’est la démocratie apaisée n’est que le misérable habillage de manœuvres politico-clientéliste d’un régime marqué par l'incohérence doctrinale.
Malgré la pratique récurrente de la politique gouvernementale de coalition dans le cadre du multipartisme néo-clientéliste et infra-démocratique instauré depuis 1990, le Renouveau s’en est tenu à une démarche de régulation politique conformiste et favoritiste . Même en se parant de nouveaux hochets rhétoriques et gadgets propagandistes destinés à faire office d’amulettes doctrinales comme le slogan politico-communicationnel de « Grandes Ambitions » - lancé lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2004 et posé par la suite en formule rituelle de justification gouvernante -, le régime du Renouveau n’est pas parvenu à opérer une véritable (re)mise en cohérence idéologique. Dans ces conditions, le leader central et les principaux lieutenants politiques et institutionnels ne sont pas parvenus entre 2004 et 2010, à rendre crédible l’évocation d’une démarche visant à revivifier la rhétorique réformatrice du Renouveau. Cela a fait que les élites stratégiques du régime n’ont pas pu dompter la puissante libido conservatrice réactionnaire et mercenaire qui domine désormais le régime du Renouveau.
Incapable de domestiquer les puissances de domination brute qui envoûtent et obsèdent nombre de ces élites de pouvoir, le régime du Renouveau a discrédité par ses actes exprimés, posés, manqués ou censurés, son lexique réformateur initial réduit à n’être alors qu’une logorrhée de diversion. Ce faisant, les appareils de pouvoir et d’influence du régime du Renouveau sont pilotés dans le sens d’une stratégie politique ultraconservatrice et hyper réactionnaire de fait qui indique la défaite des partisans de la droite éclairée tempérée et modérée ou inhibée, raisonnée et centrée.
Le système Renouveau national – Rdpc – Biya a contré les velléités de recentrage social- libéral du courant des modernistes entre 2003 et 2004, se laissant subjuguer par un mélange détonant d’opportunisme idéologique, de laxisme doctrinal, de cynisme brutal et de méphistophélisme vénal qui a liquidé ses scrupules libéraux et libéré un hyperconservatisme crypto-autocratique et pseudo-démocratique décomplexé et décoincé aussi bien que débauché et déluré où l’ultra-néolibéralisme masque mal un esprit macoute et réactionnaire d’extrême-droite.
Le régime du Renouveau installé dans le bricolage doctrinal et idéologique, demeurera rivé au conservatisme de l’instinct qui a contribué à vider de tout sens les virtualités solidaires et communautaristes et les possibilités social-libérales de fondation du libéralisme communautaire dès lors dégradé en ultralibéralisme parasitaire et censitaire. Pour faire bonne mesure, les clercs du Renouveau figurés en légistes obséquieux du pouvoir recourront alors à de nouvelles manœuvres en forme d’actes de prestidigitation politico-communicationnelle, en mettant sur le marché de la rhétorique politique,une nouvelle trouvaille sur la démocratie apaisée à partir de 1997. Il s’agit toujours d’essayer de combler le vide sidéral laissé par la déconfiture discursive et expressive occasionnée du fait de la liquéfaction idéologique prématurée de Pour le Libéralisme Communautaire (livre-programme du leadership politique et institutionnel).

Le conservatisme obscur
Le conservatisme obscur peut alors déployer ses dispositions et propensions réactionnaires au sein des milieux dirigeants et gouvernants du Renouveau National dont l’errance doctrinale et les errements gestionnaires vont complètement discréditer l’affichage idéologique réformateur dont le régime conduit par le Président Biya voulait encore se parer. Cet état de choses qui s’est mis en place au milieu des années 1990 va favoriser le glissement de la société camerounaise comme formation englobante vers la pente escarpée de l’incivilité débridée et de la vénalité décomplexée. Dans ce contexte de désarroi politique et économique, la crise systémique sera aggravée à partir de 1994 par la tolérance fort compréhensive des sommets de l’Etat pour la débrouillardise corruptrice. On ne s’étonnera pas que cette évolution soit contemporaine de la déliquescence et de la dégénérescence idéologiques aggravées au sein des appareils de pouvoir et d’influence du régime du Renouveau National.
Le projet politico-hégémonique à visage réformateur affiché à l’aube de la gouvernance Biya – Renouveau National entre 1983 et 1988, celui d’un « National-libéralisme modernisateur » aux accents sociaux a historiquement et manifestement avorté. Aujourd’hui en 2010, il apparaît que le système gouvernant camerounais est dominé par le « conservatisme illibéral » plutôt que par le « conservatisme libéral » ; que ce système a échoué à positionner sérieusement son axe idéologique autour d’une démarche de libéralisme régulé et rééquilibré seule à même de donner un sens cohérent aux visées affichées de « libéralisme communautaire ». Le système du Renouveau a clairement opéré une dérive vers l’hyper-droite, voire même l’extrême droite, s’éloignant du centre-droit et plus encore du centre-gauche ! systématique. Même le discours terne et fade des « grandes ambitions » n’a pas pu permettre de remotiver, remobiliser et remoraliser idéologiquement cet appareil hégémonique désaxé et dérouté par l’inanité et l’insanité programmatiques et stratégiques de ses circuits de direction complètement happés par le conservatisme gaillard,pantouflard ,flemmard et paillard.
Débarrassé de toute régulation doctrinale et idéologique sérieuse, le système gouvernant s’est installé dans le confort rentier d’un hégémonisme et d’un hédonisme réactionnaires. On ne saurait alors s’étonner de ce que la navigation à vue en soit devenue la démarche emblématique et peut-être même systématique. De manière aujourd’hui nette, il apparaît que le système gouvernant du Renouveau a été conquis par les puissances et tendances immoralistes et illégalistes du conservatisme dévoyé et désaxé autant qu’encanaillé et ensauvagé. Ainsi, les penchants déguisés ou décomplexés d’une droite réactionnaire orientée vers le para-fascisme et le néo-macoutisme ont pris le pas sur l’esprit de la réforme revendiqué par le libéralisme communautaire. Le « printemps camerounais » des années 1980 porteur d’une espérance libérale ou d’une attente démocratique ou d’une attente républicaine a vécu, cédant la place au « soleil de plomb » néo-conservateur et/ou hyper-conservateur du « Cameroun c’est le Cameroun ». Décidément, il est loin le temps où l’initiateur en chef du régime du Renouveau – en 1983-84 -, pouvait se revendiquer « social-démocrate ». Poussé par sa gestion gaspilleuse vers l’ajustement structurel néo-libéral que son management gouvernant a depuis lors hypocritement cautionné, le régime du Renouveau a laissé proliférer une économie politique de la mort et de la misère où seules prospèrent des élites de pouvoir posées en croque-morts oligarchiques. Dès lors, le système ne peut plus revendiquer sérieusement sa référence à la « justice sociale » et au communautarisme même libéral. Cet appareil gouvernant qui n’a pas su échapper à l’encanaillement et à l’encrassement compradores se montre toujours incapable d’inventer un post-ajustement réorganisateur et remodernisateur.

Rrojet social
Le régime du Renouveau et son élite hégémonique se sont laissés subjuguer par les avantages et privilèges d’un enrichissement illicite et outrancier de hiérarques et d’oligarques (néo) conservateurs séduits par la morale illégaliste et hédoniste du néolibéralisme échevelé. Dès lors, une telle démarche rendait impossible une mise en pratique cohérente et consistante de véritables références doctrinales et morales de justice sociale et de libéralisme communautaire. Décidément, il est loin le temps où – en 1983-1984 – le leader central du système étatique et hégémonique du Renouveau pouvait se revendiquer « social démocrate ». La formation dirigeante camerounaise ne peut plus en 2010, de manière sérieuse, se revendiquer d’être mené par un projet social – démocrate ou même social-libéral, cet ordre hégémonique se présentant plutôt comme un système tourné vers la tropical-ploutocratie, la vénal-kleptocratie et l’asocial-autocratie plutôt que la social-démocratie. Désormais, les mauvais génies de l’hyper-droite et de l’extrême-droite ont envoûtés le Renouveau National, sans même que sa corruption systémique et sa perversion organique, rendent ce régime peu capable de construire un projet sérieux de conservatisme ordonné, discipliné, réglé et raisonné. Il sera difficile d’exorciser les acteurs du régime du Renouveau sans les libérer des démons de la divagation morale et doctrinale d’un conservatisme idéologiquement déboussolé et dévoyé, divagation porteuse des germes de corruption dans l’ensemble des sphères étatiques et sociétales.

Mathias Eric Owona Nguini

* Socio-politiste, Université de Yaoundé II-Fondation Paul Ango Ela
Les Intertitres sont de la rédaction