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Médias Pour une presse utile à la cité

Pour une presse utile à la cité

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Pour une presse utile à la cité
La presse camerounaise a mauvaise presse
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La presse, qui charrie l’information, est une nécessité sociale avant même d’être une nécessité démocratique. Parce que l’information, la communication en général, sont un besoin inné de l’être humain qui communique, de diverses manières, depuis le ventre de sa mère, depuis sa conception, jusqu’à sa mort. Et même après la mort, selon certaines civilisations et croyances.
Il n’existe donc pas de société humaine sans communication, sans échanges. Et pour que ces échanges soient efficaces et utiles à la société, ils doivent être fondés sur l’information exacte, complète et équilibrée. Et donc sur le débat contradictoire, fondation de la démocratie.
Le véhicule de l’information et de ces échanges, la presse, ne saurait jouer son rôle et remplir ses missions que s’il peut circuler librement, s’il dispose des moyens de sa liberté et, enfin, s’il sait utiliser cette liberté.

I- La liberté de la presse

L’Article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme institutionnalise, comme droit humain prioritaire et inaliénable, la liberté de presse qui est le corollaire de la liberté de pensée, de conscience, d’expression et d’opinion. En effet, une opinion (politique, religieuse, scientifique, etc.) n’existe que si elle s’exprime. Et, aujourd’hui, le moyen d’expression le plus large, le plus communautaire, c’est la presse, sous toutes ses formes, les plus anciennes comme les plus modernes.

Voilà qui fonde la nécessité de la liberté de la presse qui, comme on l’a dit un million et une fois, est la pierre de touche de toutes les libertés et de la démocratie, j’ajouterais la pierre d’angle de toute construction d’une communauté humaine juste et équitable.
Je n’en dirai pas davantage : les philosophes, les sociologues, les anthropologues, les juristes et les poètes le disent mieux que moi depuis des siècles. J’ajoute simplement que la liberté de la presse est illusoire sans des moyens, et que les moyens de cette liberté dépendent tout à la fois des hommes des médias, des entreprises de presse et de la société qui les abrite.

II- Les moyens de la liberté de presse

1) Puisque, comme on le dit aussi couramment, un pays n’a que la presse qu’il mérite, commençons par les moyens que met ou doit mettre à la disposition des médias la communauté nationale, en l’occurrence le Cameroun, son Etat et ses citoyens. Sans oublier que le comportement des médias, s’il est professionnel, propre et courageux, peut en imposer à la direction de l’Etat.
• La liberté de la presse doit être reconnue par une réglementation libérale et démocratique, qui respecte le droit naturel et inaliénable du public à l’information complète.
• Une réglementation qui reconnaît et promeut la liberté de l’accès aux sources de l’information et sanctionne au besoin les obstructions éventuelles, ainsi que les marchandages corrupteurs qui ont cours sur la place.
• Sans se substituer à l’entreprise de presse qui est essentiellement une entreprise privée, et sans chercher à l’aliéner, l’Etat se doit non pas de subventionner en cash les médias, mais de leur apporter, de manière tout à fait officielle et budgétisée, une contribution financière indirecte sous la forme d’une fiscalité adaptée et par détaxation douanière sur les produits entrant dans la réalisation de l’information et l’équipement des rédactions.  Il s’agit, ici, de mettre enfin en application l’Accord de Florence et le Protocole de Nairobi promus par l’Unesco, auxquels l’État du Cameroun a souscrit en son temps. Il s’agit, en général, de reconnaître le caractère d’utilité publique de la presse qui, sans être une œuvre de charité, n’en est pas pour autant une entreprise commerciale du type d’une boulangerie, d’une brasserie ou d’une menuiserie, ni même d’une imprimeries.
• Nous mettons également au compte de la contribution de l’Etat au bon fonctionnement de la presse, la formation et le recyclage des journalistes, dont les talents et les performances seront ainsi renforcés, du double point de vue du professionnalisme et de l’éthique.
• Il y a enfin la mise en place d’une structure mixte (Etat/Presse) de régulation qui pense les meilleures règles de fonctionnement du secteur, qui les promeut et les fait respecter par tous les partenaires de la communication.
2) Les moyens de la liberté de presse sont également ceux que doit offrir le média qui emploie le journaliste en vue de produire l’information.
• Le capital de base, les recettes des ventes et de la publicité, les contributions indirectes de l’Etat évoquées plus haut et les autres rentrées financières liées à la diffusion de l’information, doivent servir non pas à enrichir le fondateur propriétaire, mais à la mise en place d’une véritable entreprise de presse, qui respecte les règles générales de fonctionnement des entreprises, et qui propose à ses collaborateurs de bonnes conditions de travail (équipements et autres facilités) et de vie (salaire décent et autres éléments inspirés ou non par une convention collective). Toutes choses qui mettent le journaliste, autant que possible, à l’abri de l’amateurisme et des tentations si répandues de corruption, de gombo…
• La bonne gouvernance de l’entreprise de presse ci-dessus esquissée consiste aussi à contribuer à l’organisation et à la solidarité de la profession, par exemple dans la création de centrales d’achats et d’une structure commune de distribution afin de minimiser les dépenses en matériel, dans la participation aux activités d’autorégulation et aux démarches de lobbying. Toutes actions collectives pouvant aider la presse à se donner l’assise et la considération qui lui manquent actuellement.
3) Le journaliste est le moyen et le maillon essentiels de la liberté de presse. Son comportement et la manière dont il exerce le métier élargit ou rétrécit le champ de la liberté en question, quel que soit l’environnement.
• Il doit acquérir une bonne formation, à l’école ou sur le tas, et respecter strictement les règles du métier. C’est ainsi qu’il atteindra l’excellence rédactionnelle qui doit être son objectif majeur.
• Une tenue correcte dans sa vie en société et dans son fonctionnement intellectuel participe de la recherche de l’excellence et du respect dû à la profession.
• Enfin, il doit avoir et manifester du courage et de l’honnêteté dans son travail ; ce qui lui vaudra pour lui-même, et par ricochet pour sa profession, l’attention et l’estime du public auquel il s’adresse. Les intimidations, qui n’honorent pas celui qui s’y adonne, déshonorent davantage encore le journaliste qui s’y plie. La presse camerounaise n’a gagné des galons dans le combat pour la liberté et la démocratie que grâce à quelques pionniers qui ont payé de leur personne en bravant intimidations, pensées uniques et autres censures, pires que celles d’aujourd’hui.
• Une ultime recommandation : pour que la presse dans son ensemble soit performante dans l’information et efficace dans le lobbying et l’influence sociale, les qualités personnelles du journaliste ne suffisent pas. Chaque homme et femme de média doit se convaincre que la profession n’existe réellement et n’a de force que dans l’union, dans les associations professionnelles qui militent pour une réglementation toujours plus libérale, un mieux-être du journaliste assuré par une véritable entreprise de presse bien gérée, et, en général, pour une bonne gouvernance de la cité. Il est bien dommage qu’au Cameroun les regroupements professionnels de la presse soient si timides et végètent, par la faute et l’insouciance de ses acteurs.
Voilà, en conclusion, à notre humble avis  tiré de notre propre expérience, l’essentiel des éléments qui renforcent la presse et lui permettent de valoriser sa fonction sociale et d’exercer une influence certaine sur la marche de la société camerounaise et le développement de la démocratie. Une presse forte dans tous ses compartiments constitue un gage pour l’épanouissement de sa liberté et de son efficacité. Ici comme ailleurs, le pouvoir, fût-il le quatrième, ne se donne point, mais s’arrache.
Célestin Lingo
La Grande Palabre
Yaoundé, le 28 avril 2011



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