Le naufrage du Cameroun, C'est eux!

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Les naufrageurs
Peut-on encore parler d’hommes et de femmes politiques au Cameroun sans amertume? Au début des années 90, bien que naissante, l’opposition avait fait rêver le peuple camerounais. Plus de 26 ans après, elle patauge dans des contradictions qui font penser que plus d’un quart de siècle c’était moins leur conviction, leur programme, leur stratégie de mobilisation et leurs discours, que le raz-de-bol d’un peuple désabusé et privé de liberté, qui l’avait poussé dans la rue. Depuis 26 ans donc, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Certains parmi les plus radicaux ont quitté la scène. D’autres ont rejoint la mangeoire ou servent de faire valoir démocratique au système néo-patrimonial qui tient les Camerounais captifs de leur instinct de conservation. Ils sont devenus des complices du naufrage du Cameroun. A telle enseigne que, de nos jours, les Camerounais sont désabusés et considèrent que certains leaders politiques, du moins ce qui en tient lieu, sont tous des ventriloques, c'est-à-dire qu’ils sont des spécialistes de la politique du ventre et du bas ventre qui entretiennent avec le peuple

les rapports que le cavalier entretient avec son cheval. A leurs yeux, le peuple n’est donc qu’un tremplin . Autrement dit, l’intérêt général est le cadet de leurs soucis. Peut-on leur donner tort ? Visiblement non. Ils sont nombreux les leaders d’opinion, de la société civile et des partis politiques dits de l’opposition qui assument une part de responsabilité non négligeable dans la situation actuelle du Cameroun. Ce sont en réalité des individus sans consistance, sans conviction et sans stratégie de conquête du pouvoir. Même quand le peuple prend de court le pouvoir, ceux-ci sont incapables de capitaliser le mécontentement populaire. Ils font semblant de ne pas comprendre  que la sortie de l’impasse actuelle passe par la création d’un cadre pour une véritable synergie d’association et d’actions en vue de l’alternance politique pacifique au Cameroun. Liés par les accords secrets qu’ils ont noués avec le pouvoir qu’ils servent la nuit en s’affublant du titre d’opposant le jour, ils croient, à tort, qu’ils peuvent tromper le peuple tout le temps.  Germinal ouvre une serie de dossiers sur ces caméleons, naufrageurs du Cameroun. En dessillant les yeux des Camerounais, notre objectif est de favoriser l’émergence des leaders Patriotes. Car, le peuple ne peut plus faire confiance aux traitres que sont John Fru Ndi, Bello Bouba Maïgari, Issa Tchiroma Bakary , et bien d’autres sous marins du régime qui peuplent l’univers politique camerounais.
Source: Germinal n°094 du 21 septembre 2016


Le crépuscule des idoles, naufrageurs du Cameroun
Posez la question de savoir pour qui ils se battent à tous les politiciens, disons, pour être poli, à tous les hommes politiques qui peuplent le champ politique au Cameroun. Ils répondront presque en chœur qu’ils se battent pour l’intérêt du peuple. Jamais, ils n’affirmeront que ce peuple, dans leur tête, n’est en réalité qu’une sorte de cheval sur lequel ils veulent monter pour atteindre les cimes du pouvoir ou accéder à la mangeoire suprême.
Combien de Camerounais vivant, aujourd’hui, hommes de cultures, leaders politiques ou d’opinion, un jeune peut avoir envie, sinon de ressembler, du moins de s’inspirer pour son cheminement personnel ? Les exemplaires sont très rares et les modèles durables pratiquement inexistants. Il est évident que les Camerounais, les jeunes camerounais en particulier, sont en quête de repères. Ils sont à la recherche d’un leader capable d’inspirer les membres de la Communauté, de les pousser à se dépasser, et faire en sorte qu’ils prennent confiance en leur capacité de réussir et d’agir ensemble, d’être autonomes. Pour l’instant, ce chef n’émerge pas, du moins pas encore, et c’est une caractéristique de la période : nous sommes coincés. Les jeunes ne se voient très souvent offrir que des stars artificielles, des gloires acquises à bon marché par une élite prompte au reniement, à la compromission.
Et c’est presque toujours au moment où l’on attend d’eux des attitudes courageuses, qu’ils basculent dans la compromission. La politique à cet égard offre le plus de tentations. Pourtant, l’histoire nous enseigne que c’est dans la capacité à résister aux tentations que l’on détecte la fibre des leaders que recherche la société.
A peine tel intellectuel a-t-il émergé du lot qu’avant même d’avoir fait des disciples, il se laisse phagocyter par le pouvoir politique, détourneurs des talents et des valeurs. Et dans le système, il s’évertue à défendre l’indéfendable, mieux à affronter permanemment la raison.
Au début des années 90, ébloui par la lumière du jour au sortir de la caverne obscure du monolithisme, le peuple camerounais ne pouvait voir clair tout de suite. Il n’aura fallu que quelques années pour dessiller les yeux des rares optimistes qui restaient et qui croyaient encore au miracle et aux capacités de certains leaders à résister face aux tentations du pouvoir et de l’argent.
De nos jours, face aux multiples trahisons, grenouillages et erreurs stratégiques des leaders dits de l’opposition et au moment où les discours et les poings levés n’impressionnent plus, il est tout à fait logique que le peuple ne sache plus à quel saint se vouer. Beaucoup de leaders politiques qui se paraient de l’étiquette d’opposant ont soi quitté la scène, soit rejoint la mangeoire, leur activisme n’ayant été qu’une façon de « se faire voir par le pouvoir qui distribue les cartes d’invitation au grand festin où se partage le gâteau national. En ces temps de disette, le réalisme impose le devoir de négociation qui met fin à l’insécurité matérielle dans laquelle on ne peut tenir trop longtemps », fait remarquer le sociologue Jean-Marc Ela. D’autres se parent du statut d’opposant alors qu’ils sont nourris la nuit par le pouvoir et ses nombreux partisans et sympathisants qui refusent qu’on sache qu’ils ont la sympathie pour tel ou tel «leader » politique.
Au juste, qui sont ces hommes et femmes que l’on regroupe généralement dans la catégorie, presque unanimement admise de classe politique ? Quel est le cheminement de tous ces politiciens qui tiennent entre leurs mains, en jouant si souvent avec, le destin du peuple camerounais ? Que valent-ils ? Ces questions, on ne les pose pas très souvent, alors qu’elles sont essentielles pour savoir si l’on peut oui ou non faire confiance aux politiciens, pardon aux hommes et femmes politiques qui postulent à la charge de l’Etat. La classe politique camerounaise est un monde, une jungle où le pire côtoie le meilleur. Dans l’ensemble le peuple camerounais a affaire aux affamés, aux hommes et femmes sans conviction et sans principe, c’est-à-dire dont le principe est de n’avoir pas de principe et qui contribue au naufrage du Cameroun.
Ayant fait, pour la plupart, leurs classes dans les rangs du parti unique, ils ont été pour toujours marqués par une culture de l’unanimisme, donc de l’intolérance.
Ne faites surtout pas une remarque désobligeante à un certain John Fru Ndi qui prétend gouverner le Cameroun alors qu’il est incapable de faire plus d’un mois hors de son Bamenda natal. Ne lui dites surtout pas qu’il n’est pas normal qu’un leader de parti qui aspire gouverner le Cameroun patrimonialise sa formation politique en faisant de son domicile privé le lieu privilégié pour les réunions du National Executive Committee (NEC) et pour donner quelque fois des conférences de presse. Sa réaction sera immédiate et violente. Comme celle d’un adolescent.
N’interpelez pas Paul Biya sur la confusion qu’il entretien entre la fonction de chef de parti et celle chef de l’Etat et sur le fait qu’il tient les réunions du bureau politique de sa formation politique au Palais d’Etoudi. Ses partisans et sympathisants organiseront une contre-offensive sur les réseaux sociaux en vous inondant de messages, d’arguments spécieux et nauséeux. Ils vous diront qu’il ne viole pas la constitution, même si l’esprit de celle-ci fait de la fonction présidentielle, pendant la durée de son mandat, un sacerdoce exclusif de tout investissement dans l’espace public. Aussi, fondant leur argumentation uniquement sur le cadre juridique, Ils argueront que juridiquement il n’y pas d’incompatibilité entre la fonction de président de la République et celle de président de parti, la présidence d’un parti n’étant pas une fonction publique élective, quand bien même le fonctionnement du parti est suivi et financé par l’Etat, comme d’autres associations apolitiques. Faisant semblant d’ignorer, comme le souligne Alain Didier Olinga, que « l’enjeu de l’exercice serein, impartial et objectif et dans l’intérêt exclusif de la nation de la fonction présidentielle exige de dépasser le strict cadre juridique. Parce qu’il doit en tout temps incarner l’unité nationale, le président de la République ne peut continuer à s’afficher comme président d’une formation politique. Il en découle une incompatibilité politique nécessaire entre les fonctions de président de la République et président d’un parti politique ».
Une évidence s’impose : le Cameroun ne peut espérer construire une démocratie solide si les partis politiques font fi de la formation du personnel politique, des hommes et femmes d’envergure, capables d’assumer les responsabilités les plus importantes. De manière à faire en sorte que, comme dans les démocraties avancées, l’accession à des responsabilités politiques soit le couronnement d’un long parcours jonchés d’embûches et au cours duquel les convictions ont été éprouvées. En politique, comme dans plusieurs autres domaines de la vie, tout ce qui relève de la génération spontanée est observé avec circonspection.
Et tant que l’opposition ou ce qui en tient lieu sera incapable de relever le défi de la cohésion, c’est-à-dire de la création d’un cadre de concertation pouvant lui permettre de régler des questions stratégiques et d’intérêt commun, de concevoir et de promouvoir des projets alternatifs crédibles, des approches politiques novatrices et efficaces ;  autrement dit, tant qu’elle restera sourde aux messages en provenance du Gabon, du Burkina, du Sénégal, de la Tunisie, tant qu’elle n’aura pas créer un cadre pour une véritable synergie d’association et d’actions en vue de l’alternance politique pacifique au Cameroun dans les années à venir, elle passera son temps à faire du bruit comme un tonneau vide, à aboyer pour signaler le passage de la caravane du Rassemblement démocratique du peuple Camerounais.  Le grand manitou d’Etoudi continuera de l’utiliser comme un faire-valoir démocratique. L’histoire retiendra qu’elle aura été complice du naufrage du Cameroun.
Jean-Bosco Talla


Paul Biya, centre de l'inertie et responsable du naufrage du Cameroun
Ses thuriféraires, partisans et sympathisants ont l’habitude de se défausser sur ses Premiers des ministres et ses ministres. Pourtant, en tant que locomotive qui fournit l'énergie motrice du train gouvernemental, Paul Biya est le principal responsable de la faillite et du naufrage du Cameroun.
Le 30 juin 2010, Yang Philemon venait de passer 365 jours à la tête du gouvernement formé le 30 juin 2009. Des organes de presse paraissant au Cameroun saisissaient cette occasion pour scruter et évaluer ses actions depuis son entrée en fonction. Ils fondaient leurs évaluations sur les orientations données par le président de la République lors du conseil des ministres tenu le 3 juillet 2009. S’adressant à ses ministres, le président de la République avait assigné des missions précises au nouveau gouvernement. « Il s’agi[ssait], avait-il dit, à travers la politique des Grandes ambitions » définie au début du septennat, d’assurer le développement économique de notre pays et d’améliorer les conditions de vie des populations ».  Au moment du frémissement de l’économie mondiale, il était question, au plan économique, de mettre en œuvre, dans des délais brefs (six (6) mois), un programme de développement énergétique qui réponde aux potentialités du Cameroun, de relancer les dossiers des grands chantiers industriels et miniers, d’accélérer, s’agissant des infrastructures, les travaux des  chantiers abandonnés et de satisfaire les besoins des populations, et, enfin d’appuyer cette dynamique sur une gestion budgétaire rigoureuse. Pour terminer, le président de la République déclarait : « J’attends de ce gouvernement remanié qu’il donne un nouvel élan à son action en particulier dans les secteurs où une forme de routine ou d’inefficacité paraît s’être installée. J’attends aussi de lui qu’il remette en vigueur l’usage des feuilles de route qui paraît être tombées en désuétude. J’attends enfin qu’il manifeste dans son action une réelle cohésion et une solidarité qui sont les gages du succès ».
Les médias étaient (presque tous) unanimes et affirmaient qu’après 365 jours passés au premier ministère, Yang Philemon était loin d’avoir tenu les promesses que son arrivée avait suscitées. Ils faisaient également observer qu’un an après son entrée en fonction, sa feuille de route n’était pas toujours exécutée. Mathias Eric Owona Nguini, nuançait cette vision médiatique de l’action gouvernementale qui incrimine le chef du gouvernement.  Pour ce sociopolitiste, la visibilité de l’action de Yang Philemon à l’immeuble étoile était d’autant plus compliquée et brouillée « qu’il n’existe pas un seul centre d’impulsion gouvernementale » (in Mutations nº 2686 du 30 juin 2010).  Cette position corroborait celle de Mathurin Nna (2008-301) selon laquelle, « malgré les apparences et les envies que suscite l’exercice de sa fonction, le [premier] ministre camerounais est loin de devenir une autorité administrative autonome. Il n’a pas les coudées franches dans son action et ne parvient pas à faire valoir tous ses talents. De même, il ne peut mettre en application des idées propres ou faire valoir sa vision personnelle dans les problèmes techniques dont il a la charge de la solution ». Ces observations étaient d’autant plus pertinentes qu’en filigrane elles posaient la seule question qui vaut la peine d’être posée dans un contexte où le pouvoir politique est fortement personnalisé et qui est la suivante : À qui incombe, en définitive, la responsabilité de l’inefficacité, de l’inertie, de la cacophonie gouvernementales, donc du naufrage du Cameroun ?
La réponse est simple et évidente : c’est Paul Biya. Il assume d’autant plus cette responsabilité que dans une équipe, comme dans le cas d’un entraineur de football, c’est le chef, le patron de tout le système, qui est responsable des succès et insuccès. On ne saurait donc éluder sa responsabilité dans l’efficacité ou non des différents gouvernements, dans la situation actuelle du Cameroun et s’acharner sur des commissionnaires que sont le premier des ministres et autres ministres.
On sait que les pouvoirs politiques personnalisés sont les principales caractéristiques de la plupart des États en Afrique. Autrement dit, lorsqu’on veut réellement faire l’évaluation d’une action politique au Cameroun, comme dans plusieurs États africains, on ne devrait pas éluder la responsabilité du président de la République qui de son côté ne saurait se défausser sur des sous-fifres du genre Premier ministre et ministres. Ce point de vue n’est ni de la théorie pure, encore moins une simple fabulation, étant donné que les faits donnent raison à tout observateur, même passablement attentif de la scène politique camerounaise. D’ailleurs, la constitution du Cameroun consacre la prééminence du président de la République.
Cette constitution dispose en son article 10-1 que c’est le président de la République qui nomme le Premier ministre et, sur proposition de celui-ci, les autres membres du gouvernement. Il fixe leurs attributions et met fin à leurs fonctions. Il nomme aux emplois civils et militaires de l’État (art.8-10). En outre, « le gouvernement est chargé de la mise en œuvre de la politique de la Nation telle que définie par le président de la République » (Art.11-1).  Ainsi donc, « lorsque les attentes populaires se manifestent, le refus d’appliquer cette prérogative peut le rendre politiquement responsable des indélicatesses commises par ses [Premiers ministres] et ministres. Cela tient au fait qu’il est l’unique juge de l’opportunité de les conserver ou non au sein du gouvernement et, en tant qu’élu de la nation entière, il doit rester attentif aux variations de l’opinion. L’impunité est généralement interprétée comme une approbation de la manière de servir de ses ministres. Elle peut également constituer une preuve de la conformité des actes du gouvernement aux grandes options de la politique du chef de l’État » (Mathurin Nna, 2008-292).
Ces dispositions constitutionnelles confèrent au président de la République un statut différent de celui du Premier ministre et des ministres. Alors qu’il tire sa légitimité du peuple par voie d’élection, le Premier ministre et les ministres tiennent leur pouvoir de la seule volonté du chef de l’État. Paul Biya ne disait pas autre chose quand en 1987, répondant à une question d’Éric Chinje, alors journaliste et rédacteur en chef à la Cameroon Television (Ctv), il affirmait : « En ce qui concerne les emplois dits supérieurs, ils sont essentiellement révocables : c’est-à-dire que la révocabilité est inscrite dans leur essence. En termes plus clairs, le chef de l’État peut révoquer les titulaires de ces fonctions à tout moment, en toute discrétion, sans avoir d’explication à donner à qui que ce soit. Dans le jargon juridique de mon temps, on disait : ce sont des fonctions révocables ad libitum : c’est-à-dire monsieur Éric Chinje, que je peux opiner de la tête, et vous n’êtes plus rédacteur en chef de la Ctv. Je n’ai pas à expliquer quoi que ce soit à ce sujet. »  Logiquement donc Premier ministre et ministres ne devraient pas être responsables devant le peuple, même si le fait qu’ils tirent leur pouvoir d’une autorité élue établit une relation indirecte entre les électeurs-peuple et eux.
Plusieurs fois, le président de la République a posé des actes pour montrer aux Camerounais que lorsque les choses vont bien, c’est lui qui les a impulsées. Le cas de la récupération politique des victoires des Lions (in)domptables qu’il donne en exemple chaque fois qu’ils remportent une victoire décisive est une illustration patente. Il devient par conséquent logique qu’il assume la responsabilité quand les choses tournent mal. C’est dire si, vouloir évaluer l’action d’un Premier ministre, que ce soit Yang Philemon, Inoni Ephraïm ou toute autre personnalité nommée par le chef de l’État en évacuant la responsabilité personnelle du président de la République est une falsification de l’analyse sociopolitique qui ne repose sur des faits pertinents.  Cela n’exclut pour autant pas la responsabilité individuelle du premier ministre et des ministres dans les actes qu’ils posent dans l’exercice de leurs fonctions. Autrement dit, évaluer l’action de Yang Philemon à la primature depuis 2009, c’est aussi évaluer l’action politique de Paul Biya pendant cette période.
Comme l’avait fait remarquer la presse nationale, les multiples feuilles de route du chef du gouvernement et des ministres n’ont pas jusqu’ici produit des effets escomptés. Plusieurs hypothèses peuvent être émises pour expliquer cette inertie et cette inefficacité gouvernementales.
1-Tout laisse à penser qu’en se présentant aux différentes élections présidentielles de 2004 et 2011, il n’y a pas eu une entente sur la finalité de ses seconds et troisièmes septennats entre le président de la République et la jeune élite qui l’avait aidé à remporter ces élections. Il y aurait donc eu brouillage quant à la représentation et la finalité des mandats présidentiels. Alors que Paul Biya pensait que ces mandats seraient comme les autres mandats et qu’il les utiliserait pour se maintenir ad vitam aeternam à la tête de l’État, il était question pour la jeune élite, les créatures et esclaves fabriqués par décret de gérer la transition et de préparer le départ de Paul Biya en 2011, voire en 2018. Vraisemblablement, cette jeune élite fondait son espoir de voir Paul Biya partir en 2011 sur l’article 6.2 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 qui disposait clairement, avant la modification du 14 avril 2008 (loi nº 2008-1), que « le président de la République est élu pour un mandat de sept (7) ans renouvelable une fois ». On peut ainsi comprendre pourquoi Jacques Fame Ndongo, Professeur es intrigues et actuel ministre de l’Enseignement supérieur, avait déclaré à un homme politique en présence de témoins qu’en 2011 le chef de l’État ne serait plus là. Avant de poursuivre : « Nous allons faire la politique autrement. Toi et moi, on aura un duel de chevalier, on va s’affronter. » Quand Paul Biya se rend donc compte que cette jeune élite n’est pas à son diapason, il décide de lui retirer sa confiance et laisse émerger un tas d’individus  incompétents, sans foi ni loi, qui se disent être ses créatures et héritiers, mais dont le sport favori est « le clientélisme parasitaire» (Owona Nguini), une manière pour eux de préparer la conquête du pouvoir politique suprême. Des créatures qui passent leur temps à chanter les louanges du président afin d’assurer leur maintien à des postes ministériels, ce qui leur permet d’opérer des ponctions sur la fortune publique, tout en détournant l’attention du chef de l’État sur leurs propres visées pouvoiristes. Ils sont nombreux ces hommes liges du président de la République qui excellent dans la gouvernance des effets d’annonce, de l’affichage dans les secteurs qui leur ont été confiés et qui sont devenus des sortes de vache à lait. Ceux-ci deviennent très actifs dans les médias, quand la rumeur sur un éventuel remaniement ministériel circule.
2-Ainsi, quelles que soient les personnes et les personnalités nommées comme Premiers ministres ou ministres, quels que soient les gouvernements que le président de la République alignera, l’inertie, la cacophonie, l’inefficacité, le naufrage du Cameroun demeureront tant qu’il ne règle pas la question de l’alternance ou de sa succession qui se pose déjà avec acuité à la tête de l’État et dans une certaine mesure à la tête du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc). Car chaque fois, le chef de l’État aura recours aux hommes de paille, peu audacieux, n’ayant ni l’étoffe ni la capacité de s’attaquer aux véritables problèmes et d’impulser des actions bénéfiques aux populations. On dirait que c’est bien à dessein que Paul Biya agit ainsi. C’est vraisemblablement pourquoi, il préfère former des gouvernements de commissionnaires qui n’agissent pas véritablement pas pour l’intérêt du Cameroun.
3- L’incohérence de l’action politique de Paul Biya est criarde. (1) Lorsqu’on relit le document sur les « Grandes ambitions » et les « Grandes réalisations», on a la conviction certaine que l’axe politique majeur du président de la République durant le septennat qui s’achève est le développement économique du Cameroun. Paradoxalement, pendant qu’il laisse décliner les différentes feuilles de route, les mesures qu’il prend sont en contradiction flagrante avec l’option économique des « Grandes ambitions ». Pourtant, la cohérence avec cette option économique supposait : un ou des Premier(s) ministre(s), des ministres compétents en charge des secteurs de l’économie, des finances et bien au fait des questions économiques. Or, on constate que les secteurs économiques sont confiés à des tocards qui ne gesticulent que lorsqu’un remaniement ministériel est annoncé. (2) En outre, lorsque Paul Biya déclare qu’il veut un gouvernement efficace pouvant répondre aux attentes du peuple, on s’attend à ce qu’il forme une équipe gouvernementale avec un effectif restreint. Or, pour rendre ce gouvernement efficace, à sa manière, le chef de l’État opte délibérément pour l’«obésité gouvernementale» (Owona Nguini) en formant des gouvernements éléphantesques constitués de près de 65 ministres et assimilés.
4-À ces gouvernements officiels et visibles s’ajoutent des gouvernements de l’ombre qui, par diverses manœuvres, bloquent de manière significative toutes actions pertinentes. Ce sont : le gouvernement des gens de la présidence de la République qui sanctionnent ou bloquent les initiatives du premier des ministres et des ministres ; le gouvernement des amis personnels et intimes du chef de l’État que sont, entre autres Martin Belinga Oboutou, Léopold Ferdinand Oyono,  René Owona et Ombga Damasse de regrettés mémoires, et autres conseillers particuliers, qui coordonnent à leur manière, dans des domiciles privés, l’action gouvernementale, font et défont les carrières des ministres et des DG ; enfin le gouvernement de la cuisine qui agit à travers les organisations telles que le Cerac, Synergies africaines, la Fondation Chantal Biya et autres structures de délation et d’intimidation qui sapent la coordination gouvernementale et captent les projets juteux  de santé  qui, bien menés par les institutions étatiques, pouvaient profiter à tous les Camerounais. Aussi, tous ceux qui essaient d’évoluer en marge des règles de cette coterie sont-ils immédiatement éjectés de la mangeoire nationale.  L’accord de partenariat signé entre Synergies africaines et la Fondation Oswaldo Cruz (Fiorcruz), organisme public rattaché au ministère brésilien de la Santé dont l’objectif est la promotion de la santé publique et le développement social, était une illustration patente du détournement des projets juteux. Certains membres de ce gouvernement de la cuisine exercent des pressions sur des ministres afin qu’ils relèvent des DG, PCA et des fonctionnaires et agents de l’État de leur fonction.
5- À tout cela viennent s’ajouter les batailles de positionnement que Paul Biya n’arrive pas à arbitrer ou qu’il entretient lui-même. La bataille la plus épique a été celle que s’était livrée, par médias et personnes interposés, au nez et sous les yeux peut être amusés de Paul Biya, l’actuel ministre d’État, ministre de la Justice, ex-secrétaire général de la présidence de la République, Laurent Esso et l’actuel Minadt, ex-secrétaire général du comité central du Rdpc, René Emmanuel Sadi. Cette bataille entre deux barons du régime, pour ne prendre que cet exemple, entravait l’action du gouvernement. Aussi était-il permis de douter de l’efficacité de l’action de Laurent Esso qui, au même moment qu’il menait la bataille pour la succession au sommet de l’État, devait préparer les dossiers à soumettre à la très haute attention du chef de l’État. Des exemples comme ceux-ci sont légion.
On en vient à se demander où les différents protagonistes trouvent le temps matériel pour travailler pour le bien-être des Camerounais. Tout comme on n’a jamais compris pourquoi Paul Biya ne met souvent pas à temps un terme aux différentes batailles entre les pontes du régime et qui nuisent à l’action et à la cohésion gouvernementales. Titus Edzoa n’avait-il pas vu juste ? Lui qui déclarait dans une interview accordée au journal La Nouvelle Expression n° 116 du 5 mai 1997 que Paul Biya est machiavélique et qu’il ne crée pas le dialogue entre les membres d’une équipe quand il y a des problèmes. Pour l’ex-taulard, Paul Biya applique le machiavélisme à la lettre et fait en sorte que les uns et les autres se rentrent dedans.
6-De plus, l’inefficacité et la manipulation des services de renseignement ne permettent plus à Paul Biya d’avoir les renseignements clairs sur des situations précises. Il est de notoriété publique que ces services ne font plus le renseignement d’État. De plus en plus, les renseignements fournis au chef de l’État sont soit ceux destinés à abattre un adversaire réel ou potentiel soit orientés dans l’optique de sauver un ami ou un membre du clan. Conséquence, Paul Biya ne reçoit plus la bonne information lui permettant de décider en connaissance de cause. Certains membres du gouvernement et directeur général des sociétés ont compris qu’il suffit de bien entretenir certains réseaux de renseignements pour assurer leur maintien au poste.
Somme toute, les Camerounais ne sont pas tous des gogos. La réalité des héritiers, des créatures, des esclaves de l’esclavagiste Paul Biya est glauque. Et comme nous le disions dans l’une de nos précédentes éditions « Paul Biya doit se montrer capable de réconcilier les Camerounais, de surmonter les tensions et crises réelles et latentes qui secouent son régime. Ses doutes et hésitations à prendre certaines décisions et à siffler la fin de la récréation inquiètent. Si la politique est la science de la maîtrise des choses fondées sur la prévision, la projection et l’organisation, il est dangereux qu’un chef d’État (ou un homme politique) donne l’impression que les événements lui échappent et qu’il n’est plus qu’une marionnette, c’est-à-dire (en français facile) une personne que certains collaborateurs hypocrites, vicieux et ambitieux manœuvrent à leur gré et lui font faire ce qu’ils veulent. C’est ce qui fait la force des grands hommes d’État. Paul Biya un grand homme d’État ? Qu’il le prouve.»
Jean-Bosco Talla


Fru Ndi, complice et allié objectif de Paul Biya
N’attendez pas de lui qu’il vous dise qui il est véritablement. Ses reniemments et compromissions ont fait de lui le complice et l’allié objectif de Paul Biya.
Son poing levé n’impressionne plus les Camerounais. Ils se sont habitués à ses absences, à ses retournements et compromissions. Avant la présidentielle de 2011, il avait fait une sortie médiatique au cours de laquelle il avait déclaré : « Il n’y aura pas d’élections présidentielles en 2011 au Cameroun !»  Le Sdf (Social Democratic Front, Sdf) par la voix de son Chairman réagissait ainsi lors d’une conférence de presse donnée à Yaoundé à la sortie médiatique, faite quelques jours plus tôt, du ministre des Relations extérieures d’alors Henri Eyebe Ayissi qui avait fustigé les déclarations de certains diplomates accrédités au Cameroun. Ces derniers avaient critiqué le choix des membres d’Elections Cameroon (Elecam), la nouvelle structure en charge de l’organisation des élections au Cameroun. Le ministre accusait les diplomates d’ingérence dans les affaires internes du Cameroun. Il n’en fallait pas plus pour sortir Fru Ndi de son sommeil léthargique. Plusieurs mois après la nomination des membres d’Elecam, John Fru Ndi avait joint sa voix au concert des réactions enregistrées tant sur le plan national qu’international. Le chairman avait parlé. Et plus il parle, plus sa voix devient de plus en plus inaudible. On est bien loin des années fastes du Sdf.
Le 26 mai 1990, contre toute attente et malgré la présence à Bamenda d’une patrouille de 2000 policiers armés jusqu’aux dents Ni John Fru Ndi lançait le Social Democratic Front (Sdf). Des sources indépendantes avaient estimé la foule au lancement du parti à 80.000 personnes à ce moment-là. Six jeunes gens non armés avaient été piétinés par balles par la police après le rassemblement. Le refus de toute compromission de Ni John Fru Ndi surprenait plus d’un observateur y compris ses plus proches associés. Ignorant les mises en garde de personnalités éminentes et certains membres de sa famille sur le projet Sdf, il plaçait avec beaucoup de passion l’intérêt général avant tout autre intérêt. En 1992, c’est tout naturellement qu’il devenait candidat de l’« Union pour le changement» à l’élection présidentielle au Cameroun, une coalition d’au moins 20 partis politiques et associations, dont le Sdf. Ni John Fru Ndi avait remporté l’élection présidentielle aux dépens du président sortant Paul Biya. Mais au lieu de saluer le vainqueur de cette élection, Paul Biya assignait Ni John Fru Ndi à résidence surveillée et se proclamait vainqueur. Les organisateurs officiels de l’élection accordaient en effet 39% de voix à Paul Biya contre 37% à Ni John Fru Ndi. Des observateurs indépendants ainsi que la National Democratic Institute dénonçaient des irrégularités pendant ce scrutin. Ce n’était que le début des malheurs de Fru Ndi qui, curieusement au grand de nombreux Camerounais, avait déjà engagé des négociations nocturnes avec le pouvoir pour devenir président du Conseil d’État.
Incarcération
Très vite, après avoir découvert la vraie face du Chairman, les militants de la première heure quittaient le bateau SDF, victimes de la guillotine du 8.2. Siga Asanga, Dorothée Kom, Charlie Gabriel Mbock, Edouard Tankwé, Bernard Muna accusaient chacun à son tour le chairman d’autoritarisme. En septembre 2005, le secrétaire général du Social democratic Front (Sdf) Asonganyi, de regretté mémoire, quitte ses fonctions sur la pointe des pieds, non sans livrer un réquisitoire sur le fonctionnement du principal parti d’opposition, déjà secoué par les querelles de toutes sortes. « À la faveur du lancement des primaires du Nec (Comité exécutif national, Ndlr), j’ai décidé de ne plus briguer un poste au sein de l’instance dirigeante du Sdf», avait annoncé l’alors Sg. Une démission qui ne disait pas son nom. Une charge lourde qui, pour n’être pas nouvelle, n’en était pas moins connotée d’une résonance particulière s’agissant d’un très haut cadre du parti en poste depuis 12 ans, et ami de longue date de John Fru Ndi, le président du parti qui a dû être mis devant le fait accompli. Il n’avait pas hésité de dire : « Je suis convaincu que la direction du Sdf dont je suis l’un des maillons n’a pas su transformer la formidable machine qu’est le Sdf, en un puissant catalyseur du changement de notre pays », lâchait Asonganyi, remonté. Il fustigeait « le culte de la personnalité qui a pour corollaire l’infaillibilité du chef’ ». Il tançait l’attitude de ceux qui font peu de cas au respect des textes du parti, la manipulation des « statuts » qui peut avoir des allures de règlements de compte aux militants peu disposés à l’unanimisme. Il ironisait volontiers sur une question bien délicate qui alimente les plus vives controverses au sein du Sdf. « Selon des rumeurs persistantes, non seulement les dirigeants du Sdf ont des contacts réguliers et secrets avec le régime Rdpc (Rassemblement démocratique du peuple camerounais de Paul Biya, au pouvoir, Ndlr), mais en plus, ils reçoivent également des fonds occultes considérables». Et d’enfoncer le clou : « Cela me semble avoir gravement compromis l’efficacité du Sdf et de l’opposition au Cameroun », convaincu que « le Sdf seul ne peut pas changer le pays ». C’est l’ouvrage qu’il a publié quelque temps avant sa mort qu’il met à nu les différentes compromissions de John Fru Ndi.
Dans son interview à France 24, Paul Biya reconnaissait d’ailleurs avoir rencontré John Fru Ndi. Une certaine opinion lui avait alors cousu les habits de traître. Il va également porter ceux d’un assassin.
Le 26 mai 2006, une rixe oppose à Yaoundé dans les locaux du Sdf des individus considérés comme des militants de deux factions rivales du parti, dont l’une se réclame de John Fru Ndi et l’autre de Bernard Muna, avocat de renom, ancien procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda, revenu dans les rangs de cette formation après de longues années d’exclusion. Bilan de ces échauffourées qui gardent encore une bonne partie de leur mystère : de nombreux blessés graves, et la mort de Grégoire Diboulé, jusque-là responsable au sein d’une section locale du Sdf et acquis à Bernard Muna. Émoi au sein de l’opinion. La justice s’est saisie de l’affaire, inculpant une vingtaine de présumés militants du Sdf et le colonel à la retraite Chi Ngafor (un proche de Fru Ndi) d’assassinat avant de les placer sous mandat de dépôt à la prison centrale de Yaoundé où ils ont été incarcérés pendant de longues semaines puis libérés plusieurs années après. Fru Ndi est mis en cause. Il a du mal se sortir de cette affaire. Ses conptemteurs disent qu’il a dealé, comme d’habitude avec le pouvoir.
Vint la saison des élections sénatoriales en avril 2013. Le Sdf est soutenu par le Rdpc dans la région de l’Ouest contre l’Udc. Aussi le parti du Chairman remporte-t-il les élections dans l’Adamaoua avec le soutien du Rdpc où il n’a pas de conseillers municipaux. Les masques sont définitivement tombés. Fru Ndi a conduit le Sdf à l’abattoir. Il n’était que le pion du Rdpc infiltré au sommet du Sdf, lancent ses détracteurs. À tort ou à raison. Fru Ndi a prêté le flanc et ne récolte que ce qu’il a semé et manigancer la nuit. Au détriment des membres du Sdf qui croient au changement, à la rupture.
Maheu


Les révélations d'Asonganyi
«Nous sommes obligés de dévoiler leur plan macabre et machiavélique.
L’événement a débuté à Douala le 18/11/92 et m’a été rapporté dans mon appartement à Bastos le 20/11/92. C’est quand l’état d’urgence était en vigueur. Dans la soirée, le Dr Samuel Tchwenko, Fopoussi et Louis Shalo arrivèrent. Ils voulaient me donner un rapport sur une réunion entre le Dr. Tchwenko, Fopoussi, et Shalo représentants le SDF et le Prince Dicka Akwa, M. Daniel Moukouri, M. Omgba Damase et M. François Ebakissé représentant du RDPC. La première réunion eut lieu à la résidence du prince Dicka Akwa à Douala. La discussion était à propos de la création d’un Conseil d’Etat qui allait être présidé par le vainqueur des élections présidentielles d’Octobre 1992. En fait, le groupe a reconnu la victoire de Fru Ndi, mais les exigences du moment requéraient que Biya reste président. Pour que Fru Ndi ne soit pas totalement ignoré, il était nécessaire de créer un Conseil d’Etat qu’il présiderait. Cette proposition acceptée, la réunion fut reportée au 20/11/92 à Yaoundé à la résidence d’Omgba Damase. A Yaoundé, la délégation du SDF fut logée au Mansel Hôtel pour les trois jours que dura la réunion. Chaque jour de la réunion, une Mercedes les amenait à la résidence d’Omgba Damase. Ils mangeaient et buvaient à la charge de l’équipe du RDPC. Dr Tchwenko m’a fait comprendre que leur participation était connue du président. Selon la déclaration du Dr Tchwenko, on lui demanda d’exiger du président une déclaration dénonçant les violences. Puisque le président ne m’avait pas encore informé de ce qui se passait, j’ai attendu et continué d’attendre qu’il me dise qu’il avait signé la lettre et quel en était le contenu, ou s’il était au courant de cette réunion.»
Source : Tazoacha Asonganyi, Cameroun : Choix difficiles dans une démocratie de façade (un mémoire) NGT publishing, 2015, p. 64


Bello Bouba Maïgari: Le grand retors de la Cène
Si on prenait la peine de consulter les oracles, on se rendrait sans doute compte que [le ministère d'Etat, des postes et télécommunication] fut un grand comédien dans une autre existence. Un metteur en scène pour être plus précis. Avec une option prononcée pour l'illusionnisme. Créer des artifices pour se rendre important. Utiliser les autres comme marchepied. Bello est équipé d'un éclectisme idéologique hors pair. En matière de funambulisme, on aura rarement mieux sous nos cieux.
Ce garçon aurait-il été traumatisé à un moment de sa vie ? Sa fulgurance académique et une ascension professionnelle précoce, y sont certainement pour beaucoup. L'Annuaire national 1980, le Who's who de la haute [administration], nous ordonne de croire que le brillant élève du Lycée de Garoua est entré à l'Enam à 21 balais accomplis, c'est-à-dire en 66. Nanti d'un Bepc, on suppose. Mais, nous nous garderons bien de le signaler. Il en sort, paraît-il, en 70. Détail capital, malgré ces études fort accaparantes, le Bello a quand même trouvé le temps d'être adjoint administratif à la sous-préfecture de Poli - c'est écrit en toutes lettres dans le bouquin. Ce don d'ubiquité se révèle à lui de 65 à 66. A 22 ans ! Il se paye le luxe d'être secrétaire général de ministère (les forces armées) à 25 piges. A 28, il est l'adjoint d'un certain Samuel Eboua au secrétariat général de la présidence de la République.
Le Bello Bouba, premier ministre, est à la fois un être évanescent et ondoyant. C'est une espèce de chérie mal aimée qui, en janvier 83, va souvent noyer son chagrin non pas dans un verre d'alcool, mais en complotant au cours de prières dans les mosquées souterraines "[dixit, Henri Bandolo in La flamme et la fumée]. On surprendra la premier ministre de la République dans de sinistres messes noires o fortes coloration régionaliste, incitant les ministres " nordistes " à la dissidence. Une lettre de démission collective naït de ces tractations nocturnes et secrètes Que le grand manipulateur Bello se gardera bien de signer lorsqu'arrivera son tour. Il est limogé après 9 mois de primature marquée par des bruits de révolution de palais
Il s'octroie un "exil volontaire" au Nigeria. Revient au pays en mi-août 91. Seulement après l' " année de braise "... Accueil triomphal à Douala. Samuel Eboua se veut d'autant plus rassuré que le " simple militant de base" de l'Undp qu'il embrasse à pleine poitrine, ne nourrit aucune ambition politique et ne veut pas qu'on lui en prête. Le militant de quelque chose en question participe au sommet tripartite de Yaoundé en qualité de... " membre de la société civile". Eboua démentira en estimant que la manœuvre était une manière de lui forcer la main ; de l'amener à se rendre à cet attrape-gogos.
En début 92, les affidés de Bello improvisent un Congrès de l'Undp à Garoua. Extraordinaire ! Bello est intronisé à la hussarde. Forcément. Samuel Eboua, inconsolable, se dit "victime d'une cabale tribale " qui " porte la marque du pouvoir ". L'ère des déclarations tonitruantes vient de commencer. On se rendra compte, bien plus tard, que le tribun d'enfer est rongé jusqu'à l'os par un incurable virus sémantique qui lui fait dire ce qu'il ne pense pas et faire le contraire de ce qu'il déclare. Ses pensées sont comme ses convictions : à la fois fortes et bigarrées
En mars 92, convaincu que "les habitants de ce pays, malgré la loi [sont] prêts à voter pour l'opposition et à lui accorder la majorité dont elle a besoin pour accomplir sa tâche de réformes ", Bello lance ses troupes à l'assaut du Palais du peuple, et ceci malgré le mot d'ordre de boycott de l'opposition. Mais, 68 députés, on vous le demande, est-ce assez pour venir à bout de la " mauvaise foi du gouvernement " ? Candidat à l'élection présidentielle en 92. Gamelle. Décidément, le Cameroun ne veut pas être " bien géré" par Bello... Et déjà deux lieutenants qui le cocufient en entrant au gouvernement (27/11 /92) sans son onction. Kaï !
Et pour soigner son vague à l'âme, rien de tel que de fréquents coups de gueule contre les dirigeants de l'amère patrie. Même si on ne se prive pas soi-même, secrètement, de négocier quelque strapontin gouvernemental. Bello Bouba n'est apparemment rien hors du pouvoir. Ses fréquentes crises d'adrénaline sont autant de clins d'œil au Prince afin que le train de l'histoire ne l'oublie pas sur un quai.
Relisons quelques morceaux moisis de son discours du 04 janvier 97 à Ngaoundéré, lors du 2e Congrès ordinaire de l'Undp. 2h30mn d'un pamphlet comme les prestidigitateurs n'en font plus beaucoup de nos jours. Dans lequel on apprendra qu' " après quinze ans de cette gestion que le peuplé camerounais expérimente quotidiennement à ses dépens, certains ont plutôt confirmé qu'en réalité le seul programme qu'ils avaient consistait à s'accrocher au pouvoir par tous les moyens, des plus déshonorants aux plus sanglants ". Que " quand un pouvoir est si défaillant, qu'il n'a même plus conscience de ses propres carences, il ne suffit plus de lui rappeler ses innombrables faillites, il faut le déloger " étant entendu qu' " il est incontestable que c'est à l'opposition camerounaise que revient la responsabilité  de sortir le Cameroun de l'ornière où se complaisent les autres "
Bello écartait toute idée de collaboration avec le pouvoir, synonyme de " complicité" dans la " violation des droits de l'homme ". Des négociations avec le gouvernement ? Vous n'y pensez pas tout de même ! En tout cas " c'est des rumeurs qui sont là depuis 5 ou 6 ans ". D'où l'appel pathétique au boycott de [l'élection présidentielle de 1997]. L'histoire retiendra que c'est le président de l'Undp qui le premier lança l'idée, suivi quelques jours plus tard par l'Udc et le Sdf. Boycott actif. Qui débouchera sur " la mascarade électorale du 12 octobre 1997 ". Le même meneur signera des deux mains le communiqué conjoint d'après scrutin, dans lequel le front du boycott demande " au peuple de se tenir prêt pour les phases suivantes du combat pour la démocratie ". Mais cet appel à la mobilisation et à la défiance semble ne pas avoir revêtu la même signification pour tout monde. Surtout pour M. Bello qui, à un moment donné, adopte une langue à cheval entre le charabia et les enchères nocturnes d'une fille de joie. Il commence sournoisement à brouter son pain blanc. " Un homme politique [...] mesure les actions qui lui permettent de gagner du terrain, et exploite toutes les fissure "
Aussitôt parvenu à sa faim, le désormais [l'ex] ministre d'Etat chargé du Développement consorts, avant d'inaugurer son règne oisif en interdisant - sur le papier - l'odontol sans mesure d'accompagnement, a entrepris d'engueuler la tribu d'"amnésiques " du front du boycott qui " n'ont pas de leçons" à lui faire. Et d'ailleurs, désormais, " chacun est libre de prendre la voie qui lui convient”. On apprendra également, non sans surprise, que le Rdpc et l'Undp " ont très rapidement su se découvrir des convergences politiques " - à la bonne heure ! Et déjà montent les inquiétudes pour l'avenir. Parce qu'avec Bello on n'est jamais assez prudent. Les risques d'infidélité sont toujours à prévoir. Il l'a d'ailleurs rappelé ; récemment : "  [...] il n'est pas de l'habitude de l'Undp de dire non. C'est à l'examen des propositions que nous trancherons. " On vous le disait bien : tout ici se négocie. Comme au royaume des péripatéticiennes.
Félix Cyriaque Ebolé Bola
In Mutations du 26/01/98

Ndlr : Et l'éternel président de l'Undp a su négocié tous les virages pour demeurer aux côtés de son complice Paul Biya. Toutes les issues sont bouchées pour éviter que certains de ses camarades du parti ne lui fassent plus le coup de Issa Tchiroma et de Hamadou Moustapha qui a depuis a quitté le navire pour créer son Alliance pour la démocratie et le progrès (Andp) de Paul Biya et de leurs intérêts respectifs.


L'Enam, l'Ecole ou le Moule des fossoyeurs
L’ENAM née en 1964 des cendres de l’Ecole Camerounaise d’Administration (ECA.), n’est certes pas la seule grande école qui pourvoit le Cameroun en fonctionnaires mais elle est avec l’EMIA et la filière diplomatie de l’IRIC., une école de souveraineté où se recrute l’essentiel de l’élite dirigeante. Elle a de ce fait, une lourde responsabilité dans la façon dont le Cameroun est dirigé. Certes les fonctionnaires issus de L’ENAM ne sont pas tous mauvais. Beaucoup font un travail honnête et respectable. Mais ceux qui parmi eux et pas toujours des meilleurs, ont été appelés par la force discrétionnaire du décret sont pour l’essentiel exécrables puisqu’on voit où ils ont aujourd’hui conduit le pays. Qui d’entre les administrés depuis les leaders d’opinion jusqu’au plus humble des Camerounais n’a eu un jour à souffrir de l’arbitraire et des abus d’un sous-préfet, préfet et autre gouverneur ? Qui d’entre les justiciables n’a jamais été victime de jugements iniques de magistrats aux ordres ? Et que dire de l’insolence des inspecteurs de douanes, du trésor et des impôts dont la fortune en milliards de F.CFA dévalués, accumulée au sortir de l’école, nargue la misère des normaliens et autres médecins sur le départ de la retraite ?
Le recrutement clientéliste à l’entrée n’est pas exclusif de l’ENAM mais il est notoire que dans cette école de souveraineté, la sélection obéit davantage à une logique de reproduction sociale et de conservation des positions de pouvoir. On peut comprendre qu’un fils de magistrat, d’administrateur civil, d’inspecteur des régies financières ait plus de chances d’accéder à l’ENAM parce qu’il aura bénéficié d’un meilleur encadrement. Ce qu’on ne s’explique pas en revanche, c’est que ce soit tout le temps les mêmes patronymes sur lesquels ne changent que les prénoms, qui sont admis. Que peut-on dès lors attendre d’individus malhonnêtement recrutés sinon qu’ils soient plus tard malhonnêtes lorsqu’ils auront accédé aux affaires ?
Aujourd’hui, les scandales de tricherie qui éclaboussent cette école, rendus publics par la presse, éclairent d’un jour nouveau le profil, peut-être de la formation mais davantage des formés dont on peut se demander ce qu’ils valent au regard des actes qu’ils posent sur le terrain ?
La structure interne de l’ENAM constituée de filières qui sous d’autres cieux, sont des écoles à part entière, est responsable des réseaux et connivences que vont déployer les énamarques une fois sur le terrain, du fait de leur appartenance à une même promotion. Comment peut-il en être autrement, quand dans une localité, le Préfet, le Sous-préfet, le Gouverneur, le Président du tribunal, le Procureur de la République, le Trésorier payeur général, etc., sont des promotionnaires ? Qu’on voit où les réseaux ont conduit La République aujourd’hui.
Il n’est donc pas exagéré de dire, au regard de ces observations à peine esquissées, que l’ENAM est solidaire de la dérive et finalement de la faillite du Cameroun don un jour devant l’histoire et la postérité, elle devra en rendre compte.
Tissibe Djomond