62 millions de FCFA pour rénover cellules et toilettes, près de 700 000 pour améliorer la nourriture : l’État a consenti des efforts dans la réfection du pénitencier de Mbouda. Le quartier des femmes reste le grand oublié de ce programme. Il n’a toujours pas de toilettes.
Dans la cour de la Prison principale de Mbouda, les visiteurs hument avec plaisir le parfum des sapins qui longent le corridor. Disparues, les mauvaises odeurs qui les obligeaient à quitter précipitamment les lieux. "Il y a deux ans, l’air était irrespirable ici. Les latrines de la prison polluaient l’air", témoigne Pierre Fotso, un détenu. Les effluves nauséabonds ont disparu depuis la construction de toilettes modernes, grâce à un financement de l’État du Cameroun. "La prison de Mbouda a reçu une dotation à travers le Budget d’investissement public (BIP) 2009 pour la réfection de ses locaux", explique Laurent Atemkeng, son régisseur.
Ces fonds, 62 millions de FCFA, ont également permis l’extension des cellules pour tenter de résoudre le problème de la surpopulation carcérale. Construit en 1952, le lieu de détention compte aujourd’hui 438 détenus, pour une capacité d’accueil de 200 personnes. Dans le quartier des hommes, les détenus ont désormais assez d’espace pour se coucher. "Avant, on dormait pratiquement les uns sur les autres, on étouffait", confie Jean Bernard, un détenu. Grâce à ces travaux, les cellules sont mieux aérées, diminuant au passage le taux de prévalence des maladies contagieuses comme la grippe et la gale. "Il n’y a plus beaucoup de tuberculeux comme avant", explique Jean Bernard Tenda.
Une ration alimentaire acceptable
Un quartier pour mineurs a été construit avec les mêmes fonds. Les jeunes gens sont à présent séparés des adultes. En effet, les règles minima pour le traitement des détenus édictées par les Nations Unies recommandent de placer les détenus dans des établissements ou quartiers d'établissement distincts, en tenant compte de leur âge. Le bâtiment des mineurs est doté de toilettes modernes et d’une salle de classe pour permettre aux plus jeunes de recevoir des enseignements.
Selon le régisseur, l’État a aussi décidé de s’attaquer à la malnutrition des détenus, en allouant un autre budget de près de 700.000 FCFA en 2011 pour l’amélioration de la qualité de l’alimentation.
Le riz, le haricot, les arachides comptent désormais parmi les aliments servis chaque semaine au déjeuner. "Avant, on mangeait du couscous mélangé au sucre chaque jour", témoigne Jean Bernard, qui se souvient avoir trouvé ce menu indigeste et refusé d’en manger pendant les premières semaines de son incarcération en 2006. Grâce à cette dotation financière, les détenus ont également droit à un petit déjeuner constitué de bouillie et de beignets, le samedi. Ce qui était encore impensable avant le financement du gouvernement.
Des efforts restent à faire
Ce programme a également permis de diminuer les maladies liées à la nutrition. "Il ne se passait pas une semaine sans que des cas de diarrhée soient signalés ", se souvient Pierre Fotso. Ce n’est plus le cas, aujourd'hui.
Tout n'est pas pour autant rose à la prison principale de Mbouda. Les toilettes des femmes sont situées à l’extérieur de leur quartier. Elles sont dès lors contraintes de faire leurs besoins dans des seaux. Ces femmes détenues ne sont autorisées à se rendre dans les latrines qu’une seule fois par jour (le matin), faute d’escorte pour les accompagner chaque fois qu'elles en font la demande. Leurs excréments répandent alors des odeurs très incommodantes dans leurs cellules. "C’est insupportable, on ne respire pas bien. On vit comme des animaux", s’insurge Madeleine S., une détenue. Chaque matin, ces détenues sont autorisées à traverser la cour de la prison pour aller déverser leurs excréments et urines dans les fosses.
Pour Jean Tchouaffi, le président de l’Association camerounaise des droits des jeunes (ACDJ), une organisation active dans les prisons camerounaises, les financements alloués par l’État pour améliorer les conditions de détention à la prison principale de Mbouda sont "un début de solution aux différents problèmes des détenus, qu’il faut encourager". "Mais beaucoup reste à faire notamment sur le plan alimentaire, insiste-t-il. Un détenu devrait pouvoir manger à sa faim au moins trois fois par jour." Le défenseur des droits humains plaide par ailleurs pour la création des foyers culturels pour le divertissement des détenus dans les prisons.
Anne Matho (Jade)