Les invités de l’émission Canal Presse ont été séquestrés par le Directeur régional de Canal 2 International qui avait reçu de nombreux coups de fil venant de la présidence de la république au cours et après l’émission dominicale du dimanche 18 septembre 2011. Le régime de Paul Biya multiplie des signes de fébrilité.

Décidément, le Cameroun est un pays des paradoxes. Emmanuel Gérard Ondo Ndong, condamné  le 16 avril 2008 à la peine de 20 ans de prison, confiscation des biens et  déchéance de droits civiques, suit, le 18 septembre 2011, du fond de sa cellule au Secrétariat d’État à la Défense (Sed), Canal Presse, une émission diffusée en direct sur la chaine de télévision, Canal 2 International. Il apprend de la bouche de Jean-Bosco Talla, Directeur de la publication de l’hebdomadaire Germinal, que du temps où il officiait comme directeur général du Fonds spécial d’équipement et d’intervention intercommunale (Feicom), il avait donné de l’argent à Synergies africaines, la Fondation Chantal Biya et au Cerac, structures dont la promotrice n’est autre que Chantal Biya.

Du coup, il bondit sur son téléphone et appelle les responsables de Canal 2 Internationalpour apporter un démenti à cette information qui lu au cours de l'émission, alors que c’est lui-même qui l’avait déclaré publiquement devant les tribunaux. Visiblement, Sa Majesté Ondo Ndong a la mémoire courte. Il est un prisonnier entièrement à part, puisque de sa prison, il est capable de faire entendre sa voix en intervenant dans une émission diffusée en direct. Il se révèle ainsi être un prisonnier de droit exceptionnel.

Certains responsables des structures sus-citées, des dizaines de personnalités ont également la mémoire courte, eux qui ont joint Canal 2 International pour démentir une information déjà connue des citoyens camerounais avisés qui suivent l’actualité judiciaire au Cameroun. Ces personnalités ont indiqué qu’elles agissent pour le compte et au nom de la présidence de la République et de Chantal Biya, selon les propos du Directeur régional de Canal 2 International, qui, pris de panique, a séquestré pendant au moins 40 minutes, les invités dans le bureau de David Atemkeng, présentateur de l’émission.

Ces personnalités, qui ne sont pas à une manoeuvre d’intimidation près, oublient ou font semblant d’oublier les déclarations d’Ondo Ndong qui ont été consignées dans les minutes des tribunaux.

« Dé-menteurs »

Malheureusement, le présentateur de l’émission n’a pas permis au Dp de Germinal de confondre ces « dé-menteurs » cyniques du dimanche.

Il a été pourtant établi que lors de son passage à la tête du Feicom, Ondo Ndong avait octroyé, entre 1999 et 2005, des aides à des personnes et personnalités, aux hommes d’Église, à certains directeurs des publications, aux Gic, Fondations,  associations et Ong parmi lesquelles Synergies africaines, le Cérac et la Fondation Chantal Biya. Ces aides avaient été recensées et consignées dans un rapport d’expertise judiciaire rédigé par l’inspecteur d’État Dieudonné Tchana.

Selon le rapport de cet expert, 1,5 milliard de francs Cfa avaient été détournés dans le cadre des aides. Au cours de son audition le 17 décembre 2006, il n’avait présenté que quatre-vingt-quatre (84) pièces originales relatives à la justification d’un montant de  850 millions de francs Cfa et avait précisé lors de son audition qu’il  n’avait pu obtenir toutes les pièces auprès du Feicom.
Il ressort de la lecture de ce rapport que Synergies africaines, la Fondation Chantal Biya, le Cerac ont reçu du Feicom de 1999 à 2006, une somme globale de 201 355 899 FCfa. Un extrait de ce rapport a d’ailleurs été publié dans le quotidien Le Messager, n°2341 du jeudi 29 mars 2007 (pages 14-15). (Cf. Tableau ci-dessous)
Ondo Ndong et tous ceux qui tentent de faire prendre des vessies crevées pour des lanternes ne sauraient nier ces faits. Tout comme l’ex-directeur général du Feicom ne saurait nier le fait qu’au cours de son procès, il avait indexé le cabinet civil de la présidence de la République, les services du Premier ministre et le ministère de la Communication, dans le volet insertions publicitaires. Se rappelle-t-il cet extrait de la déposition de l’ex-chef de la division de la coopération et de la communication au Feicom, Elysée Ntyé Ntyé à l’information judiciaire : «Pour ces cas [les groupes de presse internationaux, Ndlr], il y avait toujours des correspondances venant du cabinet civil de la présidence de la République, des services du Premier ministre et du ministère de la Communication ». Non, évidemment. Pourtant, ces déclarations mettent en évidence l’implication du cabinet civil qui s’occupe des affaires privées du chef de l’Etat et de sa famille et des services du premier ministre dans le détournement de fonds au Feicom.
D’où vient-il alors que des journalistes et de paisibles citoyens reçoivent des menaces quand ils re-disent ce que tout le monde sait et qui a été dit en public ?
La tête de l’actuel présentateur de Canal Presse, David Atemkeng serait mise à prix. Il se murmure que, Emmanuel Chatué, promoteur de Canal 2 International a déjà subi de fortes pressions. Certaines sources introduites soutiennent que l’ordre lui aurait été intimé de confier la présentation de Canal Presse à quelqu’un de plus accommodant qui sait ménager le régime. Aussi, soutiennent ces sources, il aurait aussi été demandé de ne plus inviter certaines personnes considérées comme étant des « ténors de la péroraison creuse ».
Jean-Bosco Talla

Extrait du Rapport d'expertise sur bénécifiaires des aides octroyées par Ondo Ndong entre 1999 et 2006.