• Full Screen
  • Wide Screen
  • Narrow Screen
  • Increase font size
  • Default font size
  • Decrease font size
Direction générale des impôts: au royaume des prédateurs - Page 2

Direction générale des impôts: au royaume des prédateurs - Page 2

Envoyer Imprimer PDF
Note des utilisateurs: / 0
MauvaisTrès bien 
Index de l'article
Direction générale des impôts: au royaume des prédateurs
Quand les chefs d’établissement servent de boucs émissaires
Indignation des chefs d’établissement
Les impôts au cœur d’un réseau parallèle de faux timbres fiscaux
Répartition des tâches
Un réseau aux connexions profondes
Dans le labyrinthe d’une Causa Nostra tropicale
La lettre qui avait dévoilé le pot aux roses
Les machines installées au Cameroun par Mercury
Toutes les pages
Quand les chefs d’établissement servent de boucs émissaires
La direction générale des Impôts incrimine les proviseurs dans l’affaire des faux timbres au bac 2011.  Et pourtant…
Zacharie Mbatsogo, directeur de l’Office du Baccalauréat du Cameroun (Obc), souligne que « ce sont les agents du Minfi qui ont donné la nouvelle de l’existence de faux timbres sur les dossiers d’examen ». Tout est parti d’un constat fait par les agents des impôts à Douala, durant la période du 15 au 20 décembre 2010, période  au cours de laquelle les émissaires de l’Office du Baccalauréat du Cameroun, dépêchés dans les délégations régionales des Enseignements secondaires, étaient en train de collecter les dossiers des candidats aux examens organisés par cette institution. Durant cette période, un émissaire envoyé à Douala joint le directeur de l’Obc au téléphone et l’informe de la présence impromptue, inopportune, sans mandat ou ordre de mission dûment signé par leur hiérarchie des agents des impôts à la Délégation régionale des Enseignements secondaires du Littoral. Ceux-ci, déclare cet émissaire, veulent saisir les dossiers des candidats aux examens officiels comportant des faux timbres. Le directeur demande à son collaborateur de ne pas laisser les dossiers des candidats aux mains étrangères. Il lui demande, en outre, de ramener tous les dossiers à l’Obc. De plus, précise-t-il à son collaborateur, si les agents des impôts veulent procéder aux vérifications, ils peuvent se présenter à l’Obc où il leur sera aménagé un espace pour effecteur leur travail. Une dizaine de minutes après, Zacharie Mbatsogo reçoit un coup de fil d’un autre émissaire envoyé à la Délégation régionale des Enseignements secondaires du Centre qui l’informe aussi de la présence des agents des impôts qui disent être en train de pister les faux timbres. Le directeur de l’Obc réitère les mêmes instructions que celles données à son collègue de Douala. En fin de compte, les agents des impôts acceptent la proposition faite par le directeur de l’Obc. Par la suite, une lettre lui est adressée dans laquelle les impôts affirment qu’environ 92% des 322 dossiers d’examen en provenance du Lycée d’Anguissa comportaient des faux timbres. Lorsque les agents des impôts se déportent à l’Obc, un espace leur est aménagé au Lycée Technique de Nkolbisson où, en présence des cadres travaillant à l’Obc, ils procèdent aux vérifications d’usage.

Éclairage

À en croire certaines sources qui restent dubitatives, malgré les explications, tout serait parti des constats faits par les agents des impôts selon lesquels les recettes fiscales des villes de Douala et de Yaoundé étaient inférieures à celles de la région de l’Ouest-Cameroun. C’est donc à partir de ces constats qu’ils se seraient dit qu’il y a quelque chose qui ne va pas autour des timbres de dossiers d’examen. La fragilité de cet argument devient patente quand on se rappelle qu’il y a deux ou trois ans, les agents des impôts étaient déjà allés à l’Obc avec pour mission d’enquêter sur les faux timbres après avoir, disaient-ils, constaté que les dossiers du centre du lycée  d’Emana comportaient des faux timbres. C’est dire si les agents des impôts sont depuis longtemps informés de l’existence d’un réseau de faux timbres. De là à penser qu’ils font semblant de découvrir l’existence d’un réseau de faux timbres installé au cœur du ministère des Finances, principalement à la direction générale des impôts, il y a un pas que des observateurs avertis n’hésitent pas à franchir.
La relance de ce qui convient aujourd’hui d’appeler  l’affaire des faux timbres a décidé le ministère des Finances (Minfi), tutelle de la direction générale des Impôts (Dgi) à laquelle incombe la production des timbres fiscaux, à agir. C’est ainsi qu’une enquête mettant en scène les services appropriés du Minfi, la Dgi, la Conac, l’Office du bac et d’autres structures de l’État est ouverte.
Lors de la première réunion d’évaluation de cette enquête tenue le 31 mai 2011 à Yaoundé, sans ambages le chef de division du recouvrement et du timbre de la Dgi pointe un doigt accusateur sur les chefs d’établissements. « Ce problème, souligne-t-elle, est extérieur à l’administration fiscale. Les chefs d’établissement n’ont pas respecté le dispositif mis en place et décidé au cours des réunions de préparation des examens 2011 arrêtées ensemble pour sécuriser les recettes ». Et de poursuivre : « Le manquement vient du fait que les élèves paient les frais des examens en même temps que ceux des timbres. L’argent des frais d’examens est reversé dans un compte de l’Office du bac, pendant que l’argent des timbres est gardé au niveau de l’établissement par quelqu’un que le chef d’établissement désigne. L’intendant sûrement. Et c’est au moment du timbrage des fiches d’examen qu’il nous reverse cet argent contre des empreintes qu’on appose sur les fiches », explique Crescence Monique Zinga Ndzié.
Interrogé au terme de la réunion sus-évoquée, le ministre des Finances apporte plutôt un cinglant démenti à la thèse du chef de division du recouvrement et du timbre. « Ce sont des individus qui ont trompé la vigilance des chefs d’établissements. Des gens qui savent fabriquer des machines à timbrer. Visiblement même les chefs d’établissements n’avaient pas cette information sur ces faux timbres », indique Essimi Menye.
Dissimulant à peine son embarras, la main sur le cœur,  Mme Ndzié jure désormais que cette affaire de faux timbres au baccalauréat 2011 « n’est pas un problème de l’administration fiscale. C’est un problème  qui relève des personnes étrangères à l’administration fiscale et le travail que nous sommes en train de faire va nous amener à déterminer les responsabilités».

Fraude fiscale

Elle en veut pour preuve la découverte de faux timbres dans les dossiers de recrutement de 25000 jeunes dans la Fonction publique. « Nous avons eu à déplorer ce phénomène-là parce qu’on s’est rendu compte que la plupart des dossiers qui ont été déposés comportaient de fausses empreintes », révèle-t-elle.
Seulement, s’agissant des examens scolaires, cette fraude fiscale n’est ni récente ni circonscrite au seul baccalauréat. À ce sujet, l’on évoque par exemple le cas de l’actuelle déléguée départementale du ministère de l’Éducation de base du Moungo. Alors qu’elle occupait le même poste dans le Wouri, Henriette Essame avait toujours tenu à gérer personnellement les dossiers du Cep et du concours d’entrée en 6e. Elle se chargeait de les collecter et les emportait pour timbrage à Nkongsamba où elle s’est fait élire maire en 2007.
À telle enseigne que les dossiers timbrés par les bons soins des chefs d’établissements étaient systématiquement rejetés, sous prétexte que les timbres sont faux. Au risque de ne pas voir leurs élèves prendre part à ces examens, ils se voyaient obligés de fournir une fois de plus l’argent des timbres à la déléguée.
Or, il a été établi que le receveur des impôts de Nkongsamba était impliqué dans un réseau parallèle de production des timbres fiscaux. Une fraude fiscale qui, contrairement à ce que soutient Crescence Monique Ndzié, concerne aussi et même prioritairement l’administration fiscale.
Jean-Bosco Talla