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Prisons camerounaises : des univers de non-droit - Page 55

Prisons camerounaises : des univers de non-droit - Page 55

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Index de l'article
Prisons camerounaises : des univers de non-droit
Il a un métier dans la tête: la prison transforme la vie du voleur
Prison centrale de Yaoundé : deux médecins et neuf infirmiers pour 4600 détenus
Prison d’Edéa : des détenus apprennent à élever des porcs
Dérives de la garde à vue : en caleçon, dans des cachots infects
Mal nourris par la prison : les séropositifs abandonnent leur traitement
Pour l’empêcher de se suicider, Elle vit enchaînée à la prison d’Edéa
Prison de Mbouda: l’État investit pour adoucir le sort des détenus
À Bafang et Bangangté, les régisseurs agissent
Prison principale d’Edéa: petits métiers, petits sous et réinsertion
Dangers de la promiscuité carcérale: hommes, femmes, mineurs dans le même quartier
Depuis les émeutes de 2008: Pierre Essobo Andjama croupit en prison
Après des années de prison: ces détenus attendent le verdict du tribunal
Prison de New Bell: Les femmes logées à bonne enseigne
Plus de 80 mois derrière les barreaux
Copies de jugements égarées: Il a déjà fait neuf ans de prison en trop
Garde à vue abusiveà Bafoussam: Huit jours de calvaire dans une cellule puante
Faute de soins et menotté, un suspect meurt dans une gendarmerie de Douala
Pas facile d’être graciés par le président
Des détenus de Yabassi vivent de la corvée
En prison selon l'humeur du préfet
En prison selon l'humeur du préfet
Des gardiens de prison participent à des trafics
Un commerçant armé, abattu par la police
Cellules sans toilettes à Douala : des nids à maladies pour les gardés à vue.
Plus de trois ans en prison sans jugement
Ils distribuaient des tracts politiques : Dix sept jeunes arrêtés et torturés à Douala
Accusé de tortures : un commissaire de police devant le tribunal
Accusé de tortures : un commissaire de police devant le tribunal
Détention provisoire abusive: Il passe 21 mois en prison sans être jugé
Droit de vote: des détenus
Prison de New-Bell : des détenus victimes des pratiques sexuelles non consenties
A la prison de New Bell : Des parloirs pour riches et des
A la prison de Yabassi: adultes et mineurs logés à la même enseigne
Prison de Kondengui :
Interpellation abusive: Il paye 360 000 Fcfa pour être libéré
Des militaires abattent un jeune homme à Nkongsamba
Le trafic d’armes dans les prisons camerounaises
Douala: Hommes, femmes, enfants, entassés dans les mêmes cellules
La mort rôde dans les prisons camerounaises
Un prisonnier enchaîné se pend dans sa cellule
Mort suspecte du chef de Batcham en 2007
A l'’expiration du mandat de détention provisoire
Les droits des suspects souvent bafoués
Ces prisons où la cellule est un privilège
Me Emmanuel Pensy: Les prisons camerounaises sont des écoles de crime
Prison de Mbanga : Pauvre ration pour les pauvres
Interpellation illégale : Une victime d'arrestation abusive raconte son cauchemar
Prison de New Bell : Une visite qui peut coûter cher
Univers carcéral : les prix flambent à la prison centrale de Yaoundé
Atteinte aux droits humains : Un réfugié gardé à vue pendant sept jours à Yaoundé
Menaces sur la libération de Michel Thierry Atangana en 2012
Rapports sur le Cameroun: La vie des détenus menacée dans les prisons camerounaises
Garde à vue: des prostituées victimes de rackets policiers
Réinsertion: Jean T., ancien détenu, reprend ses études
Conditions de détention : Prisons surpeuplées et vétustes
Me Jacques Mbuny témoigne
Toutes les pages
Réinsertion: Jean T., ancien détenu, reprend ses études Après trois ans de réclusion à Kondengui, Jean T., 18 ans, a bénéficié de l'aide d'une association de soutien aux détenus pour poursuivre ses études dans un collège de Yaoundé. Le 8 décembre 2010, les portes de la prison centrale de Yaoundé à Kondengui se sont ouvertes pour laisser sortir Jean T., 18 ans, enfermé durant trente longs mois. Avant qu’il ne sorte, une gardienne de prison lui a lancé : "Va-t-en et ne reviens plus jamais ici". Une mise en garde contre une éventuelle récidive et un encouragement à vivre désormais honnêtement. Dehors, le jeune homme s’est retrouvé seul face à une famille dans laquelle il n'avait plus confiance. Avec des rêves pleins la tête et aucun moyen de les réaliser. Mais "pleurer, gémir, c’est pour les lâches", assène le jeune homme qui a appris à se battre depuis sa petite enfance. Il se souvient alors de la promesse de la présidente de l’association Relais parents enfants, Claire Mimboe Ndi-Samba. Au cours d'une rencontre en prison, elle lui a promis de l’aide pour poursuivre ses études à sa sortie de prison. Il la prend au mot et obtient une inscription gratuite en classe de 3e au collège Ndi-Samba. Et, depuis le 3 janvier 2011, Jean T. promène sa haute silhouette, légèrement voûtée, dans l’enceinte de l’établissement.

Une enfance ballottée
Enfoncé dans un fauteuil, ses longues jambes étalées devant lui et une paire de tennis élimés aux pieds, Jean T. hésite avant de nous raconter son histoire. "Je n'avais que quatre ans quand mes parents ont divorcé. J'ai été ballotté d’une famille à une autre. Chez ma mère, je me sentais rejeté par mon beau-père. Mon père, lui, collectionnait des concubines qui me mettaient à l'écart."
A six ans, Jean T. fait sa première fugue. Ce jour-là, son père le surprend en train de jouer au "bali bali". Il l’accuse alors de lui avoir volé de l’argent qu’il avait "simplement mal rangé". "Après cela, ma mère n’a plus voulu m’accueillir. J’ai dû continuer à vivre chez mon père et à subir d’autres humiliations", relate-t-il avec un tremblement dans la voix. En réaction, l'enfant multiplie les fugues. Ses parents finissent par s’en lasser.
En janvier 2008, Jean T. se lie d’amitié avec deux garçons de la rue, plus âgés. Ensemble, ils louent une chambre et vivent de rapines. Une nuit d’avril, ils cambriolent une mini-cité à Nsam Efoulan. Le partage du butin n’est pas équitable. Le complice lésé, qui se plaint d'avoir été floué, dénonce le vol à la brigade de recherche d’Efoulan.
"Trois jours plus tard, les gendarmes ont fait irruption dans notre chambre à 3h du matin et m’ont arrêté", raconte Jean T. Le troisième garçon est interpellé trois jours plus tard et les trois complices sont déférés au parquet.

"Juste un peu d'amour "
Le 28 mai 2008, Jean T. franchit le lourd portail de Kondengui. Presque sereinement. Il a déjà une petite idée de ce qui l’attend : "Pour me punir, mon père m’enfermait, seul, dans le magasin durant une semaine, avec un pot pour faire mes besoins". Le jeune détenu fréquente assidûment l’école et la bibliothèque de la prison. Son sérieux encourage le principal du quartier des mineurs à le nommer "central d’effectif" et "chargé de malades". Jean T. doit vérifier, matin et soir, que les 200 détenus sont présents. Il travaille aussi à l’infirmerie où il apprend à placer des perfusions et à faire des injections. Ce travail va devenir une passion. "Je voudrais faire médecine", lance-t-il, le regard animé. "Mais dans l’armée, parce que l’emploi y est sûr", précise-t-il. La peur du lendemain ne l’a pas quitté. Pendant notre conversation, son téléphone portable sonne. "C’est ma grand-mère qui me bipe. Je lui ai pourtant dit que je rentrerai tard ce soir", explique le jeune homme. Il est 16h30, une heure après la sortie des classes. Il ajoute, souriant : "Elle a peur que je récidive. Moi, je sais que pour atteindre mon objectif, je dois tourner le dos à la délinquance", assure Jean T., désormais pressé de rentrer. Il ne veut surtout pas inquiéter sa grand-mère, infirmière à la retraite, qui l'a accueilli à Mvog-Ada, pour être plus proche de son collège. Il souhaite aussi préserver la paix revenue dans sa famille après plusieurs réunions de réconciliation. "Mes parents m'acceptent mieux. Mais ils n'ont toujours pas compris pourquoi je fuguais. Je voulais juste un peu d’amour. Ne le trouvant pas à la maison, j'allais le chercher ailleurs". Stéphanie Dongmo (Jade)