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Prisons camerounaises : des univers de non-droit - Page 48

Prisons camerounaises : des univers de non-droit - Page 48

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Index de l'article
Prisons camerounaises : des univers de non-droit
Il a un métier dans la tête: la prison transforme la vie du voleur
Prison centrale de Yaoundé : deux médecins et neuf infirmiers pour 4600 détenus
Prison d’Edéa : des détenus apprennent à élever des porcs
Dérives de la garde à vue : en caleçon, dans des cachots infects
Mal nourris par la prison : les séropositifs abandonnent leur traitement
Pour l’empêcher de se suicider, Elle vit enchaînée à la prison d’Edéa
Prison de Mbouda: l’État investit pour adoucir le sort des détenus
À Bafang et Bangangté, les régisseurs agissent
Prison principale d’Edéa: petits métiers, petits sous et réinsertion
Dangers de la promiscuité carcérale: hommes, femmes, mineurs dans le même quartier
Depuis les émeutes de 2008: Pierre Essobo Andjama croupit en prison
Après des années de prison: ces détenus attendent le verdict du tribunal
Prison de New Bell: Les femmes logées à bonne enseigne
Plus de 80 mois derrière les barreaux
Copies de jugements égarées: Il a déjà fait neuf ans de prison en trop
Garde à vue abusiveà Bafoussam: Huit jours de calvaire dans une cellule puante
Faute de soins et menotté, un suspect meurt dans une gendarmerie de Douala
Pas facile d’être graciés par le président
Des détenus de Yabassi vivent de la corvée
En prison selon l'humeur du préfet
En prison selon l'humeur du préfet
Des gardiens de prison participent à des trafics
Un commerçant armé, abattu par la police
Cellules sans toilettes à Douala : des nids à maladies pour les gardés à vue.
Plus de trois ans en prison sans jugement
Ils distribuaient des tracts politiques : Dix sept jeunes arrêtés et torturés à Douala
Accusé de tortures : un commissaire de police devant le tribunal
Accusé de tortures : un commissaire de police devant le tribunal
Détention provisoire abusive: Il passe 21 mois en prison sans être jugé
Droit de vote: des détenus
Prison de New-Bell : des détenus victimes des pratiques sexuelles non consenties
A la prison de New Bell : Des parloirs pour riches et des
A la prison de Yabassi: adultes et mineurs logés à la même enseigne
Prison de Kondengui :
Interpellation abusive: Il paye 360 000 Fcfa pour être libéré
Des militaires abattent un jeune homme à Nkongsamba
Le trafic d’armes dans les prisons camerounaises
Douala: Hommes, femmes, enfants, entassés dans les mêmes cellules
La mort rôde dans les prisons camerounaises
Un prisonnier enchaîné se pend dans sa cellule
Mort suspecte du chef de Batcham en 2007
A l'’expiration du mandat de détention provisoire
Les droits des suspects souvent bafoués
Ces prisons où la cellule est un privilège
Me Emmanuel Pensy: Les prisons camerounaises sont des écoles de crime
Prison de Mbanga : Pauvre ration pour les pauvres
Interpellation illégale : Une victime d'arrestation abusive raconte son cauchemar
Prison de New Bell : Une visite qui peut coûter cher
Univers carcéral : les prix flambent à la prison centrale de Yaoundé
Atteinte aux droits humains : Un réfugié gardé à vue pendant sept jours à Yaoundé
Menaces sur la libération de Michel Thierry Atangana en 2012
Rapports sur le Cameroun: La vie des détenus menacée dans les prisons camerounaises
Garde à vue: des prostituées victimes de rackets policiers
Réinsertion: Jean T., ancien détenu, reprend ses études
Conditions de détention : Prisons surpeuplées et vétustes
Me Jacques Mbuny témoigne
Toutes les pages
Interpellation illégale : Une victime d'arrestation abusive raconte son cauchemar
Il y a quelques mois, Salomon Mbu avait été arrêté illégalement et torturé par la police. Une illustration des abus qui ont cours dans certains postes de police.
Salomon Mbu n’a pas oublié le moindre détail de son interpellation et des tortures que lui ont infligées des policiers une nuit de décembre dernier. Des cicatrices laissées par des coups de matraque et des coups de pieds sont encore visibles sur son corps. "Il y a des situations qui peuvent vous amener à douter de votre humanité et regretter votre appartenance à un pays comme le Cameroun ", lâche-t-il à l’entame de la narration des faits qu'il a vécus celle nuit-là.
"J’étais couché dans mon lit quand j’ai reçu la visite d’un cousin qui m’invitais à venir saluer sa belle-mère chez lui", raconte-t-il. Alors qu’il était sur le chemin du retour, à environ vingt mètres de son domicile situé au quartier dit Non Glacé à Douala, il trouve assis devant une boutique trois personnes en train de boire du vin rouge. L'un deux l'interpelle et lui propose un verre qu’il décline. A son arrivée, un débat sur le Cameroun animait le petit groupe. Le boutiquier soutenait que M. Biya est un bon président de la République. Salomon s'immisce dans la discussion. A l’en croire, le boutiquier, qui n’aurait pas apprécié son intrusion dans le débat, a aussitôt quitté son comptoir pour venir le sommer de se faire identifier. "Je suis Guinéen", avait-il répondu, blagueur, avant de demander à son interlocuteur de décliner son identité à son tour.

Tortures atroces
Prenant cette réplique pour un affront, le boutiquier, qui était en réalité un policier en service au Commissariat du 8è arrondissement de Douala, cravate son vis-à-vis et lui assène une paire de gifles. "Ne sachant pas qu’il était policier, j’ai aussi répliqué par une gifle qui l’a fait tomber et le public s’est interposé pour nous séparer", se souvient Salomon Mbu. Mais le boutiquier va alors s'armer de son couteau pour attaquer et blesser son adversaire. "Je me suis bandé la main avec mon sous-vêtement et rentré chez moi après avoir tenté, en vain, d’appeler le 117 (Ndlr numéro d'urgence de la police)", explique-t-il.

A deux heures du matin, un groupe de personnes tentent alors de forcer sa porte, lui intimant l’ordre de l’ouvrir. Il s'exécute, et une meute de policiers qu’accompagnait le boutiquier, leur collègue, se jettent sur lui. "Ils m'ont mis les menottes, tabassé à l’aide de matraques, piétiné avec leurs chaussures Rangers, donné des coups de poings et m'ont jeté dans une voiture pour m'amener à la police judiciaire". Au poste, on lui signifie qu’il est un braqueur. Sous la menace du fouet, il fait sa déposition qui ne satisfait pas ses bourreaux.
Aux environs de quatre heures et demie, toujours menottes aux poings, la victime est ramené Manu militari chez lui. Les policiers défoncent sa porte, marchent sur ses enfants qui dorment dans le salon, vont soulever son épouse dans la chambre et la sommer de leur remettre le couteau que cache son mari. Tremblante et pleurant à chaudes larmes, tout comme ses enfants, la femme leur présente ses deux couteaux de cuisine. Ils en choisissent un, récupèrent le vêtement trempé de sang de Salomon, et l’emballe avec des vêtements couverts de boue ramené par le boutiquier pour constituer les preuves du braquage.

De nombreux abus Une fois de plus ramené à la police judiciaire, il est fouetté jusqu'au petit matin avant d'être jeté dans la cellule. A sept heures, il est extrait de sa cellule et transporté au palais de justice pour présentation devant le procureur de la République. Pendant qu’il attendait de signer son mandat d’incarcération pour être conduit à la prison de Douala, il est appelé par un magistrat qui sans lui poser la moindre question, lui demande de quitter cette cellule et de retourner chez lui. "Je croyais rêver!". Salomon Mbu s’est rendu le lendemain à l’hôpital Laquintinie où un médecin lui a prescrit des médicaments et un certificat d’incapacité de 35 jours. Il pense qu’un de ses oncles, procureur de la République, informé, a certainement volé à son secours en contactant son collègue magistrat. Combien de camerounais ont cette chance ?

Ce cas n'est pas isolé. D'après le rapport sur l'état des Droits de l'homme au Cameroun en 2009 de la Commission nationale des droits de l'homme et des libertés, "Bon nombre d'officiers de police judiciaire violent allégrement les prescriptions en matière de garde à vue et continuent, comme par le passé, à interpeller et à garder à vue des individus sans motifs". Certaines victimes, au lieu de se résigner, portent plainte et finissent par avoir gain de cause. En octobre 2009, le gendarme Olinga Ondoua avait été condamné à 10 ans d’emprisonnement ferme par le tribunal militaire de Yaoundé pour "Abus de fonction, arrestation et séquestration arbitraires". Un message à ceux qui, comme les bourreaux de Salomon Mbu, comptent sur l'impunité.
Charles Nforgang (Jade)

Ce que prévoit la loi sur l'interpellation d'un suspect Le code de procédure pénale prévoit les conditions d’arrestation de toute personne suspectée dans le cadre d’une affaire. L'arrestation consiste à appréhender une personne en vue de la présenter sans délai devant l'autorité prévue par la loi ou par le titre en vertu duquel l'arrestation est effectuée.
L'officier, l'agent de police judicaire ou l'agent de la force de l'ordre qui procède à une arrestation enjoint à la personne à arrêter de la suivre et, en cas de refus, fait usage de tout moyen de coercition proportionnée à la résistance de l'intéressé. Aucune atteinte ne doit être portée à l'intégrité physique ou morale de la personne appréhendée. Sauf cas de crime ou de délit flagrant, celui qui procède à une arrestation doit décliner son identité, informer la personne du motif de l'arrestation et le cas échéant, permettre à un tiers d'accompagner la personne arrêtée afin de s'assurer du lieu où elle est conduite. Toute personne arrêtée bénéficie de toutes les facilités raisonnables en vue d'entrer en contact avec sa famille, de constituer un conseil, de rechercher les moyens pour assurer sa défense, de consulter un médecin et recevoir des soins médicaux, et de prendre les dispositions nécessaires à l'effet d'obtenir une caution ou sa mise en liberté. CN ( Jade)