Les versets sataniques de Mgr Victor Tonye Bakot

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Une lettre du Grand chancelier de l’Ucac remet au goût du jour la question tribale au Cameroun. Elle suscite indignation.
La nouvelle a fait l’effet d’une bombe. Elle fait couler beaucoup d’encre et de salive. Parents d’élèves, étudiants et anciens étudiants de l’Université catholique d’Afrique centrale (Ucac) de Yaoundé, enseignants à l’Ucac, la communauté des chrétiens catholiques, intellectuels camerounais de tous bords ont perdu leur latin en prenant connaissance de la lettre n°VTB/06/12/106/2363/enn (cf fac similé) que le Grand Chancelier de l’Ucac, Mgr Victor Tonyé Bakot, par ailleurs archevêque métropolitain, a adressée, en juin 2012, au Révérend Père Martin Brida, doyen de la faculté des sciences sociales et de gestion de cette institution universitaire.

 

Dans cette correspondance qui a suscité l’indignation (presque) générale et donc l’objet est Statistiques, le Grand Chancelier écrit : « L’an dernier en 2011, le Conseil supérieur de l’Ucac m’a prié de me pencher sur les statistiques des étudiants et des enseignants de la Faculté des sciences sociales et de gestion. Au cours du dernier Conseil tenu à Nkolbisson du 07 au 09/06/12, j'ai eu à leur soumettre mon exposé avec quelques commentaires ».

Statistiques
Par la suite Mgr Tonye Bakot fournit ses statistiques. Dans sa correspondance, le prélat distingue deux catégories d’enseignants : les enseignants associés et les enseignants permanents.
Selon ses statistiques, durant la période 2009/2010, sur 109 enseignants associés « 52 viennent de l'Ouest, soit près de 48 % ; 55 […] du Centre, du Sud et du Littoral, soit près de 51 % représentant trois régions ; 4 […] du Nord Ouest et du Sud Ouest, soit environ 1,5 % ».
Commentant ses propres chiffres, Tonyé Bakot écrit : « On s'explique mal le pourcentage très élevé des enseignants associés venant d'une seule région à savoir l'Ouest Cameroun » (C’est nous qui soulignons)
En ce qui concerne les enseignants permanents, l’archevêque métropolitain dénombre 29.parmi lesquels « 11 de la région du Centre, 1  de l’Est, 4 du Littoral, 9 de l’ouest l'Ouest, et 4 non Camerounais. L'Ouest s'en tire avec un pourcentage de près de 31,5 %, alors que le Littoral et le Centre ont 50 % ».
Conclusion partielle du Grand Chancelier : « les enseignants permanents et associés viennent pour la plupart de l'Ouest. On peut se demander pourquoi sont-ils les plus nombreux dans cette faculté de Sciences sociales et de Gestion. » (C’est nous qui soulignons)
Poursuivant son décompte, il s’intéresse à la liste des étudiants camerounais au campus d’Ekounou. Les statistiques du prélat se présentent comme suit : « 194 [étudiants sont] du Centre, 9 de l’Est, 214 du Littoral, 32 du Nord, 36 du Nord Ouest-Sud Ouest, 115 du Sud, 721 de l’Ouest. » Avant de s’interroger : « Comment se fait-il que la seule région de l'Ouest compte près de 60 % des étudiants à Ekounou ? Est-ce parce qu'ils embrassent les filières scientifiques et commerciales plus que tes autres ? Ou bien est-ce parce qu'ils bénéficient d'un traitement de faveur ? Ou est-ce parce qu'ils trichent ? »
Et de poursuivre : « Autant de questions que l’on se pose quand on observe le poids écrasant des étudiants de l'Ouest. Un enseignant très curieux donnait un cours dans une salle de classe il y a quelques années. Il lui fut donné de constater que sur les 42 étudiants qu'il avait en face de lui, 30 venaient d'un seul département : Bafang (Ouest).
Lorsque ces questions furent posées au Conseil Supérieur, nous avons estimé nécessaire de parler au Doyen que vous êtes, et nous avons jugé opportun de vous recommander de bien vouloir rétablir les choses la ou on le peut, et ce progressivement. »

Directives
Le Grand Chancelier dans sa lettre n’hésite pas à formuler quelques propositions et recommandations lourdes d’insinuations qui s’apparentent aux directives que devrait désormais suivre le doyen de la faculté des sciences sociales et de gestion.
Le prélat propose: « A valeur égale sur le plan intellectuel, il vaudrait penser aussi à recruter des enseignants venant d'autres régions et, si possible, respecter les quotas de telle manière que l'Ouest ne soit plus majoritaire en enseignants associés ni en enseignants permanents.
- Il en est de même du nombre d'étudiants dont l'Ouest porte un nombre plus que significatif. Outre les corrections anonymées, nous proposons de diversifier les correcteurs le plus possible pour éviter de privilégier un groupe grâce a des enseignants correcteurs venant de la même région, parce que, nous dit-on, il y a des stratégies de signes qui permettent d'identifier l'origine des candidats.
- Nous vous recommandons également de redoubler de vigilance et de continuer à donner à notre Faculté de Sciences sociales et de Gestion la belle image qu'elle a toujours véhiculée les années précédentes.
On est plutôt gêné de constater qu'une attestation de Licence, que nous estimons fausse, vienne de votre Faculté, et le bénéficiaire de ce faux diplôme vient de l'Ouest. Il s'agit de Tonleu Dongmo Yannick, née 20 juin 1984 à Maroua, qui aurait obtenu la Licence en Comptabilité et Finance pour l'année universitaire 2008/2009. Or, quand on parcourt la liste des étudiants de cette année-là, il n'y a aucune trace de cet étudiant. Il y a lieu de s'interroger sur l'origine de ce faux diplôme ! Le Père Ludovic Lado l'aurait-ii signé ? J'en doute ! Je ne pense pas que le Vice Doyen l'ait fait. Toutefois, il faudrait lui poser la question pour qu'il nous rassure. »

Réactions d’indignation
Comme il fallait s’y attendre, la lettre de Mgr Tonyé Bakot a suscité de vives réactions d’indignation. Sur le forum 237medias des journalistes, chacun est allé de son commentaire.
Parfait Siki, directeur de la rédaction de l’hebdomadaire Repères estime « la lettre de Tonye Bakot ne [le] choque pas. [Il] aimerai[t] bien avoir des réponses aux questions qu'il y pose. À sa place, avec les mêmes stats [il] poserai[t] les mêmes questions, quelle que soit la Région concernée. Au moins pour comprendre.[Il] n'y voi[t] toujours pas de tribalisme. En tout cas pas dans les termes de la lettre en question. »
Martin Camus Mimb de la chaine de télévision Voxafrica estime que « le tribalisme existe fortement au Cameroun. Il n'est pas dirige contre une ethnie de façon précise. C'est la conséquence d'un jeu d'intérêt de la classe mafieuse  régnante. Que fais-tu des thèses de Mgr Dongmo qui demandait aux bamilekes  de se multiplier plus et rapidement pour dominer par le nombre? L'Ucac est une école privée. Bakot a pose des questions intelligibles à ses collaborateurs de démontrer que les ressortissants de l'ouest sont plus nombreux parce que plus intelligents! »
Réagissant à ce post Goni Waday précise et dévoile qu’il y aurait un lien entre la correspondance de Tonyé Bakot et la présidence de la République du Cameroun (Prc). Goni Wadaï écrit : « la lettre de Tonye Bakot, aurait été écrite par lui, selon une source à l'Ucac. Il y aurait même un lien entre cette lettre et la PRC. Elle participerait donc des luttes de clans à coloration tribale au Kamerun. Néanmoins, Tonye Bakot n'a pas le droit de mener des gens à la haine de l'autre. Si ces statistiques sont utiles aux propriétaires de l'Ucac qui voudraient apparemment diversifier la provenance ethnique de leurs étudiants et enseignants, il importe de noter que ses commentaires sont en effet trop tendancieux et visiblement destinés à attiser la haine. Par ailleurs, je serais intéressé de lire le fameux texte (invisible jusqu'alors) de Albert Ndongmo appelant les Bami à faire beaucoup d'enfants. Même s'il l'avait dit, ce serait une marque de stupidité, car la forte natalité en pays bamiléké et dans la diaspora bamiléké précède la naissance même de cet évêque. Alors, comment cet enfant a-t-il pu enseigner à ses pères une politique sociale qu'ils pratiquaient longtemps avant sa conception? »
Shanda Tomne, président de a simplement adressé deux lettres : l’une (Réf: 00514/SPEC/DIS/0712) à Son Excellence le Nonce apostolique, Ambassadeur du Vatican au Cameroun, Haut représentant de l'Église Catholique Romaine, l’autre (Réf: 00515/SPEC/DIS/0712) au ministre de l’Enseignement supérieur. La première est une « Demande de clarification relative à la lettre de Mgr Victor Tonye Bakot Archevêque de Yaoundé, au Doyen de la faculté des sciences sociales de l'Université catholique d'Afrique Centrale ». La deuxième sollicite la réaction du ministre de l’Enseignement supérieur «relative à la lettre de Mr Victor Tonye Bakot, Archevêque de Yaoundé, au Doyen de la faculté des sciences sociales de l'Université catholique d'Afrique centrale »
Victorin Hameni Bieuleu, président de l’Union des forces démocratiques du Cameroun (Ufdc) n’y est pas allé des mains mortes pour assener sa vision de la chose. Il estime que les Bamiléké doivent cesser avec les jérémiades. Hameni Bieuleu écrit : « Les Bamiléké doivent arrêter de se plaindre et faire la politique comme les autres. Au lieu de se plaindre du fait que les autres Camerounais ne les aiment pas alors qu`ils les admirent, les Bamiléké doivent se préparer et s`organiser pour prendre le pouvoir et sortir notre pays de l`ornière. Le problème du Cameroun aujourd`hui est tribal  Il faut cesser de rêver. »

Diaspora
La lettre de Mgr Victor Tonyé Bakot n’a pas laissé la diaspora camerounaise indifférente.
Jean-Marc Soboth, actuellement au Cananda, s’est contenté de citer Mongo Beti. Pour le Pape de la dissidence, «Les Camerounais n'ont jamais nié leur diversité; au contraire, ils l'ont toujours présentée comme un facteur d'enrichissement de la communauté nationale. Ainsi, à l'instar des WASP aux États-Unis, des Prussiens en Allemagne, des Anglais au Royaume-Uni, les Bamilékés sont, au Cameroun, la communauté ethnique économiquement et socialement dominante. Il n'y a là rien d'extraordinaire ni de choquant. Ce qui l'est, en revanche, c'est l'acharnement des dictateurs, qui ont hérité cette politique de l'administration coloniale et qui y sont aujourd'hui encouragés sournoisement par l'Élysée, à combattre les Bamilékés accusés tantôt de communisme, tantôt d'hégémonisme et, en définitive des tous les péchés d'Israël, à seule fin de les tenir à l'écart du pouvoir, ce qui revient à contrecarrer le développement du pays. Il n'y a pas d'exemple dans l'actualité ni dans l'histoire des peuples que le groupe social le plus inventif et le plus dynamique, et de surcroît le plus important numériquement, n'ait pas exercé le pouvoir politique ou, du moins, n'y ait été associé, sans que cette obstruction ait eu des conséquences désastreuses pour l'ensemble de la communauté nationale ni que son développement en ait été tragiquement retardé.
C'est une chose d'établir le constat, comme l'ont fait les ethnologues, de la diversité régionale et culturelle du Cameroun; c'en est une autre d'en faire un argument pour condamner le pays à la fatalité des luttes tribales et justifier ainsi la mainmise de Paris sur son devenir. On a fait toutes les déductions imaginables, y compris les plus absurdes, à partir des tribus. On les a prises longtemps à témoin pour exalter le parti unique, seul remède, déclarait-on dogmatiquement, pour guérir les maladies que leur fourmillement entraîne […] Aujourd'hui, on agite les ethnies comme grelots pour applaudir sinon encourager le clan des dirigeants faillis aux chimères de la partition»(Mongo Beti, La France contre l'Afrique, Paris, La Découverte, 1993 pp.188189)
L’écrivain
Patrice Nganang pense que « dans le paradis de Monseigneur Bakot, les Bamiléké n’ont pas le droit d’être trop nombreux. Qui a encore dansé de joie ? C’est que dans une lettre honteuse, le prélat n’a pas seulement donné des chiffres à son infamie, il a aussi tiré des conclusions demandant au bas mot à la sélection. À vrai dire ses mots sont trop sidérants, trop méchants pour être cités ici. Car ce dont il s’agissait au fond, et que sa plume venimeuse a recommandé, c’est tout simplement l’épuration ethnique : la diminution progressivement dosée du nombre admissible de bamilékés de ce groupe social qu’est l’université catholique, sur la base du critère simple qu’ils sont bamilékés. » (Lire Le paradis du monseigneur Tonye Bakot)
De son côté Franklin Nyamsi Agrégé de philosophie, Paris, France, écrit : «  La publication récente d’une lettre de Monseigneur Tonye Bakot, Archevêque de Yaoundé et Grand Chancelier de l’Université catholique d’Afrique centrale replace au cœur du débat l’une des épines dorsales de la crise du vivre ensemble au Cameroun : la question ethniciste. En celle-ci, j’ai vu depuis belle lurette l’une des sources vives du ravitaillement quotidien de l’obscurantisme et du dogmatisme à la camerounaise. Quelques polémiques désormais célèbres, m’ont du reste, en ces matières, opposé ces derniers mois aux prétentions des Mono Ndjana, Mouangué Kobila, Shanda Tonmé, entre autres, à nous priver du fond du débat sur l’ethnicisme.
Privés de citoyenneté par 60 ans de mascarades électorales et de bricolages politiciens, livrés à la misère rampante par 50 ans d’indépendance gérée par une élite anti-nationale, privés d’éducation, de santé et d’avenir par deux régimes violents et ivres de mensonges, les Camerounais se sont repliés dans leurs bantoustans ethniques, espérant y trouver l’ultime barrage contre la malemort et l’insignifiance sans vergogne qui les étreignent. À la misère matérielle, l’empire ubuesque de la corruption d’État dans les mœurs collectives a ajouté les affres d’une misère morale et intellectuelle qui désormais, s’attaque aux fondements mêmes de la spiritualité de la personne humaine, telle que la proclament les textes les plus généreux du christianisme. Incapable de construire un paradigme d’universalité exemplaire pour la communauté nationale, voici que les universités elles-mêmes s’agenouillent devant le veau d’or du repli ethniciste. » (Lire Réflexion sur les scandales universitaires de l’ethnicisme camerounais)

Ludovic Lado limogé
On en était encore à spéculer sur l’authenticité et le contenu des versets sataniques de Mgr Victor Tonyé Bakot, selon l’expression d’un Camerounais, que l’on apprenait avec stupéfaction le limogeage du Père Jésuite Ludovic Lado, pour, dit-on, « faute professionnelle ». Réagissant à l’interpellation des anciens élèves de l’Ucac, l’infortuné confirme la mauvaise nouvelle : «Le document est authentique, malheureusement! Le grand chancelier a demandé et obtenu mon départ de l'Ucac, mais qu'on y ajoute des calomnies aussi grossières, je ne puis l'admettre. C'est ma réputation qui est en jeu, c'est celle des jésuites qui est en jeu, puisque la gestion de la faculté leur est confiée! Je saisirai les instances supérieures pour qu'une enquête soit menée et que justice soit faite, surtout que la devise de l'Ucac est bien: "Au service de la justice et de la vérité." Il faut bien qu'on démasque les auteurs de cette cabale...car l'avenir de l'Ucac en dépend.  Qu'on ne veuille plus de moi, je peux comprendre! Mais...une telle manipulation des chiffres est une insulte à l'intelligence. » Le Père jésuite est revenu à la charge en adressant à Mgr Tonye Bakot une lettre rendue publique ce jour. Celle-ci s'intitule "Un chétien n'a pas de région". Dans cette missive il revèle que son départ de l'Ucac est lié aux raisons politiques. Le Père Lado écrit: «Le Grand Chancelier a demandé et obtenu mon départ proche de l’Ucac pour des raisons politiques et non professionnelles. Et c’était bien avant la sortie de cette lettre ! Il faut que cela soit clair ! Je l’assume et je m’en vais ailleurs, serein et le cœur léger, servir la jeunesse africaine. Un Jésuite est un pèlerin…et sa paroisse c’est le monde. Mon horizon de service de l’humanité n’est pas une région, même pas le Cameroun mais le monde ! Je ne suis pas un saint, mais de grâce…on n’a pas besoin pour me noyer de m’accuser de rage. Je connais mes péchés, et ce ne sont ni la discrimination ni le faux.»
De là à considérer que ce limogeage marque le début d’une épuration ethnique à l’Ucac, il y a un pas que certains Camerounais n’hésitent pas à franchir. D’autres, qui craignent déjà pour la vie de ce prélat qui n’a pas sa langue dans la poche, estiment que c’est le début d’une chasse aux sorcières à l’Ucac. Pour ceux-ci, « la sortie de Tonye était un prétexte pour bannir ce  jésuite qui dérange et dont le sort était scellé depuis quelque temps compte tenu de son engagement. Il faut donc craindre qu'il ne soit déjà bien avancé sur la trajectoire qu'on a fait subir aux Pères Mveng et Jean Marc Ela, ou à Mongo Béti, entre autres. »

Serge Alain Ka'abessine


L’Ucac à l’ère de l’épuration ethnique
Victor Tonye Bakot veut-il transformer l’Ucac en champ d’application de ses théories nazies sur le tribalisme et l’ethnicisme qui lui colle à la peau comme cette poussière sèche charriée par les vents secs qui déboulent du Sahara et affecte le golfe de Guinée ? Visiblement, comme en 1987 avec Mgr Gabriel Simo, il en veut aux ressortissants de l’Ouest-Cameroun à l’Ucac. Quelle ignominie pour ce prélat qui prétend propager la parole du Christ !
Il n’est pire aveugle que celui qui refuse de voir. Victor Tonyé Bakot n’a, hélas, pas tiré les leçons de la polémique suscitée par la publication du mémorandum des prêtres autochtones de l’archidiocèse de Douala et intitulé « un éclairage nouveau ». Il n’a surtout pas retenu la leçon, mieux le message du Christ, qu’avait rappelé Mgr Christian Tumi, alors archevêque de Garoua, dans sa réponse adressée, le 24 août 1987, aux responsables du Cercle des catholiques laïcs pour l’animation des valeurs d’intégration sociale (Cercle Clovis). Dans cette réponse Christian Tumi écrivait : « nous voulons que dans notre Église nous vivions en frères, que nous vivions cette unité que le Christ souhaite pour ceux qui croient en Lui. Qu'il n'y ait entre nous "ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme ; car tous nous ne faisons qu'un dans le Christ Jésus, nous sommes tous fils de Dieu par la foi au Christ Jésus", (Gai 3, 26-28). Nous pouvons situer cette parole de l'Apôtre Paul dans notre contexte en ces termes : qu'il n'y ait plus entre nous, chrétiens du Cameroun, ni bamiléké ni bassa ni béti ni toupouri, ni anglophone ni francophone, ni évêque bassa ni évêque bamiléké. Car ''nous, à plusieurs, nous ne formons qu'un seul corps dans le Christ étant chacun pour sa part, membres les uns des autres" (Rom 12, 5).
Est-ce que les auteurs de la littérature qui circule dans notre pays depuis quelques mois tiennent compte de cette exigence absolue de l'Évangile ? Si nous vivons cette exigence évangélique, nous contribuons du fait même à l'intégration nationale, à l'unité de notre pays. Faire le contraire c'est ne pas aimer son pays, c'est aller contre ce qui est pour le bien sa patrie, c'est être pour la division et contre l'unité nationale, c'est être ennemi de son pays ! »
Pouvait-il avoir la volonté de tirer les leçons de cette polémique ou d’écouter ce message christique, lui qui, d’après des sources crédibles, était la véritable tête pensante des mémorandistes autochtones de l’archidiocèse de Douala ? (lire ci-contre) Indubitablement, non ! Visiblement, Victor Tonyé Bakot est congénitalement tribaliste. Aux dires de plusieurs personnes rencontrées, Victor Tonye Bakot est un récidiviste. Vers la fin des années 90, précisément en 1987, cet évêque co-auxillaire de Douala nommé le 21 février 1987 en même temps que Mgr Gabriel Simo, avait activement participé aux stratégies d’anéantissement de son « frère jumeau » en Christ. Ce qui n’a pas empêché Rome de le hisser là où il est aujourd’hui. Peut-être, soutiennent-ils, est-il investi d’une sombre mission.
Ce rappel éclaire d’un nouveau jour la lettre qu’il a adressée au Révérend Père Martin Brida, doyen de la faculté des sciences sociales et de gestion. Le contenu de cette lettre suscite un questionnement. Pour une saine comparaison et pour des explications plus crédibles et scientifiquement acceptables, Tonyé Bakot aurait dû: (1) donner les statistiques pour toutes les facultés ; (2) donner les statistiques pour toute l'administration de l'Ucac. Cette lettre soulève également d’autres questions que soulignent fort pertinemment Alexandre Siéwé et Goni Waday sur le forum 237medias. Elles sont les suivantes : quel profil des étudiants par filière ? Leurs origines sociales? Y a-t-il un facteur déterminant le choix des filières ? Et dans d'autres universités qu'en est-il ? Ya t-il des récurrences ? Peut-on oser identifier des déterminismes ? Sur combien temps s'est faite l'observation? Les originaires de l'Ouest désignent-ils exclusivement les Bamiléké? Pourquoi Tonye Bakot n’en parle-t-il pas dans sa lettre? Quel peut être le but d'une telle lettre? À qui profiterait l'éventuel crime? Qu’en pensent les autorités de l'Ucac (notamment sur la qualité des procédures de correction, évaluation, admission des enseignants et étudiants)? Quel est le climat dans les campus de l'Ucac à Yaoundé? Y a-t-il des problèmes de coexistence ethnique? Qu’en disent les autres princes de l'Église et les autorités académiques (éventuellement, car l’Ucac est internationale)?
Faute d’avoir répondu à toutes ces questions, les supputations/insinuations du prélat tribaliste charrient une forte dose de subjectivité. Elles rappellent le mémorandum sus-cité  et la réaction du Cercle Clovis que dirigeaient Simon Pierre Tchoungui (Président), Florent Eily Etoga (vice-président) et François-Xavier Elle Ntonga(Secrétaire) (lettre n°0075/).
Cette lettre n'est rien de moins qu’un appel à peine voilé à l’épuration ethnique à l’Ucac de Yaoundé. On comprend pourquoi Patrice Nganang compare ce prélat à Adolphe Hilter, de triste mémoire.
Jean-Bosco Talla


Afin que nul n'en ignore: Mémorandum des prêtres autochtones de Douala intitulé «un éclairage nouveau»
Mémorandum à l'attention de leurs Éminences :
- Le Cardinal, Préfet de la Sacrée Congrégation pour l'évangélisation des Peuples.
- Le Cardinal, Préfet de la Sacrée Congrégation des Évêques.

Objet: Un éclairage nouveau sur la situation qui prévaut actuellement dans l'Archidiocèse de Douala.

Éminences,
Très humblement et très religieusement, nous venons vous donner notre point de vue, qui voudrait être un éclairage nouveau, sur la situation qui prévaut actuellement dans l'Archidiocèse de Douala.
En effet, pour bien comprendre et situer avec exactitude la signification profonde d'un événement qui fait date, il importe de l'intégrer dans son contexte global.
À partir de multiples éclairages, il devient plus facile d'en dégager une vision plus objective et réaliste.
Depuis le 21 février 1987, nous vivons à Douala un événement sans précédent : la nomination à la fois de deux Évêques auxiliaires de notre Archidiocèse.
Que signifie cette nomination ? Qu'est-ce qui la motive ? Quelles en sont  les implications ? Quelles sont les réactions des Prêtres, des Religieux, des Religieuses et des fidèles de l'Archidiocèse de Douala face à cette situation ? Comment se présente l'avenir ? Autant de questions auxquelles ce mémorandum intitulé : "Un Éclairage nouveau", veut répondre.

I - Historique d'un évènement.
1.1 - Préhistoire : un rêve devenu réalité.
En 1970, à l'occasion de la Conférence épiscopale nationale annuelle, son Excellence Mgr Albert Ndongmo, Évêque de N'Nkongsamba, émet l'idée de la division de l'Église du Cameroun en quatre régions apostoliques.
Mgr Ndongmo s'exprimait alors en substance dans les termes suivants : "je rêve d'une grande région apostolique pour le Littoral, comprenant le Diocèse de Douala, N'kongsamba et Bafoussam. Il sera alors possible à n'importe quel Évêque suffragant, de devenir Archevêque métropolitain. Douala est peuplé à 40 % de Bamiléké, ce serait normal que l'Évêque de N'kongsamba par exemple, devienne Archevêque de Douala
En 1982, l'Église du Cameroun est divisée en quatre Provinces ecclésiastiques. Quatre Archevêques ont été nommés. Un Évêque auxiliaire, venant de Bafoussam, un Bamiléké, vient d'être nommé à Douala. Le rêve de Mgr Ndongmo est devenu réalité en 1987.

1. 2 - Une théorie a l'essai.
En 1975, Mgr Ndongmo sort de prison, il est recueilli à Rome. Les difficultés qu'il a rencontrées au Cameroun dans l'exercice de ses fonctions pastorales le poussent à réfléchir. C'est alors que naît l'idée de la "mutabilité des Évêques" d'un diocèse à un autre, sans qu'il soit nécessaire que ceux-ci soient originaires de leur Diocèse.
La théorie de Mgr Ndongmo qui fait suite à l'idée émise en 1970, de la création des régions apostoliques, avec à leur tête un Archevêque, pouvant provenir de n'importe lequel des Diocèses suffragants, sera la suivante : "il importe que les Évêques camerounais soient interchangeables. Qu'ils puissent devenir pasteurs de n'importe quel diocèse du Cameroun, en dehors de leur diocèse d'origine. Car à ce moment-là, il sera facile de solutionner les problèmes de personnes. De sorte que si un Évêque a des problèmes dans son propre diocèse, il soit possible de le transférer ailleurs. En effet, les problèmes que je peux rencontrer à N'kongsamba, parce que liées à ma personne, n'auront pas de raison d'être, si l'on met un autre à ma place"
En 1978, Mgr Ndongmo est nommé Consulteur à la propagande, qui accueille favorablement cette théorie que nous appelons la "théorie de Mgr Ndongmo" : celle de la mutabilité des Évêques du Cameroun. Il est alors demandé à l'ancien Évêque de N'kongsamba, de mettre en forme cette théorie, en montrant les implications sociopolitiques et pastorales qui en découlent.
Le travail est terminé en 1980. Il s'est agi alors d'en tester la crédibilité.
La première mise en application de cette théorie commence avec Mgr Tumi appelé à succéder à Mgr Charpenet, Évêque de Yagoua. Puis celle de Mgr Ntalou, appelé à succéder à Mgr Tumi devenu Archevêque de Garoua ; celle de Mgr Tchouanga, appelé à succéder à Mgr Van Heygen à Doumé,  Mgr Van Heygen devenant, quant à lui, Évêque de Bertoua.
Aujourd'hui, c'est Mgr Simo Gabriel qui est appelé probablement à succéder à Mgr Tonye, comme Archevêque de Douala.

II - Examen global de la théorie de la mutabilité dans sa mise en application.
II. 1 - Les données statistiques.
a) - Camerounisation de la hiérarchie.
Sur les seize diocèses du Cameroun, treize ont à leur tête des Évêques camerounais. L'Église est donc "camerounisée" à 81%
b)- Répartition des Évêques par Province ecclésiastique avec leur origine ethnique.
a) Province ecclésiastique de Yaoundé :
Tribu dominante : Beti : (Ewondo-Eton-Boulou).
- Mgr Jean Zoa, Archevêque de Yaoundé (Beti).
- Mgr Paul Etoga, Évêque de Mbalmayo (Beti).
- Mgr Adalbert Ndzana, Évêque coadjuteur de Mbalmayo (Beti)
- Mgr Athanase Balla,  Évêque de Bafia (Beti).
- Mgr Jean-Baptiste Ama, Évêque de Sangmélima (Beti)
- Mgr PierrE Tchouanga, Évêque de Doumé Abong-Bang (Bamiléké francophone).
- Mgr Van Heygen (Hollandais).
b) - Province ecclésiastique de Douala.
Archidiocèse de Douala : tribus dominantes : Bassa, Mpoo
Diocèse de Nkongsamba et Bafoussam : tribu dominante Bamileke.
- Mgr Simon Tonye, Archevêque de Douala (Bassa).
- Mgr Thomas Nkuissi, Évêque de N'kongsamba (Bamiléké)
- Mgr Andre Wouking, Évêque de Bafoussam (Bamiléké).
- Mgr Albert Ndongmo, ancien Évêque de N'kongsamba (Bamiléké).
- Mgr Gabriel Simo, Évêque auxiliaire nommé de Douala (Bamiléké).
- Mgr Simon Victor Tonye, Évêque auxiliaire nommé de Douala, (Bassa).
c) - Province ecclésiastique de Garoua.
Tribus dominantes : Foulbe-Kirdi-Toupouri. Évêques.
- Mgr Christian Tumi, Archevêque de Garoua (Banso, Bamiléké Anglophone)
- Mgr Antoine NTalou, Évêque de Yagoua (Bamiléké Francophone).
- Mgr Jacques De Bernon,  Évêque de Maroua (Français)
- Mgr Pasquier, Évêque de Ngaoundéré (Français).
d) - Province ecclésiastique de Bamenda (Zone anglophone).
Signalons que géographiquement et culturellement, il n'y aucune différence entre les Bamiléké francophones et les populations des diocèses de Bamenda, de Kumbo ainsi qu'une partie du diocèse de Buea.
- Mgr Paul Verzekov, Évêque de Bamenda (Banso Bamiléké anglophone).
- Mgr Pius Suh Awa, Evêque de Buea, (Bafut, Bamiléké anglophone).
- Mgr Cornelius Fonten Esua, Evêque de Kumbo, (Mboo, Bamiléké anglophone).

II- 2 La hiérarchie en chiffres sur les vingt (20) Évêques en fonction :
Sur les vingt Évêques de l'Église du Cameroun en fonction :
- 10 sont Bamiléké (anglophone et francophone)        50%
- 5 sont Béti    25 %
- 2 sont Bassa    10 %
- 2 sont Français    10 %
- 1 est Hollandais 5 %
Conclusions :
a) - Sur les quatre (4) Évêques camerounais ayant fait l'expérience de la mutabilité, de leur zone culturelle à une autre, tous sont Bamiléké 4/4 =100%:
Mgr Tumi (Garoua)
Mgr A. Ntalou (Yagoua)
Mgr P. Tchouanga (Doumé)
Mgr G. Simo (Douala).
b) - On constate que les Évêques Bamiléké sont et de loin majoritaires,
a) Par le nombre des Évêques : 50% (10/20).
b) Par le nombre des diocèses administrés 50 % (8/16).
Si on ne considère que les Évêques camerounais et les Diocèses administrés, nous aurons les proportions suivantes :
- Évêques camerounais : 10/17    58,8%
- Diocèses administrés : 8/13    61,5 %
Nous assistons par conséquent à une savante "Bamilékisation" de la hiérarchie de l'Église du Cameroun.

II -2 La Bamilékisation de la hiérarchie de l'Église du Cameroun : Examen des raisons avancées.
L'ethnie Bamiléké est une Ethnie dynamique et travailleuse. Habitués à la vie dure, les Bamiléké sont plus à l'abri de la concupiscence. Ethnie très religieuse, ils sont plus à même de comprendre l'Évangile et d'en vivre. Peuple aux traditions ancestrales très solides, l'obéissance à l'autorité est pour eux quelque chose de sacré. Habitués à obéir, ils savent mieux que quiconque, commander.
Voilà en substance, les arguments qu'on nous avance dans les milieux de décision ecclésiastique, tant chez les missionnaires européens, qu'à la Nonciature de Yaoundé.
Qu'en est-il en fait de la vérité de ces arguments ?
1°) Ethnie travailleuse et dynamique : l'homme Bamiléké est travailleur, dynamique.

C'est vrai, mais il ne faut pas oublier les gros avantages dont il bénéficie de la nature :
- un sol supérieurement fertile où tout pousse pratiquement sans effort.
- un climat de montagne, très sain et tempéré qui permet de travailler sans trop de fatigue et sans ruiner la santé,
- région de savane relativement facile à labourer.
2°) Ethnie habituée à la vie dure, qui la met à l'abri de la concupiscence ?
Une question : quel est le but de la polygamie qui est de règle chez ce peuple, au point que les membres de leur clergé sont obligés de se prononcer en sa faveur :
Cf. thèse de l'Abbé Justin Fotso : Polygamie et Religion chrétienne chez les Bamiléké de l'Ouest-Cameroun. Strasbourg 1978- Fichier central de thèse (Paris), n° 7606092.
Ces nombreuses femmes dans les harems, comment s'en occuper, si on n'a pas une forte dose de concupiscence ? Ces nombreux enfants, comment sont-ils produits ? Pourquoi des Prêtres Bamiléké défendent-ils la polygamie ? Pourquoi favoriser ou défavoriser la concupiscence ? Que l'on ne nous raconte pas des histoires ! L'enfant est fils de son peuple, avec ses qualités et ses défauts. Nous sommes tous des prêtres ; nous nous connaissons à partir du séminaire. Une forme d'hypocrisie peut cacher la nature sans la supprimer.
3°) Ethnie très religieuse, prête à accueillir l'Évangile et à en vivre.
Oui, l'homme Bamiléké est religieux. Mais, les musulmans sont religieux ; les païens aussi.
Il y a une différence entre être chrétien et être religieux. L'homme Bamiléké est religieux ; il est d'une religiosité ancestrale, c'est-à-dire "un adorateur" des crânes des ancêtres ; il n'est pas forcement chrétien. Il est tellement ancré dans ses croyances ancestrales, qu'il lui est difficile d'être totalement converti au Christ, même lorsqu'il est chrétien.
 Accueillir l'Évangile, c'est avoir pour tout homme un peu d'estime et de charité. Or, la devise de l'homme Bamiléké est la suivante : le Bamiléké, ensuite le Bamiléké, enfin le Bamiléké et les autres s'il reste
La preuve : faites un tour dans l'Ouest. Vous ne trouverez presque pas d'espace cédé à un étranger ; ce qui est infiniment loin d'être le cas dans les autres parties du pays. Si un étranger non Bamiléké ouvre un commerce de Mbanga à Dschang, de Nkongsamba à Bafoussam, il finira par consommer lui-même sa marchandise ... !
Cette sorte d'égoïsme et ce genre de tribalisme sont si puissants qu'ils constituent les deux plus grands dangers pour l'avenir de la nation camerounaise. Avec de tels principes de base, on peut être "religieux", jamais chrétien.
Comment se fait-il que ce n'est que le Pro-Nonce actuel qui leur découvre subitement une sainteté si éclatante que ses prédécesseurs n'avaient jamais perçue ? Cinq Évêques en six ans, de la même région (Ouest), c'est la preuve que le Pro-Nonce actuel leur est manifestement favorable, pour ne pas dire qu'il s'est scandaleusement compromis ...

4°) Une Ethnie habituée à obéir, donc bonne pour commander.
Il faut éviter des simplifications de ce genre, quand il s'agit de graves problèmes. Le Président de la République a dit dans son interview télévisé du 19/02/1987, que la "tribu est une mini-nation".
Partons de là. Les Allemands en Europe sont un peuple à qui tout le monde reconnaît de solides; qualités de discipline, de rigueur et de travail. À t-on jamais soigné le farniente italien, en proposant aux italiens soit des Évêques, soit des hommes politiques allemands comme chefs religieux ou politiques ?
On ne commande à la nature qu'en lui obéissant. Ce principe est vrai au niveau social, si la nature est considérée comme milieu de vie. Alors, l'obéissance devient connaissance et le commandement une adaptation. Toute transposition de ce principe en dehors de la relation de l'homme avec son milieu devient un sophisme dangereux et une cynique simplification.
Vouloir imposer un allemand comme empereur du Japon, c'est chercher à détruire la nature.
En fait d'obéissance du clergé Bamiléké, référons-nous, entre autres, au document rédigé par eux, critiquant et mettant en cause les autorités romaines et même le Saint-Père, après son passage au Cameroun en 1985 : unique !
Si tous les arguments avancés peuvent si facilement être détruits, pourquoi chercher tout de même à imposer les Évêques Bamiléké à l'Église du Cameroun ?

II 3. Les raisons profondes.
1. Raison d'ordre économique.
Partant des intérêts d'ordre économique, il est opportun pour un homme d'affaires européen, de s'entendre avec les puissances financières Bamiléké. Le mariage européen Bamiléké est un mariage non d'amour, mais d'intérêt, pour mieux exploiter, donc dominer les faibles et les pauvres du Cameroun, il faut faire une alliance avec la puissance d'argent que sont les Bamiléké.
2. Raison d'ordre politique.
Pour une plus grande maîtrise de la puissance financière, il faut maîtriser le pouvoir politique. L'alliance des puissances d'argent avec l'homme Bamiléké est donc orientée, pensons-nous, vers la conquête du pouvoir politique au Cameroun, et par conséquent des points stratégiques du territoire national.
La mainmise sur le siège archiépiscopal du processus de Bamilékisation de la hiérarchie tend naturellement vers la prise du pouvoir politique. Le Nord est pratiquement conquis, l'Est aussi ; l'ouest déjà. Il ne resterait que le Littoral, c'est à dire, Douala, et la boucle est bouclée.
L'argument à faire valoir est désormais le suivant : si les Bamiléké sont bons dans la gestion du domaine spirituel, pourquoi ne seraient-ils pas bons dans la gestion du domaine temporel ? Il ne faudrait pas que l'Église soit en retard !
 En effet, voici ce qu'une personnalité ecclésiastique a dit dans conversation : "des pères de la Congrégation du Saint-Esprit m'ont dit clairement que les Bamiléké, un peuple industrieux, entreprenant et nombreux, auront ce pays tôt ou tard. Ils ont déjà le pouvoir économique ils vont bientôt avoir le pouvoir politique ; il ne faut pas que l'Église soit en retard"
La Nonciature de Yaoundé est donc en train de donner une caution morale d'une importance incalculable à un dessein politique d'un peuple qui pourrait faire le drame du Cameroun de demain.
Le Pro-Nonce, en découvrant à l'ethnie Bamiléké les vertus de la race aryenne, n'est-il pas en train de ressusciter une histoire ? Le Pro-Nonce est diplomate, est-il encore pasteur ? Un diplomate peut préparer une guerre ; un pasteur doit éteindre les incendies.
3. Raison d'ordre humain
Tout commence en 1970, avec la nomination de Mgr Tonye, Évêque coadjuteur de Mgr Mongo. Sur la demande du clergé en retraite à Bonépoupa en 1970, Mgr Mongo entreprend de construire à Douala un séminaire de second cycle, qui est le séminaire ST-Paul de Nylon.
Pour avoir de l'argent, les deux Évêques lancent une quête de 1000 F.Cfa par chrétien et par an. Le projet ne plaît ni aux Pères spiritains, ni aux Pères-Jésuites, ni aux Pères-Dominicains.
Leur argument : En Europe, on ferme les séminaires. Pourquoi jeter de l'argent par la fenêtre, pour réaliser une œuvre qui ne peut survivre.
Est-on mécontent de l'éclosion des vocations chez nous ?
En tout cas, les Évêques sont accusés à Rome et Mgr Mongo devra frapper du poing sur la table, pour obliger le procureur à sortir de l'argent pour commencer les constructions.
En 1972, les Évêques répondent à Rome qui leur donne raison. Le conflit est ouvert entre Mgr Tonye et les missionnaires étrangers, c'est lui, Mgr Tonye qui est le plus passionné pour la réalisation de cette oeuvre. Voyant que les missionnaires, par leur opposition à la construction du séminaire, sont décidés à boycotter la relève du clergé indigène, Mgr Tonye se voit obligé de prendre les distances.
L'histoire malheureusement, va donner raison à l'Archevêque de Douala. Dix-sept années après l'ouverture du séminaire St-Paul de Nylon, non seulement l'œuvre n'est pas morte, mais encore, le clergé de Douala s'est agrandi de plus de trente nouveaux prêtres, grâce au séminaire St-Paul de Nylon, sans oublier les cinquante (50) grands séminaristes en formation.
Maintenant que la relève sacerdotale est assurée dans l'Archidiocèse de Douala, les prêtres missionnaires prennent peur ...
Depuis 1981, l'Archevêque de Douala demande un coadjuteur, on veut profiter de sa mésentente avec les Pères missionnaires, pour lui imposer un coadjuteur qui arrange la situation dans le sens qu'on veut. Et l'issue du conflit ? Ou bien Mgr Tonye nous fait partir, ou bien nous le faisons partir.
Pour l'Archevêque de Douala, le problème ne réside pas dans l'opposition aux missionnaires européens. L'Archidiocèse de Douala est le plus ouvert à toutes les ethnies et aux prêtres venant de tous les horizons. Dans la ville de Douala, on célèbre soixante (60) messes par dimanche : en Bamiléké-Béti-Banen-Bassa-Mpoo-Douala-Lemande-Batanga-Français- Anglais, etc...
Chaque année, l'Archevêque de Douala en dialogue avec les congrégations missionnaires, installées dans le diocèse cherche à accroître le nombre des missionnaires. Il lui est même arrivé de faire appel au Pro- Nonce, pour l'aider à trouver des missionnaires dans d'autres pays européens.
Tout récemment, il a écrit en Pologne et même au Saint-Père pour demander des missionnaires polonais. Cette correspondance a été accueillie avec bienveillance. L'essentiel pour l'Archevêque de Douala, c'est que les missionnaires acceptent de s'intégrer dans son action pastorale, avec esprit et foi.

III- Pour une reconsidération pastorale objective de la situation.
III.1 - Procédure de nomination de deux Évêques auxiliaires à Douala.
Selon la procédure canonique normale, Mgr l'Archevêque de Douala doit avoir présenté à Rome une liste de 3 candidats pour solliciter la nomination d'un Évêque coadjuteur.
Mais, au lieu d'un coadjuteur, ce sont plutôt deux Évêques auxiliaires qui ont été nommés à Douala. D'après le droit canonique (Cf. Canon 377 & 4) il est dit ce qui suit : pour les Évêques auxiliaires, c'est à chaque Évêque diocésain qui en réclame un, de proposer lui-même à Rome, par l'intermédiaire du représentant pontifical, une liste de trois (3) noms".
Or, dans le présent cas de nominations, la liste que doit avoir présenté l'Archevêque de Douala, non seulement ne prévoyait pas la nomination d'un auxiliaire, mais encore n'envisageait aucun candidat venant d'un diocèse autre que celui de Douala.
Il y a lieu de se demander s'il n'y a pas un vice de procédure dans les présentes nominations.

III. 2 - Que vise la nomination d'un Évêque auxiliaire, étranger à Douala?
On aime à rappeler que Douala est peuplé à 40% de Bamiléké. Il faut donc à Douala, un Évêque Bamiléké pour évangéliser ses frères.
Que disent les statistiques ? Tout l'ouest, qui couvre cinq (5) diocèses (Bamenda - Buéa - Kumbo - Bafoussam - Nkongsamba) compte au total :
- 122 prêtres (soit 24 prêtres par diocèse en moyenne)
- 692 190 chrétiens(soit 138 436 par diocèse en moyenne)
- 2 484 557 Païens (soit 524 599 par diocèse en moyenne).
Comme le montrent les statistiques, le clergé des diocèses de l'Ouest en nombre réduit (24 prêtres par diocèse) et face à une tâche d'évangélisation immense n'arrive apparemment pas à s'en sortir. En quoi se révèle sa compétence pastorale pour que l'on sollicite son concours ailleurs ?
Si le milieu naturel dans lequel il travaille lui semble si difficilement perméable à l'Évangile, que fera-t-il de plus en milieux qu'il connaît si mal ?
D'autre part, si l'apôtre ne peut annoncer efficacement l'Évangile qu'à ses frères de sang, à quoi sert le missionnaire ?
Le problème n'est ni pastoral ni missionnaire, c'est un problème économique, politique et humain, comme on l'a déjà fait observer.
Et puisque c'est un problème humain qui n'a rien à faire avec les motivations de foi, on peut s'attendre à des réactions humaines qui n'ont rien à voir avec la foi.

III 3 -Et le nouvel Évêque Bamiléké qu'on nous envoie ?
Mgr Simo est un inconnu dans le diocèse. Il ne connaît ni le clergé, ni les religieux, ni les religieuses, ni le peuple chrétien. Il ne connaît ni les coutumes, ni les mentalités, ni les langues parlées dans le diocèse, en dehors du Français utilisé uniquement dans certaines paroisses de la ville de Douala.
Il y a quatre (4) paroisses en majorité Bamiléké : Bépanda, Makèpè, New-Bell Bamiléké et Oyack, sur les 16, que compte la ville de Douala et sur les cinquante (50) que compte le diocèse.
Ces Bamiléké sont divisés en trois grands groupes linguistiques ;
le Féfé, le Nufi et le Bagangté ; et un prêtre Bamiléké ne peut utiliser ces trois langues pour s'adresser à tous, sans créer des susceptibilités et des tensions au sein de la population Bamiléké. Et dans les autres villes du Camerounoù il y a des minorités non Bamiléké, faudra-t-il nommer des Évêques de leurs ethnies pour les évangéliser ?
La situation étant telle, est-il nécessaire d'avoir à Douala tout un incapable de s'adresser à ses propres frères dans leur langue et plus
incapable encore de s'adresser aux autres ethnies dont il ne connaît ni les langues, ni les mentalités, ni les coutumes ?
Chaque homme est fils de son milieu et en partage les défauts et les qualités. Le nouveau collaborateur de Mgr Tonye est un prêtre issu de l'A.I.P.I.: (association des prêtres indigènes des diocèses de Nkongsamba et Bafoussam). Et nous connaissons tous la mentalité et la philosophie que véhicule cette association sacerdotale.
Cette mentalité et cette philosophie transparaissent dans un certain nombre de documents récents :
1°) - Le Pape au Cameroun (du 10 au 14 août 85) Et après ? ...(Collection AIPI n°2 décembre 85).
2°) - Lettre aux Évêques de la Province ecclésiastique de Douala du 27 octobre 1985, par l'Association du clergé indigène de Bafoussam.
Par ailleurs, le nouveau collaborateur de Mgr Tonye n'a pas hésité à l'agresser verbalement lors de la Conférence épiscopale régionale de 1985 et 1986 allant même jusqu'à accuser publiquement l'Archevêque de Douala d'avoir cherché à voler de l'argent à Rome, en présentant aux OPM, deux dossiers sur le même projet : la construction du Grand Séminaire Régional. Ce qui était naturellement faux.
Pas besoin de parler des attaques contre le presbyterium de Douala, attestées par la "lettre aux Évêques de la Province", dont Mgr SIMO est cosignataire.
Compte tenu des faits ci-dessus énumérés, le nouvel Évêque est-il encore moralement apte à collaborer avec l'Archevêque et le presbyterium et surtout travailler sereinement, pour le peuple de Dieu, dont il publiquement méprisé le pasteur ? Cf. Canon 407 $ 3. "L'Évêque coadjuteur et l'Évêque auxiliaire, parce qu'ils ont été appelés à partager la charge de l'Évêque diocésain, exercent leurs fonctions de façon à travailler en union de cœur et d'esprit avec lui".

III 4 - L'Église de l'Archidiocèse de Douala : une Église missionnaire.
Très tôt, le Diocèse de Douala a compris son rôle d'apôtre en devenant le diocèse le plus ouvert du Cameroun. Toutes les ethnies dans notre diocèse se sentent chez elles et peuvent prier et louer Dieu chacune en sa langue. Ceci se vérifie, non seulement à Douala, mais encore à Edéa- Eséka-Kribi, toutes les villes où l'on peut trouver des étrangers. Que l'on nous cite l'exemple d'un autre diocèse du Cameroun où l'étranger est si respecté.
Le Diocèse de Douala est aussi le premier à avoir compris, bien avant l'appel de Kampala de Sa Sainteté le Pape Paul VI en 1965, le rôle missionnaire des Églises africaines.
En effet, en 1959, un de ses premiers prêtres ordonné le 8/12/1935, Mr l'Abbé Simon Mpeke dit "Baba Simon", fut envoyé par Mgr Mongo au nord Cameroun comme apôtre des Kirdis. Il créa la paroisse de TOKOMBERE que les prêtres et religieuses de Douala continuent de desservir jusqu'à ce jour.
Douala, diocèse d'accueil et diocèse missionnaire le prouve aussi en acceptant sans distinction de langues ni d'ethnies, les séminaristes venus d'autres diocèses qui veulent s'incardiner en son sein.
C'est précisément en vertu de ces vertus qui nous caractérisent que le nouvel Évêque qui ne nous connaît pas et que nous ne connaissons pas n'aura pas de peine à se faire accepter. Mais, pourquoi si peu d'égard à notre clergé ?

III-5 - Douala : Église primatiale du Cameroun.
Berceau de l'Évangélisation, Douala est fière d'être l'Église primatiale du Cameroun. Parmi les huit (8) premiers prêtres camerounais ordonnés le 8 décembre 1935, quatre (4) étaient des nôtres. Et depuis cette date , notre clergé n'a cessé de grandir.

Diocèse

Prêtres autochtones

Religieuses

Chrétiens catholiques

Païens

Douala

86

122

755000

590000

Yaoundé

74

115

698917

60000

Tous les cinq diocèses de l'Ouest confondus (Bamenda, Buéa, Kumbo, Bafoussam, Nkongsamba)

122 soit 24 en moyenne par diocèse

136 soit 27 en moyenne par diocèse

692190 soit 138438 en moyenne par diocèse

2480000 soit 496000 en moyenne par diocèse

"Prima sedes a nemine judicator". Cet adage romain souligne le devoir de respect au premier siège qui est le siège apostolique. Mais, il souligne aussi à l'intérieur d'un pays le devoir de respect à l'Église primatiale.
En tout cas, le peuple chrétien a ressenti comme une gifle, la nomination d'un auxiliaire à Douala étranger à son clergé. Pourtant, ce clergé est en nombre suffisant, quantitativement, pour assumer la responsabilité de pasteur de son peuple.
Que lui reproche-t-on ? De se replier sur lui-même ; qu'on se rappelle le cas de Mgr J. Duval, nommé Évêque auxiliaire à Rennes en 1974, contrairement aux traditions de l'Église bretonne !... qu'on se rappelle les traditions des Églises corse et alsacienne, etc...
En outre, on nous a habitués à des nominations d'Évêques diocésains issus de leur diocèse, quelle pédagogie a-t-on adopté pour amener le peuple chrétien au changement de cette tradition ?

En conclusion
Ce document veut être une franche explication, pour éclairer les autorités compétentes sur la situation qui prévaut à Douala et dont les conséquences sont imprévisibles et incalculables.
Nous sommes de l'Église et nous resterons dans l'Église. Point n'est besoin de s'opposer aux décisions du Saint-Père ni de nous substituer à son action pastorale. Cependant, nous avons jugé utile de donner ces éclaircissements pour aider les autorités romaines locales à saisir de mieux en mieux les réalités de notre Église locale.
Depuis les temps coloniaux, l'administration a toujours tenu compte des groupes ethniques et a porté son action sur ces groupes déjà constitués, parce que formant un tout.
L'Église de son côté a appliqué la même politique sur le plan de l'Évangélisation. Avec les bouleversements que nous connaissons depuis six ans (6), l'on semble vouloir, sans préparation, méconnaître cette ancienne et vénérable tradition qui a fait ses preuves.
Éminences,
Nous tenons à préciser que n'importe quel observateur impartial de votre choix, peut éventuellement contrôler sur place, la vérité de nos affirmations.
Nous réaffirmons que remettre le pouvoir économique, politique et religieux entre les mains d'une ethnie, risque de conduire le Cameroun vers un régime totalitaire.
Quel sera le rôle de l'Église dans un régime totalitaire de ce genre ?
Veuillez croire, Éminences, à l'expression de nos sentiments de respect et de fidélité à notre Sainte mère l'Église.
Fait à Douala. le 16 mars 1987.
Suivent les listes des signataires des prêtres autochtones de l'Archidiocèse de Douala.
P.J. Ann. :
- Liste des signataires
- Lettre au Saint-Père du groupe diocésain de Jesu Caritas.
- Le Pape au Cameroun (du 10 au 14 août 85) et après (collection A.I.P.I n° 2 décembre 85).
- Lettre aux Évêques de la Province ecclésiastique de Douala du 2 octobre 1985, par l'Association du clergé indigène de Bafoussam.
N.B. : Nous vous faisons remarquer qu'il y a :
1°) 4 Prêtres religieux de l'Archidiocèse de Douala (2 jésuites et 2 spiritains)
2°) 86 Prêtres séculiers de l'Archidiocèse de Douala. 3°) 11/86 sont aux études à l'Étranger 4°) /86 ont pu être atteints pour signature.
Ampliations :
- À Sa Sainteté le pape Jean-Paul II
- Son Éminence le Cardinal Casaroli, Secrétaire d'État.
- Son Éminence le cardinal Préfet de la Sacrée Congrégation pour le clergé.
- Le Pro-Nonce Apostolique du Cameroun.


Le paradis de Monseigneur Tonye Bakot

Le paradis est espace de félicité si exemplaire, que seul l’effort de toute une vie de vertu peut nous y mener. Du moins c’est ce que les textes sacrés nous enseignent. Les maisons de la foi quant à elles nous disent qu’il y a quelques personnes seulement qui, de part leur propre choix ou alors par une certaine élection, peuvent nous en donner les contours. Les évêques sont de ces personnes-là : leaders d’opinion quand ils siègent dans une cathédrale, et encore plus écoutés quand il s’agit de la cathédrale de la capitale. Voilà pourquoi pour nous les mots de Monseigneur Tonye Bakot sont importants : ils ouvrent autant aux cieux de l’après vie, qu’ils définissent ce que notre civilité commune doit être. D’Ongola, sa prédication, mais aussi sa vision donnent donc autant les contours du paradis que nous ne verrons qu’après notre mort, que le visage de la république du Cameroun de demain. C’est sous ce double aspect que ses mots à son supérieur à propos d’étudiants de l’université catholique sont importants, et pas seulement parce que l’homme est un prêtre de la haine.

   Nous savions déjà que dans son paradis, il n’y a pas de musulmans. Dire qu’il y en a qui applaudiraient à cette perspective ! Les deux mille années d’histoire de son église nous ont démontré qu’elle enchante bien de gens, et ce n’est pas le fait que le Cameroun soit un pays dont la moitié de la population est de foi islamique qui tempérerait leurs ardeurs inquisitrice chez nous. La seule chose qui les tempérerait c’est la loi, parce que la république du Cameroun est laïque car multireligieuse. En fait il n’a pas le choix, Monseigneur Bakot, tous les jours, il doit souffrir d’entendre les prières s’élever des mosquées de la Briqueterie et de Tsinga et d’ailleurs, parce que ce sont des Camerounais qui y prient. Cela l’Etat lui impose. Il doit donc de ce fait souffrir également que dans les classes de l’université catholique, il y ait des musulmans. C’est une simple leçon de tolérance républicaine qu’a dû s’imposer l’Etat en chassant à l’extérieur de sa moralité l’exclusion basée sur la foi. Cette leçon est encore plus essentielle aujourd’hui où dans le cœur de notre pays se cultive les germes de futures guerres inter-religieuses, avec la multiplication d’églises éveillées mais profondément intolérantes, et alors que des ministres de la république, dont Robert Nkili, Mbarga Mboa, allègrement trimbalent les institutions de l’Etat ou alors le personnel que l’Etat à mis sous leur responsabilité dans leurs cultes privés. Ah, quand les chrétiens imposent leur foi à l’Etat !
Dans le paradis de Monseigneur Tonye Bakot il n’y a pas d’homosexuels, cela il nous l’avait révélé en 2005. Et ils sont nombreux ceux que cela avait réjoui ! Car le prélat avait cette année-là, ouvert par une homélie des plus divisives, une chasse hystérique qui ne s’est pas encore arrêtée dans notre pays contre tout ce qui est homo-érotique sinon homosexuel. Et dans la suite de ses mots vils de jadis, des journaux s’en sont livré avec joie à la traque aux pédés de la république, établissant des listes d’homosexuels comme ailleurs on monterait des autodafés, livrant à la vindicte populaire des gens, tandis que des préfets et autres administrateurs se jetaient sur des conférenciers pour leur interdire la parole au motif qu’ils veulent parler d’homosexualité et de sida, quand bien même l’un est bien lié à l’autre comme de nombreuses études montrent. Suivant ses lèvres enflammées, la loi camerounaise qui selon la tradition bien française qui a servi à son écriture s’était toujours tue sur ces affaires privées, se met soudain à fouiller dans la chambre des adultes consentants, à regarder comment ils se couchent dans le lit. La Bible, ce texte que Monseigneur Tonya Bakot a reçu comme chacun de nous de l’Occident, devient ainsi soudain le fondement de traditions africaines que son église à pourtant éradiquées, tandis qu’habillé de sa longue robe qui lui vient de Rome, il dicte à nos familles pourtant si complexes comment presser au mariage sinon exclure ceux parmi nos frères ou sœurs qui sont adultes et comme lui d’ailleurs ne se sont pas encore mariés.
Il y a quelques jours nous avons tous découvert ébahis que dans le paradis de Monseigneur Bakot, les Bamiléké n’ont pas le droit d’être trop nombreux. Qui a encore dansé de joie ? C’est que dans une lettre honteuse, le prélat n’a pas seulement donné des chiffres à son infamie, il a aussi tiré des conclusion demandant au bas-mot à la sélection. A vrai dire ses mots sont trop sidérants, trop méchants pour être cités ici. Car ce dont il s’agissait au fond, et que sa plume venimeuse a recommandé, c’est tout simplement l’épuration ethnique : la diminution progressivement dosée du nombre admissible de bamilékés de ce groupe social qu’est l’université catholique, sur la base du critère simple qu’ils sont bamilékés. Il est des pays occidentaux, car c’est de ces pays-là qu’il a également tiré ce principe de la sélection, où quatre cent ans d’esclavage aura obligé l’Etat à inscrire dans son socle l’équité qui lui permettrait de réparer des tords en ajustant l’équilibre social : il en est ainsi aux Etats-Unis où l’affirmative action permet de fonder la justice sociale en réajustant les disparités historiques, sans jeter le mérite à la fenêtre ; il en est ainsi de l’Europe d’ailleurs, où la disparité liée au sexe est réajustée elle aussi par des mesures politiques. Monseigneur Bakot veut plutôt, lui, faire l’inverse : imposer à cette république du Cameroun diverse, à cette génération qui est née et a grandi dans le métissage interethnique, sa vision du paradis que les bamiléké ont expérimenté lors d’un génocide de 1956 à 1971. Il était sans doute des années où de la cathédrale de Yaoundé la moralité se transformait en sagesse pour prêcher la civilité à un peuple encore trop divisé contre lui-même et que seul une constitution bancale retenait encore ensemble, pour prêcher l’ouverture dans cette ville-carrefour si prise d’assaut par des élans tribaux, pour prêcher la pratique de la tolérance, Ongola étant le centre d’une ville fondamentalement cosmopolite. Ces années-là sont passées, et même une excuse publique du Monseigneur de la haine n’y fera plus rien. Le Cameroun de demain se fera sans lui. La raison est simple, et nous aurions dû la savoir déjà en 2005, sinon avant : il a trop mauvais cœur pour nous enseigner à vivre au Cameroun en harmonie avec notre prochain. Son paradis c’est un pays de l’intolérance.

Patrice Nganang