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Présidentielle 2011: Paul Biya est-il rééligible ou non? - Page 10

Présidentielle 2011: Paul Biya est-il rééligible ou non? - Page 10

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Index de l'article
Présidentielle 2011: Paul Biya est-il rééligible ou non?
Les transes du Droit-Savoir entre machinisme théâtral et macoutisme légal
Constitution et chicane
Juridisme macoute et légalisme zombificateur
Halte au parasitage politicien d’une question constitutionnelle de fond
En réplique à Mathias Owona Nguini et à Paul-Aaron Ngomo…
Argumentaire en réplique à celui développé par les défenseurs de la thèse de l’éligibilité
Présidentielle 201 1 : de la non-rétroactivité des constitutions
Rééligibilité ou non de Paul Biya : camerouniaiseries constitutionnelles
Qui veut (même) faire échec au suffrage souverain ?
Toutes les pages
Qui veut (même) faire échec au suffrage souverain ?
Le débat juridico-technique et juridico-politique sur l’éligibilité ou la non-éligibilité du Président actuel bat son plein. Il vient d’être relancé par une intervention du Pr. Mouangue Kobila qui entend user de son autorité magistrale pour porter secours à son collègue juriste et confrère agrégé. Il y a comme une forme de solidarité compagnonne relevant d’un véritable esprit de fraternité. Ainsi l’éminent juriste entend user de sa professorale carrure et de sa magistrale envergure comme des arguments politico-initiatiques pour appuyer son tout aussi éminent collègue dans les luttes politico- doctrinales, politico-intellectuelles et politico-idéologiques qui transparaissent derrière les échanges de ce débat juridico-politique et juridico-technique qui a lieu dans l’espace public, débordant largement les sphères universitaires. Qu’on se le dise, ledit débat ne concerne pas seulement les questions normatives et procédurales d’applicabilité des nouvelles dispositions édictées par la révision constitutionnelle d’avril 2008 supprimant la clause de limitation des mandats présidentiels jusque-là présente à l’article 6-2 de la loi fondamentale camerounaise. Il s’agit aussi d’un débat de théorie et de philosophie juridiques sur l’énonciation et l’application du principe de non-rétroactivité de la loi. Il est également question dans ce débat de savoir, toujours sur le terrain de la philosophie du droit, comment combiner et lier la dimension technique ,la dimension pragmatique , la dimension éthique et la dimension politique dans la fondation et l’instrumentation du droit. Il y a également dans ce débat un questionnement philosophico-politique et juridico-politique sur le respect de la souveraineté du suffrage ainsi qu’une problématique juridico-éthique et éthico-politique sur le respect de la parole donnée et de l’application préalable du droit édicté.
La « note d’actualité constitutionnelle sur le débat relatif à la rééligibilité de l’actuel chef d’État camerounais » écrite par le professeur James Mouangue Kobila, entreprend par solidarité confrérique et doctrinale, de défendre le point de vue soutenu par le Pr. Narcisse Mouelle Kombi pour admettre la rééligibilité du Président de la République. Si elle est globalement écrite avec un souci de technicité avérée et d’objectivité affichée, elle n’en porte pas moins une nouvelle fois, les vices du discours d’autorité de Juristes de la Chaire bien décidés à défendre leur statut privilégié de « Légistes de (la) Cour ». Invoquant implicitement le privilège du magistère, l’Honorable Professeur pourtant apparemment soucieux de faire valoir la pertinence de la science juridique, n’échappe pas une fois de plus à la tentation de l’imprécation dogmatique. Ainsi de sa très magistrale posture, il évoque les « allégations de certains enseignants du supérieur qui prétendent que la révision constitutionnelle promulguée, le 14 avril 2008 qui rend le président de la République, indéfiniment rééligible ne serait pas applicable à l’actuel titulaire du poste, dès lors qu’il a été élu sous l’empire de l’ancienne formulation de l’alinéa 2 de l’article 6 de la Constitution qui limitait le rééligibilité du Président de la République ». Sûr de son pouvoir doctrinal qui serait-organiquement ?- garanti par sa dignité professorale et agrégatiale, le Pr. Mouangue Kobila ne manque pas de succomber à la tentation de la disqualification présumant qu’il s’agit, ô sacrilège, de l’exhumation d’un débat mort-né lors de la révision constitutionnelle… ». Le digne et docte juriste doit revêtir sa tunique de super-héros et gardien du droit défendant noblement la citadelle de la Dikê et de la Thémis contre ces « fossoyeurs » (le terme est de nous) qui exhument des débats avortons !
Si le propos de l’éminent juriste est globalement technique et / ou même techniciste, les quelques pointes de polémiques qui y transparaissent, en révèlent les soubassements idéologico-intellectuels et idéologico-politiques avec pour enjeu de donner une caution doctrinale à tout prix à la position politique du pouvoir ! C’est ce qui fait que de temps en temps le juriste succombe à l’anathème : « allégations », « raisonnements spécieux », « arguments les plus fallacieux les uns que les autres », « ce qui serait évidemment absurde et clairement ridicule ». Ces différentes énonciations montrent que l’Auguste Juriste de Chaire qui veut donner une leçon à ces impertinents que sont les « instigateurs de ce débat », ne demeure pas sur le terrain de la courtoisie intellectuelle et de la civilité académique ! Peut-on ainsi perdre son sang-froid lorsqu’on a l’assurance de celui qui sait maîtriser la « démarche juridique » ?
Pour lancer les hostilités contre « les pieds nickelés »( le terme est de nous) du droit politique qui soutiennent avec moult imprudences doctrinales et fort impudences doctrinaires la thèse de l’inéligibilité du Président en fonction, le Juriste-Savant qui revendique le monopole de dire « l’être » (le Sein ) et dit se désintéresser du « devoir être » (le Sollein), sort l’artillerie lourde : « Les instigateurs de ce débat veulent en réalité faire échec à la souveraineté de suffrage et à affaiblir le lien entre l’élu et le peuple ». Il croit impressionner en évoquant-peut-être par goût de l’extraversion, peut-être par souci de démonstration ou alors pour les deux raisons-, en évoquant doctement « l’argumentation élaborée par le Comité Balladur qui a suivi en ce point celle du Comité Vedel ». Toujours est-il qu’on est dans le régime de la dissuasion doctrinale qui évoque goulument l’inénarrable extraversion de nos juristes.
I- Les fondements sémantiques et pragmatiques complexes d’un débat juridico-politique

 

Parce qu’un tel débat est complexe dans l’organisation et l’orientation de ses sphères de développement et de déploiement, il ne serait pas sérieux de l’abandonner aux théoriciens-techniciens universitaires de la science normative du droit ou de la science sociale du droit, juristes-politistes (constitutionnalistes) ou sociopolitistes-juristes (sociologues politiques du droit) ! Il s’agit alors d’un débat qui peut intéresser tout le monde, même si ce n’est pas au même titre. Il ne parait plus alors pertinent que ce débat soit réservé aux juristes normativistes et/ou positivistes ou aux juristes décisionnistes et exceptionnalistes ni même à ceux plus subtils et fins que sont les juristes institutionnalistes et réalistes. Il ne l’est pas plus de l’abandonner aux sociologues et politistes spécialistes des questions de droit et particulièrement de droit politique, de droit constitutionnel.

I-A- Des types de pensée juridique manipulés par la note constitutionnelle concernée
Contrairement à ce que veut laisser croire le Pr Mouangue qui revendique le positivisme juridique (techniciste et objectiviste), parce qu’il ne lui déplaît pas de glisser vers le décisionnisme comme autre forme « des types de pensée juridique » (Carl Schmitt), type tourné vers un usage plus politique que libéral du droit, sa démarche ne reste pas sur le terrain de la démarche positiviste ! Vouloir précisément escamoter politiquement les effets juridiques contraignants de la limitation des mandats présidentiels pour le mandat électif du Président en fonction, mandat acquis en octobre 2004 et devant s’exercer jusqu’à octobre 2011, c’est précisément - contrairement à ce que laisse croire l’éminent Juriste de la Chaire -, manquer de respect pour la « souveraineté du suffrage » et tenter, par des manœuvres subreptices et pernicieuses autant que frauduleuses de rétroactivité, de défaire aussi bien le lien entre l’élu et le souverain noué à travers l’élection présidentielle de 2004 que celui entre le peuple et la Constitution adoptée en son nom en janvier 1996

I-B-De quel lex lata parle-t-on ? Travers du positivisme

Contrairement à ce que veut faire croire le Pr. Mouangue Kobila, la lex lata applicable au Président en fonction depuis octobre 2004 est la lex qui était alors en vigueur, comportant précisément la clause de limitation des mandats présidentiels à deux septennats ; laquelle clause exerce son empire sur le Président en fonction, jusqu’en octobre 2011 et comporte des contraintes normatives et valorielles qui font sérieusement écran à la thèse de la rééligibilité. La situation juridique qui s’est constituée en octobre 2004 ne concerne pas seulement la nature du mandat mais a aussi des implications normatives et morales sur son détenteur qui est incité à respecter les engagements d’un mandat non renouvelable qui sont des engagements substantiels et irréversibles que même la loi de révision constitutionnelle d’avril 2008 ne peut contrecarrer !

La lex lata actuelle, celle adoptée par la loi portant révision constitutionnelle en date du 14 avril 2008, ne pourrait évidemment, sauf à admettre une manœuvre inconstitutionnelle de rétroactivité, ne saurait disposer que pour l’avenir ! Cela doit alors être interprété dans un sens où elle ne peut pas s’appliquer au passé, c’est-à-dire à une situation juridique constituée en octobre 2004 et gouvernée par les actes juridiques adoptés sous l’empire de la clause de limitation des mandats présidentiels édictée en janvier 1996 ! L’éminent juriste ne sous semble pas évoquer à bon droit le principe lex posterior derogat priori, en prétendant en tirer la justification technique et doctrinale qui ferait que l’abrogation de la clause de limitation des mandats présidentiels en avril 2008, libère le Président actuel pour l’avenir, lui permettant d’être rééligible. L’admettre, ce serait précisément consacrer une manière de rétroactivité. Or, le principe de non-rétroactivité est constitutionnellement mentionné et exprimé alors que le principe lex derogat priori n’est pas évoqué par la Constitution camerounaise !

I-C- Qui fait échec à la souveraineté au suffrage et veut affaiblir le lien entre l’élu et le peuple ?

Contrairement à ce que laisse croire ou laisse penser le Pr Mouangue Kobila, ce ne sont pas ceux que l’on croit qui veulent en réalité « faire échec à la souveraineté du suffrage » et à affaiblir le « lien entre l’élu et le peuple ». L’Auguste Juriste qui se pose en légitime défenseur de la révision d’avril 2008, oublie-t-il que c’est précisément la « souveraineté du suffrage » qui a permis au Président Paul Biya d’exercer le mandat présidentiel de sept ans formé en octobre 2004 avec un article 6 alinéa 2 de la Constitution limitant alors les mandats présidentiels ? N’est ce pas, ne serait-ce pas- soyons prudents- faire échec à la souveraineté du suffrage que de changer la nature du mandat électif présidentiel acquis par M. Paul Biya en 2004, mandat acquis sous l’empire de l’article 6 alinéa 2 de la Constitution basé sur la limitation des mandats ?

En entreprenant politiquement et stratégiquement de se servir de la nouvelle clause d’illimitation des mandats présidentiels- d’ailleurs acquise par le forçage procédural qu’on connaît, celui d’un Congrès de révision composé d’un seul organe et en l’absence de convocation appropriée de ce Congrès e révision-, pour prétendre cautionner la thèse de l’éligibilité sur la base de la révision du 14 avril 2008, n’est-ce pas affaiblir le « lien entre l’élu et le peuple » établi en octobre 2004 qui intègre la reconnaissance par les deux parties que l’article 6.2 de la loi fondamentale fondé sur la limitation des mandats présidentiels était un élément du contrat par lequel le mandant-peuple a consacré le mandataire-élu ? Comme le droit n’est pas seulement outillage et bricolage de procédure mais aussi cadrage et formatage de substance en plus d’être assemblage et montage d’institution, n’était-il pas plus indiqué de recourir à la voie référendaire de révision, sauf à faire « échec à la souveraineté du suffrage ? » Leçon : qui arrose peut-être arrosé !
II- Des arguments de méthodologie fondamentale du droit : étalage rhétorique ou outillage épistémique ?
Le maître du droit pour établir la valeur de sa position face aux profanateurs de la grande glose juridique que sont « certains enseignants du supérieur», entend faire une leçon de théorie du droit à ces imprudents et impudents pubertaires de l’intelligence juridique ! L’Auguste Juriste se veut ici soucieux de déployer la puissance théoréticité de son magistère ! Examinons alors les arguments de cette démonstration épistémologique de force !

II-A- Une Interprétation psychologique très instrumentale : l’argument téléologique du glossateur du pouvoir perpétuel

L’éminent Professeur de droit, sûr de son magistère, affirme sans ambages que « l’interprétation psychologique » est le premier des arguments qui rendent compte de « la révision constitutionnelle de 2008 » et rendent raison de « la rééligibilité de l’actuel chef de l’Etat ». De manière didactique, il définit cette voie d’interprétation comme « fondée sur l’intention du constituant de 2008 ». Alors dans une posture verdictuelle et jubilatoire, le Juriste–Savant assène sa vérité en glossateur commis pour la célébration du pouvoir perpétuel : « il est indiscutable que l’intention du constituant camerounais du 14 avril 2008, sa ratio legis, était de rendre la rééligibilité de l’actuel président possible. Il s’agit en effet de permettre au Président Paul Biya de se porter candidat s’il le désire à la magistrature suprême et c’est bien ce que les adversaires du projet de révision combattaient férocement, avec les arguments les plus fallacieux les uns que les autres ». Sûr de sa puissance épistémologique, le Juriste de la Chaire ne manque pas de railler les impudents – théoriquement ou politiquement, c’est pareil- qui s’étaient opposés à cette géniale initiative de révision.

En fait, sans le savoir ou sans le vouloir et peut-être même les deux à la fois, le Juriste-Savant s’est posé en analyste sauvage des idéologies ! Ce faisant, le Professeur se comporte comme un Monsieur Jourdain de la théorie critique et de la sociologie critique ! Il dévoile ici clairement- en croyant défendre solidement la position gouvernante et gouvernementale- ce que l’orthodoxie dirigeante a toujours dénié : La révision d’avril 2008 a été adoptée pour rendre possible la rééligibilité de l’actuel Président possible ! En affirmant avec enthousiasme que c’est là le sens de la « ratio legis » du « constituant camerounais du 14 avril 2008 », le Juriste de la Chaire par une terrible ruse de la raison gouvernante éternitaire basée sur le gouvernement perpétuel, avoue qu’il cautionne une loi qui perd précisément son statut de norme générale et impersonnelle, si on dit comme il le fait croire qu’elle devrait « permettre au Président Paul Biya, de se porter candidat » !L’honorable Professeur croit ainsi faire plaisir au César-Président alors que le Magistrat étatique suprême avait lui-même dans son message des vœux à la Nation du 31 décembre 2008 nié le fait que la révision constitutionnelle du 14 avril 2008 avait été effectuée au profit d’un individu ! Où l’on voit comment la connivence et la complaisance juridico-herméneutiques et politico-herméneutiques conduisent l’éminent Professeur à être un avocat maladroit dont les plaidoiries se révèlent peu opportunes et même embarrassantes pour son souverain client !
Par ailleurs, sur le plan de la méthodologie et de l’épistémologie du droit, on objectera au Pr Mouangue Kobila que ce dont il fait état ne relève pas simplement d’une interprétation psychologique. Il s’agit de manière encore plus précise d’une interprétation téléologique, c'est-à-dire tournée vers les objectifs et buts que l’on assigne à une règle de droit. L’éminent juriste en affirmant quels étaient les véritables objectifs de la révision au plan politique, cautionne alors une démarche de politique juridique déployée sur le terrain de la révision constitutionnelle où la loi qui est censée être dans le registre de Jean-Jacques Rousseau , l’ « expression de la volonté générale », devient un simple outil mobilisé à des fins partisanes. Le Juriste de la Chaire qui cautionne une telle démarche politiquement marquée par la téléologie du pouvoir perpétuel dont le conatus (au sens de Spinoza), est de persévérer dans son être, se mue alors en Légiste de Cour !

II-B- La loi ne dispose que pour l’avenir : pourquoi alors l’évoquer pour qu’elle s’impose au passé ?

On admet bien, suivant en cela l’illustre Professeur, que « la loi ne dispose que pour l’avenir » et que cela est un principe juridique bien établi ». Il est toujours sensé d’admettre que ce principe vaut, « sauf énonciations expresses contraires ». Jusqu’ici notre impudence (réputée) ne nous amène pas à nous éloigner du sillon tracé par l’éminent maître. Pourtant, il faut rompre cette apparente harmonie. Il nous semble que l’interprétation que le juriste éminent fait de ce principe, peut-être discutée. Rappelons au préalable cette interprétation, avant que de la discuter : « l’alinéa 2 de l’article 6 régit l’éligibilité du Président de la République ; or, l’éligibilité d’un chef de l’Etat s’apprécie du moment où il fait acte de candidature ; dès lors que l’éligibilité de l’actuel président a été appréciée lors de la présidentielle du mois d’octobre 2004, la prochaine appréciation de son éligibilité est attendue lors du dépôt des candidatures en vue de la présidentielle de 2011 ».

Pour éviter de faire accréditer une position logiquement et techniquement discutable, le maître agrégé tente une ruse de procédure qui consiste à dire que c’est en septembre ou en octobre 2011 que l’on devra apprécier l’éligibilité du Président Paul Biya, si celui-ci consent à déposer sa candidature en vue de l’élection présidentielle de 2011. Cette manœuvre procédurale relève d’un habile mais pernicieux tour de passe-passe juridico-technicien. Fort de ses talents de théoricien-technicien du droit, le Juriste de la Chaire tente de nous embarquer dans une de ces feintes procédurales ou processuelles dont les juristes de pouvoir camerounais souvent recrutés dans les milieux de l’université ont le secret. De manière sérieuse, on ne peut réduire ce débat à la seule question de l’appréciation de l’éligibilité du Président en fonction, en faisant l’impasse sur le statut du mandat présidentiel en cours.
Soucieux de cautionner commodément l’idée faussement pertinente qu’il est simplement question de dire et de faire que les « nouvelle conditions d’éligibilité » soient « appliquées lors de l’examen des candidatures et lors du contentieux relatif à l’élection présidentielle de 2011 », le Pr Mouangue Kobila fait comme si le Président en fonction n’était pas détenteur d’un mandat électif acquis dans des conditions précises d’éligibilité précisément encadrées par la clause de limitation des mandats. Sauf précisément à avoir été abrogée pour permettre au Président en fonction de se présenter à nouveau s’il le désire, la loi du 14 avril 2008 portant révision constitutionnelle ne peut mettre fin au régime qui soumet le Président en poste à la limitation des mandats d’octobre 2004 à octobre 2011, jusqu’à la fin du mandat et dont bien après l’ouverture de la campagne électorale de 2011. N’oublions pas que le mandat formé en octobre 2004 sous l’emprise de la limitation des mandats s’achève en octobre 2011 !
Sauf dans une évidente perspective de manipulation et de prestidigitation juridico-politiques qui consiste à transformer rétroactivement la nature du mandat électif présidentiel acquis par le Chef de l’Etat en fonction en 2004, celui-ci est tenu par la limitation des mandats et son mandat s’achève bien en octobre 2011, soit bien après que la campagne ait été lancée… Il apparaît alors que ce sont les défenseurs de la thèse de l’éligibilité qui font une application rétroactive de la loi de 2008, ce qui comme le concède l’éminent juriste qu’est Mouangue Kobila, « serait évidemment absurde et ridicule ». On ne peut à notre avis, contrairement à ce que soutient le maître agrégé de Douala, considérer que les nouvelles dispositions telles que rédigées en avril 2008, soient applicables au Président en fonction même en octobre 2011, parce que celui-ci demeure sous l’emprise de la limitation des mandats qui a encadré normativement et substantiellement aussi bien la formation que l’exercice de son mandat !!!
Précisément parce que la loi ne dispose que pour l’avenir et qu’elle n’a donc pas d’effet rétroactif, même si le dossier éventuel de candidature de Mr Paul Biya à la prochaine élection présidentielle est examiné en dehors de toute nouvelle révision à visée corrective, ce serait alors même que le mandat présidentiel confié par un souverain - peuple avisé de la normativité de la clause de limitation des mandats présidentiels , l’a été sous l’emprise de ce régime, transformer la volonté du peuple ainsi acquise en octobre 2004.
II-C Ce n’est pas la clause de survie de l’ancien alinéa 2 de l’article 6 qui aurait autorisé l’éligibilité du Président en fonction mais des dispositions exceptionnelles de rétroactivité
L’auguste juriste universitaire qu’est Mouangue Kobila use de ses privilèges magistraux pour affirmer ex cathedra ce qui suit : « la révision constitutionnelle du 14 avril 2008 ne contient aucune clause de survie de l’ancien alinéa 2 de larticle6. Une telle clause prévoirait que l’amendement adopté (en 2004) ne s’applique pas au président en fonction. Or aucune mention de ce genre ne figure dans la constitution, telle que révisée en avril 2008 ». Même si l’éminent juriste se prononce là ex cathedra, sa position nous parait discutable. Il est tout d’abord banal de dire que la loi d’avril 2008 ne comporte pas de clause de survie de l’ancien actuelle 6.2. C’est, que l’éminent professeur nous en excuse, une lapalissade ! Le maître de droit qu’est Mouangue Kobila ne concède-t-il pas lui-même que l’abrogation a été tacite alors qu’elle aurait précisément pu être une abrogation expresse ? Ici, c’est seulement s’il y avait eu des dispositions expresses en forme d’énonciations contraires au principe de non-rétroactivité, autorisant alors le Président en fonction, à ne pas se voir appliquer la clause de limitation des mandats qui contraint de part en part le mandat présidentiel formé en octobre 2004, qu’il aurait été dès lors éligible!
On ne peut donc pas prendre prétexte de l’absence de clause de survie de l’ancien article 6.2 de la loi fondamentale dans la révision constitutionnelle d’avril 2008, pour justifier l’idée que le Président en fonction peut-être libéré du verrou de la limitation des mandats sous l’empire duquel son mandat électif acquis par le souverain suffrage en octobre 2004 a été placé aussi bien pour sa formation que pour son exercice.

II-D Les nouvelles dispositions s’appliquent bien dès la prochaine élection présidentielle, sans cependant rétroagir sur la situation contraignante du Président en fonction

Nul être doté de sens logique et de bonne foi, ne pourrait contester au Pr. Mouangue Kobila que les dispositions nouvelles édictées par la loi du 14 avril 2008 portant révision constitutionnelle s’appliquent « dès la prochaine élection présidentielle ». Cela dit, il faut néanmoins préciser que ces dispositions ne signifient pas qu’elles soient applicables à un Président élu par un souverain-peuple avisé de l’existence d’une clause de limitation des mandats présidentiels comme horizon contraignant pour le Président élu en octobre 2004 dans de telles conditions normatives et institutionnelles. Ce n’est que manœuvre procédurale au moins potentiellement dolosive et abusive que de prétendre le contraire ! Non, non ! Si l’on se situe dans l’ordre de la logique aléthique (logique substantielle), on ne peut appliquer les dispositions constitutionnelles adoptées en avril 2008 au Président en fonction qu’en … 2018 ! Cela veut concrètement dire que c’est après l’expiration du premier mandat appliqué sous les auspices de la révision constitutionnelle d’avril 2008 que le Président en fonction jusqu’en 2011, pourra récupérer son éligibilité !

Si c’est le cas, c’est parce que le Président en fonction n’est pas seulement un possible candidat qui doit bénéficier de l’égalité de tous devant la (nouvelle) loi, c’est surtout du fait que le Président en fonction a été élu par le peuple souverain avisé de l’existence de la clause de limitation des mandats présidentiels - en vigueur depuis janvier 1996 jusqu’à avril 2008 -, lors de l’élection présidentielle d’octobre 2004. Les choses ont donc été faites en connaissance de cause. Qui veut vraiment faire échec à la souveraineté du suffrage ?
En logique déontique (logique des normes) que le professeur James Mouangue Kobila évoque depuis sa haute stature de maître du droit, admettre que la loi d’avril 2008 a été précisément révisée pour « permettre au Président Paul Biya de se porter candidat, s’il le désire à la magistrature suprême », c’est de manière peu déontique ou peu déontologique admettre que la loi n’est plus un acte de volonté générale mais un acte qui est soumis dans sa formation juridico-politique aux caprices des courtisans du Prince ou aux délices du gouvernement du bon plaisir. Ce n’est pas au respectable Professeur de droit qu’on va rappeler que le bon plaisir relève de l’arbitraire absolutiste qui n’a rien à voir comme le note Harvey Mansfield avec le « gouvernement constitutionnel » ! Argumenter dans un sens contraire, c’est faire un usage trafiqué et sophistique du principe de non-rétroactivité et violer alors la Constitution qui le mentionne expressément, là où elle n’évoque pas le principe lex posterior derogat prioro auquel un positivisme juridique instrumentalisé à des fins de duperie exégétique ou herméneutique fait recours.

III- Pour un usage réaliste plutôt qu’instrumental des arguments de fond

Au fond, le débat qui est conduit sur l’éligibilité ou la non-éligibilité du Président en fonction, ne peut être envisagé seulement du point de vue du réalisme juridique (Kelsen II), du réalisme sociologique (Weber) ou du réalisme politique (Machiavel), comme un débat d’universitaires-juristes et/ou politistes. Il s’agit d’un débat se déroulant simultanément sur les trois espaces de la discussion publique intellectuelle et politico-intellectuelle (I), de la discussion experte et politico-technique (II) et de la discussion politico-idéologique et politico-partisane (III). Des juristes-bureaucrates ou leurs commanditaires étatiques ne peuvent décider de monopoliser et de confisquer ce débat ou de le détourner, en utilisant différentes formes d’intimidation et de rétorsion ou de travestissement et de diversion. La frilosité néo- autoritaire qui vise à brider ce débat au sein des milieux du pouvoir, démontre un vent de panique suivant le constat des manques caractérisant la révision d’avril 2008.Elle se manifeste avec force chez les juristes ou politistes proches du pouvoir une certaine irritation doctrinale visible dans le recours à l’anathème dans la controverse sur la question débattue.

Le débat qui est ici mené, ne peut pas, si l’on veut être rigoureux, être réduit à la question étriquée de l’éligibilité ou de la non-éligibilité du Président en fonction, comme le souhaite les juristes et politistes posés en légistes obséquieux du pouvoir perpétuel. Ce débat est celui de la crédibilité systématique et systématique du droit qui se pose aussi en termes de normes et de substance (règles et valeurs), d’organes et d’institutions (statuts et fonctions de puissance) ou de procédures et de procès (mécanismes et justiciabilités). Un droit politique et constitutionnel soumis à tous les types de tripotages et tripatouillages souverainistes et monarchistes liés à l’habitus et à l’animus présidentialistes, peut-il être de manière crédible présenté comme « un droit rationnel légal à constitution représentative »(Max Weber) de facture démocratique ? Là est la question fondamentale.

III-A- Le droit électoral doit-il faire échec au suffrage souverain ? Que Nenni !

Contrairement à ce que laisse croire le Pr Mouangue Kobila, l’inéligibilité qui frappe le Président en fonction, avant toute éventualité de nouvelle et corrective révision constitutionnelle venant compléter celle d’avril 2008, ne se présume pas. Le Président en fonction élu en 2004 par le souverain suffrage l’a été sous l’empire d’une loi qui édictait la clause de limitation des mandats présidentiels à deux mandats de sept ans. C’est donc clairement dans ce cadre constitutionnellement prévalent qu’il faut apprécier « l’inéligibilité » posée par l’article 6.2 de la norme fondamentale qui a été en vigueur de janvier 1996 à avril 2008 et qui l’était au moment où le peuple souverain a confié à l‘actuel Président en octobre 2004. L’inéligibilité n’est donc pas présumée ni alléguée ! Elle est précisément inscrite dans le texte constitutionnel qui était en vigueur au moment de l’élection présidentielle en octobre 2004.

Parce que le mandat confié par le peuple souverain en octobre 2004 est un mandat inviolable- sauf à déposséder le souverain de sa suprématie politique,- s’appuyer sur la révision constitutionnelle d’avril 2008 pour affirmer de manière inexacte que « l’inéligibilité de l’actuel président n’est expressément prévue par aucun texte ». Ne serait-ce précisément pas là ne faire que des manipulations partiales de l’interprétation juridique qui visent à cautionner juridiquement mais surtout politiquement la violation du mandat démocratique confié par le souverain suffrage du peuple électeur ? Le Pr. Mouangue Kobila veut-il dire que le droit électoral d’un Etat qui s’affiche démocratique peut violer le choix souverain du peuple en 2004 ? Qui tient alors des « raisonnements spécieux » ?
III-B- De quel droit constitutionnel électoral comparé parle-ton ? Celui des terres d’élection du (néo) présidentialisme post-autoritaire !
Ce n’est pas un hasard si le juriste éminent recourt à un type spécifique d’Etats : « la vingtaine d’Etat d’Amérique latine et d’Afrique où la levée de la limitation du nombre de mandats présidentiels a été adoptée, la rééligibilité d’aucun chef de l’Etat en fonction n’a jamais été contestée ». Bien entendu, de manière commode, le juriste évoque ici des formations étatiques qui, il y a trente ans (en Amérique Latine) ou il y a vingt ans (en Afrique), étaient organisées sur une base institutionnelle et politique autoritaire. On aurait aimé voir dans ce groupe d’Etats cités les pays de référence du modèle (extraverti) de « démocratie représentative et libérale-pluraliste » (Raymond Aron, Carl Friedrich, Robert Dahl).
La vague de suppression des limitations de mandats présidentiels que l’éminent juriste évoque - en politologue hésitant et chancelant - s’inscrit précisément, contrairement à ce qu’il croit, dans la « déconsolidation » des évolutions démocratiques en Amérique latine. Elle est la marque d’une dynamique politique semi-autoritaire ou néo-autoritaire de facture plébiscitaire, qui correspond précisément au retour de formes autoritaires et démagogiques de gouvernementalité apparentées précisément au vieux modèle du présidentialisme comme rationalisation juridico-institutionnelle et politico-institutionnelle de l’autocratisme des « libertadores » et des « caciques » ! On croyait le Pr Mouangue Kobila converti à l’éthique bourgeoise libérale de la démocratie représentative et parlementaire à l’occidentale, lui qui semble si friand d’extraversion constitutionnelle et de compradorisation juridique ! Apparemment, les choses sont complexes. Le juriste d’Université se fait ainsi le cautionnaire éminent de la dérive autocratique potentielle du présidentialisme qu’évoquent avec maestria Juan Manuel Linz et Arturo Valenzuela ! Quant aux exemples d’Afrique évoqués, ils se passent de tout commentaire ! Tant la cause est entendue ! Précisément aucun des pays évoqués, l’Algérie, le Burkina Faso, le Gabon, la Guinée-Conakry, Madagascar, la Mauritanie, la Namibie, le Tchad, le Togo et la Tunisie, n’apparaît, même à l’échelle de l’Afrique, comme un modèle en matière de droit électoral d’une démocratie libérale, parlementaire et représentative consolidée ! N’osons pas évoquer la position de tous ces pays au très respectable Index on Democracy. Ce serait remuer le couteau dans la plaie !
Au final, le Pr Mouangue Kobila ne nous semble pas fondé à défendre sa position qui demeure essentiellement commandée par la volonté de transformer son pouvoir de maître de doctrine en discours doctrinaire de pouvoir destiné à légitimer par des artifices enchanteurs, un nouveau forçage de la Constitution et des institutions. Comme le disait les nobles « Semou » (grands prêtres) égyptiens posés en « Khéri-hébou » (chefs des prophètes), cela n’est pas conformé à Mâat, au droit harmonique, cosmique, aléthique, et juste ! Notre grand prêtre du droit qui ne veut rappeler à Pharaon(Fari) les exigences de la Mâat, manque à son devoir, celui d’être un « Maa-Khérou » (un Juste de Voix, un Saint prophète du droit savant), ce que les Akan appellent un Mmahyere ! Voilà ce que nous coûtent des juristes extravertis ! Que les Juristes de la Chaire, transformés en Légistes de Cour, s’attachent plutôt à faire les usinages légiférants et ajustages législateurs appropriés pour corriger les déficits de la norme constitutionnelle existante sur le points de droit discutés et remettre le Prince en selle par une révision complémentaire et corrective permettant alors l’éligibilité du César-Président ; laquelle révision s’inscrirait dans une recherche efficace de Due légalité, au lieu de débattre de l’indébattable et de justifier l’injustifiable par l’usage abusif du propos ex cathedra !



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