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Dans la boule de cristal de Paul BiyaLa question de sa succession à la tête de l’État taraude l’esprit de Paul Biya. Mais, partira, partira pas…
Le septennat des « grandes réalisations » est-il celui de tous les possibles. Entre autres choses, les institutions, plusieurs fois promises et plusieurs fois ajournées verront- elles enfin le jour pour donner une visibilité à la fin du long règne de Paul Biya que l’on retiendra finalement, comme celui des espoirs déçus ? Cette petite interrogation pose le problème des enjeux sous-jacents de l’art de gouverner auquel Paul Biya a soumis le Cameroun, trois décennies durant. Après la tentative de coup d’État de 1984, tous les soins se sont articulés en sorte que la succession obéisse à tout, sauf à un schéma clair comme la rumeur de sa mort l’a laissé observer en juin 2004. Une analyse des faits et gestes du monarque présidentiel ces derniers temps le laisse penser. Et la modification de la constitution d’avril 2008 ne constitue pas moins un épais voile sur la lisibilité de la dévolution du pouvoir au Cameroun en cas d’absence de Paul Biya. Si les confidences de Paul Biya sur sa fin de règne reprises par Wikileaks viennent ajouter aux plans secrets de s’éterniser au pouvoir, l’objectif, d’après Paul Biya, était de réduire les frictions internes au sein de son gouvernement dont les membres sont distraits par la course interne de positionnement en vue de la succession pour 2011. La nomination d’un vice-président, comme on l’a subodoré un moment après sa réélection en octobre 2011 reste en droite ligne de l’opacité qu’il veut continuer à entretenir. Les manœuvres et batailles que l’on observe aussi bien au sein du système que du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) participerait vraisemblablement de la logique de positionnement d’un dauphin. Mais, rien ne le dit, puisque Paul Biya qui se dit conscient du «manque de culture démocratique politique dans son pays» ne tente pour autant pas d’amorcer la préparation de sa succession. Si oui, peut-être à sa manière.
Malgré les promesses fermes de mettre en place toutes les institutions telles que le sénat, le conseil constitutionnel, prévus par la constitution, on en est encore à spéculer. Or l’âge du chef de l’État aurait dû constituer un motif suffisant d’urgence à démêler cet écheveau. Erreur, de casting, le temps présidentiel n’est pas celui des citoyens camerounais et les urgences ici, c’est pour l’hôpital. Tel est le mot d’ordre. Il s’agit de quelqu’un qui a habitué les Camerounais à discourir plutôt qu’à agir. La préservation de la paix et d’un certain équilibre géopolitique seraient les raisons du nouveau bail que la communauté internationale l’a laissé renouveler face au désert de prétendant sérieux qui auraient pu représenter une alternative fiable. 30 ans de règne finissent par installer une cour et des courtisans. Et qui dit cour et courtisan, dit forcément roi et le roi ici comme ailleurs n’est visible que par le petit nombre qu’il veut bien voir, lui. Le roi ne discute pas avec les gens, des militants, il commande, il ordonne, veut qu’on trouve des solutions, mais n’entend pas se voir poser des problèmes. Les problèmes, c’est pour les autres et les solutions c’est pour lui. Njoh Mouellé l’a bien observé. La physionomie de l’appareil de l’État tel qu’il apparait en ce début de septennat n’augure rien de nouveau. Un nouveau ronronnement n’est rien qu’un effet d’annonce, une spectacularisation et une théatralisation de la gouvernance pourtant creuse. Un nouveau gouvernement nommé le 09 décembre 2011 dit de mission ou de réalisations, mais tout aussi pléthorique que ces devanciers. Ainsi va la ritournelle des slogans savamment imaginés en rupture de ban avec la réalité qu’elle doit transformer. Les « grandes ambitions » ont vécu. Sans bilan aucun, il est désormais question de « grandes réalisations », slogan qui est la preuve patente que l’on a passé le précédent septennat dans les nuages et les rêves, dans un brouillage dont son régime a seul le secret. On se hâte doucement pour que l’émergence que l’on convoque comme cap à atteindre soit un serpent de mer. Dans ces conditions, la question du dauphinat a encore des soucis à surmonter. Toujours est-il que cette question ne saurait être indéfiniment renvoyée aux calendes camerounaises.
Junior Etienne Lantier