Son épouse et deux salariés maintenus en prison
Accusés, sans preuves formelles, de complicité d’assassinat du chef supérieur de Batcham en décembre 2007, son épouse et deux hommes de sa Cour sont maintenus en prison depuis trois ans et demi, en détention provisoire.
De la prison centrale de Mbouda où elle est détenue, Aimée Kagho crie sa détresse. Elle est soupçonnée de complicité de meurtre après la mort suspecte de son mari, Francis Hervé Tatang. "C’est pénible de vivre ici depuis 42 mois, sans être fixée sur son sort. Je suis fatiguée de rester dans cette prison sans jugement. Pourquoi les autorités judiciaires prolongent-elles cette détention au-delà du délai légal de 18 mois ? "
Aimée Kagho a été arrêtée en janvier 2008, peu après la mort du chef supérieur du groupement de Batcham survenue en décembre 2007. En même temps que ses deux co-accusés Etienne Métino, serviteur à la Cour de la chefferie de Batcham et Simon Gnonem, secrétaire du défunt chef. Ils font alors partie des six suspects arrêtés par le commandant de la brigade de gendarmerie de Batcham, Pmoumié Mamouda. Fin 2008, une ordonnance de renvoi les accuse, tous les trois, de coaction d’assassinat et de dissimulation de preuves. Ils croupissent, depuis, en prison malgré les procédures d’appel.
Aujourd’hui âgée de 28 ans, Aimée Khago ne sait plus à quel saint se vouer pour sortir de cette impasse. Elle se fait du souci pour ses enfants, notamment pour sa fille, âgée de 9 mois au moment de son arrestation. "Que vont devenir mes enfants sans moi ? ", se demande-t-elle, en larmes.
…En attendant la vérité
Le lundi 6 juin dernier, la déception des trois co-accusés est encore montée d’un cran. Patrice Ekambi, la magistrate chargée de les entendre à la chambre de contrôle de l’information judiciaire de la Cour d’appel de l’Ouest à Bafoussam, était absente. Conséquence : ils n’ont pas pu être confrontés à Me Pierre Tchinda, huissier de justice à Bamenda, maire de la commune de Batcham, et surtout l'un des plus fidèles notables du défunt. Un point clé de la procédure exigé par Me René Manfo, avocat de la famille de Francis Hervé Tatang. "En tant que membre de la cour royale, Me Tchinda doit être entendu car il a entretenu des relations étroites avec le défunt. Faisant partie des notables présents à ses côtés, il peut nous expliquer certaines choses utiles à la manifestation de la vérité ", soutient l’avocat.
Il demande le maintien en détention d’Aimée Kagho et de ses deux co-accusés "tant qu’ils ne dévoileront pas les véritables commanditaires de l’assassinat du chef de Batcham". Une option que récusent les accusés qui ont introduit une demande de mise en liberté provisoire, rejetée par la chambre de contrôle de l’information judiciaire à la Cour d’appel de Bafoussam.
Samira joue sans se douter
À quelques mètres de la case familiale aux portes branlantes, Samira Mamefouet Sonkwé, 4 ans joue avec des enfants de son âge. Elle n’a aucune idée du drame que vit sa mère, Aimée Kagho, détenue à la prison centrale de Mbouda, à une dizaine de km de là… Elle ne voit pas non plus le handicap de sa grand-mère, Colette Nguenfouo, 60 ans, qui tire la jambe droite, ni celui de son grand-père, François Mbogning, 80 ans, paralysé du côté gauche.
Colette est seule pour subvenir aux besoins d’une famille de 14 enfants mineurs. "Je n’ai plus la force pour cultiver mon champ comme avant. Je travaille la terre en bordure de ma case. Ce qui donne une petite récolte qui ne permet pas de nourrir ma famille. Depuis qu’Aimée est en prison, je n’ai plus mangé de riz. Aimée était pour nous un soutien inégalable", se lamente la vieille femme.
Parias
Elle n’en exprime pas moins sa détermination à combattre pour survivre dans ce contexte difficile. "L’affaire du Fo’o Francis Hervé Tatang continue de faire des vagues à Batcham, explique Jean-Jules Yemeli , animateur à radio Ngiembon. Personne ne souhaite en parler publiquement", dit-il.
Quant aux familles dont des membres sont soupçonnés d’une implication quelconque dans le décès du chef Francis Hervé Batang, "elles sont souvent traitées en parias", précise, pour sa part, Hermann Dzoyem, conducteur de moto-taxi. La famille d’Aimée Kagho n’échappe pas à cette sanction populaire. Avant le jugement.
Guy Modeste Dzudié (Jade)