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Médias Pour une presse utile à la cité - Page 2

Pour une presse utile à la cité - Page 2

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Pour une presse utile à la cité
La presse camerounaise a mauvaise presse
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Nta à Bitang, Journaliste, enseignant et chercheur

La presse camerounaise a mauvaise presse

Germinal : Comment va la presse camerounaise, lorsque vous vous référez à votre expérience de journaliste d’enseignant et de chercheur dans le domaine du journalisme ?
La presse camerounaise va mal. Elle a mauvaise presse. Elle souffre de plusieurs maux : l’étroitesse du marché publicitaire, l’équipement sommaire des rédactions, des ateliers de fabrication et des centres de productions, des professionnels peu soucieux du respect des règles déontologiques, bref une presse qui opine plus qu’elle n’informe. Mais à côté de cette presse qui a mauvaise presse, il y a celle qui essaie de faire son travail avec professionnalisme, malgré la modicité des moyens et les difficultés d’accès aux sources de l’information.

Les critiques, de quelque bord qu’ils soient, tendent souvent à relever que la presse viole constamment les règles déontologiques de ce métier. Les médias camerounais vous semblent-ils essentiellement en marge de la loi ?

C’est vrai, dans la presse camerounaise, on relève régulièrement la violation des règles déontologiques notamment en ce qui concerne, le respect de la vie privée, le respect de la présomption d’innocence, la vérification et le recoupement des sources d’information etc. Mais cela ne veut pas dire que la presse camerounaise est hors la loi. Si elle le devenait, l’État qui assure la régularisation, actionnerait les mécanismes appropriés pour faire respecter la loi. Le gros problème de la presse camerounaise, c’est le respect des règles éthiques et déontologiques que les professionnels eux-mêmes, à travers l’Union des Journaliste du Cameroun (Ujc), se sont fixées. Un code de déontologie n’est pas une loi et n’a pas force de loi, même s’il est rendu exécutoire par décret (ce qui est difficile à comprendre) comme ce fut le cas en 1992. Les journalistes, tout en respectant la déontologie et les lois, doivent rester professionnels.

L’on parle également de la précarité des travailleurs et des entreprises médiatiques. Comment jugez-vous cet état des lieux général ?

La précarité des entreprises de presse et de ceux qui y travaillent est une réalité : conditions de travail difficiles, bas salaires, salaires irréguliers, etc. Il faut revoir totalement l’environnement juridique de l’entreprise de presse qui, avant d’être entreprise de presse, est d’abord une entreprise. La création d’un journal, par exemple, ne devrait plus se faire sur simple déclaration à la préfecture, mais devrait s’adosser sur une véritable entreprise, elle-même créée selon la réglementation Ohada. À partir de ce moment, beaucoup de choses vont changer en ce qui concerne le journaliste travailleur : application de la convention collective, affiliation à la Cnps, sécurité sociale, etc.
Évidemment, la mise en place de ce nouvel environnement juridique devrait s’accompagner d’un appui de la part de l’État, à travers la mise en place d’un fonds de développement des médias en lieu et place d’une commission de l’aide publique à la communication privée, devenue inopérante ou d’un compte d’affectation en gestation, qui connaîtrait le même sort. L’État doit appuyer le développement des médias car, ceux-ci, qu’ils soient publics ou privés, remplissent une mission de service public.

Quand on fait face à ces deux problèmes : respect de la déontologie et faibles financements, ne peut-on pas suspecter la qualité de l’information servie ?

Les problèmes de financement ne devraient pas entamer le respect des règles déontologiques et professionnelles. Pas besoin d’être riche ou nanti pour être propre ou correct. On n’a pas besoin de crouler sous les moyens matériels et financiers pour avoir une éthique ou se soumettre à la morale. Même sans moyens colossaux, la presse, pour peu qu’elle soit professionnelle, peut servir une information de qualité, une information crédible, vraie, honnête, objective et vérifiable.

Il y a un débat qui sépare deux chapelles au sujet de la presse camerounaise. D’aucuns estiment que la faiblesse financière est la cause des mauvaises productions de la presse, de la pauvreté de son contenu et des violations des règles éthiques. D’autres analystes suggèrent que c’est la perspective inverse qui est vraie : les médias doivent d’abord faire prévaloir leur qualité pour entraîner un meilleur financement. Qu’en dites-vous ?

Comme je viens de le relever, le non-respect de la déontologie professionnelle ne saurait être la conséquence des faibles financements. Par contre, le développement de l’entreprise, l’acquisition des nouvelles technologies, la diversification des produits ou l’augmentation du tirage peuvent être freinés par les questions de financement. En tout état de cause, la qualité de l’information servie ne peut laisser indifférent le public que recherchent les annonceurs qui sont eux-aussi des consommateurs de médias.

Sur la question cruciale des financements, on s’étonne du « foisonnement » des médias dont se satisfait le gouvernement. N’est-ce pas paradoxal d’avoir tant d’investisseurs, des salaires de catéchistes, des équipements tantôt appréciables tantôt défaillants ?

Le « foisonnement » des médias dont semble se satisfaire le gouvernement laisse pantois. L’on semble sacrifier la qualité à la quantité. Il n’y a qu’une presse de qualité pour servir une information de qualité. Par ailleurs, l’on peut s’interroger sur le financement de cette presse qui dit n’avoir pas de moyens, mais dont les Dp « roulent carrosse » pendant que les journalistes se « dochardisent»

Qui des journalistes (à travers leurs organisations professionnelles ou syndicales), des propriétaires d’entreprise de presse ou des autorités vous semblent les plus intéressés à faire évoluer la situation des médias camerounais ?

L’évolution de la situation des médias intéresse tous ces acteurs chacun à sa manière et à son niveau de responsabilité. Les organisations professionnelles (associations et syndicats) doivent œuvrer à une meilleure organisation de la profession à travers des structures et instances fortes, capables d’être de véritables interlocuteurs face aux autres acteurs (particulièrement les pouvoirs publics). Elles doivent assurer la survie et la crédibilité de la profession.
Les propriétaires, en tant que chefs d’entreprise doivent s’occuper de la bonne gestion et du bon fonctionnement de leur entreprise en garantissant le développement de celle-ci tout en améliorant les conditions de travail de leurs employés.
Les journalistes doivent rester professionnels tout en observant les règles déontologiques
Quand aux autorités, elles doivent jouer leur rôle de régulateur à travers la mise en place d’un environnement juridique et économique propice au développement de l’entreprise de presse.

Dans quelles mesures chacune de ces composantes du monde des médias doit-elle contribuer à cet avancement ?

La combinaison de tous ces facteurs devrait permettre l’éclosion d’une presse de qualité, capable d’accompagner le peuple camerounais dans sa participation au processus démocratique en cours dans notre pays. Un peuple capable d’opérer des choix éclairés et responsables.

Quel peut être l’avenir de la presse camerounaise au regard de la situation décrite des enjeux et des engagements des forces en présence ?

L’avenir de la presse camerounaise peut rassurer si celle-ci s’engage résolument dans la voie du professionnalisme et de la responsabilité, en observant rigoureusement les règles déontologiques comme il en existe dans toutes les professions.


Entretien mené par :
Jean-Bosco Talla



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