Accusé de tortures : un commissaire de police devant le tribunal
François Alexandre Bekom Essomba est accusé d’avoir maltraité une femme gardée à vue dans une cellule de la Division régionale de la police judicaire de Bafoussam. Une vingtaine d’audiences ont déjà été programmées au tribunal de cette ville. Sans résultat.
Catherine Sylvie Leukoué garde les séquelles des sévices qu’elle a subis, en 2004, dans les locaux de la Division régionale de la police judicaire à Bafoussam. Selon un de ses parents, cette ex-employée de maison chez un cadre d’une entreprise d’électricité de la ville présente quelquefois des signes de trouble mental. Notamment quand on évoque devant elle le nom de son présumé bourreau, le commissaire de police Alexandre François Békom Essomba, actuellement en service à la délégation générale de la Sûreté nationale à Yaoundé.
Arrêtée, torturée, innocentée
Les faits remontent au 11 novembre 2004, date à laquelle un vol a été perpétré chez le couple Zoa, où Sylvie Leukoué était employée de maison. Considérée comme suspecte, elle est arrêtée par la police. "Après le départ des voleurs, les policiers, dirigés par le commissaire de police BEKOM Essomba Alexandre François, arrivent sur les lieux. Sans fondement juridique, le commissaire conduit ma petite sœur Leukoué au siège de la Division régionale de la police judicaire à Bafoussam, l’enferme pendant quatre jours et exerce, en personne, sur elle de multiples tortures et bastonnades à l’aide de câbles électriques. Ces exactions ont plongé la petite Leukoué dans le coma, au sein même du commissariat, comme l’atteste le certificat médico-légal établi à cet effet", soutient un parent de la victime ayant requis l’anonymat. Malgré les menaces et les tortures, Sylvie Leukoué, 19 ans au moment des faits, ne passera jamais aux aveux.
Elle est innocentée lorsqu'un présumé chef de gang, nommé Anicet, passe aux aveux complets, après deux semaines de garde à vue (du 21 décembre 2004 au 05 janvier 2005) dans les locaux de la compagnie de gendarmerie de Bafoussam II. Torturé, ce dernier aurait rendu 80% des effets volés à M. Zoa. Mais les policiers ne se sont jamais donné la peine de reconnaître le tort causé à Sylvie Leukoué.
Lenteurs et tracasseries judiciaires
Et pourtant… Lors d’une audience du 17 août dernier, le juge a rejeté les exceptions introduites par le commissaire Alexandre François Békom Essomba qui sollicitait, avec l’appui du représentant du ministère public, Désiré Mbénoun, de ne pas être jugé sur place. Depuis 2006, une vingtaine d’audiences ont déjà été programmées au tribunal de Bafoussam. Sans résultat. La prochaine se tiendra le 21 octobre.
La partie civile dénonce les nombreux blocages entourant cette affaire. Depuis son enrôlement au tribunal, en aout 2006, plus d’une vingtaine d’audiences ont été renvoyées pour "non signification du mandement au prévenu". L’affectation du commissaire Bekom Essomba de la police judicaire de Bafoussam au commissariat de sécurité publique de Mbalmayo, en octobre 2006, complique encore la procédure. "Au cours de l’audience du 15 octobre 2010, la cause est une fois de plus renvoyée pour le même motif qu’en février 2009 alors qu’il existait dans le dossier une preuve de signification du mandement au prévenu par voie d’huissier", raconte un proche de la victime.
Pour celui-ci, les faits de torture accablant le commissaire Bekom Essomba sont avérés. Cet homme en tenue avait déjà défrayé la chronique, en 2004, pour avoir ouvert le feu sur quatre journalistes de Bafoussam. La délégation générale à la sûreté nationale pourrait, par ailleurs, être désignée civilement responsable et être appelée à payer pour les nombreux abus de pouvoir reprochés à ce commissaire.
Guy Modeste Dzudie (Jade)