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Prisons camerounaises : des univers de non-droit - Prison principale d’Edéa: petits métiers, petits sous et réinsertion

Prisons camerounaises : des univers de non-droit - Prison principale d’Edéa: petits métiers, petits sous et réinsertion

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Index de l'article
Prisons camerounaises : des univers de non-droit
Il a un métier dans la tête: la prison transforme la vie du voleur
Prison centrale de Yaoundé : deux médecins et neuf infirmiers pour 4600 détenus
Prison d’Edéa : des détenus apprennent à élever des porcs
Dérives de la garde à vue : en caleçon, dans des cachots infects
Mal nourris par la prison : les séropositifs abandonnent leur traitement
Pour l’empêcher de se suicider, Elle vit enchaînée à la prison d’Edéa
Prison de Mbouda: l’État investit pour adoucir le sort des détenus
À Bafang et Bangangté, les régisseurs agissent
Prison principale d’Edéa: petits métiers, petits sous et réinsertion
Dangers de la promiscuité carcérale: hommes, femmes, mineurs dans le même quartier
Depuis les émeutes de 2008: Pierre Essobo Andjama croupit en prison
Après des années de prison: ces détenus attendent le verdict du tribunal
Prison de New Bell: Les femmes logées à bonne enseigne
Plus de 80 mois derrière les barreaux
Copies de jugements égarées: Il a déjà fait neuf ans de prison en trop
Garde à vue abusiveà Bafoussam: Huit jours de calvaire dans une cellule puante
Faute de soins et menotté, un suspect meurt dans une gendarmerie de Douala
Pas facile d’être graciés par le président
Des détenus de Yabassi vivent de la corvée
En prison selon l'humeur du préfet
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Des gardiens de prison participent à des trafics
Un commerçant armé, abattu par la police
Cellules sans toilettes à Douala : des nids à maladies pour les gardés à vue.
Plus de trois ans en prison sans jugement
Ils distribuaient des tracts politiques : Dix sept jeunes arrêtés et torturés à Douala
Accusé de tortures : un commissaire de police devant le tribunal
Accusé de tortures : un commissaire de police devant le tribunal
Détention provisoire abusive: Il passe 21 mois en prison sans être jugé
Droit de vote: des détenus
Prison de New-Bell : des détenus victimes des pratiques sexuelles non consenties
A la prison de New Bell : Des parloirs pour riches et des
A la prison de Yabassi: adultes et mineurs logés à la même enseigne
Prison de Kondengui :
Interpellation abusive: Il paye 360 000 Fcfa pour être libéré
Des militaires abattent un jeune homme à Nkongsamba
Le trafic d’armes dans les prisons camerounaises
Douala: Hommes, femmes, enfants, entassés dans les mêmes cellules
La mort rôde dans les prisons camerounaises
Un prisonnier enchaîné se pend dans sa cellule
Mort suspecte du chef de Batcham en 2007
A l'’expiration du mandat de détention provisoire
Les droits des suspects souvent bafoués
Ces prisons où la cellule est un privilège
Me Emmanuel Pensy: Les prisons camerounaises sont des écoles de crime
Prison de Mbanga : Pauvre ration pour les pauvres
Interpellation illégale : Une victime d'arrestation abusive raconte son cauchemar
Prison de New Bell : Une visite qui peut coûter cher
Univers carcéral : les prix flambent à la prison centrale de Yaoundé
Atteinte aux droits humains : Un réfugié gardé à vue pendant sept jours à Yaoundé
Menaces sur la libération de Michel Thierry Atangana en 2012
Rapports sur le Cameroun: La vie des détenus menacée dans les prisons camerounaises
Garde à vue: des prostituées victimes de rackets policiers
Réinsertion: Jean T., ancien détenu, reprend ses études
Conditions de détention : Prisons surpeuplées et vétustes
Me Jacques Mbuny témoigne
Toutes les pages
Prison principale d’Edéa: petits métiers, petits sous et réinsertion
Des détenus travaillent pour améliorer leur maigre ration quotidienne de nourriture et se préparer un avenir en dehors de la prison. Une initiative qu’encouragent les Nations Unies.  
Malgré la chaleur étouffante de cet après-midi-là, Ahmadou Issa, 25 ans, pousse sa voix à peine audible au milieu d’une foule de détenus amassés dans la cour ; les commentaires surfent sur le football. Aujourd’hui, le jeune homme ne pédale pas sur sa machine à coudre. Il  est au chômage technique par manque de matériaux. "J’ai donné de l’argent à un corvéable libre pour qu’il m’achète le fil et les aiguilles qui me permettront de coudre l’habit d’un gardien. Dès que c’est là, je reprends le travail", explique Ahmadou, admiré pour son doigté en couture.
Il a appris le métier au lendemain de son incarcération pour vol, à la prison principale d’Edéa. "La machine appartient à la prison. La plupart du temps, ce sont les gardiens qui m’apportent leur pagne et me donnent un peu d’argent pour acheter le fil. Je raccommode gratuitement les habits des détenus parce qu’ils n’ont pas assez d’argent. Je gagne mieux quand le travail vient de l’extérieur ", ajoute-t-il.

2 000 FCFA par jour
Nyobe Billong Éric, lui, ne fait pas de cadeau : il fait payer tout et tout le monde. Condamné pour vol à main armée, il est devenu bijoutier. " Quand j’ai un peu de temps, je fabrique des chaînes, des gourmettes, des boucles et des  bracelets en transformant des cuillères, fourchettes, tuyaux de robinets, tuyaux électriques et noix de coco. En prison, je vends un article au plus à 1000 F CFA. Dehors, le même objet coûte au minimum 1500 F CFA. Les bonnes affaires sont à l’extérieur", indique Éric qui a un sérieux besoin d’argent. Abandonné par sa famille, il doit bosser dur pour rassembler les 256.000 F CFA d’amendes qui le retiennent en prison.
Il ajoute : "En attendant, grâce à ce petit boulot, je trouve de quoi payer mon savon et la nourriture parce que la ration journalière en prison est minable. Auparavant, je pouvais avoir un bénéfice de 4000 F CFA par jour. Actuellement, je ne gagne que 2000 F CFA parce que les matériaux sont difficiles à trouver." Insuffisante pour Éric, cette somme représente une fortune pour Mehi Charly qui partage son bénéfice avec un revendeur. "Un ancien détenu me ravitaille en matériaux de fabrication. Je fais le travail et on se partage les fonds. Il est chargé de la vente dehors. Il me ramène ma quote-part, environ 500 F CFA par jour; ça m’aide à tenir", indique Charly qui confectionne des sacs et des paniers.

Organiser, réinsérer
Il ne suffit pas de fabriquer. Encore faut-il trouver des intermédiaires pour s’approvisionner en matériaux de base et écouler les produits finis. Les petits artisans de la prison sont obligés de négocier avec leurs codétenus qui font les corvées à l’extérieur. Cela engendre un trafic qui gêne l’administration pénitentiaire. "Nous allons mettre en place un programme pour ravitailler les détenus en matière première. Et nous commercialiserons les produits finis. Cela évitera que les corvéables continuent à jouer aux démarcheurs. Avec une ONG, nous réfléchissons au développement de ces petits métiers dans la prison", dévoile le gardien-chef Ngomba Francis Olivier, chargé des activités socio-éducatives et culturelles dans cette prison.
Les objets fabriqués par les prisonniers sont en effet très appréciés dans la population. "J’ai l’habitude d’acheter les habits et les sacs fabriqués par les détenus. Ils prennent du temps pour travailler et leurs objets sont plus solides et plus jolis que certains produits asiatiques", témoignent Sebastien Bikai, un riverain.
Mais ces petits métiers ne constituent pas seulement une activité pour améliorer l’ordinaire des détenus, "ils visent aussi à faciliter leur réinsertion sociale à leur sortie de prison", explique le gardien-chef Ngomba Francis Olivier. Ce qui entre tout à fait dans les règles minima de traitement des prisonniers, préconisées par les Nations Unies "Il faut donner une formation professionnelle utile aux détenus qui sont à même d'en profiter, et particulièrement aux jeunes. Leur travail doit être, dans la mesure du possible, de nature à maintenir ou à augmenter leur capacité de gagner honnêtement leur vie après la libération", précise l’organisation mondiale. La prison d’Edéa semble sur la bonne voie.
Christian Locka (Jade)