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Présidentielle 2011: Paul Biya est-il rééligible ou non? - Page 7

Présidentielle 2011: Paul Biya est-il rééligible ou non? - Page 7

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Index de l'article
Présidentielle 2011: Paul Biya est-il rééligible ou non?
Les transes du Droit-Savoir entre machinisme théâtral et macoutisme légal
Constitution et chicane
Juridisme macoute et légalisme zombificateur
Halte au parasitage politicien d’une question constitutionnelle de fond
En réplique à Mathias Owona Nguini et à Paul-Aaron Ngomo…
Argumentaire en réplique à celui développé par les défenseurs de la thèse de l’éligibilité
Présidentielle 201 1 : de la non-rétroactivité des constitutions
Rééligibilité ou non de Paul Biya : camerouniaiseries constitutionnelles
Qui veut (même) faire échec au suffrage souverain ?
Toutes les pages
Argumentaire en réplique à celui développé par les défenseurs de la thèse de l’éligibilité
Le débat sur cette question est désormais contradictoire, n’en déplaise aux partisans de la pensée unique qui veulent déjà mettre à l’index tous ceux qui ont la pensée contraire à la leur.
Un débat contradictoire est important pour le progrès d’une société si nous pensons comme le philosophe Hegel que du choc des idées, jaillit la vérité. Je pense que le Président de la République encourage lui-même cette pratique et c’est ainsi que lors du congrès du Rdpc tenu en 2006, il engagea ses camarades du parti à ne plus tenir des réunions où l’on danse plus qu’on ne pense. Il a souvent rappelé à notre attention qu’il faut débattre et non combattre.
Je voudrais rassurer tous les miens qui ont pris peur pour moi après la publication de mon premier article relatif à ce débat que jusqu’à présent je ne suis pas inquiété et espère que ce sera toujours le cas et ce en vertu du principe constitutionnel : « Nul ne peut être inquiété en raison de ses origines, de ses opinions ou croyances en matière religieuse, philosophique ou politique sous réserve du respect de l’ordre public et des bonnes mœurs… la liberté d’expression est garantie par la loi ».
Je crois que le Cameroun est désormais une terre des libertés et que personne ne doit plus prendre le maquis pour exprimer ses opinions comme disait le Président de la République lui-même dans les années 90.
Prenant la suite du Professeur Mathias Owona Nguini, je voudrais par la présente intervention apporter quelques éclaircissements en faveur de la thèse de l’inéligibilité. Je remarque qu’après la publication de mon article, certains de nos concitoyens notamment le Professeur James Mouangue Kobila, l’Administrateur civil principal Christian Limbouye Yem, Docteur Pascal Charlemagne Messanga Nyamding, mon confrère Christian Ntimbane Bomo sont intervenus pour donner les arguments en faveur de la thèse de l’éligibilité.
Nos contradicteurs ne doivent pas oublier que le droit en tant que savoir systématisé est une science. Le droit est surtout une science en ce qu’il est la connaissance de solutions positives, mais aussi et d’abord d’un ensemble cohérent de principes, limites, exceptions, nuances, méthodes et raisons de décider.
Il se traduit alors par des énoncés, des conséquences, des recherches, de fondements. L’objet de la réflexion et la synthèse juridiques portent sur deux aspects. D’une part, sur les solutions du droit, c’est-à-dire sur la substance des règles et leurs implications, d’autre part sur les sources du droit.
C’est à raison que l’Administrateur civil principal Christian Limbouye Yem pose la question de savoir « Comment comprendre que les théoriciens partant du même principe aboutissent à des solutions opposées ? » avant lui, le Professeur Owona Nguini s’est interrogé en ces termes « Qui est (même) de mauvaise foi ? ». En Réponse, il a démontré que la mauvaise foi semble être du côté des défenseurs de la thèse de l’éligibilité.
Je partage entièrement son avis, sinon pourquoi ceux-là qui sont des juristes chevronnés veulent faire croire aux Camerounais que l’abrogation d’une loi en l’absence d’une clause de rétroactivité a un effet rétroactif ?
Pourquoi invoquent-ils le principe de la Non-rétroactivité et refusent d’appliquer ses conséquences et ses règles ?
Pourquoi déplacent-ils le débat sur le terrain de l’interprétation alors qu’ils savent bien que les textes en cause sont clairs et ne devraient pas donner lieu à un exercice exégétique et herméneutique ?
C’est l’ensemble de ces question que le Professeur Alain Didier OLINGA résume pour formuler la problématique (status quaestiones) suivante : « La révision constitutionnelle du 14 avril 2008 peut-elle avoir eu pour effet, et si oui sur quelle base de changer la nature du mandat en cours du Président de la République, d’un mandat obtenu du peuple en 2004 sous les auspices de la clause constitutionnelle de limitation des mandats en un mandat renouvelable indéfiniment, en l’absence de toute précision de cette nature dans le texte constitutionnel même, à l’instar de ce qui avait été prudemment fait dans les dispositions transitoires lors de la révision du 18 Janvier 1996 ? » (Voir journal Mutations n° 2893 du jeudi 21 avril 2011 P3, chronique juridique, Élection présidentielle la nouvelle règle du jeu).
En droit, cela s’appelle conflit de lois dans le temps. On voit donc qu’il peut avoir conflit entre plusieurs lois qui se succèdent dans le temps et il faut trouver un principe permettant de déterminer celle qui est applicable à une situation juridique.
Pour donner plus de clarté à notre position qui est celle de l’inéligibilité, nous allons premièrement insister sur la nécessité de recentrer le débat, deuxièmement analyser l’application du principe de la Non-rétroactivité, troisièmement préciser qui est le titulaire des droits acquis dans le cas d’espèce, quatrièmement nous interroger sur le prétendu droit constitutionnel et électoral comparé invoqué par nos contradicteurs, cinquièmement proposer quelques solutions au problème posé.

 

La nécessite de recentrer le débat

La règle lex posterior priori dérogeant (la loi postérieure l’emporte sur la loi antérieure) est inopérante
C’est le Professeur James Mouangue Kobila, dans sa note d’actualité constitutionnelle sur ce débat publiée dans le Journal la Nouvelle Expression n° 2991 du 07 juin 2011, qui invoque l’argument tiré de cette règle.
Je pense que cet argument ne peut pas prospérer étant donné que les lois en cause sur la question qui nous préoccupe ne coexistent pas pour qu’on puisse parler de l’abrogation tacite de l’ancienne loi par la nouvelle loi. Le véritable problème qui se pose est celui des effets produits d’une situation juridique avant la nouvelle loi. Il est alors important de ne pas détourner l’objet du débat.
La question du débat porte sur l’application d’un principe de droit et non sur l’interprétation de la loi n° 2008/001 du 14 avril 2008 portant modification de la constitution de 1972
Interpréter, c’est faire apparaître une signification idoine, par la recherche d’un contenu univoque ou la nette délimitation d’un domaine opératoire, clarté et bon sens réduisant cet effort à peu de chose.
En effet, ce qui est clair n’a pas à être interprété. Lorsqu’un texte ou acte pose une norme dans des termes qui se suffisent à eux-mêmes et en font saisir facilement le sens, le juge est tenu de l’appliquer de façon simple, directe et fidèle. La clarté exclut l’interprétation (interpretatio cessat in claris).
Or, les termes dans lesquels les textes en cause dans notre débat posent la norme relative à l’éligibilité et au nombre des mandats à la Présidence de la République sont tout à fait clairs et se suffisent à eux-mêmes pour appréhender le sens.
Nous noterons pour nous en convaincre que l’ancienne législation, à savoir, l’article 6 de la loi constitutionnelle de 1996 et l’article 1er de la loi n° 97/020 du 09 septembre 1997 modifiant certaines dispositions de la loi n° 92/010 du 17 septembre 1992 fixant les conditions d’élection et de suppléance à la Présidence de la République laissent transparaître clairement que le Président de la République élu pour un mandat de sept (07) ans est rééligible une fois. Nous pouvons alors sans faire un quelconque effort d’interprétation comprendre la signification de ce texte qui limite la réélection et par ricochet le nombre des mandats.
La nouvelle législation quant à elle et plus précisément la loi n° 2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 Juin 1972 à son article 6 al 2 (nouveau) ainsi que l’article 1er al 2 de la loi n° 2011/002 du 06 mai 2011 modifiant et complétant la loi n° 92/010 du 17 septembre 1992 modifiée par celle de 1997, institue clairement la rééligibilité et le nombre des mandats illimités.
Mais il se trouve que ladite nouvelle législation intervient au moment où le Président de la République en fonction avait été réélu en 2004 et ce sous le régime de la limitation de réélection. L’ancienne législation avait déjà produit un effet juridique. Une situation juridique consistant en l’inéligibilité a été consolidée et établie depuis 2004.
Quel est le sort de cette situation juridique à l’égard de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi ?
L’abrogation de l’ancienne loi peut-elle automatiquement remettre cette situation juridique en cause comme prétendent les défenseurs de la thèse de l’éligibilité ?
Autrement dit, la loi nouvelle peut-elle effacer un effet juridique produit par la loi ancienne ?
Il peut arriver que la loi nouvelle ne contienne aucune disposition permettant de régler le conflit de lois dans le temps.
La jurisprudence a dû résoudre elle-même le conflit en pareille situation, notamment en se fondant sur le seul texte du Code civil consacré à la question, à savoir l’article 2 qui prévoit expressément : « La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ».C’est de ce texte qu’a été déduit le principe de la Non-rétroactivité des lois, lequel est affirmé dans la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen, et consacré au préambule de la constitution camerounaise.
Ce principe signifie que la loi ne peut pas être appliquée aux conditions de la création et aux effets passés des situations juridiques antérieures à son entrée en vigueur. Par exemple, une loi nouvelle vient modifier l’ordre des successibles, c’est-à-dire des personnes appelées à recueillir une succession. Cette loi en vertu du principe de la Non-rétroactivité ne peut pas s’appliquer aux successions ouvertes avant son entrée en vigueur.
Ainsi encore, si un contrat de vente portant sur un immeuble a été conclu, une loi nouvelle interdisant la vente de tel immeuble ne peut pas fonder la remise en cause de cette vente, elle reste valable, et si elle ne l’est pas, on dirait qu’il y a rétroactivité de la loi.
Il faut souligner que le principe de la Non-rétroactivité des lois s’applique non seulement aux situations juridiques dont les effets sont éteints, mais encore à celles qui ont produit une partie de leurs effets avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle et qui continuent à produire leurs effets après cette entrée en vigueur. En définitive, dans un ordre juridique ayant consacré le principe de la Non-rétroactivité des lois, la loi nouvelle ne saurait remettre en cause les conditions de création et les effets passés d’une situation juridique en cours. Elle ne saurait non plus remettre en question les conditions de création d’une situation juridique qui bien entendu a été créée avant son entrée en vigueur. Si la loi remettait en cause ces conditions de création, elle serait rétroactive, ce qui n’est pas possible.
Ainsi, il n’est pas possible qu’une loi nouvelle remette en cause les conditions de validité d’un contrat conclu avant son entrée en vigueur. La loi ne s’appliquera qu’aux conditions de création des situations juridiques qui seront créées après son entrée en vigueur, c’est-à-dire en ce qui concerne les conditions de validité d’un contrat qu’aux seuls contrats conclus après son entrée en vigueur.
Le principe de la Non-rétroactivité dont nous venons de donner la signification et le contenu connaît quelques exceptions, notamment en matière pénale où l’on parle de la rétroactivité des lois plus douces. Une loi peut aussi être expressément rétroactive. Les lois de procédure sont d’application immédiate et peuvent s’appliquer aux faits commis avant leur entrée en vigueur.
En réalité, il ne se pose pas un problème d’interprétation de la loi du 14 avril 2008. Ce problème se poserait si cette loi contenait des dispositions ambigües qui prêtent à équivoque relativement aux règles de conflit des lois dans le temps, notamment le principe de Non-rétroactivité et de la clause de rétroactivité comme c’est le cas actuellement au Sénégal où un débat a cours sur légalité de la candidature du Président Abdoulaye Wade aux élections présidentielles de 2012.
Il se trouve que dans ce pays frère, le Président Abdoulaye Wade fut élu en 2000 sous le sceau de la constitution de 1963 modifiée par la loi constitutionnelle n° 91-46 du 06 Octobre 1991, laquelle prévoyait l’illimitation des mandats avec une durée de sept (07) ans chacun. Mais en Janvier 2001, intervint une nouvelle constitution portant limitation des mandats à deux et ramenant la durée du mandat à cinq (05) ans, notamment à son article 27. Cependant, à l’article 104 sous les dispositions transitoires, il ressort ce qui suit :
Alinéa 1 « Le Président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme. »
Alinéa 2 « Toutes les autres dispositions de la présente constitution lui sont applicables ».
Aujourd’hui, les Professeurs El Hadj Mbodj et Pape Demba Sy interprètent l’alinéa 2 de l’article 104 ci-dessus comme une clause de rétroactivité de la constitution de 2001 pour soutenir l’irrecevabilité de la candidature du Président Wade aux élections de 2012, celui-ci ayant d’après eux épuisé ses deux mandats. Tandis que les défenseurs de la recevabilité de cette candidature s’appuient sur le principe de la Non-rétroactivité de la constitution de 2001. En effet, ils soutiennent qu’en vertu de ce principe, la constitution de 2001 est entrée en vigueur relativement au nombre de mandats qu’à partir de 2007 et de ce fait le président Maître Abdoulaye Wade est à son premier mandat sous le sceau de cette nouvelle constitution et peut encore prétendre à un second mandat.
J’ai voulu évoquer ce cas pour que nous puissions comprendre dans quelles circonstances il peut avoir lieu à interprétation. A la lecture de nos textes, nous constatons aisément qu’il n’y a pas ambigüité et équivoque, donc ils ne posent pas un problème d’interprétation, il est simplement question d’appliquer le principe de la Non-rétroactivité dans sa signification et son contenu, étant donné que le constituant dérivé de 2008 n’a pas expressément inséré une clause de rétroactivité.

De l’application du principe de la non rétroactivité des lois

Pour bien cerner l’application de ce principe, il est de bon ton d’appréhender d’abord le principe de l’effet immédiat de la loi nouvelle, ensuite voir dans quel cas une clause de survie peut être insérée.

La signification du principe de l’effet immédiat de la loi nouvelle
Ce principe est le corolaire de celui de la Non-rétroactivité des lois et est déduit comme ce dernier de l’article 2 du Code Civil selon lequel la loi s’applique que pour l’avenir, c’est-à-dire que la loi s’applique dès son entrée en vigueur lorsque le législateur n’en a pas décidé autrement.
Nous pouvons constater pour regretter que les défenseurs de la thèse de l’éligibilité du Président de la République en fonction font usage de ce principe pour entretenir la confusion et l’amalgame. En effet, lorsque ces derniers invoquent ce principe, ils évitent toujours de signaler que son application ne doit pas remettre en cause les situations juridiques créées avant la nouvelle loi.
Pour la bonne application de ce principe, tout juriste sérieux distingue les effets produits d’une situation juridique avant la nouvelle loi des effets non encore produits d’une situation juridique créée avant la nouvelle loi.
Pour ce qui est du cas qui nous concerne, nous allons d’abord démontrer l’effet produit par l’ancienne législation avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi du 14 Avril 2008 et expliquer ensuite ce qu’on entend par effet non encore produit d’une situation juridique créée avant la nouvelle loi.
Effet produit de la situation juridique avant la nouvelle loi
Il convient de rappeler que l’ancienne législation prévoyait que le Président de la République est « rééligible une fois ». Il se trouve que le Président de la République en fonction a été élu en 1997 et réélu en 2004. C’est en réalité cet acte de réélection qui produit l’effet de l’inéligibilité du Président de la République en fonction pour la prochaine élection. Cet effet juridique déjà produit, ne peut pas être remis en cause par la nouvelle loi en l’absence d’une clause spéciale de rétroactivité, sans violer le principe constitutionnel de la Non-rétroactivité des lois. C’est alors de mauvaise foi que nos contradicteurs invoquent le principe de l’effet immédiat de la loi nouvelle pour remettre en cause cet effet juridique déjà produit.
C’est l’occasion pour nous ici de répondre à la préoccupation de l’Administrateur civil principal Christian Limbouye Yem qui pose la question de savoir « A partir de quand doit-on évoquer la non rétroactivité ? ».
La réponse est simple et consiste à dire que la Non-rétroactivité est évoquée à partir du moment où un effet juridique a été déjà produit par une situation juridique avant la nouvelle loi. Si ce n’est pas le cas, nous nous retrouvons dans l’hypothèse des effets non encore produits d’une situation juridique créée avant la nouvelle loi.
Le traitement des effets juridiques non encore produits d’une situation juridique créée avant la nouvelle loi
La loi nouvelle s’applique immédiatement aux effets non encore produits d’une situation juridique en cours.
Au regard de cette règle, peut-on affirmer que le mandat du Président de la République étant encore en cours au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi constitue un effet juridique non encore produit ?
Le mandat en cours ne peut pas être considéré comme un effet non encore produit, étant donné que la loi ancienne disait expressément que le Président de La République « Est rééligible une fois ».
Comme nous avons souligné plus haut, c’est l’acte de réélection qui est visé et non l’exécution complète du mandat. En effet, lorsque le Président de la République est élu ou réélu, son mandat est acquis et de ce fait constitue un effet juridique produit. Rien ne peut remettre en cause ce mandat, sauf un accident de parcours (décès, démission ou empêchement définitif constaté par le conseil constitutionnel) qui créerait une situation de vacance telle que prévue par l’alinéa 4 de l’article 6 de la constitution. Ou bien une situation exceptionnelle qui pourrait amener le Président de la République soit à abréger son mandat, soit à le proroger.
Au regard de cette explication nous pouvons d’abord donner une réponse plausible aux préoccupations de l’Administrateur civil principal Christian Limbouye Yem sus-cité avant d’indiquer par la suite que « la jurisprudence française de Juillet 2007 qui instaura la clause limitative des mandats … » citée en exemple par Docteur Pascal Charlemagne Messanga Nyamding, Enseignant chercheur ne peut pas justifier la position que défendent nos contradicteurs (confère Messager n° 3365 du 14 Juin 2011 P. 11).
S’agissant de l’Administrateur civil principal, il évoque l’hypothèse d’une révision constitutionnelle intervenue en 2003 par exemple, c’est-à-dire avant la réélection du Président de la République en 2004 pour nous poser la question de savoir si la loi applicable à Paul Biya serait celle de 1996 sous prétexte que sa première élection est intervenue sous l’empire de la loi de verrouillage de mandat et qu’il devrait continuer à être régi par celle-ci.
Pour répondre à cette question, nous indiquons qu’une telle hypothèse relève de la catégorie des effets non encore produits d’une situation juridique créée avant la nouvelle loi. Dans un pareil cas, c’est le principe de l’effet immédiat de la loi nouvelle qui s’applique et la loi appliquée devrait être celle de 2003 évoquée dans l’hypothèse de Monsieur l’Administrateur civil. En réalité, l’effet n’est pas encore produit parce que l’acte de réélection n’est pas encore intervenu.
En ce qui concerne le cas cité par Docteur Pascal Charlemagne Messanga Nyamding, il se trouve qu’en France, la réélection était illimitée avant la révision constitutionnelle du 23 Juillet 2008 qui prévoit désormais « Nul ne peut être élu plus de deux fois consécutivement ». Cette loi comme indique l’enseignant s’imposera au Président Nicolas Sarkozy s’il est réélu en mai 2012 en vertu du principe de l’effet immédiat de la loi nouvelle. Étant entendu que le Président Nicolas Sarkozy élu en 2007 n’est pas encore réélu.
En présence d’un effet non encore produit d’une situation juridique créée avant la nouvelle loi, seule une clause spéciale comme celle de clause de survie peut le soustraire de l’empire de la nouvelle loi.

Les cas de clause de survie

La clause de survie peut être une exception au principe de l’effet immédiat de la loi nouvelle dans la mesure où la loi nouvelle ne s’appliquera pas immédiatement aux situations juridiques en cours qui continueront à être régies par la loi ancienne sous l’empire de laquelle elles ont été créées et cela malgré l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, laquelle ne s’appliquera qu’aux situations juridiques créées depuis son entrée en vigueur.

Nous avons déjà suffisamment démontré plus haut que la situation juridique créée et l’effet produit par elle sous l’empire de la loi constitutionnelle de 1996 ne peuvent pas être considérés comme une situation en cours nécessitant une clause de survie pour avoir effet comme prétendent les défenseurs de la thèse de l’éligibilité.
Par ailleurs, il convient de relever que lorsqu’une situation juridique a déjà produit un effet dans un système de la Non-rétroactivité des lois, elle n’a pas besoin d’une clause de survie pour échapper au règne de la loi nouvelle. C’est précisément en cas de rétroactivité d’une loi que le législateur peut vouloir limiter ses effets dévastateurs sur le passé, insérer une clause de survie de quelques situations précises.

Le titulaire des droits acquis en l’espèce

Le titulaire des droits acquis en l’espèce n’est pas le peuple camerounais comme laisse penser mon Confrère Christian Ntimbane Bomo dans son article publié en page 15 du journal Mutations n° 2929 du jeudi 16 Juin 2011. En réalité, les titulaires des droits acquis sont les seules personnes admises à contester le rejet ou l’acceptation des candidatures. Celles-ci sont mentionnées à l’article 61 de la loi n° 92/010 du 17 Septembre 1992 fixant les conditions d’élection et de suppléance à la Présidence de la République, modifiée et complétée par les lois n° 97/020 du 09 Septembre 1997 et de la loi n° 2011/002 du 06 Mai 2011 duquel il ressort : « Les contestations ou les réclamations relatives au rejet ou à l’acceptation des candidatures ainsi que celles relatives à la couleur, au sigle ou au symbole adoptés par un candidat sont soumises à l’examen du Conseil Constitutionnel par tout candidat, tout parti politique ayant pris part à l’élection ou à toute personne ayant qualité d’agent du Gouvernement pour ladite élection, dans un délai maximum de deux (2) jours suivant la publication des candidatures ».

Le droit électoral et constitutionnel compare invoque est douteux et ne pourra pas s’imposer
Le professeur James Mouangue cite une kyrielle de pays où la levée de la limitation du nombre de mandat présidentiel a été adoptée sans que l’éligibilité des chefs d’État en fonction ne soit contestée. Mais nous relevons pour le déplorer qu’il ne verse pas au dossier de sa défense une seule décision d’une haute instance judiciaire à l’instar du Conseil Constitutionnel. Nous soulignons que la jurisprudence ne se fonde pas sur des faits, mais sur les décisions de justice. Dans ces pays, les gens peuvent n’avoir pas contesté soit par ignorance, soit par renonciation à leurs droits. Tout comme au Cameroun, les titulaires de ces droits pourraient y renoncer, étant donné que l’action en justice est une prérogative de son titulaire qui a la faculté d’agir ou de s’abstenir. En droit, nul ne peut se fonder sur la renonciation par une personne à l’exercice de son droit pour empêcher l’autre de faire valoir le sien.
Esquisse de solutions pouvant être envisagées
Dans l’hypothèse où l’on persisterait à croire que le problème posé est celui de l’interprétation de la loi du 14 Avril 2008, le Conseil Constitutionnel, c’est-à-dire la Cour Suprême, pourrait être saisi comme suggère l’Administrateur civil principal Christian Limbouye yem suivant les dispositions de l’article 47 de la constitution en ses alinéas 1 et 2. Le Conseil Constitutionnel ainsi saisi pourra alors donner l’interprétation idoine. Sa décision qui est insusceptible de recours tranchera définitivement le débat sur la question.
Enfin, dans l’hypothèse du principe de la Non-rétroactivité de la loi, si le gouvernement tient à ce que le Président de la République en fonction soit candidat, il serait judicieux d’opérer une correction législative dans les termes suivants : « La nouvelle disposition de l’article 6 alinéa 2 bénéficie au Président de la République en fonction » c’est ce qui avait déjà été suggéré par le Député Rdpc Roger Nkodo Dang (cité dans l’article du Professeur James Mouangue Kobila, publié dans le numéro de la Nouvelle Expression sus évoqué).
Maître Fidèle Djoumbissie
Avocat – Conseil au Barreau du Cameroun
avec résidence à Douala, B.P. 843
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