A la prison de Yabassi: adultes et mineurs logés à la même enseigne
Adolescents et adultes endurcis vivent dans les mêmes cellules à la prison de Yabassi. Cette non séparation des catégories est contraire aux recommandations des Nations Unies sur le traitement des détenus.
Assis sur un tabouret de fortune à l’entrée de la cellule 7 qui donne sur la cour bruyante de la prison de Yabassi, Gilles Thomas Motassi, 17 ans, caresse ses cheveux roux. Incarcéré depuis trois mois pour complicité de vol, ce mineur a été contraint de changer de cellule quelques jours après son arrivée pour fuir les actes de violence de certains codétenus adultes. "Il y avait des gars qui fumaient dans la cellule 3 où j’étais", se souvient-il d’une voix grave. "Cela me dérangeait beaucoup. Quand je me plaignais, ils menaçaient de me frapper. C’est pourquoi j’ai payé ma mutation pour la cellule 7 où je me trouve avec des grands frères qui me donnent de temps en temps de bons conseils".
Nathalie ne peut se permettre le luxe de partir de l’unique cellule des femmes où elle vit avec les humeurs des pensionnaires plus âgées. "Quand elles font parfois des commentaires sur le sexe, je reste tranquille parce que je suis gênée. Mais, récemment, une femme m’a injurié pour cette attitude; elle a dit que je veux me comporter comme une sainte alors que je connais déjà les hommes. On est obligé de supporter tout ça", raconte cette mineure.
Quelques mesures…
Comme Thomas et Nathalie, les mineurs de la prison principale de Yabassi vivent dans les quartiers des adultes de même sexe, les garçons chez les hommes et les filles dans l’unique cellule du quartier des femmes. Construite dans les années 1933 pour accueillir 150 détenus, cette prison compte actuellement moins de 110 pensionnaires parmi lesquels une dizaine de mineurs. Pour empêcher les affrontements entre mineurs, l’administration a pris certaines mesures. "En l’absence d’un quartier pour mineurs, nous avons décidé d’envoyer les garçons qui affichent de bons comportements dans les cellules des personnes âgées. Quant aux indisciplinés, ils sont mélangés avec les hommes", explique Ngalani Romuald, régisseur de la prison principale de Yabassi. Mais, cette opération ne garantit rien puisque tous les détenus mineurs se partagent toujours la cour, la cuisine et les toilettes avec les adultes. "Quelques jours après mon arrivée, un jeune a attrapé une toux sèche parce qu’il dormait tout près d’un homme malade. C’est l’infirmier qui l’a soigné. Certains mineurs ne sont pas contents quand on les change de cellule. En journée, ils retrouvent leurs amis mineurs et adultes dans d’autres cellules pour jouer aux cartes et fumer parfois", explique le prévenu Gilles Thomas Motassi.
Encore insuffisantes
Dans ses règles minima de traitement des prisonniers, les Nations Unies recommandent que tout lieu de détention comporte un quartier pour chaque catégorie : les hommes, les femmes et les mineurs. Une recommandation peu suivie notamment dans les zones rurales. Ce qui révolte les défenseurs des droits humains. "Il n’est pas normal de mélanger les mineurs avec des adultes dans le même quartier. Outre les menaces, bagarres et intimidations, ce mélange est plus dangereux parce qu’il développe l’homosexualité dans la société", indique Jean Tchouaffi, président de l’association camerounaise des droits des jeunes.
A sa création, la prison principale de Yabassi ne disposait que d’un seul quartier où hommes, femmes et enfants utilisaient les mêmes commodités. Le respect de la séparation des catégories des détenus a commencé à prendre corps dans cette prison il ya seulement deux ans à la faveur d’un geste de l’Etat. "En 2009, un financement du budget d’investissement public nous a permis de faire construire un mur de séparation entre les hommes et les femmes ainsi que des toilettes dans les deux quartiers. Il faut dire qu’avant cette séparation, on n’a pas enregistré de cas de violence sur une femme par un homme parce que les gardiens étaient vigilants", se réjouit Ngalani Romuald. Des efforts qui doivent à présent se faire désormais en direction des mineurs.
Christian Locka (Jade)