A la prison de Douala : la promiscuité fait le lit des maladies

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Parqués entre quatre murs trop étroits, les prisonniers de New Bell accumulent les maladies. Comme dans toutes les prisons du Cameroun, promiscuité et soins insuffisants font le lit des contagions.
Les détenus malades ne cessent d’affluer à l’infirmerie de la prison centrale de Douala. Les moins chanceux, qui ne trouvent pas de lits, reçoivent leurs perfusions, couchés à même le sol, ou assis. Ils souffrent presque tous des mêmes maux : paludisme, maladies de la peau, tuberculose, fièvre typhoïde, dont les taux de prévalence sont nettement plus élevés, ici, que sur le territoire national. Le docteur Patrick Ngadeu, médecin chef de la prison, affirme consulter en moyenne 50 personnes par jour souffrant du paludisme.
"A  New Bell, le taux de prévalence des maladies non transmissibles (maladies de la peau) est de 7%, celui du Vih Sida de 5%, celui de la tuberculose de 7%. Nous avons aussi enregistré 5 cas de choléra au cours de la récente épidémie liée à cette maladie ", énumère, pour sa part, le docteur Amougou Ello, le médecin chef de l’infirmerie de cette prison.
Des données à comparer avec les chiffres de l’Institut national de la statistique (Ins), publiés par le ministre de la Santé le lundi 19 mars 2012, et qui sont, pour la plupart, en baisse dans la population camerounaise. Ainsi le taux de prévalence du Vih Sida est passé de 5,5% en 2004 à 4,3% en 2011 ; celui de la tuberculose est tombé à 5,3% ; les maladies de la peau (dartre, gale, teigne) sont en voie de disparition sur l’ensemble du territoire national.

Manque de médicaments
Principale explication de la recrudescence de ces maladies chez les prisonniers : la surpopulation carcérale. Construite pour 700 détenus, la prison de New Bell en accueille aujourd'hui près de 3 500.
 " De nombreux prisonniers dorment à la belle étoile, à la merci des moustiques et des intempéries. Ils sont donc victimes du paludisme, des maladies de la peau, et de la fièvre typhoïde. Les mesures d’hygiène ne sont pas toujours respectées ici. Certains détenus restent des jours sans se laver. Enfin, la plupart se nourrissent très mal", explique Bruno, un détenu.
Pour le Dr Germain Amougou Ello, les moyens financiers alloués à la prise en charge des malades demeurent insuffisants. Les efforts faits par les deux médecins, l’infirmier diplômé d’Etat, les 10 infirmiers et 3 laborantins en service dans cette prison sont ainsi anéantis. " A titre préventif, les pairs éducateurs sensibilisent les détenus à l’éducation concernant la santé, afin qu’ils évitent les maladies. Pour soigner les malades, la prison ne bénéficie que d’un budget annuel en médicaments de 8 millions Fcfa auquel viennent s’ajouter les multiples dons ", explique le médecin chef. Mais cela ne permet pas de lutter efficacement contre les maladies récurrentes dans ce lieu de détention.

L’Etat absent
La prison approvisionne les malades en médicaments, pommades et savons dermatologiques. Toutefois, pour les cas graves nécessitant des examens complémentaires hors de la prison ou des évacuations dans des hôpitaux externes à la prison, traitements et médicaments sont à la charge du détenu et de sa famille. Ce qui fait dire à Me René Manfo que l’Etat a démissionné de son rôle. "Il revient à l’Etat de s’occuper des détenus malades, comme il lui revient de prendre en charge leur nutrition. Tous les détenus malades doivent normalement être soignés aux frais de l’Etat. Mais on constate que ce n’est pas toujours le cas. Les détenus qui vivent dans un univers surpeuplé et insalubre sont abandonnés à eux-mêmes ", déplore le défenseur des droits de l’Homme.
Une insalubrité qui, selon lui, contribue à accroître la récurrence de certaines maladies dans la prison de New Bell. D’où l’appel du Dr Germain Amougou Ello qui plaide depuis quelques années pour une augmentation du budget de prise en charge médicale des détenus. En attendant, le médecin compte sur l'appui des Organisations non gouvernementales et des multiples organismes internationaux qui se manifestent régulièrement, limitant ainsi les dégâts. Des détenus passent néanmoins parfois de vie à trépas faute d'une prise en charge correcte. Moins cependant qu'il y a cinq ans, quand il en mourait chaque semaine.
Blaise Djouokep (Jade)
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