Marafa Hamidou et Inoni Ephraïm arrêtés et écroués à Kondengui

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La rumeur a couru tout le week-end du 14-15 avril 2012. Selon celle-ci, Marafa Hamidou Yaya, ex-ministre d’État chargé de l’Administration territoriale et de la Décentralisation et Inoni Ephraïm, ex-premier ministre, devaient se présenter devant le procureur de la république au cours de la semaine qui commence. Effectivement, le lundi 16 avril 2012, les susnommés se sont présenté devant le juge d’instruction du tribunal de grande instance du Mfoundi à Yaoundé, Pascal Magnanguemabé qui a délivré à chacun d’eux un mandat dépôt, les plaçant en détention préventive à la prison centrale de Yaoundé Kondengui.

Cette autre incarcération de deux dignitaires du régime s’effectue dans le cadre de l’ « Opération Épervier ». Elle est surtout liée à l’ « affaire Albatros », une affaire de l’achat en 2001 d’un avion présidentiel foireux ayant déjà conduit dans les geôles infectes de Kondengui, l’ex-Secrétaire général de la présidence de la République, Jean-Marie Atangana Mebara ; l’homme d’affaires Yves-Michel Fotso, ex-administrateur directeur général de la défunte Cameroon Airlines (Camair) et Otélé Essomba, directeur général adjoint de la société Aircraft Portfolio Management.

Avant leur interpellation et leur incarcération survenues ce 16 avril 2012, les deux hauts commis de l’État n’avaient jamais été sérieusement inquiétés. Hormis Marafa Hamidou Yaya dont on se souvient que depuis février 2010, le même juge d’instruction avait indiqué que Yves Michel Fotso et lui étaient impliqués dans l’«affaire Albatros»et avait ordonné le retrait de son passeport, retrait qui n’avait pas été effectif à cause, selon certaines sources, de l’intervention de président de la République Paul Biya.

Aussi le 31 janvier 2012, Otelé Essomba avait-il sonné la charge à l’ex-Minadt en l’accusant publiquement d’avoir détourné la somme de 27 millions de dollars, soit près de 13 milliards de francs Cfa avec la complicité de Yves Michel Fotso.

Marafa Hamidou Yaya, de son côté, 5e secrétaire de la présidence de la République de l'ère Biya qui se retrouve en prison, ne semble pas avoir été très surpris par son arrestation et de la tournure des événements. Lui qui affirmait dans un câble de Wikileads qu’il pouvait se retrouver en prison, à tout moment. Ça y est ! Il y est !

Serge Alain Ka’abessine


Manœuvre de diversion

Avec les arrestations de Marafa Hamidou et de Inoni Ephraïm, le pouvoir détourne l’attention de l’opinion du débat sur le code électoral.

Vraisemblablement, les arrestations opérées ce lundi 16 avril 2012, 3 jours seulement après l'adoption de la loi portant code électoral très contesté, sont une stratégie du pouvoir visant à détourner l'attention de l'opinion du débat-critique sur ladite loi adoptée au forceps. Comme en 2008, les arrestations de Olanguena et de Abah Abah visaient aussi à détourner l'attention de l'opinion publique du débat sur la modification de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.

Heureusement, elles viennent renforcer l'idée selon laquelle la corruption qui gangrène le tissu social et plombe notre économie est d'abord le fait d'une "élite" gloutonne, d'un système qui vit et se nourrit de la corruption. La preuve nous est administrée avec la présence de tout un gouvernement en prison. Nous sommes peut-être au pays des merveilles comme Alice. Chaque jour qui passe, Paul Biya administre la preuve qu'il est un très mauvais laboureur, qui, au moment des semailles, ne choisit que des mauvaises graines pour semer. On attend de savoir ce qu'il dira à ses enfants et à quels enfants il s'adressera, au moment où il sent sa mort prochaine.

Visiblement, le Cameroun est atteint du complexe du poisson (qui commence à pourrir par la tête). Et comme les Camerounais disent: "l'exemple vient d'en haut".

En adoptant cette formule, ils admettent implicitement que « tout pouvoir recèle un virus qui s’empare de quiconque détient et exerce quelque autorité, mais finit par s’attaquer aussi, à celui qui la subit. La corruption inhérente à l’exercice du pouvoir impliquerait nécessairement la corruption généralisée de ceux sur ou contre qui s’exerce le pouvoir. Il y aurait alors comme une loi de réciprocité du fait de laquelle la corruption du pouvoir suscite celle de la société et en détermine l’ampleur, la nature et la forme » (G-H Ngnépi, 1997).

Aussi ces arrestations et le verrouillage des mécanismes de dévolution du pouvoir à l'Assemblée nationale laissent-ils transparaître une mise en œuvre de la stratégie de succession de Paul Biya à la tête de l’État. À moins que ce ne soit un signe précurseur de l'implosion du système. Aimé Césaire, dans son Discours sur le colonialisme, n'avait-il pas dit que: " C'est une loi implacable que toute classe décadente se voit transformée en réceptacle où affluent toutes les eaux sales de l'histoire, que c'est une loi universelle que toute classe, avant de disparaître, doit préalablement se déshonorer complètement, omni latéralement, et que c'est la tête enfouie sous le fumier que les sociétés moribondes poussent leur chant de cygne " (Césaire, 1989:43)

Cry, my Beloved Country.

S.A.K.