Drames sanglants en perspective à Diwom Yavassi

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La faillite du Cameroun  atteint des niveaux record qui augurent bien des inquiétudes dans le futur. En fait, l’État qui a longtemps disparu de la vie publique collective a aussi cédé sa place et son rôle de régulateur des rapports sociaux et de protecteur des citoyens à une sorte de far West des pistolero des siècles passés. Chacun fait sa loi et très souvent en utilisant la puissance publique soit directement (position dans l’Etat)  soit de façon indirecte (relations, corruption des instances publiques). Et les citoyens parfois démunis sont pris dans cette loi de la jungle sans pouvoir se défendre, faute de pouvoir en dernière instance se référer à une autorité étatique digne de confiance.C’est justement ce qui arrive aux populations de la localité de Diwom, P.K 32-35, ( sur la route de Yabassi). Le 16 août dernier, les populations de cette localité reçoivent un communiqué du chef Ngamby Martin leur annonçant le début des travaux de lotissement prévus et surtout leur demandant leur collaboration. Sur le terrain, les choses se passent différemment. En effet, M. Ngamby fait venir un topographe dès le 10 août (alors que la lettre parviendra aux populations le 16 août) et engage des travaux de délimitations des parcelles en traçant des layons y compris dans des champs récemment cultivés. Pire encore, cette opération est engagée sans concertation  avec d’autres instances concernées par l’opération de lotissement (grande chefferie, chefs de blocs, administration) encore moins les populations, surtout sans la présence des principaux concernés, l’objectif étant ici de mettre ces populations devant le fait accompli pour valider de facto le hold-up.En réalité, il s’agit d’une vaste opération de hold-up organisée  par le chef Ngamby Martin et certains chefs de blocs sous le couvert du lotissement. M. Ngamby Martin et ces chefs de blocs utilisent ainsi leur position au sein de l’appareil d’Etat pour s’approprier les biens des populations et les revendre à un certain Epée, spéculateur foncier.Selon les informations recueillies sur place, M. Ngamby propose des enveloppes aux notables de la chefferie qui accepteraient de consentir à cette opération.Face à cette ignominie, la résistance des populations s’organise. Elles ont ainsi adressée  à M. Ngamby une lettre en date du 23 août dans laquelle elles mentionnent ces vices de procédure et surtout promettent de s’opposer à son action. Le même jour, elles ont également adressé une lettre au  préfet du Nkam pour lui faire part de cette situation et demandé son intervention.Elles sont surtout résolues à porter l’affaire devant toutes les autorités compétentes (gouverneur, justice, ministre, Président de la République). A défaut du règlement de ce problème par les autorités, elles promettent enfin de résister y compris par la violence. On peut légitimement craindre des drames sanglants qui se nouent sous nos yeux. Le pire est à venir au CamerounCe type de hold-up devenu un simple fait divers, tant il est banal au Cameroun, augure des lendemains inquiétants pour la paix sociale. Après la confiscation des deniers et biens publics par certains, ce sont maintenant les biens privés des citoyens qui constituent la proie des puissants. Et le foncier constitue un de ces terrains qui prépare les conflits sanglants à venir. La tension foncière jamais résolue au Cameroun prend d’autres tournures avec la déliquescence de l’État. Ce sont purement et simplement des hold-up qui sont organisés par des individus nantis. Or, les enjeux fonciers  pour la préservation de la paix sociale sont importants en raison de différents rôles sociaux que joue le foncier au Cameroun. Qu’on se souvienne seulement qu’au plus fort moment de la crise économique et des tensions sociales de la décennie 1990, plusieurs Camerounais y compris les salariés de l’État avaient trouvé refuge dans l’agriculture pour survivre dispensant ce pays de sombrer dans la guerre civile. Parce que justement, les gens pouvaient encore trouver à se nourrir. Or, la spéculation foncière qui s’organise actuellement et surtout les formes de rapt des biens privés qui se mettent en place mettent à mal cet équilibre fragile et précaire. Quelle armée pourra contenir cette masse d’affamés qui n’aura aucun recours ni pour survivre, ni pour recouvrer ses biens ou se protéger ? Quelle paix sociale pourra-t-on construire sur les ruines de telles injustices et rancœurs ?Si les différents signaux qui proviennent du monde entier pointent le Cameroun comme un volcan en ébullition dont on ne connaît pas encore le moment de l’éruption, il est davantage à craindre que ce volcan ait plusieurs cratères, que la coulée de lave soit plus dense et prenne plusieurs directions dévastant tout le périmètre alentour. En l’occurrence, les rapts et particulièrement foncier qui se déroulent aujourd’hui, par le fait de la démission de l’Etat de son rôle de protecteur de citoyens, préparent des drames sanglants privés de demain. Il est à craindre qu’à la faveur d’une étincelle politique liée à la confrontation violente de changement de régime, succède un feu généralisé aux poudres dans d’autres secteurs de la vie de la société et donne lieu à des formes incontrôlées de justice privée. La menace à la paix sociale ne sera plus seulement dans le processus de changement de régime, mais dans la confrontation dans le cadre des violences privées, pour la restauration des dignités bafouées et la restitution les biens privés usurpés.Le cas Diwom est illustratif de ce qui se noue sous nos yeux car les drames sanglants qui s’y préparent à brève échéance si rien n’est fait, concerneront l’ensemble du Cameroun dans le futur.« Que celui qui a les oreilles entende », disait ce grand Monsieur qu’était Eboa Lotin
Par Judes Etondé