Les chantiers de l'inertie dans un Etat voyou

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Les chantiers de l'inertie

Le divorce entre Paul Biya et les Camerounais semble consommé : au-delà de ses longs-courts séjours privés dispendieux en Europe et des biens mal acquis, Paul Biya paye d'avoir trahi la plupart de ses promesses. Le parcours de l'homme lion, des « grandes ambitions », des « grandes réalisations » et, pour tout dire, des grandes désillusions est une suite d’engagements non tenus. Gérer le Cameroun ou le transformer, Paul Biya a depuis longtemps fait le choix : Gagner du temps, faire le vide, jouer au mort et laisser pourrir.  Il semble être né avec une passion de la politique et une ambition qu'aucun revers n'a jamais émoussé, qu'aucune humiliation n'a affaibli. Il a conquis son camp en forçant l'adhésion des aînés, contraints par la suite de se rallier par un mélange de crainte, d'admiration et de réalisme. Paul Biya a compris qu'avoir à sa disposition un parti puissant et organisé était la clé de tout, surtout si ce parti, Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) né des cendres de l'Union nationale camerounaise (UNC),

demeure administratif. Paul Biya est une bête de conquête et surtout de conservation du pouvoir. Il est moins fort dans l'exercice, mais semble avoir fait sienne la citation de Charles Pasqua : « les promesses des hommes politiques n'engagent que ceux qui les reçoivent. »  C'est bien connu, les hommes politiques font beaucoup de promesses pendant les campagnes électorales. Mais, une fois au pouvoir, le principe de réalité s'impose à eux et certaines promesses ne sont pas tenues. C’est dire si Paul Biya ment comme tous les hommes politiques. Le chef de l'Etat du Cameroun a décrédibilisé la parole politique. Il ne fait pas ce qu'il dit et dit rarement ce qu'il fait. Il n’applique pas seulement le principe de réalité, il a fait de l’inertie, la réalité du principe.  Tous les domaines de la vie nationale sont concernés : qu'il s'agisse de l'économie, de d'éducation, de la justice, des partis politiques, du code de la famille, des médias, du sport, du conseil constitutionnel, de l’article 66 de la constitution sur la déclaration des biens, de la loi sur les syndicats, de la Haute Cour de Justice, etc. Et dire qu’il y a plus de 2000 textes d’application des lois et règlements qui n’ont jamais été signés ! Germinal s'érige en notaire scrupuleux des promesses non tenues et des dossiers abandonnés.


L'aloi fondamentale de Paul Biya
La constitution camerounaise semble n'être qu'une belle aux bois dormant pour certains observateurs. Plusieurs dispositions de la loi fondamentale restent transitoires, 20 années après sa promulgation le 18 janvier 1996 et 8 ans après sa révision le 14 avril 2008.
Le Cameroun a t-il une constitution duale ? Le débat, de nos jours, n’est plus d’actualité. Il est même dépassé. Cependant, il reste constant que l’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 avait laissé subsister des institutions de l’ordre constitutionnel antérieur, celui de 1972. C’est ce que lassait comprendre la précision suivante : « Les nouvelles institutions de la République prévues par la présente constitution seront progressivement mise en place » Cette incertitude est contenue dans le Titre XIII, de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, notamment, à l’alinéa 1er de l’article 67. Suivent des précisions sur les institutions, qui dans l’intervalle seront chargées de ce rôle transitoire. Jusqu’à la mise en place du Sénat (qui a déjà été mis en place) la plénitude du pouvoir législatif était exercée par l’Assemblée nationale. Les attributions du juge constitutionnel sont actuellement assumées par la Cour suprême.
S’il est vrai que la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 porte révision de la constitution du 2 juin 1972, il n’en demeure pas moins vrai que cette loi, comme le prescrit son article 69 ‘’sera exécutée comme constitution de la République du Cameroun.’’ Ainsi, l’article 67 n’est pas dans son principe juridiquement contestable. Seulement, une situation transitoire a vocation à être encadré sur le plan temporel. Ainsi de l’article 92 de la constitution française de 1958 qui avait laissé la possibilité au gouvernement, de fixer par voie d’ordonnance ayant force de loi, des mesures législatives nécessaires à la mise en place des institutions. Il était précisé que ces nouvelles institutions devaient être mises en place dans un délai de quatre mois, à compter de la promulgation de la constitution. On assiste pourtant au Cameroun à une pérennisation des dispositions transitoires.

Constat
La loi du constitutionnelle du 18 janvier 1996, a quelque chose de virtuel. 20 ans plus tard, certaines institutions prévues ne sont pas toujours mises en place. On pourrait aisément faire l’inventaire des institutions effectivement mises en œuvre : le Conseil constitutionnel n’existe pas ; la décentralisation tarde à prendre forme, la mise en place de la Haute Cour de Justice est toujours attendue.  L’application de l’article 66 semble avoir été renvoyée aux calendes camerounaises.
Le 14 avril 2008, le chef de l’Etat promulguait la loi fondamentale révisée. Les principales modifications avaient trait au statut du président de la République. Le chef de l’Etat était désormais élu pour un mandat de 7 ans renouvelable indéfiniment. Paul Biya peut ainsi se représenter, en 2018, tout en faisant en sorte que la constitution ne connaisse une application effective, et en faisant en sorte que certaines institutions prévues tels le conseil constitutionnel et la Haute Cour de Justice, ne jouent jamais leur rôle de régulateur de la vie politique ou de la démocratie au Cameroun.  La constitution ne restera donc qu’un instrument manipulable que l’on peut manipuler au profit des intérêts égoïstes du tenant actuel et provisoire du pouvoir en place. On comprend pourquoi le Pr Magloire Ondoa, parlant de la non mise en place du Conseil constitutionnel soutient mordicus que : « nous n’avons pas de constitution. Jusqu’à présent, il lui manque un élément fondamental qui est le protecteur de la constitution »
Nouvelles ou révisées, l’histoire des constitutions camerounaises est celle des projets et des visions des différents chefs de l’Etat. En effet, en mettant de côté la constitution de 1960 qui rentre dans la logique juridique de la naissance d’un nouvel Etat, « la dynamique constitutionnelle du Cameroun » porte l’estampille du président. L’illustration la plus forte et la plus remarquable demeure cette phrase du président Ahmadou Ahidjo devant l’Assemblée nationale fédérale le 9 mai 1972 : «ma conviction, mesdames et messieurs les députés, ma profonde conviction est que le moment est venu de dépasser l’organisation fédérale de l’Etat ». Le même constat peut être fait pour la loi fondamentale du 18 janvier 1996, qui est selon l’auditoire du président de la République tantôt une « nouvelle constitution », tantôt la constitution de 1972 «révisée». C’est un président convaincu que le temps était « enfin » venu de concrétiser certaines choses promises aux Camerounais lors de la rencontre Tripartite qui avait fait déposer le 24 novembre 1995 un projet de loi portant sur la « révision de la constitution du 2 juin 1972. »
Sommes toute, les Camerounais font avec leur ancienne-nouvelle ou nouvelle-ancienne constitution. Qu’elle soit nouvelle ou ancienne ou les deux à la fois, Paul Biya restera le maitre du temps constitutionnel, de la mise en place des institutions prévues ou non. Il le fait ou le fera, selon son rythme, ses intérêts politiques immédiats ou lointains, potentiels ou réels, envisagés et envisageables ou non.
Cette manière de faire de Paul Biya se répercute sur le vie politique nationale et sur et le fonctionnement des institutions et par conséquent sur le jeu politique et  la démocratie camerounaise.
Il reste aux Camerounais à graver ses propos de Rousseau dans leur esprit : « Mais au fond, que penses-tu qu’on apprenne dans ces conversations si charmantes ?[..] On y apprend à plaider avec art la cause du mensonge, à ébranler à force de philosophie tous les principes de la vertu, à colorer de sophismes subtils ses passions et ses préjugés, et à donner à l’erreur un certain tour à la mode selon les maximes du jour. Il n’est point nécessaire de connaître le caractère des gens, mais seulement leurs intérêts, pour deviner à peu près ce qu’ils diront de chaque chose. »
Et surtout ne jamais oublier que chez nous, nous avons plus affaire aux politiciens qu’aux hommes politiques. A bon entendeur….
Junior Etienne Lantier
Encadré

Une ou plusieurs constitutions en vigueur au Cameroun
Si la Constitution, suivant la doctrine classique du droit constitutionnel, est la norme fondamentale, la norme suprême de l’édifice normatif qui y trouve son fondement et sa matrice, la Grundnorm Kelsenienne, la formulation même d’une interrogation de ce type est une incongruité, voire une absurdité. Dès lors que l’on parle de Constitution, il ne peut logiquement y en avoir à un moment donné qu’une seule dans la vie d’une collectivité étatique. Et pourtant, cette question a retenu l’attention de la doctrine camerounaise du droit public, au lendemain de la promulgation de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996. En fait, cette interrogation se situe dans le prolongement direct de la controverse précédente, dont elle n’est qu’une variante, un embranchement approfondi. Cette interrogation part du fait qu’il y aurait une ancienne Constitution en vigueur d’une part, une nouvelle Constitution simplement potentielle et virtuelle d’autre part. L’on part de l’hypothèse qu’en 1996, une Constitution a remplacé une autre, qu’il aurait dû y avoir une succession d’ordres juridiques, mais que l’on se retrouverait avec une superposition de deux Constitutions. Il y aurait d’un côté la Constitution proclamée, de l’autre côté la Constitution vécue et appliquée. C’est le Pr Ondoa qui a admirablement théorisé l’hypothèse de la « constitution duale » tenue pourtant équivoque dont on ne sait exactement s’il évoque le fait qu’il y aurait dans le texte de 1996 deux Constitutions en une nettement identifiables, ou s’il évoque le fait qu’il y aurait effectivement deux textes d’application concomitante, ou qu’il y aurait dans le texte des éléments relevant du passé et des éléments relevant de l’avenir, ou tout cela à la fois. Les questions posées par l'auteur sont les suivantes : quelle est la Constitution en vigueur au Cameroun ? Quel est le droit constitutionnel applicable ou appliqué au Cameroun ? La loi du 18 janvier 1996 est-elle en vigueur ? Questions intéressantes, quoique déconcertantes pour le juriste positiviste. L’auteur relève qu’il y a une « survie de l’ancienne Constitution », dans la mesure où « la loi du 18 janvier 1996 ne prévoit aucune disposition abrogative de l’ordre ancien » (P.25), ou qu’il y a « absence d’une clause abrogative du droit antérieur contraire », même s’il écrit plus loin de manière équivoque (P.33) que « l’ordre juridique abrogé demeure en vigueur ».].
Source: Alain Didier Olinga, La constituion de la République du Cameroun,Yaoundé, PUCAC, 2006  pp. 19-20


La Haute cour de justice pour le décor
La Haute Cour de Justice, laquelle ne fait pas partie de l’organisation judi¬ciaire de l’Etat, est probablement la seule institution de l’histoire constitutionnelle camerounaise à n’avoir jamais accédé à l’effectivité, dans la mesure où cette juridic¬tion n’a jamais en réalité fonctionné. Figée dans un environnement institutionnel en mutation, elle semble ne survivre que du fait de la potentielle clameur civique qui naîtrait de l’impression d’irresponsabilité et d’impunité déduite de son inexistence.
Le débat constitutionnel de décembre 1995 s’était déjà montré d’une rare indiffé¬rence par rapport à cette institution. Cette situation n’est guère surprenante dans un contexte marqué par une tradition présidentialiste. Les constitutions successives ont en effet fait montre de la plus faible sollicitude à l’égard de la justice politique, voire d’une inconstance dans leur traitement de la structure juridictionnelle concernée. La plus laconique est certainement celle du 4 mars 1960, dont l’article 44 se bornait à énoncer qu’« il est créé une Haute Cour de Justice dont la composition, les attribu¬tions et l'organisation seront déterminées par une loi organique ». L’article 36 delà Constitution du 1er septembre 1962 constitue déjà une avancée, en ce qu’il fixe la compétence de la Haute Cour, laissant à la loi le soin de fixer seulement sa compo¬sition, son organisation et ses modalités de saisine. La Cour juge le Président de la République en cas de haute trahison liée aux actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions, et le Vice-Président fédéral, les ministres fédéraux, les premiers ministres et les secrétaires d'Etat des États fédérés en cas de complot contre la sûreté de l’État. La mouture initiale de la Constitution du 02 juin 1972 s’inscrit clairement dans cette démarche du constituant de 1961, à travers son article 34. La version révisée le 18 janvier 1996 innove quelque peu. D'abord, le terme « haute trahison » disparaît de la lettre de la Constitution ; ensuite, en dehors des membres du gouvernement, les assi¬milés, ainsi que les hauts responsables de l’administration délégataires des pouvoirs du Président de la République ou du Premier Ministre, peuvent être cités à compa¬raître devant la Haute Cour de Justice, en cas de complot contre la sûreté de l’État.
La dernière révision constitutionnelle intervenue le 14 avril 2008 a cependant considérablement réduit la « marge de manœuvre » de la Haute Cour de Justice. De fait, le nouvel article 53 de la Constitution montre à l’évidence que la personne du Chef de l’État semble immunisée par rapport aux actes qu’elle pose aussi bien durant l’exercice de son mandat qu’au tenne de son mandat. Cette situation qui traduit d’un certain point de vue « l’impossible justiciabilité du Président de la République » est mise en évidence par la retouche de l’alinéa 1, la rédaction d’un alinéa 2 et surtout, celle d’un alinéa 3 totalement nouveau dans l’histoire constitutionnelle du Cameroun depuis l’indépendance.
Source : Alain Didier  Olinga, La constitution de la république du Cameroun, p. 140


Cachez vos biens!!!
Les Camerounais exigent des gestionnaires de crédits qu’ils déclarent leurs biens conformément à l’article 66 de la Constitution. Paul Biya se hâte lentement pour faire respecter cette dispositions constitutionnelle. A-t-il quelque chose à cacher? Peut-être.
Depuis plus d’une décennie, notre pays vit au rythme d’une action politico-judiciaire connue sous le nom de « Opération épervier », marquée par des arrestations spectaculaires et des condamnations d’anciens barons et caciques invétérés du régime RDPC au pouvoir, accusés de vol et de détournements des deniers publics. Selon le gouvernement, cette action politico-judiciaire participerait de l’assainissement des mœurs dans le cadre de la gestion des ressources publiques et serait la preuve de la volonté affirmée de lutter contre la corruption au sein de la société camerounaise. Cette action serait à notre avis louable et à encourager si en réalité l’objectif visé était atteint. En vérité, cette action est plus spectaculaire, instrumentale, à visée politique plutôt que juridico-judiciaire, car il n’existe pas au fond une réelle volonté d’assainissement des mœurs dans la gestion des biens et du patrimoine public.
Au Cameroun, le vol, la corruption et autres vices sont des sports-rois pratiqués par la majorité des gestionnaires de la fortune publique, l’enrichissement illicite est une règle, une question de bon sens. On dirait que nous sommes dans un pays où règne un laisser-aller, un laisser faire systématique, Etat sans loi ni foi. Les concepts de bonne gouvernance, de transparence dans la gestion des affaires publiques, de lutte contre la corruption sont des slogans creux et vagues, des trompe-l'œil destinés à emballer le peuple. Pourtant, la Constitution du 18 janvier 1996 en son Article 66 fait obligation au « Président de la République, Premier ministre, membres du Gouvernement et assimilés, Président et membres du Bureau de l’Assemblée Nationale, Président et membres du bureau du Sénat, Députés, sénateurs, tout détenteur d’un mandat électif, Secrétaires Généraux des ministères et assimilés, Directeurs des administrations centrales, directeurs généraux des entreprises publiques et para-publiques, magistrats, personnels des administrations chargés de l’assiette, le recouvrement et du maniement des recettes publiques, tout gestionnaire de crédits et des biens publics, de faire une déclaration de leurs biens et avoirs au début et à la fin de leur mandat ou de leur fonction ». Ce texte fondamental a été complété malgré la promulgation tardive de la loi n°003/2006 du 24 avril 2006 relative à la déclaration des biens et avoirs dont le décret d’application n’a à ce jour toujours pas été signé. Ce qui est inquiétant dans cette situation, c’est le fait de savoir pourquoi cette disposition de la loi fondamentale, qui permettrait d’apporter la preuve que les dirigeants ne se sont pas enrichis sur le dos de l’Etat Camerounais et des contribuables n’est pas toujours appliquée ? Qu’est-ce qui se cache en dessous de cette non-application ? Pourquoi notons-nous une décriminalisation de l’atteinte à la fortune publique dans le Nouveau Code Pénal ? En signant délibérément la Convention de Mérida, le gouvernement du Renouveau a pris l’engagement solennel de tout mettre en œuvre pour lutter contre la corruption et d’autres formes de criminalité, en particulier la criminalité organisée et la criminalité économique, y compris le blanchiment d’argent. Car la corruption constitue en soi une menace pour la stabilité et la sécurité des sociétés, sape les institutions et les valeurs démocratiques, les valeurs éthiques et la justice et en compromet le développement durable et l’état de droit. Il clair que l’existence de cette loi fondamentale n’est qu’une figuration, rédiger pour la forme dans le souci de faire croire qu’au Cameroun il existe des lois solides et des institutions fortes capables de promouvoir la justice et le bien-être général. Il s’agit d’une « mauvaise foi », d’un mensonge qui se sait mensonge, car on se trouve en face d’une théâtralisation. Au fond, il est question de tout mettre en œuvre pour conserver le pouvoir du chef de l’Etat autant que possible, sinon comment expliquer, jusqu’ici que certains hauts commis de l’Etat se retrouvent derrière les barreaux pour des faits jugés répréhensibles, pendant que d’autres, accusés des faits similaires sont simplement invités à effectuer des restitutions ou pire, ne sont nullement inquiétés ?
Kakmeni Yametchoua


La réforme de l'Education aux calendes camerounaises
L’éducation est à la société ce que sont la reproduction et la nutrition à la vie physiologique. Si le Cameroun patauge dans le sous dévéloppement et ne projette son émergence qu’en 2035, c’est bien parce que son système scolaire, ou ce qui en tient lieu est obsolète. Il doit être réformé.
Il y a plus de deux décennies de cela maintenant que se sont tenus les derniers Etats généraux de l’éducation. C’était alors, fort d’un diagnostic clinique établissant la pathologie de notre système éducatif au regard de son inefficacité quant au rendement d’une part, et à l’inadéquation de ses produits quant à l’insertion socioprofessionnelle d’autre part, qu’eurent lieu en Mai 1995, ces assises qui entendaient non seulement faire l’état des lieux du système éducatif mais également adopter des résolutions pour soigner le mal dont il souffrait. Plus de vingt ans après, le diagnostic qui jadis avait conduit à la tenue des Etats généraux est d’actualité, les mêmes tares continuent d’infecter, elles ont métastasé paroxystiquement depuis lors et finit par gangrener tout le système dont aujourd’hui, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a atteint une phase asymptotiquement critique. Pourquoi les mêmes maux alors diagnostiqués perdurent-ils malgré les résolutions adoptées au terme des Etats généraux ? Pourquoi subsiste t-il, malgré la multiplication des écoles normales et la diversification de l’offre de formation des enseignants, cette insuffisance du personnel enseignant ? Quid des sureffectifs d’élèves, de l’inadéquation de la formation et de l’emploi, de la refonte des programmes qui restent pour l’essentiel marquée par l’héritage colonial, de l’absence d’une véritable politique des manuels didactiques abandonnés entre des mains criminelles dont la seule préoccupation est de faire de l’argent, etc. Pourquoi les résolutions prises lors de ce grand forum n’ont pas été implimentées ou tardent encore à l’être ? Pourquoi le certificat de probation dont la suppression était l’une des résolutions phares, n’est toujours pas supprimé ? Pourquoi la professionnalisation reste encore un vœu pieux ? Pourquoi la réforme des établissements « bilingues » devant conduire de la juxtaposition des sous-systèmes francophones et anglophones à leur intégration de sorte à avoir un système réellement bilingue, n’est toujours pas implimentée ? Pourquoi la formation continue des enseignants est-elle demeurée dans les tiroirs ? Pourquoi la formation initiale des enseignants ne met-elle pas l’accent sur la formation pratique en salle de classe ? Pourquoi la décision de recruter les enseignants sur la base de postes de travail à pourvoir n’a jamais été appliquée ? Pourquoi les inégalités d’origine géographiques quant aux mutations des personnels, à la répartition des structures d’accueil, etc., ne sont toujours pas éradiquées ? Pourquoi le recrutement des conseillers d’orientations est-il ouvert à toutes les licences ? Pourquoi la politique des nominations ne tient-elle toujours pas compte du profil positif des carrières et de la moralité des enseignants ? Etc.
La vérité, c’est que le système Biya n’a aucun intérêt à ce que le projet de réforme du système éducatif pensé par les Etat généraux, soit exécuté. Ce qui vaut pour le système éducatif, vaut pour la communication et tous les autres pans de la vie de la nation camerounaise. Bien malin qui pourra dire ce que par exemple, sont devenues les résolutions des Etats généraux de la communication. L’éducation est à l’image du Cameroun, et si pour celui-ci rien ne va, il n’est dès lors pas surprenant que le système éducatif ne puisse pas fonctionner. Minés par tous les maux dont souffre le Cameroun dont le plus notoire est la corruption, notre système éducatif obéit à la logique mafieuse et clientéliste du système Biya. Comment en pourrait-il être autrement ? En réalité cette habitude à mettre dans les tiroirs les résolutions et autres décisions issues des comités de ci ou ça, d’études, de fora, etc., participe de la façon que ce régime a de gouverner. Plus précisément et au regard de l’importance que revêt le système éducatif dans la vie d’une nation, il n’est pas excessif de dire que la non implimentation des mesures prises pour la réforme de notre système éducatif, relève d’une stratégie, pour reprendre Achille Mbembe, d’ « ensauvagement », d’abrutissement collectif de la jeunesse pendant que les progénitures des barons bénéficient outre-mer, outre-Atlantique d’une formation de qualité qui leur permettra, une fois de retour au pays, de reprendre les positions de pouvoirs que leurs barons de père auront gardé et conservé jalousement pour eux. Ainsi, l’objectif à terme est la pérennisation de la servitude et de la servilité d’une jeunesse sous formée, mal formée, non formée.
Tissibe Djomond


Quand les syndicats indépendants donnent une trouille bleue à Paul Biya
Si on en croit la doxa officielle, le Cameroun est un pays où l’Etat met tout en œuvre pour le respect des libertés publiques. D’ailleurs soutiennent les tenants de cette thèse, « des lois allant dans ce sens ont été promulguées. Il suffit de se conformer à celles-ci et jouir pleinement de ces libertés que sont entre autres la liberté de réunions et manifestations publiques, la liberté d’association, la liberté d’aller et de venir ».
Intéressons-nous un tout petit peu à la loi n°90/053 du 19 décembre 1990 portant liberté d’association. Celle loi dispose à l’article 5, al. 4 que « les partis politiques et les syndicats sont régis par des textes partis particuliers ». Il est évident que la loi sur les partis politiques a été déjà votée. C’est d’ailleurs sur la base de celle-ci que se sont créés ou se créent à la pelle les partis politiques dont le nombre avoisine aujourd’hui 300. La loi sur les syndicats reste attendue, 26 ans après le vote des lois sur les libertés. En attendant la loi n°68/LF/19 du 18 novembre 1968 et son décret d’application (décret n°9/7 du 6 janvier 1969) qui sont en vigueur, textes que l’Etat du Cameroun a souvent tenté d’opposer à certains syndicats, notamment ceux des fonctionnaires et agents de l’Etat, particulièrement les syndicats des enseignants, pour justifier leur soi-disant illégalité.
Certains syndicats des enseignants à un moment ou à un autre, se sont vus opposés les dispositions de ces différentes lois. Qu’il s’agisse du Syndicat national des enseignants du supérieur (Synes), du Syndicats national autonome des enseignants du secondaire (Snaes), du Syndicats national autonome de l’éducation et de la formation (Snaef), ou de la Centrale syndicale du secteur public (Csp), pour ne citer que ceux-là.
Le cas du Synes est assez illustratif de cette volonté des pouvoirs publics de museler certaines catégories sociales. Ce syndicat est né malgré de nombreux obstacles que les pouvoirs publics ont dressé sur les chemins de ses promoteurs. Le paradoxe est que cette naissance douloureuse s’est faite à l’université, temple du savoir et des connaissances sur la liberté d’association, dont la liberté syndicale.
Face à la volonté des enseignants - dont certains avaient été victime d’agressions physiques -  de promouvoir un syndicat indépendant au sein de l’université, le ministre de l’enseignement supérieur d’alors n’avait pas hésité d’adresser une mise en garde aux promoteurs du Synes : « j’ai l’honneur de porter à votre connaissance que la loi du 19 décembre relative aux libertés d’association prévoit l’intervention de dispositions particulières sur les associations syndicales. Lesdites dispositions ne sont pas à notre connaissance intervenues ». Par conséquent : « vous êtes illégal ».
Seul la témérité des enseignants qui avaient porté plainte et gagné le procès contre l’Etat du Cameroun devant l’Organisation internationale du travail (Oit) était venu à bout de la résistance des pouvoirs publics qui aujourd’hui impliquent les responsables du Synes dans la gouvernance universitaire.
Les pouvoirs publics ont la trouille des syndicats. Les arguments convoqués pour justifier la répression exercée sur certains syndicats, l’interdiction de leurs activités et l’arrestation des syndicalistes sont le plus souvent spécieux. Ce d’autant que le Cameroun a signé et ratifié les conventions fondamentales de l’Oit en matière de liberté syndicale, notamment la convention n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (1948) et la convention n°98 sur le droit d’organisation et de négociation collective (1949). Selon l’Oit, « la convention 87 garantit à tous les travailleurs et à tous les employeurs, sans distinction d’aucune sorte et sans autorisation préalable, le droit de constituer des organisations syndicales de leur choix ainsi que celui de s’y affilier. Ces organisations doivent avoir le droit d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion, et de formuler leur programme d’action sans intervention des autorités publiques. Elles ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative. Elles doivent avoir le droit de constituer des fédérations et des confédérations et de s’affilier à des organisations internationales de travailleurs et d’employeurs. »
Les conventions obligent les Etats qui les ratifient, des Etats souverains, à garantir certains droits – droits sociaux, droits en matière de travail, droits fondamentaux de l’homme, etc. – à leurs nationaux et aux étrangers résidant sur leur territoire. Ce qui, selon l’Oit, « modifie le concept de souveraineté nationale, puisque les Etats, du fait de la ratification, reconnaissent qu’il existe dans ces domaines un droit international transcendant les frontières, que les gouvernements doivent observer, même s’il s’agit de questions qui, d’ordinaires, relèvent de leurs compétences. »
Ce qui est valable pour les syndicats devraient l’être pour les associations. Celles-ci ont le droit de constituer des coalitions, des alliances, des plateformes. Mais, au Cameroun les autorités administratives interdisent leurs activités sous de fallacieux prétextes qu’elles n’ont pas d’existence légale alors qu’il n’existe pas de lois interdisant ou régissant les plateformes, les coalitions et les alliances.
Notons pour le regretter, que 26 ans après l’avènement du multipartisme et de la liberté d’association, la loi régissant les syndicats n’a pas encore été votée. Ce qui est révélateur de la méfiance que les pouvoirs publics ont vis-à-vis de ces organisations particulières de la société civile qui constituent des contre-pouvoirs efficaces et une puissante force de mobilisation. Ce ne sont pourtant pas des initiatives allant dans le sens de l’adoption et de la promulgation d’une loi régissant les syndicats qui ont fait défaut.
Jean-Bosco Talla


La CSP soumet au gouvernement un avant projet de loi
Las d’attendre que le gouvernement camerounais se conforme aux conventions internationales de l’Oit dûment ratifiées, les responsables de la Centrale syndicale du secteur public (CSP) ont soumis au gouvernement un avant projet de loi régissant les syndicats. Cet avant projet de loi se trouve aujourd’hui au fond des tiroirs, à la merci des souris et autres cancrelats.
Face une situation qui n’honore pas le Cameroun, la centrale syndicale du secteur public du Cameroun (CSP) avait, lors d’un séminaire-atelier organisé le 13 juin 2005 à l’hôtel Somatel, à Yaoundé, sur le thème La place des syndicats de la fonction publique dans le paysage syndical camerounais, élaboré et soumis au gouvernement un avant-projet de loi relative aux organisations syndicales au Cameroun.
Cet avant-projet de loi, qui reste dans les tiroirs des pouvoirs publics, vise à créer un cadre législatif homogène pour l’exercice de l’activité syndicale au Cameroun, à promouvoir dans la législation et la pratique nationales, le respect des conventions de l’Oit, en matière de liberté syndicale, ratifiées par le Cameroun, et à combler le vide juridique crée jusqu’à ce jour par l’absence de cette loi pourtant annoncée depuis décembre 1990.
Le constat fait par les initiateurs était poignant. Ils attiraient l’attention du gouvernement sur les conséquences néfastes de la survivance d’un dispositif juridique duel en matière syndicale constitué par la loi N°068/LF/19 du 18 novembre 1968 et son décret d’application N°69/DF/7 du 06 janvier 1969 pour les syndicats de la fonction publique d’une part, et par la loi N° 92/0007 du 14 août 1992 portant code du travail pour les syndicats du secteur privé d’autre part.
Cet arsenal juridique qui subordonne toute existence légale d’un syndicat à l’agrément ou à l’enregistrement préalable soit du ministre chargé des questions de libertés publiques, soit du ministre du Travail et de la Sécurité Sociale, en violation flagrante de la convention n°87 de l’Oit ratifiée par le Cameroun le 7 juin 1960.
Faut-il le souligner, et comme le soulignent les initiateurs de l’avant-projet de loi, l’Oit dans ses apports annuels ou ponctuels, a toujours constaté et déploré les profondes divergences qui existent entre la législation et la pratique nationales et les instruments internationaux en matière de liberté syndicale. il est reproché au Cameroun au niveau de cette organisation internationale de perpétuer, par le biais de la législation sus-mentionnée, un régime d’autorisation préalable. Ce constitue une obstruction volontaire et pernicieuse à la liberté syndicale, d’autant plus qu’elle est assortie de poursuites judiciaires en cas d’infraction
On comprend pourquoi le pays de Paul Biya s’est souvent retrouvé au banc de cette organisation et inscrit au « paragraphe spécial » de la Commission des Normes de la Conférence internationale du Travail. Face à tous ces manquements et dans le cadre de la coopération technique, le BIT avait dépêché du 2 à l’une mission d’évaluation. Les promesses faites par le gouvernement à cette mission sont restées jusqu’à ce jour lettre morte. Les promesses de Paul Biya et du Renouveau n’engagent que ceux qui y croient.
Ikemefuna Oliseh


Le Cameroun, un Etat voyou
Le Cameroun est-il un État de droit ? Oui diront avec enthousiasme les thuriféraires du régime. Pourtant, si on en croit les rapports des organisations des sociétés civiles nationales et internationales, la réalité est toute autre. Amnesty International, Freedom house, Reporters Sans Frontières, Human Rights Watch, la commission nationale des droits de l’homme et des libertés (CNDHL), les organisations de la société civile camerounaise (OSCC) ont très souvent dénoncé de multiples et récurrentes violations des droits de l’homme dont se rendent coupables les autorités administratives, les forces de défense et de sécurité, les forces de maintien de l’ordre et certains magistrats.
A chaque fois, le gouvernement s’est toujours défendu, en traitant ces organisations de tous les noms d’oiseaux et en les accusant de mauvaise foi et d’être à la solde de l’Occident. Aux yeux du gouvernement, il s’est toujours agi d’un acharnement incompréhensible qui n’est pas un fait du hasard. Car, il ne comprend pas que des organisations, aussi variées et venant d’horizons divers, en viennent toutes à chaque fois à conclure sur des contre-vérités aussi manifestes que celles contenues dans leurs différents rapports.
La raison est pourtant simple, le Cameroun est un État où les droits humains sont très souvent bafoués, un État qui foule allègrement aux pieds les conventions internationales dûment signées et ratifiées. Un tel État, n’est-il pas un État de non-droit, autrement dit un État Voyou ?
Après de multiples récriminations amères formulées contre les agissements des autorités administratives, le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (Minadt), René Emmanuel Sadi avait demandé aux gouverneurs des régions, à l’ouverture de la conférence annuelle des gouverneurs tenue à Yaoundé le 19 juillet 2016, d’agir de façon que le Cameroun soit perçu comme un État de droit, de se « soumettre au droit et de savoir concilier, à chaque fois, dans l’exercice de [leurs] fonctions, les exigences d’ordre sécuritaires avec celle relative à l’expression et à la promotion des libertés inhérentes à l’État de droit ». Car, la puissance publique « n’est ni une puissance absolue, encore moins une puissance illimitée, mais bien une puissance encadrée par le droit et mise au service de l’État dans l’intérêt des citoyens et pour le progrès socioéconomique et le développement de notre pays ».
De nombreux Camerounais avaient estimé que ce n’était que des mots. A raison. Puisque moins de deux mois après la tenue de ladite conférence, précisément le 15 septembre 2016, pour ne citer que ce cas, le sous-préfet de l’arrondissement de Yaoundé V débarquait au siège de la CSP pour interdire verbalement la tenue d’une conférence organisée à l’occasion de la journée internationale de la démocratie.
Maheu


Pr Magloire Ondoa : Nous n'avons pas de constitution tant que son protecteur n'est pas mis en place
Au sortir du bureau de vote, le 30 septembre 2013, Paul Biya déclarait : « Nous sommes en train de faire des progrès gigantesques et après les législatives et les municipales, nous mettrons en place le Conseil constitutionnel ; l’édifice démocratique du Cameroun sera ainsi achevé ». 3 ans après cette déclaration, 8 ans après la promulgation le 14 avril 2008 de la loi constitutionnelle révisée, 20 ans après celle promulguée le 18 janvier 1996, la mise en place de cette importante institution est toujours attendue. Lors du Grand Oral de La Grande Palabre, tenu le 28 novembre 2013, sur le thème, ‘’La mise en place du Conseil constitutionnel et son impact sur l’ordre constitutionnel camerounais’’, le professeur Magloire Ondoa n’avait pas usé de circonlocutions pour affirmer que « nous n’avons pas de constitution » tant son protecteur qui est le Conseil constitutionnel ne sera pas mis en place. La transcription de cet échange a été faite par la rédaction de Germinal.
Je voudrais d’abord remercier l’auditoire d’être venu nombreux pour cette discussion. Le thème sur lequel il m’a été demandé de parler est d’actualité. Depuis un certain temps, on parle de la mise en place du Conseil constitutionnel. En fait, c’est depuis 1996. La loi du 18 janvier 1996 avait institué un Conseil constitutionnel qui devait faire partie du paysage institutionnel de notre pays. Et si l’on a voulu mettre en place ce Conseil constitutionnel, c’est parce qu’on y fondait beaucoup d’espoir. Aujourd’hui nous sommes en 2013, cela fait 17 ans que nous attendons le Conseil constitutionnel. Qu’en est-il du Conseil constitutionnel? J’ai toujours dit à ceux qui m’ont approché que j’étais pessimiste quant à la mise en place du Conseil constitutionnel. J’ai été pessimiste parce que tous ceux qui connaissent l’importance de Conseil constitutionnel dans le jeu démocratique ne pouvaient qu’être quelque peu sceptiques, voire dubitatifs. Mais, peut-être avant de parler des questions relatives à la mise en place et surtout des espoirs que l’on peut fonder sur cette institution, faut-il répondre aux interrogations suivantes : qu’est-ce que le Conseil constitutionnel ? D’où vient-il ? Comment se fait-il que nous ayons un Conseil constitutionnel ?
L’histoire du Conseil constitutionnel peut être située, pour certains, à partir de 1803-1804 aux États-Unis, avec le contrôle de constitutionnalité des lois qui est institué à travers l’arrêt Marbury v/ Madison de la Cour suprême américaine. Lorsque le juge américain met en place ce contrôle de constitutionnalité des lois, il se situe dans une perspective politique bien déterminée. On le sait, en 1804, les États unis sont en train de se constituer comme un État fédéral. On sait aussi que tous les petits États ne voulaient pas de cette fédération. Et lorsqu’ils souhaitaient l’avoir, beaucoup de problèmes devaient être réglés. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le président des États unis est élu au suffrage universel indirect. Parce qu’il fallait mettre entre l’électeur et le président de la République une instance appelée les grands Électeurs dont le rôle devait être de s’assurer que le futur président est fédéraliste, comme on se disait à l’époque, autrement dit il fallait s’assurer que celui-ci ne viendra pas détruire le système mis en place par les pères fondateurs et consigné dans la constitution du 13 septembre 1787. Parmi le train de mesures exigées par le besoin de protéger la fédération américaine figurait le contrôle de la constitutionnalité des lois parce qu’exercée par la Cour suprême américaine, la Cour suprême centrale et même les autres juridictions inférieures, elle devait s’assurer que toutes les lois respectaient le principe de l’unité de l’ordre juridique, c’est-à-dire que toutes les constitutions, toutes les lois des États fédérés respectaient la constitution de l’État fédéral.
C’est donc une idée politique qui se trouve à la base de la création de ce qui sera la fonction principale de la Cour suprême, à savoir le contrôle de la constitutionnalité, des lois, c’est-à-dire la vérification de la conformité des lois à la constitution. C’est un système diffus parce que tous les tribunaux peuvent le faire. La vérification se fait a posteriori parce que même les lois promulguées pouvaient faire l’objet d’un contrôle juridictionnel de constitutionnalité des lois.
Mais, ce cas est l’ancêtre lointain du Conseil constitutionnel parce qu’en Autriche, naîtra Hans Kelsen qui critiquera le système américain de contrôle de constitutionnalité des lois. Il développera des théories, dont la théorie de la formation du droit par degré, à partir de la hiérarchie des normes juridiques. Il aboutira à l’idée selon laquelle le contrôle de constitutionnalité des lois ne peut être fait que par un organe que l’on appelait la Cour constitutionnelle d’Autriche. Hans Kelsen en était devenu le premier président. On lui a dit, « c’est vous qui aviez eu l’idée, allez donc l’appliquer ». Malheureusement, il n’a pu l’appliquer. Il a dû démissionner par la suite parce que les réalités politiques jurent souvent avec les réalités intellectuelles. Compte tenu de la proximité intellectuelle qu’il y avait entre les positivistes autrichiens et les positivistes allemands au premier rang desquels se situe à cette époque (Paul Lamarque) (époque de Bismarck). Ce positivisme autrichien a atteint l’Allemagne. Et lorsque l’Allemagne, après la Seconde Guerre mondiale, décide de mettre en place un État de droit, elle a compris qu’il n’y a pas un État de droit possible sans Conseil constitutionnel. Il convient de souligner que le mot État de droit est d’origine allemande. À l’origine on parlait de Reichstag. Cela peut se comprendre compte tenu des atrocités que l’Allemagne avait connues avant, pendant et après les deux précédentes guerres. C’est pourquoi ils se sont dit: plus jamais ça. Le remède de toutes ces atrocités est l’institution d’un État de droit. Et parmi les institutions chargées de garantir l’existence d’un État de droit, il y a le Conseil constitutionnel.
C’est comme cela que le mouvement a évolué. L’Italie a suivi. L’Espagne suivra en 1974. Ces pays sont les plus avancés en la matière.
La France qui est notre inspirateur direct en ce qui concerne le Conseil constitutionnel avait longtemps tergiversé. Le contrôle de la constitutionnalité des lois se posait déjà depuis la Révolution de 1789. C’était un contrôle que personne n’en voulait. On discutait de la légitimité des personnes chargées de faire ce contrôle. Et puis, c’était le règne de la loi. Tout le monde, avec en tête Jean-Jacques Rousseau qui disait que la loi est l’expression de la volonté générale, se demandait si on peut remettre en cause la volonté générale alors que par principe la loi est incontestable, irréprochable et inattaquable. La question a été longtemps discutée. C’est d’ailleurs l’une des origines du sénat. Sous Napoléon (le Premier Empire), la chambre haute était appelée le Sénat conservateur. Même sous le second empire, on l’appelait le Sénat conservateur, parce que l’une des fonctions premières du Sénat était justement de conserver la constitution, de faire en sorte qu’elle ne soit pas violée.
Effectivement, la France a créé sous la IVe République, le Comité constitutionnel qui est en fait un ancêtre lointain (au plan fonctionnel et idéologique), mais ancêtre immédiat au plan chronologique du Cour constitutionnel. Et précisément, le 14 octobre 1958, la constitution française crée un Conseil constitutionnel non pas avec les fonctions qu’on lui reconnaît aujourd’hui, mais plutôt comme instrument pour museler le Parlement. C’est ce que l’on oublie souvent, que le Conseil constitutionnel est un instrument de respect du parlementarisme rationalisé, d’affaiblissement du Parlement et de restauration de l’autorité du président de la République. Ce qui fait qu’aujourd’hui, l’on peut dire que cet instrument était chargé initialement de protéger le président de la République, de Gaulle, et d’ailleurs la composition du tout premier Conseil constitutionnel en dit long sur les fonctions politiques qui lui étaient assignées. De Gaulle avait ses amis politiques qu’il ne pouvait caser nulle part. Il y a mis tous les ambassadeurs vieillots qui ne pouvaient plus rien faire, faisant du Conseil constitutionnel une maison de retraite jusqu’à ce que les Conseillers se rebellent.
Souvenons-nous de la décision du 16 juillet 1971 sur la liberté d’association lorsque le Conseil constitutionnel exige que le pouvoir exécutif respecte la constitution, proclamant ainsi que son rôle est de faire respecter la constitution par tous les pouvoirs exécutif et législatif. Quelques années plus tard, en 1985, avec l’arrêt sur La Nouvelle-Calédonie, le Conseil constitutionnel opère une sorte de révolution au plan juridique, parce que jusqu’à cette date la France vivait sous le règne de la souveraineté de la loi. Comme je viens de le mentionner, des dogmes avaient été enseignés aux Français qui affirmaient toujours que la loi est l’expression de la volonté générale, qu’elle est inattaquable et incontestable. Les députés ne peuvent rien faire de mauvais. Tout ce qu’ils font en tant que représentants du peuple est bon parce que le peuple ne peut pas se faire mal.
Le Conseil constitutionnel transformera la phrase de Rousseau que nous connaissons tous et selon laquelle la loi est l’expression de la volonté générale. Dans son arrêt du 23 août 1985, il dira que la loi n’est l’expression de la volonté générale que dans le respect de la Constitution. C’est cette révolution juridique qui fondera en théorie et en droit le contrôle de la constitutionnalité des lois comme instrument de soumission des gouvernants à la constitution. Au point qu’aujourd’hui, parler de constitution sans le Conseil constitutionnel est quelque peu une hérésie.
Souvenons-nous de cette belle phrase de Dominique Rousseau qui dit que « depuis la décision de 1985, le texte constitutionnel n’est qu’un ensemble de signes auxquels le juge constitutionnel donne un sens ». Cela signifie que sans décision du Conseil constitutionnel, sans jurisprudence constitutionnelle, le texte constitutionnel ne sert à rien, il n’est qu’un chiffon de papier. Car le garant de l’application de la constitution est le Conseil constitutionnel.
En clair, s’il faut rester dans cette logique, et je ne suis loin de le penser, nous n’avons pas de constitution. Jusqu’à présent, il lui manque un élément fondamental qui est le protecteur de la constitution. Une constitution sans protecteur n’existe pas, car elle peut être violée allègrement. Vous comprenez, je le répète, que le rôle, la fonction première du Conseil constitutionnel est de protéger l’intégrité de la Constitution. Mais son rôle va au-delà, car derrière la protection de l’intégrité de la constitution c’est finalement tout le jeu politique de l’État qui doit être régulé.
Je prends l’exemple malgache avec les présidents Albert Zafy et Didier Ratsiraka. En 1993, Albert Zafy remplace Didier Ratsiraka. Mais, il est un roi fainéant qui ne respecte pas la constitution, ne promulgue pas les lois dans les délais prescrits par celle-ci, etc. Un bras de fer s’engage entre lui et le pouvoir législatif. Face à un président si peu respectueux de la constitution, le président de l’Assemblée nationale prend ses responsabilités et saisit le Conseil constitutionnel qui destitue le président Albert Zafy le 5 septembre 1996, après l’adoption d’une motion d’empêchement par l’Assemblée nationale. L’empêchement définitif est le mot intelligent et savant, un euphémisme pour signifier que le président est révoqué. Une autre élection a été organisée à laquelle prenaient part le président déchu et son rival Didier Ratsiraka qui, élu, revient au pouvoir, à la tête de l’État malgache.
Toutes ces dispositions existent dans notre loi constitutionnelle. Vous comprenez quelle est l’importance du Conseil constitutionnel. Celui-ci est pour ainsi dire un instrument de protection de la liberté individuelle, car il empêche que le législateur, mû par des préoccupations de politique politicienne, ne viole la constitution ou ne viole les droits et libertés individuelles. Il est non seulement le protecteur des droits et libertés individuelles, mais il est également le régulateur de la vie politique. Cela s’observe à travers ses compétences en matière électorale, même si de ce point de vue j’ai toujours pensé, je peux me tromper - que Elections Cameroon (Elecam) est inconstitutionnel. Pour la simple raison que je me pose la question de savoir si on devait créer une structure dont les membres sont nommés par le président de la République. Pour moi, la réponse est négative. Notre constitution est claire : le Conseil constitutionnel veille sur la régularité des élections. Une autre disposition indique qu’il proclame les résultats des élections législative et présidentielle. Il a donc en matière électorale deux fonctions : la fonction de la proclamation et celle de la veille sur la régularité. Sur cette dernière fonction, la veille est préventive et curative. Elle est préventive dans la mesure où il s’agit de faire en sorte qu’il n’y ait pas de dysfonctionnements dans le processus et le système électoral. Et si telle est la fonction d’Elecam, alors on note qu’il y a empiétement de la loi portant création de Elecam sur la constitution. Nous sommes ici dans un cas de violation matérielle et même procédurale de la constitution. Mais, passons.
Envisageons la chose d’une autre manière, en France le député André Laignel disait à ces collègues députés à l’Assemblée nationale : « vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaire ». En clair le Conseil constitutionnel a une autre fonction aujourd’hui : c’est un correctif aux défauts de la démocratie majoritaire qui a aussi ses vertus. Le Conseil constitutionnel fait en sorte que la majorité n’écrase pas la minorité parce qu’il n’est pas évident que la majorité ait toujours raison.
C’est la raison pour laquelle depuis la création du Conseil constitutionnel, le sens et le contenu de la démocratie ont évolué. De nos jours, on ne parle plus de démocratie majoritaire, mais plutôt de la démocratie constitutionnelle, c’est-à-dire celle qui allie les exigences de la majorité aux exigences de protection de l’État de droit par la constitution.
Et tous les problèmes que nous avons au Cameroun sont liés au fait que nous n’avons pas un conseil constitutionnel. Je nuance mes propos, l’organe n’existe pas, mais la fonction est remplie à travers la chambre constitutionnelle de la Cour suprême. Parce que cette chambre constitutionnelle ne joue pas réellement son rôle, nous nous retrouvons dans une situation où l’organe qui devait assurer l’existence d’une démocratie constitutionnelle et réguler la démocratie n’existe pas. La démocratie est donc orpheline d’un organe de régulation. D’où les excès et les violations que nous observons
C’est peut-être la raison pour laquelle la mise en place du Conseil constitutionnel met du temps. Le droit n’est pas qu’une superstructure. C’est le discours du pouvoir. Le droit c’est aussi ce que le pouvoir veut qu’il soit. C'est ce qui s’observe partout dans le monde. Nous ne ferons pas violence à un pouvoir de vouloir faire ce qu’il fait. C’est normal qu’un pouvoir veuille se maintenir et se perpétuer. C’est la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel n’est pas mis en place. Je l’avais écrit. J’avais dit depuis 1996 « ce conseil, attendons de voir si un jour on le mettra en place ». Et [20] ans après j’ai le regret de constater que j’avais raison. Pourquoi ? Parce que tout le monde sait quelle est la place du Conseil constitutionnel dans un État aujourd’hui.
Une précision importante : dans tous les pays du monde, la mise en place des institutions rencontre des difficultés. D’ailleurs, en droit il est admis qu’aucune constitution ne peut être mise en place en bloc, d’un seul coup. Il faut toujours du temps. Mais la question demeure : combien de temps ? C’est pourquoi deux techniques sont utilisées pour la mise en place des institutions prévues par la constitution. Soit on donne tous les pouvoirs au président de la République afin qu’il légifère par voie d’ordonnance - cette technique avait été utilisée en France en 1958, au Cameroun en 1960, 1961 et en 1972, mais curieusement abandonnée en 1996 pour une politique de progressivité (c’est-à-dire que les institutions sont mises en place progressivement, mais en attendant les anciennes continuent de fonctionner). Si on reste dans cette logique, cela signifie qu’elle est organisée. Le problème se pose à partir du moment où on dit que l’on mettra en place progressivement sans limiter dans le temps, sans indiquer les délais donc dispose les pouvoirs publics pour mettre en place les institutions contenues dans la constitution.
Le président de la République est constitutionnellement chargé de veiller au respect de la constitution. Lorsqu’en plus on lui donne la mission de mettre en place les institutions prévues par la constitution, cela suscite deux réflexions : d’abord il est quelque peu contradictoire de donner à celui qui est chargé de veiller au respect de la constitution, le pouvoir de mettre en place les institutions prévues par la constitution. ; ensuite à partir du moment où c’est le président de la République, clé de voûte du système qui est chargé de la mise en place des institutions et que par ailleurs, [20] ans après, ces institutions ne sont pas mises en place, n’y a-il pas responsabilité du président de la République ? Une responsabilité politique, sans doute, mais également une responsabilité juridique. Le retard de la mise en place n’est pas le problème. Le problème ici est celui du temps mis pour mettre en place cette institution importante. Je prends quelques exemples. Le conseil constitutionnel italien a été mis en place après 9 ans, celui de l’Allemagne après 6 ans, celui de l’Espagne 11 ans parce que l’Espagne sortait de la dictature franquiste. Mais le problème est qu’ici au Cameroun, nous n’avons pas les circonstances qui justifiaient qu’ailleurs la mise en place des institutions soit retardée. C’est qui est observable, c’est la sérénité. On nous dit que nous n’avons pas de problèmes au Cameroun. Mais nous nous interrogeons ; « si ça va bien pourquoi le Conseil constitutionnel n’est pas mis en place ? Pourquoi les régions ne sont pas mises en place ? etc. »
La mise en place du Conseil constitutionnel est politique. Pourquoi est-elle politique ? Pour comprendre pourquoi elle est politique, il convient de se poser la question de savoir quel est le rôle du Conseil constitutionnel dans la démocratie camerounaise et celle de savoir ce qu’il va apporter à la démocratie camerounaise. Les deux questions sont liées.
Lorsque j’observe le fonctionnement des pouvoirs publics, je me dis que c’est bizarre de fonctionner comme si le Conseil constitutionnel pouvait changer quelque chose alors que toutes les dispositions juridiques ont été mises en place pour qu’il ne change rien. Je suis de ceux qui pensent que le Conseil constitutionnel n’apportera rien de nouveau dans l’environnement juridique actuel.
Je vous prends deux exemples. 1) Le Conseil constitutionnel peut être saisi par le président de la République, le président de l’Assemblée nationale, un tiers des députés, un tiers des sénateurs, le président des exécutifs régionaux lorsque les intérêts de leur région sont en cause. En l’état actuel de l’Assemblée nationale, 1/3 des députés équivaut à 60 députés. Or, ce ne sont pas les députés de la majorité liés par la discipline du parti qui saisissent le Conseil constitutionnel. Dans tous les pays du monde, ce sont des députés de l’opposition. À l’Assemblée nationale le nombre de députés de l’opposition n’atteint pas 40, ils sont précisément 32. Il en est de même au Senat ou leur nombre n’atteint pas le 1/3 des sénateurs, c’est-à-dire 33 sénateurs. Conclusion, il n’y aura aucune saisine du Conseil constitutionnel. Ces chiffres sont tels qu’ils ne peuvent même pas saisir la chambre constitutionnelle de la Cour suprême. Pourquoi donc mettre en place le Conseil constitutionnel dans un tel environnement que nous connaissons aujourd’hui ?
En plus, lors de la validation des mandats des députés, la chambre constitutionnelle avait été saisie. Celle-ci avait annulé certaines dispositions du règlement intérieur relatives à la validation des mandats des députés. Le lendemain de l’annulation par la chambre constitutionnelle, le président de la République l’avait promulgué. Or, selon les textes, le président de la République ne peut pas promulguer une loi qui a été déclarée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel. En d’autres termes, c’est seulement après avoir corrigé l’inconstitutionnalité que l’on peut promulguer la loi. La promulgation rend la loi immédiatement applicable et la sort du champ de compétence du Conseil constitutionnel. Nous avons adopté le système du contrôle a priori de la constitutionnalité des lois, c’est-à-dire que la constitutionnalité de la loi ne peut être contrôlée que lorsqu’elle n’est pas encore promulguée, autrement dit, entre le vote au Parlement et la promulgation. Ce système de contrôle a priori fait en sorte que toutes les lois même anciennes qui avaient été promulguées ne peuvent plus être contrôlées, même si elles sont illégales. Sur ce point, le Cameroun est en arrière, parce qu’ayant suivi mécaniquement la France qui avait elle aussi adopté le système de contrôle a priori, mais qui est en train d’adopter ce que l’on appelle l’exception d’inconstitutionnalité qui permet que des lois déjà promulguées fassent l’objet d’un contrôle de constitutionnalité. Un peu comme cela se passe en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Gabon, au Benin. Le dénominateur commun de tous ces pays occidentaux cités, que ce soit l’Allemagne ou l’Espagne est que ce sont des pays qui sortaient des dictatures. L’exception de constitutionnalité des lois avait pour but d’effacer toutes celles qui étaient liberticides et qui avaient été votées soit pendant la dictature franquiste, soit pendant la dictature hitlérienne, etc. À partir du moment où on n’adopte un contrôle de la constitutionnalité des lois par voie d’exception, on est en train de dire « les nouvelles peuvent toujours être contrôlées, mais les anciennes, même si elles sont liberticides demeurent ». C’est là tout le problème du constitutionnalisme camerounais.
Si on ajoute à cela le fait que la durée du mandat des conseillers est de six (6) ans éventuellement renouvelables, on est en droit de questionner l’indépendance du Conseil constitutionnel. En ajoutant l’expression « éventuellement renouvelable», c’était comme pour dire ceci aux conseillers: « là vous êtes, vous avez des salaires mirobolants, mais si vous voulez y rester, vous me devez allégeance parce que je peux éventuellement proroger, renouveler votre mandat ». C’est bien une technique de capture, c’est-à-dire pour les maintenir en captivité.
Vous comprenez mesdames et messieurs que le Conseil constitutionnel en tant que juridiction ne peut véritablement s’épanouir que si elle est mise en mouvement. À partir de moment où les personnes susceptibles de mettre cette machine en mouvement n’ont plus la possibilité de le faire, alors pour moi, je ne fonde pas beaucoup d’espoir sur ce Conseil constitutionnel. Dans la configuration actuelle, il aurait dû changer beaucoup de chose, mais il ne changera rien. Puisque de toute façon une question reste brulante, celle de savoir ce que va servir le Conseil constitutionnel. Et c’est là la problématique de notre environnement juridique, de notre système constitutionnel, mais surtout la problématique de notre démocratie. Tant qu’une réponse ne sera pas donnée à cette question, ce sera le statu quo.