Yves Michel Fotso, Marafa Hamidou Yaya condamnés à 25 ans de prison ferme chacun

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Les juges de la collégialité dans l’affaire dite de « l’affaire dite de l’avion présidentiel » ont été sans pitié pour les accusés Yves Michel Fotso, Marafa Hamidou Yaya et leurs coaccusés. Ils ont été reconnus coupables de coaction de détournement de deniers publics et condamnés à de lourdes peines privatives de liberté.
L'audience à commencé le 21 septembre 2012, peu avant 14 heures. Le verdict de l’affaire État du Cameroun contre Yves Michel Fotso, Marafa Hamidou Yaya et cie, affaire dite de « l’avion présidentiel », est tombé tel un couperet, le 22 septembre 2012 à 7h13mn, heure locale, après plus de 17 heures d’audience sans interruption. Yves Michel Fotso, Marafa Hamidou Yaya, Jean Louis Chapuis, ex-directeur général de la Commercial Bank of Cameroon (Cbc) en fuite, Assene Nkou, en fuite, écopent chacun 25 ans de prison ferme. Tandis que Juliette Nkonda, ex-directrice générale adjointe de la CBC et Géneviève Sandjoun, en fuite, sont respectivement condamnées à 10 et 15 ans de prison ferme. Ils payeront solidairement, comme dommages et intérêts à l’État du Cameroun, la somme de 21,3 milliards de FCfa et les frais de procédure qui ont été fixés à 1,103 milliard de FCfa.
D’après leurs conseils, les condamnés qui ont deux (2) jours pour faire appel, entendent se pourvoir en cassation le lundi 24 septembre 2012.
Pour beaucoup d’observation, ce verdict n’a surpris personne. Des Camerounais ont toujours qualifié ce procès de « procès politique dont l’objectif est d’éliminer un concurrent sérieux (Marafa Hamidou Yaya, Ndlr) à la présidence de la République ». Ceux-ci n’hésitent pas à affirmer que ce verdict «était prévisible compte tenu du contexte des arrestations et de l’accélération qu’à connu le déroulement de ce procès ». Pour d’autres Camerounais, « on ne devrait pas verser une larme après cette condamnation des accusés, car, ces individus ont fait trop mal au peuple camerounais. Marafa Hamidou Yaya récolte le fruit des élections truquées au profit Paul Biya, donc de la confiscation du vote des Camerounais. Il est victime d’un effet boomerang ». Selon un militant du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) « le sort de Marafa avait été scellé depuis le jour où il a commencé à défier publiquement Paul Biya dans des lettres qu’il faisait publier dans les journaux acquis à sa cause. Il avait cru à tort que c’est en versant des millions de francs aux journaux pour faire pression sur la justice qu’il serait acquitté. Le verdict est tombé, qu’il supporte. C’est un concurrent en moins dans la bataille pour la succession de Paul Biya ». Un autre militant du Rdpc estime que la note confidentielle du juge d’instruction Pascal Magnaguemabé qui a fuité dans les médias laissait déjà présager le verdict du procès.

Note confidentielle
En effet, dans une note confidentielle intitulée « les derniers développements de l’affaire dite de « l’avion présidentiel » » et adressée, selon certaines sources, au président de la République par M. Pascal Magnaguemabé, juge d’instruction près le tribunal de grande instance du Mfoundi (Yaoundé), qui instruisait, avant d’être dessaisi, des affaires État du Cameroun contre Yves Michel Fotso, Marafa Hamidou Yaya, Atangana Mebera et cie, il est écrit « les 12, 13 et 14 juin 2012, le juge d’instruction Pascal Magnaguemabe prend part à des réunions auxquelles il est convié à la Chancellerie, aux côtés du secrétaire général du ministère de la Justice, du Directeur de l’Action publique et des Grâces, du procureur général près la Cour d’appel du Centre et le procureur de la République près le tribunal de grande instance du Mfoundi, réunions présidées par le Garde des Sceaux.
Au cours de ces assises, il est « instruit » au juge d’instruction Pascal Magnaguemabe de ne pas, dans l’Ordonnance renvoyant Fosto Yves Michel et Marafa Hamidou Yaya devant le tribunal de grande instance du Mfoundi statuant en matière criminelle en phase de rédaction, rentrer dans les détails des charges qui pèsent sur Fotso Yves Michel et Marafa Hamidou Yaya.
Le juge d’instruction Pascal Magnaguemabé tique devant cette « instruction » et relève qu’il lui semblait judicieux de mettre à la disposition de l’accusation l’entier mécanisme et dans ses détails usités par Fotso Yves Michel et Marafa Hamidou Yaya pour détourner les 31 000 000 $US de fonds publics par eux détournés. La Haute hiérarchie maintient ses « instructions ».
Le juge d’instruction Pascal Magnaguémabe rédige une mouture de cette ordonnance conformément aux instructions reçues et le remet le 22 juin 2012 au ministre d’État, ministre de la Justice, garde des Sceaux.
Le 23 juin 2012, la Haute hiérarchie judiciaire par l’entremise du président du tribunal de grande instance du Mfoundi, M. Schlick, remet au juge d’instruction Pascal Magnaguemabe, pour uniquement y recueillir sa signature, une mouture de l’Ordonnance renvoyant Fotso Yves Michel et Marafa Hamidou Yaya devant le tribunal de grande instance du Mfoundi statuant en matière criminelle, mais dans laquelle, ce magistrat ne se reconnait pas pour 40% de la décision à lui remise.
Le juge d’instruction tique encore, mais appose sa signature tout de même, sur ce document censé émaner de lui (Hiérarchie oblige) »
En laisant fuiter cette information, « les ennemis de Marafa Hamidou Yaya  et de Yves Michel Fotso tapis dans l’ombre voulaient contrecarrer tout soutien que le garde des Sceaux pouvait leur apporter. Tout le monde sait que si le garde des sceaux, alors secrétaire générale de la présidence de la République avait au Cameroun lors de l’interpellation de Yves Michel Fotso, celle-ci n’aurait jamais eu lieu. Ils voulaient aussi embarrassé les juges de la collégialité, principalement le président du tribunal d’instance du Mfoundi qui est cité dans la note que vous évoquez, qui ne pouvaient que condamner les prévenus afin de montre aux yeux de l’opinion publique qu’ils ne sont pas à la solde de la chancellerie », souligne une source au ministère de la Justice.

Immixtion de l’exécutif
Les médias et les organisations de la société civile n’ont pas suffisamment fait écho des révélations ci-dessus qui sont symptomatiques d’un pouvoir judiciaire aux ordres de l’exécutif, souligne un observateur averti qui poursuit en affirmant que « l’immixtion de l’exécutif dans les procès en cours est un secret de polichinelle au Cameroun ».
De là à penser que les procès en cours sont une farce judiciaire et que l’ « Opération Épervier » n’est en réalité qu’une sorte d’épuration politique, il y a un pas que beaucoup de Camerounais n’hésitent pas de franchir.
Les interventions de l’exécutif pour orienter les arrestations des proies de ce rapace sont légion. Elles confortent l’opinion publique dans l’idée selon laquelle les arrestations des dignitaires du régime dans les procès en cours ont une dimension politique indéniable.
La correspondance de l’ex-ministre d'État, secrétaire général de la présidence de la République, Laurent Esso, adressée à l’ex- ministre de la Justice, Garde des Sceaux, M. Amadou Ali, dans laquelle l'ordre était donné au parquet du tribunal de grande Instance du Mfoundi, d'ouvrir une information judiciaire contre Maitres Eyoum Yen Lydienne, Baleng Maah Célestin et, les nommés Abah Abah Polycarpe, Engoulou Henri et Ngwem Honoré, avec mandat de détention provisoire, du chef d'accusation de détournement de deniers publics et complicité  était aussi venue démontrer qu'au Cameroun la justice est  sous la botte de l'exécutif. Dans ladite correspondance, Laurent Esso écrivait: « Faisant suite à votre correspondance de référence, j’ai l’honneur de vous notifier l’Accord du chef de l’État à vos propositions tendant à faire déférer Maîtres Eyoum Yen Lydienne, Baleng Maah Célestin, les nommés Abah Abah Polycarpe, Engoulou Henri et Ngwem au Parquet du Tribunal de Grande Instance du Mfoundi en vue de l’ouverture d’une information judiciaire contre eux, avec mandat de détention provisoire, du chef d’accusation de détournement de deniers publics et complicité. Vous voudrez bien me faire connaître, pour la Très Haute Information du chef de l’État, l’exécution de ces diligences ».
Comme nous nous interrogions en d’autres temps et à d’autres lieux « comment pouvait-on imaginer une justice indépendante au Cameroun à partir du moment où la constitution fait du chef de l'État, c'est-à-dire du chef de l'exécutif, le garant de l'indépendance de la justice et le président de droit du conseil supérieur de la magistrature ? À partir du moment où la constitution lui confère un rôle majeur dans l'organisation du système judiciaire camerounais et la nomination des magistrats et lui accorde une immunité pénale et civile pendant toute la durée de ses fonctions? » (Les Dossiers et Documents de Germinal, n° 007)
Ce qui attriste face ce spectacle désolant, c’est l’indolence et l’apathie des citoyens camerounais et surtout des organisations de la société civile (Osc). Ailleurs pourtant, surtout dans de vieilles démocraties, les Osc constituent de véritables contre-pouvoirs qui poussent à la démission des responsables politiques qui prennent des libertés avec l’éthique républicaine.
Jean-Bosco Talla