Plus de 80 mois derrière les barreaux
Relaxé en 2007, Elvis est toujours en prison en 2012
Relaxé pour faits non établis en novembre 2007, Elvis Fonuy Luma n’est jamais sorit de prison depuis son arrestation en 2004. Le commissaire du gouvernement du tribunal militaire de Bafoussam s’y opposerait, explique-t-on.
Elvis Fonuy Luma compte en mois. Il en cumule 80 dans la prison centrale de Bafoussam. Fils d’un gendarme décédé il y a quelques années, ce jeune homme d’une trentaine d’années ne cesse de réclamer la fin de sa détention provisoire. Poursuivi pour coaction de vol aggravé avec port d’arme à feu et pour un assassinat commis à Bafoussam courant avril 2004, il n’arrête pas de clamer son innocence et est déterminé à se battre pour retrouver sa liberté.
Détentions arbitraires
Il attendait beaucoup d’une audience, le 21 octobre dernier, devant le tribunal militaire de Bafoussam. "Ce jour-là, j’ai répété que je suis détenu depuis 7 ans sans jugement. Chose bizarre : arrêté en 2004 et relaxé en 2007 par le juge pour faits non établis, j’ai passé, de fin 2007 à avril 2011, trois années en prison sans être présenté au tribunal dans le cadre d’une nouvelle procédure initiée contre moi. On ne m’a pas laissé foutre mon nez dehors", affirme-t-il.
Le colonel Kengne, président de cette juridiction, a renvoyé l’affaire au 23 janvier. Cela, afin de permettre à Elvis Luma et à ses coaccusés d’être une fois de plus instruits sur l’objet de leur détention. Poursuivis pour les mêmes faits, Eric Simen Kemadjou, Armel Kentsop, Félix Talla et Odette Seko se plaignent eux-aussi des lenteurs procédurales du tribunal militaire de Bafoussam. Arrêtés fin 2007 et début 2008, ils sont en détention depuis quatre ans. "Un abus de plus ! ", affirme Serge Frédéric Mboumegne, président général de l’association internationale Kofi Annan pour la promotion et la protection des droits de l’homme et la paix. "La durée de la détention provisoire est de six mois renouvelables une seule fois. Lorsqu’il s’agit d’un crime, comme dans le cas d’espèce, elle ne saurait être de plus de 18 mois dans son ensemble. Ceci est régi par l’article 218 du code de procédure pénale", explique-t-il.
L’avocat, Me Fabien Che, dénonce également ces détentions arbitraires. Il évoque le recours à la procédure de protection contre les arrestations arbitraires et les détentions abusives prévues à l’article 588 du code de procédure pénale camerounais. "La procédure d'habeas corpus est également applicable aux mesures de privation de liberté prises à l'encontre de toute personne ayant bénéficié d'une décision de relaxe ou d'acquittement prononcée par une juridiction répressive de droit commun ou d'exception", énonce cette disposition sur laquelle Elvis Luma pourrait s’appuyer pour sortir de prison.
Déclaré non coupable
"Je ne suis pas un paria. Je ne devrais plus être en prison si l’on respectait les procédures. On bafoue mes droits de défense. Mon père est décédé, je n’ai pas pu assister à ses obsèques faute de permission. En 2007, alors que je venais d’être relaxé et pouvais sortir libre, le greffe de la prison m’en a empêché à cause d’une opposition formulée par le commissaire du gouvernement", rappelle-t-il. Selon des sources proches du tribunal militaire de Bafoussam, le commissaire du gouvernement près de cette juridiction s’était opposé à l’acquittement de l’accusé Luma parce que la police venait d’arrêter ses coaccusés dans cette affaire. Mais comment expliquer que, sur les rôles des audiences du tribunal militaire de Bafoussam, Elvis Luma est sous mandat de dépôt depuis le 02 avril 2008 au même titre que ses coaccusés arrêtés quatre ans après lui ? Une aberration que dénonce le jeune prisonnier de Bafoussam. Comment peut-il être maintenu en prison en 2008, alors qu’il venait d’être déclaré non coupable quelques mois auparavant ?
Guy Modeste Dzudie (Jade)