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Du trottoir à la rue comme en Tunisie et en Égypte - Page 3

Du trottoir à la rue comme en Tunisie et en Égypte - Page 3

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Index de l'article
Du trottoir à la rue comme en Tunisie et en Égypte
Donner du sens à l’espérance
Pour une conscientisation des étudiants en mal d'action
Le logement estudiantin en crise au Cameroun
Au bonheur des petits métiers.
Campus : l’univers de l’insécurité
Génération sacrifiée Vs Génération privilégiée : Un débat vicieux
Du trottoir à la rue comme en Tunisie et en Égypte
Toutes les pages

Pour une conscientisation des étudiants en mal d'action

La jeunesse camerounaise se trouve face à la crise de la citoyenneté. Il faut pourtant qu’elle prenne conscience des jeux et des enjeux.

La jeunesse se sent dupée. Elle a accumulé au fil du temps bon nombre de frustrations. Ces frustrations ne sont pas le fruit de considérations subjectives. Au contraire, ces spoliations émanent d'une oppression sociale de plus en plus contraignante. Un sentiment dont s'accommode mal la jeunesse. Appréhender « la crise de la citoyenneté »

de la jeunesse dans son essence et tenir compte des dynamiques qui la travaille sans chauvinisme aucun, c’est l’analyser sous le prisme de son acuité dans la communauté estudiantine. Tâche ardue, s’il en est.

Les frustrations et les contraintes dans le milieu universitaire : des raisons pour s’engager.

Le milieu universitaire n’est pas isolé des problèmes de la société dans laquelle il baigne. Parfois, ces problèmes sociaux s’y retrouvent avec acuité. Et le problème du logement démontre comment le manque de prévision des pouvoirs publics, n’ont pas pu éviter l’enlisement. 2000 lits sont proposés à 200.000 étudiants. Ce qui entraine la promiscuité.

Les étudiants ont du mal vivre et à se nourrir décemment. Les prix des produits de première nécessité en perpétuelle hausse, plusieurs d’entre eux, à défaut de faire la queue pendant trois heures devant les restaurants universitaires lorsque ces derniers sont ouverts, sont réduits à un régime alimentaire frugal dont la qualité est fort déplorable. Il y a aussi le problème de chômage. En effet, les statistiques du document pour la croissance et l’emploi indiquent que 60% des diplômés du supérieur ne trouvent pas d’emploi. Ce constat alarmant contribue à renforcer une crainte de l’avenir chez l’étudiant. Ce qui les pousse à faire des choix opportunistes. Cependant, il est d’autres phénomènes qui sont propres au monde universitaire. Il s’agit, entre autres, des notes sexuellement transmissibles, de la vente illicite des polycopiés, le bizutage au premier cycle orchestré par les enseignants adeptes des taux de réussite très bas de 6% à 15% etc…

Autant de réalités qui, dans un autre contexte, auraient suscité une prise de conscience chez les étudiants. Ce qui n’est malheureusement pas le cas dans le contexte camerounais.

Un engagement au degré zéro malgré une pléthore de raisons objectives de s’engager

Malgré les nombreux problèmes sociaux décriés, la jeunesse estudiantine manque d’intérêt face aux questions et faits socio-politiques qui régissent la république. La preuve, sur les 750.000 inscrits sur les listes électorales, très peu sont étudiants. À l’origine, une réaction inconsciente face à un système politique qui a tout intérêt que cette situation perdure. De manière générale, le système n’a pas tari d’initiatives savamment pensées afin de dissuader la jeunesse estudiantine de prendre conscience des phénomènes dont elle est victime.

La plus lâche et la plus facile des méthodes est la répression violente. Chaque fois que les étudiants ont revendiqué des solutions aux problèmes qui les affectent, les pouvoirs publics ont fait recours à la force. Des exemples sont légion de 1962 à nos jours. La violence atteint son paroxysme en1990 et 2005. Avec la clé, des leaders torturés. C’est le cas de Batogna (second président de l’Addec), Ibrahim Mohaman et Aurelie Temenou victimes des sévices corporels graves, des leaders de la gente féminine (Anne Marie Sob, Fadimatou, Nguiadem) des années 90, déshabillées,  battues, torturées et/ou violées. Ces violences sont perpétrées par les forces de l’ordre ou par les multiples milices qui peuplent les campus. Ainsi, le recours à la violence dans nos universités entretient un climat de terreur et  conduit à une sorte de paranoïa. Ce qui tue dans l’œuf toute velléité de réclamation. Parler de politique au campus, suscite crainte et peur de représailles. La seconde méthode plus subtile, consiste à peupler le campus des universités d’État d’agents de sécurité publique en civil. Aidés de quelques indics, ils parviennent à identifier des dissidents ou potentiels dissidents afin d’éradiquer le « Mal à la racine ». Ainsi, ils s’acharnent sur leurs parcours académiques en les semant d’embûches. Parfois, ces barbouzes procèdent  à des enlèvements des leaders un peu trop gênants (cas de Linjuom Mbowou, Okala Ebode et Samba Samba Patrick naguère enlevés par les services secrets). À combien d'étudiants l’on a fait croire qu’ils étaient sans intelligence ? Seuls les barbouzes peuvent le savoir (un cas patent, celui d’Yves Mintoogue, actuellement l’un des plus brillants étudiants de la Sorbonne et fervent militant de l’Addec, qui n’a pu soutenir son mémoire de maitrise après l’avoir déposé 1 an et demi plus tôt au décanat. Et comme si cela ne suffisait pas, ce mémoire, pourtant salué par les intellectuels dont on ne peut douter de la renommée, a reçu une note passable et des critiques insultantes du président du jury, Pr Daniel Abwa, affichant sans vergogne son acharnement contre l’étudiant, dont le génie lui posait quelques problèmes).

Une autre méthode abjecte: le tribalisme et la corruption des leaders. Les systèmes répressifs ont toujours eu l’art de manier la cravache de la main droite et la carotte de la main gauche. Ainsi, ils parviennent à acheter des leaders même les plus sincères. Dans le contexte camerounais, nombreux sont ceux qui ont profité des grèves estudiantines de 2005 à 2006 pour se vendre au plus offrant. D’aucuns ont été corrompus pour créer une Addec-Bis afin de lever le mot d’ordre de grèves et paraître comme les principaux interlocuteurs, seuls capables de résoudre la crise. D’autres ont été encouragés à créer des organisations tribalistes s’apparentant à des mouvements d’extrême droite afin de s’en prendre violemment aux membres de l’Addec (le Cafev ou l’Action Directe Républicaine)

Une seule thérapie : Un syndicalisme estudiantin fort.

Face à la gravité d’une telle situation et compte tenu de la ténacité des adjuvants, une thérapie efficace s’impose. Dans le milieu estudiantin, rien de mieux qu’un syndicat estudiantin fort et non partisan. Ce mouvement estudiantin doit comprendre que, de même que la nature a horreur du vide, l’absence de relais sociaux conduit à des mouvements spontanés et infructueux. Février 2008- notre Commune de Paris à nous- n’a pas eu de fruit pour les défavorisés, parce que ce mouvement n’avait pas une direction-stratège, structurée et solide. L’impérieuse nécessité d’une structuration des organisations de la société civile camerounaise et de les  doter d’une direction capable de comprendre que la violence répressive et symbolique, la corruption inhérentes à cet État sont la conséquence de sa nature : un État néocoloniale. Et que pour mieux atteindre ses objectifs, il doit être armé théoriquement pour mieux appréhender les véritables problématiques afin d’en finir avec l’empirisme, l’aventurisme et le spontanéisme. Ainsi, ce mouvement, qui doit fédérer toutes les forces progressistes estudiantines et sociales jeunes, et dont la direction serait plus stratège et armée théoriquement, aura plus de hardiesse à résoudre les crises profondes qui touchent le monde universitaire et la société toute entière.

Hervé Nzouabet

Président de l’Association pour la défense des Droits des Étudiants du Cameroun (Addec)

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