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Présidentielle 2011: Paul Biya est-il rééligible ou non? - Page 3

Présidentielle 2011: Paul Biya est-il rééligible ou non? - Page 3

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Index de l'article
Présidentielle 2011: Paul Biya est-il rééligible ou non?
Les transes du Droit-Savoir entre machinisme théâtral et macoutisme légal
Constitution et chicane
Juridisme macoute et légalisme zombificateur
Halte au parasitage politicien d’une question constitutionnelle de fond
En réplique à Mathias Owona Nguini et à Paul-Aaron Ngomo…
Argumentaire en réplique à celui développé par les défenseurs de la thèse de l’éligibilité
Présidentielle 201 1 : de la non-rétroactivité des constitutions
Rééligibilité ou non de Paul Biya : camerouniaiseries constitutionnelles
Qui veut (même) faire échec au suffrage souverain ?
Toutes les pages
Constitution et chicane
À propos du récent article du Dr Owona Nguini sur l’éligibilité de M. Paul Biya  a la prochaine présidentielle
Il y eut « l’ethno-fascisme », puis le « mono-fascisme », véritables chocs d’idées à l’heure de la démocratie naissante. Mais, y a – t – il jamais eu dans notre pays débat aussi pernicieux que cette controverse artificielle autour de la rééligibilité en 2011 de l’actuel Président de la République ? La verve avec laquelle se déploient les thèses, la férocité de l’expression, la violence que suggère la référence constante aux fauves, aux assauts ou simplement aux empoignades amènent à en douter. Car, si les « confusions » observées dans le débat en cours peuvent effectivement relever de logiques scientifiques différentes, sa conduite inélégante et fougueuse est de nature à produire des effets dévastateurs sur la conscience des citoyens ordinaires, qui finiraient alors par croire qu’il se cache derrière ces contributions érudites des intérêts souterrains.
C’est ce qui ressort en tout cas du récent article de Mathias Eric Owona Nguini paru dans le n°10 du mensuel Germinal (Les Dossiers et Documents) et intitulé « Les transes du droit-savoir entre machinisme théâtral et macoutisme légal » que le journal a présenté en titre sous cette forme : « Le Pr Mouangue fuit le débat et manipule des Doctorants-Néophytes », article au bout duquel  l’enseignant de science politique, « recevant en pâture » les « doctorants-possédés-pantins », a récusé le Professeur de droit qu’il a convié, que dis-je défié, à prendre part « à un débat doctrinal direct, vif et incisif » dans un amphithéâtre, «  s’il ne veut pas que l’arène des joutes ne soit un studio de radio ou de télévision ».
C’est cela qui intrigue. Car, en dépit de l’émerveillement qu’ont pu susciter dans l’opinion les prises de position iconoclastes du Dr Owona Nguini, inhabituelles, en effet, au regard du statut social de ses origines, est-il compréhensible qu’un universitaire, en les confondant à des enfants-soldats, prenne ainsi de haut, dans une surenchère phraséologique insoutenable, de jeunes doctorants dont le seul crime a été d’évaluer une question objet de leur repas intellectuel quotidien, alors même que telle est l’essence du travail doctoral ? L’appréciation des qualités académiques d’un Professeur d’université est-elle tributaire du populisme audiovisuel ou des « points » engrangés au cours des confrontations amphithéâtrales directes, vives et incisives, comme si des écrits supposés scientifiques avaient, en plus, besoin d’entourloupes oratoires pour s’imposer?

Contre le droit, le populisme?

Si chacun de nous, par ses efforts, est éligible à la science du droit constitutionnel, la familiarité que l’on semble entretenir avec cette matière ne suffit pas à conférer à tous les analystes une clairvoyance que compromet au contraire la banalisation, voire la banalité, des thèmes abordés. Il a beau être un « droit politique » (Burdeau, Duverger), il n’en reste pas moins assujetti aux méthodes des sciences juridiques. S’il ne devrait pas donner lieu à un « prêt-à-penser » institutionnel (François Bastien, Revue française de droit constitutionnel, n°1-1990, p.51), de ceux dont la « dignité agrégatiale » ne prédisposerait pas à l’infaillibilité, ce serait trop facile, sous le prétexte de la « circulation transdisciplinaire du savoir » (Owona Nguini), de faire ainsi abstraction des schèmes et postulats des juristes en cherchant à transposer dans leur champ les méthodes et postulats d’une autre discipline scientifique. Ceci est d’ailleurs absurde venant d’un intellectuel qui, faisant avec mépris table-rase du grade et du pouvoir magistral d’un Agrégé de droit, rappelle à suffisance, pour conforter ses propres positions, ses enseignements et publications, insinuant qu’il bénéficie, dans les matières visées, par la preuve de ces enseignements et publications, de la présomption de compétence et de l’autorité scientifique nécessaire.
Et, si l’on ne peut ignorer le concubinage du droit constitutionnel et de la science politique, s’il ne viendrait à l’esprit de personne de nier que le droit est lié au pouvoir, cela n’absout pas de faire la part des choses entre l’analyse politiste, la philosophie ou la sociologie du droit et la posture juridique, qui, elle, consiste à détecter, décrire et interpréter la prescription normative. (Sur la confusion entre droit et science du droit, lire Christian Atias, Epistémologie juridique, Paris PUF, 1985, p. 31). Il faut donc se méfier de ce « politico-centrisme » (Favoreu) en vertu duquel le phénomène constitutionnel et politique ne saurait être appréhendé que d’un point de vue politiste, le fait pour certains juristes d’avoir « glissé » en science administrative (Chevallier, Loschack), politique (Burdeau, Duverger) ou en sociologie tout court (Carbonnier, Flexible droit…), ne constituant pas, au demeurant, une caution à la confusion méthodologique. C’est une question de règle du jeu et de système de référence (Vedel).
Il est dommage qu’au débat juridique se soit greffée une détestable chicane et l’on s’en voudrait, cette précision faite, de ne pas aviser sur le fond.

Ce qui est clair n’a pas à être interprete

Pour démontrer l’inéligibilité de l’actuel président de la République, les tenants de cette thèse estiment que Paul Biya, élu en 2004 sous l’égide de la loi constitutionnelle de 1996 fixant le nombre maximal de mandats présidentiels à deux, ne pourrait solliciter un mandat en 2011, en vertu de la constitution en vigueur au moment de son élection, sous peine de faire rétroagir l’actuelle constitution, laquelle ne ferait sauter le verrou que pour l’avenir. Car, pour les tenants de cette thèse, une nouvelle loi ne peut régir des situations en cours, si elle ne l’a expressément prévu dans l’une de ses dispositions.

1/- Autrement dit, voici leur démarche : «La loi dit bien ceci, mais ne la lisons pas, imaginons-la ! Car, il ne faut pas la comprendre telle qu’elle est rédigée». Premier couac. La méthode utilisée jusqu’ici se fonde sur des présupposés politiques et moraux. Or, l’option pour l’interprétation déductive ne peut prospérer que si le texte constitutionnel, alors obscur, prête à confusion. Mais, c’est vainement que l’on rechercherait dans la modification constitutionnelle de 2008 une disposition explicite ou implicite pouvant suggérer l’empêchement d’une candidature du Président actuel à la prochaine élection et légitimer une interprétation du texte constitutionnel exigeant de se référer aux deux précédents mandats de Paul Biya. En conséquence, la thèse de l’inéligibilité est présumée ; elle ne s’appuie sur aucun texte en vigueur.

En disant bien « en vigueur », l’on aimerait bien, sauf à vouloir appliquer à une situation juridique actuelle un texte abrogé, voir ce pays où chacun devrait se référer à tous les vieux textes qui l’arrangent et où chacun aurait sa Constitution.

2/- En effet, la norme qui fonde la validité d’une autre norme est par rapport à celle-ci une norme supérieure. Inversement, une norme est inférieure à une autre si elle doit être conforme à ses dispositions (Kelsen). Dire que la nouvelle disposition constitutionnelle (2008) devrait se conformer à une disposition précédente de la Constitution, c’est présupposer qu’elle est inférieure à un texte qu’elle a pourtant abrogé, ou considérer qu’elle est extérieure à la Constitution pour n’être qu’une simple loi. C’est oublier que le nouveau 6-2 « est » bien la Constitution et que l’ancien 6-2 ne l’est plus, car il n’y a pas de relation hiérarchique entre ces deux versions successives de la Constitution, la suprématie des constitutions anciennes sur les nouvelles constitutions suggérant la possibilité d’un contrôle de constitutionnalité … des constitutions.

Exercice d’anamorphose !
La constitution, acte abrogatoire par essence
1/- La raison en est simple. La constitution est un acte fondateur, autonome et abrogatoire par essence qui résume et épuise l’intention du constituant et n’est, au plan interne, soumise à aucune autre norme. L’adoption d’une nouvelle constitution efface la norme précédente en ce que, sauf dans le cas où le constituant en dispose autrement, l’ancienne norme n’a plus d’effet, la nouvelle n’étant liée à elle par aucune relation de conformité. L’histoire constitutionnelle camerounaise conforte cette thèse. Exemple : cas du constitutionnalisme unitaire abrogeant une constitution fédérale pourtant réservée sur ce point.

2/- Le reproche fait au texte constitutionnel quant à son silence sur le sort réservé au Président sortant (clause de survie) est au demeurant, et en sens contraire, couvert par l’absence de toute mention lui interdisant de faire acte de candidature. Imaginons l’hypothèse inverse d’un Président élu en 1900 sous l’empire d’une constitution qui dit : « le Président de la République est rééligible ». Imaginons ensuite que l’assemblée nationale adopte en 1905 une nouvelle Constitution qui dit : « le président de la République est rééligible une seule fois ». Le Président en exercice se présente et remporte l’élection. En 1910, au terme de son mandat, il a l’intention de se représenter. S’il lui est opposé qu’il ne peut le faire sous prétexte qu’il était à son « second » mandat, il peut objecter qu’il a droit à un autre mandat dans le cadre de la nouvelle Constitution. Mais, il pourrait tout aussi. Selon le raisonnement de M. Owona Nguini ; soutenir qu’il n’est en rien concerné par la nouvelle Constitution, et serait perpétuellement éligible, son « premier » mandat ayant été acquis sous l’empire d’une loi permettant une reconduction illimitée. Argument absurde, mais dont pourrait pourtant se prévaloir M. Biya, si l’on s’en tient à cette logique, son premier mandat étant intervenu en 1984, à l’’époque où, comme aujourd’hui, le Président était rééligible n fois. Trêve de sophisme. Lorsque les salaires baissent ou sont revalorisés, les nouvelles valeurs indiciaires s’appliquent aux nouveaux fonctionnaires, comme aux anciens.
Voilà pourquoi, faute de clause contraire, la Constitution révisée en 2008  ouvre « la possibilité de la rééligibilité illimitée à partir du moment où elle est entrée en vigueur dès sa promulgation » (Mouelle Kombi). Le dire ne relève pas, contrairement à ce qu’écrit le Dr Owona Nguini, du positionnement politique (Germinal, page 23), la dimension « politico-épistémologique » ou « politico-idéologique » (éligibilité-légitimité) n’enlevant rien au contenu technique de la controverse (éligibilité-légalité). A trop vouloir faire passer pour scientifique ce qui n’est en réalité qu’une réorganisation plus ou moins conceptualisée de ses désirs politiques on court malheureusement le risque de ne pas le percevoir.
Christian Limbouye Yem
Administrateur civil principal



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