Affaire Marafa Hamidou Yaya: Issa Tchiroma ment et offre le Cameroun en spectacle

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Le ministre de la Communication développe des arguties pour tenter de démonter les conclusions du groupe de travail de l’Onu qui juge arbitraire la détention de l’ancien Minatd.
Issa Tchiroma n’est pas passé par quatre chemins pour tenter de démonter, par des mensonges grossiers, les conclusions pertinentes auxquelles sont parvenus les experts internationaux, membres du groupe de travail des Nations-Unies sur la détention arbitraire. Conclusions contenues dans leur rapport rendu public le 02 juin 2016 au terme de la 75e session du mois d’avril 2016, relativement à la procédure pénale engagée par l’État du Cameroun contre Marafa Hamidou Yaya. Le groupe de travail qui juge arbitraire la détention de l’ancien ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation (Minatd) exige, ni plus ni moins, sa libération immédiate.
Face à la presse, et dans une tentative maladroite à démentir les experts du groupe de travail et d’accréditer la thèse d’une détention légale et légitime, Issa Tchiroma s’est, de l’avis même des avocats de l’ancien Minatd, livrée à un véritable exercice de prestidigitation. Pour Me Kofele,

Tchiroma aurait mieux fait de se taire plutôt que de parler de ce dont il n’a pas la maîtrise. C’est ainsi que, de manière grotesque, le Mincom dénature le chef d’accusation retenu contre Marafa Hamidou Yaya par le Tribunal de grande instance (Tgi) du Mfoundi. Les faits sont pourtant têtus : le juge Gilbert Schlick avait retenu un seul chef d’accusation et condamné à 25 ans de prison pour « complicité intellectuelle de détournement de deniers publics ». Mais Issa Tchiroma parle de « complicité intellectuelle et détournement de deniers publics » (ici, la conjonction de coordination « et » qui sert à relier deux parties d’un discours et exprime une addition vaut son pesant d’or) : deux chefs d’accusation sortis de l’imagination très fertile du porte-parole du gouvernement.
Le Mincom commet une autre bourde qui dévoile au grand jour ses connaissances approximatives relativement à ce dossier, quand il affirme que l’ex-secrétaire général de la présidence de la République a été jugé par le Tribunal criminel spécial. Alors qu’il est de notoriété publique que l’ancien Minatd n’a jamais eu à se présenter devant la barre du Tcs. Et pour cause, Marafa n’a été poursuivi que dans le cadre de l’affaire du BBJ-2. Il sera condamné par le Tgi du Mfoundi en 2013 à 25 ans de prison, une peine réduite de cinq ans par la Cour suprême le 18 mai 2016.
Par ailleurs, Issa Tchiroma a cru devoir soutenir que Marafa est un prisonnier de droit commun et rien d’autre. Que la justice camerounaise qui l’a reconnu coupable des faits de détournements de deniers publics pour lesquels il était poursuivi, et qui l’a condamné de ce fait à 20 ans de réclusion, l’a fait en toute indépendance, conformément à la constitution, qui est la loi fondamentale du Cameroun. L’observateur est tenté de lui poser la question de savoir de quelle indépendance de la justice il parle avec tant d’emphase dans cette affaire, et dans bien d’autres, alors qu’il est de notoriété publique que c’est le président de la République qui, en fonction de ses visées, intérêts et dividendes politiques qu’il veut tirer, discrimine, oriente les arrestations, suspend des épées de Damoclès sur les têtes de certains collaborateurs encore en fonction. Selon cet ancien pauvre, infiltré dans les rangs de l’opposition au début des années 90 et devenu défenseur attitré de Paul Biya, il est illégitime est anormal que les victimes d’une opération dont les arrestations et les condamnations avaient des motivations visiblement politiques se considèrent comme étant des prisonniers politiques.
Pour autant, martèlent les experts du groupe de travail onusien, l’ex-Minatd n’a pas bénéficié d’un procès équitable en raison de nombreuses irrégularités ayant émaillé la procédure qui a débouché sur sa condamnation. En guise de réponse du gouvernement à l’avis du groupe de travail, le ministre de la Communication oppose un argumentaire éculé qui ne convainc que lui-même.
Au passage, le Mincom regrette la superficialité de la prise en compte par le groupe de travail des arguments fournis par l’État du Cameroun dans le cadre de cette affaire. Et de soutenir par la suite que les avis des groupes de travail des Nations-Unies n’ont aucune valeur contraignante sur les parties concernées, c’est-à-dire les destinataires (les États) et ne sont émis qu’à titre consultatif.
Si l’avis du groupe de travail n’a aucune valeur contraignante, pourquoi s’agite-t-il ou s’émeut-il tant ? À ce propos, l’avocat de l’ex-Minadt rappelle à juste titre « les engagements pris publiquement, officiellement et volontairement par une Nation doivent être honorés de bonne foi. La doctrine du pacta sunt servanda empêche les États signataires d’un traité d’invoquer leurs lois nationales pour justifier le non-respect de ce dernier. J’espère que la déclaration de presse de M. Tchiroma ne se veut pas une excuse du Gouvernement du Cameroun, reconnue coupable de violations de ses obligations vis-à-vis de la DUDH et du PIDCP, pour ignorer la décision du Groupe de travail ».
Cette agitation sans retenue chaque fois que des décisions et rapports d’ONG tendent à mettre le Cameroun sur le ban de la communauté internationale est la preuve que quelque chose ne tourne pas rond et que le Mincom est conscient que ces procédures ternissent l’image du Cameroun. Et Me Ndiva Kofele Kale de rappeler « D’un point de vue moral, il est trop tard pour que M. Tchiroma mette un nuage sur l’importance juridique de la décision du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire. Cela aurait dû être fait bien avant que le Gouvernement du Cameroun n’accepte de prendre part aux procédures. La partie était engagée à partir du moment où le Gouvernement du Cameroun s’est mis sous la juridiction du Groupe de travail des Nations Unies en répondant favorablement à ses plaidoyers en réponse à la pétition de M. Marafa, et a consenti aux règles d’engagement, si on peut le dire, parce qu’il a expressément accepté d’être lié à la Charte des Nations Unies, à la DUDH et au PIDCP. […] Le gouvernement ne peut à présent ignorer cette décision parce qu’elle n’est pas en sa faveur. » Avant de s’interroger : « Que se serait-il passé si le Nigéria avait refusé de respecter la décision de la Cour internationale de justice concernant la péninsule de Balassi? »
Si le Cameroun se considère comme un État de droit respectueux des engagements qu’il a pris sans contrainte aucune, qu’il le prouve.
Ikeméfuna Oliseh

Source: Germinal n° 090.

 


Le gouvernement répond au groupe de Travail de l'Onu

« Mesdames, Messieurs les Journalistes,
Je vous souhaite la bienvenue à cette rencontre à laquelle je vous ai conviés, pour nous entretenir, comme je vous l’avais promis, sur l’un des faits d’actualité qui auront retenu l’attention de l’opinion publique nationale et internationale ces derniers temps.
Il s’agit, et vous l’avez certainement noté, de l’Avis rendu public en date du 02 juin 2016 par le Groupe de Travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, au terme de sa 75ème session du mois d’avril dernier, relativement à la procédure pénale engagée par l’État du Cameroun contre Monsieur Marafa Hamidou Yaya.
Comme vous le savez aussi, le sieur Marafa Hamidou Yaya a été, au terme de cette procédure devenue aujourd’hui définitive – puisqu’ayant fait l’objet d’un arrêt de la Cour Suprême – condamné le 18 mai 2016 à une peine d’emprisonnement ferme de 20 ans pour complicité intellectuelle et détournement de deniers publics, d’une valeur de 29 millions de dollars américains, soit environ 14,5 milliards de francs CFA, somme destinée à l’acquisition d’un Boeing Business Jet 2, dit le BBJ-2, pour les déplacements du Chef de l’État.
Mais alors que le procès était en cours au Cameroun, M. Marafa Hamidou Yaya a saisi  le Groupe de Travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, pour se voir reconnaître le statut de prisonnier politique, et non pas de justiciable de droit commun.
Pour M. Marafa, rien de ce qui lui était reproché dans le cadre des poursuites engagées contre sa personne pour détournement de deniers publics ne serait donc avéré ; et son seul crime étant d’avoir nourri des ambitions présidentielles.
Après avoir examiné la requête de M. Marafa et reçu la réponse de l’État du Cameroun à la lettre d’allégations sur la prétendue détention arbitraire de l’intéressé, le Groupe de Travail des Nations Unies a rendu un Avis demandant la libération immédiate de M. Marafa, avec la possibilité d’un nouveau procès, au motif, selon lui, que M. Marafa serait effectivement détenu de manière arbitraire.
Mais je voudrais avant toutes choses, dire un mot du statut juridique de ce Groupe de Travail des Nations Unies.
Le Groupe de Travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a été créé en 1991 par la Commission des droits de l’homme de l’ONU, avec pour mandat :
1. d’enquêter sur les cas de détention imposée soit arbitrairement, soit de toute autre manière incompatible avec les normes internationales énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme ou dans les instruments de droit international acceptés par les États concernés, sous réserve cependant qu’aucune décision définitive n’ait été prise dans ces cas, par les juridictions nationales conformément à la législation nationale;
2. de demander et de recueillir dans le cadre de l’instruction de ses procédures, des informations auprès des gouvernements et des organisations intergouvernementales et non gouvernementales, ainsi que  des informations émanant des particuliers concernés, de leurs familles ou de leurs représentants;
3. de présenter des rapports d’ensemble à la Commission lors de sa session annuelle.
Il importe cependant de noter que le Groupe de Travail des Nations Unies sur la détention arbitraire n’est pas un organe conventionnel, c’est-à-dire une instance internationale établie par un traité, qu’il s’agisse d’une convention ou d’un pacte, et dont la composition est issue de la volonté des États parties à ladite convention ou au dit pacte.
Il s’agit de ce que l’on appelle, dans le jargon onusien, un organe spécialisé.
Ce Groupe de Travail n’est pas non plus une juridiction, encore moins une juridiction supranationale.
Bien au contraire, s’agissant de la privation de liberté sur laquelle elle statue, la Commission des droits de l’homme de l’ONU qui l’a créé et pour le compte de laquelle il agit, a établi, dans sa résolution 1997/50, que la privation de liberté n’est pas arbitraire si elle résulte d’une décision définitive prise par une juridiction nationale et conforme à la législation nationale, ainsi qu’aux normes internationales énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux instruments internationaux acceptés par les États concernés.
Cela étant dit du statut de ce Groupe de Travail, je voudrais, pour revenir aux motifs de l’Avis émis par le Groupe de Travail, indiquer que celui-ci fait état de ce que  la détention de M. Marafa Hamidou Yaya est arbitraire et que partant de là, le Gouvernement camerounais a l’obligation d’y mettre fin, avec la possibilité d’un nouveau procès où tous les droits de l’intéressé devront être entièrement respectés, si le ministère public a des raisons valables de le poursuivre.
Il est sans doute important de noter à ce niveau que le Groupe de Travail a clairement débouté le requérant, c’est-à-dire M. Marafa Hamidou Yaya, de sa prétention à travestir les poursuites ayant abouti à sa condamnation pour détournement de deniers publics, en une cabale politique dirigée contre lui.
En effet, le Groupe de Travail des Nations Unies sur la détention arbitraire dit ne pas pouvoir parvenir à la conclusion que la procédure enclenchée contre M. Marafa Hamidou Yaya a été motivée en représailles à ses ambitions politiques. Le Groupe de Travail poursuit en indiquant qu’il ne lui revient pas de spéculer et qu’il ne saurait en l’espèce suivre le requérant dans de telles allégations.
Mais d’où vient-il donc que le Groupe en vient à conclure malgré tout à une détention qu’elle qualifie d’arbitraire sur la personne de M. Marafa Hamidou Yaya ?
Le Groupe de Travail excipe de ce que M. Marafa n’aurait pas eu droit à un procès équitable, et ceci, pour au moins quatre raisons:
– d’abord, celle liée au déclenchement des poursuites qu’il juge tardif par rapport au moment où les faits qui lui sont reprochés auraient été constatés ;
– ensuite, le fait que la procédure ait été poursuivie alors que le défendeur, c’est-à-dire M. Marafa, avait demandé la récusation d’un des juges ;
– il y a également, toujours d’après le Groupe de Travail, la non-communication diligente des pièces du dossier à la partie défenderesse, y compris des pièces potentiellement à charge ;
– le Groupe relève enfin que l’action publique aurait dû être éteinte à la suite d’un accord transactionnel passé en 2006 entre le groupe G.I.A., mandataire  de M. Yves Michel Fotso – Administrateur Directeur Général de la défunte Cameroon Airlines au moment des faits – dans l’opération d’acquisition de l’avion présidentiel et l’État du Cameroun. Ce qui n’a pas été le cas.
L’analyse des motifs utilisés par le Groupe de Travail pour sous-tendre son Avis semble cependant n’avoir pas tenu compte des réponses et de l’argumentaire fournis par l’État du Cameroun à la requête de ladite instance, conformément à sa propre procédure de travail.
En effet, s’agissant de ce que le Groupe de Travail considère comme déclenchement tardif des poursuites, il y a juste lieu d’indiquer que conformément à la législation camerounaise, les faits de détournement de deniers publics opposés à M. Marafa n’étaient couverts pas aucune prescription au moment du déclenchement des poursuites sus-citées.
Pour ce qui est de l’argument de récusation du juge tel que demandé par le requérant, il convient de souligner que la procédure de récusation est encadrée en droit camerounais par les articles 591 et suivants du Code de Procédure Pénale.  Celle-ci prévoit que la personne demandant la récusation d’un juge dispose avant toute chose d’un statut de personne poursuivie.
Or, en l’espèce, M. Marafa avant son inculpation le 16 avril 2012 n’avait pas la qualité de partie à la procédure diligentée par le Juge d’Instruction dont il sollicitait la récusation. Sa demande était donc prématurée et inopérante ainsi que l’ont fort à propos relevé les Juges nationaux qui ont examiné sa demande en libération immédiate basée en partie sur ce motif.
Nous pouvons, sur ce point précis, nous interroger sur la position du Groupe de Travail dans la mesure où, en même temps que le Groupe de Travail convient avec l’État du Cameroun que la règle sus-évoquée n’est applicable que dès lors qu’une personne acquiert le statut de personne poursuivie, ce même Groupe de Travail reçoit favorablement les allégations présentées à ce sujet par M. Marafa.
Quant à la non-communication diligente des pièces du dossier à la partie adverse, le Groupe de Travail omet de prendre en compte les observations de l’État du Cameroun, indiquant clairement que le dossier a bel et bien été mis à la disposition de l’inculpé qui, convoqué à plusieurs reprises, a, comme on le sait, volontairement refusé de comparaître, sans doute de manière à se prévaloir par la suite de son absence comme incident de procédure.
Il y a lieu de relever que constatant son refus de comparaitre, le Président du Tribunal de Grande Instance du Mfoundi  avait alors dressé le procès-verbal de carence le 03 juillet 2012. Dès cet instant, il était loisible au Conseil de M. Marafa de prendre connaissance des pièces du dossier à tout moment, conformément aux dispositions de l’article 413 du Code de Procédure Pénale.
Pour ce qui est enfin de la non-extinction de l’action publique pour laquelle le requérant allègue qu’il a été poursuivi devant les juridictions pénales camerounaises en dépit d’un règlement amiable intervenu en 2006, l’État du Cameroun a fait valoir au Groupe de Travail, qu’en droit camerounais, l’effet extinctif de l’action publique est encadré par l’article 62 alinéa 1(f) du Code de Procédure Pénale, qui dispose que la transaction éteint l’action publique lorsqu’une loi le prévoit expressément.
Donc, en admettant que cette transaction eût été valide, elle n’aurait pas permis à M. Marafa de s’en prévaloir dans la simple mesure où nul ne disposait à l’époque, c’est-à-dire en 2006, d’une base légale permettant alors l’extinction de l’action publique du fait d’une transaction passée entre des parties au procès.
Au total, et quoiqu’il soit établi que les avis des Groupes de Travail des Nations Unies ne le sont qu’à titre consultatif et qu’ils n’ont aucune valeur contraignante sur les parties concernées, on peut tout de même noter pour le regretter, la superficialité de la prise en compte par le Groupe de Travail, des arguments fournis par l’État du Cameroun dans cette affaire.
En effet, le Groupe de Travail reconnaît que l’État du Cameroun a dûment déposé sa réponse au mois de septembre 2015, avec une importante quantité de pièces à conviction. On observe curieusement malgré cet état de choses, reconnu par le Groupe de Travail lui-même, que l’argumentaire contenu dans les pièces fournies par l’État du Cameroun n’est résumé qu’en un seul paragraphe de l’Avis. En revanche, l’argumentaire du requérant est repris sur 32 paragraphes.
Mesdames, Messieurs les Journalistes,
Comme vous pouvez vous en rendre compte, il était de la plus haute importance de vous présenter la réalité profonde de ce dossier, qui révèle l’essentiel de l’affaire opposant M. Marafa Hamidou Yaya à l’État du Cameroun.
1. Marafa a donc bel et bien été poursuivi et condamné par les juridictions camerounaises jusqu’à leur niveau le plus élevé, en raison des faits qui lui étaient reprochés, relatifs au détournement de deniers publics dans l’opération d’acquisition d’un aéronef destiné aux déplacements du Président de la République.
Les différents procès au cours desquels il a été jugé, depuis le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi jusqu’à la Cour Suprême, en passant par le Tribunal Criminel Spécial, ont été conduits dans le strict respect de notre législation nationale.
1. Marafa est donc un prisonnier de droit commun et rien d’autre que cela. La justice camerounaise qui l’a reconnu coupable des faits de détournements de deniers publics pour lesquels il était poursuivi, et qui l’a condamné de ce fait à 20 ans de réclusion, l’a fait en toute indépendance, conformément à la Constitution, qui est la loi fondamentale de notre pays.
Je vous remercie de votre aimable attention. »


Réaction de l'Avocat de Marafa Hamidou Yaya

La conférence de presse de M. Tchiroma du 15 juillet 2016 concernant la récente décision du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, qui appelait à la libération immédiate de M. Marafa Hamidou Yaya de sa détention arbitraire et à la compensation de ses souffrances, est une manœuvre de diversion tendant à semer la confusion dans l’esprit des camerounais et les distraire des véritables enjeux de ladite décision. Les propos tenus par M. Tchiroma relèvent tout simplement d’une campagne d’arrière garde qui consiste à amoindrir la portée juridique du jugement prononcé par le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire du point de vue du Droit des Nations. Cette conférence de presse reprend grosso modo les mêmes vieux arguments que le Gouvernement du Cameroun a présentés au Groupe de travail dans sa vive réponse à la plaidoirie de M. Marafa; les mêmes arguments que ses avocats ont relevés au Tribunal de Grande Instance du Mfoundi et à la Cour suprême. Cette conférence ne comporte rien de nouveau! Si M. Tchiroma ne comprend  rien à tout processus  d’ordre  juridictionnel, il ferait mieux de se taire car le cas de M. Marafa est à présent  chose jugée et il devrait arrêter  de le remettre  en cause devant  la presse
Rappelons nous que lorsque le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire s’est saisi du dossier, il lui a fallu presque six mois d’analyse approfondie et méthodique des arguments du Gouvernement du Cameroun ainsi que ceux de l’avocat de M. Marafa. Ce n’est qu’après avoir intégralement lu près de milles pages de documentation que ces cinq éminents et honorables juristes nommés par les Nations Unies, de manière impartiale et indépendante, ont conclu que M. Marafa a été privé de son droit à un procès juste et équitable présidé par des juges compétents, impartiaux et indépendants, ce qui représente une violation évidente des responsabilités prises volontairement et de manière solennelle par le Gouvernement du Cameroun vis-à-vis de l’article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) et de l’article 14 du Pacte International Relatif aux Droits civils et Politiques (PIDCP). Ces deux dispositions reconnaissent à M. Marafa le droit à un procès juste et équitable présidé par des juges compétents, indépendants et impartiaux.
Puisque la sortie médiatique de M. Tchiroma vise à masquer le caractère obligatoire de la décision du groupe de travail, peut-être est-il nécessaire de faire un bref cours sur la loi internationale, pour une meilleure compréhension du public camerounais et situer les obligations qui sont à ce niveau celles du Cameroun. Le droit internationale est tout simplement celle que les États eux-mêmes, y compris le Cameroun, ont accepté de respecter soit explicitement (par des traités) soit implicitement (par leur conduite). Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a été mis sur pied par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies – qui est à ce propos le premier organe fondé en 1946 par des Nations Unies nouvellement créées avec pour mandat de s’assurer du respect des droits humains partout dans le monde – pour veiller au respect de ce droit internationale par tous les États partis. Lorsque le Cameroun a rejoint les Nations Unies en 1960, il a expressément accepté d’être lié à la Charte des Nations Unies, la constitution du monde. Conformément aux dispositions de cette Charte, le Cameroun et les autres États membres se sont engagés à promouvoir tant conjointement que séparément le«respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion. » Voir la Charte des Nations Unies, Articles 55 (c) et 56.
Il faut noter qu’en devenant membre des Nations Unies en 1960, le Cameroun a automatiquement accepté de se conformer aux dispositions de la DUDH,  fondatrice de tous les autres instruments relatifs aux droits humains; et le Cameroun, volontairement, sans aucune pression extérieure, a exercé son droit en tant qu’État indépendant souverain lorsqu’il a ratifié le PIDCP en 1984 ainsi que son Protocole optionnel. Ces instruments, qui ont ensuite été incorporés par renvoi dans notre Constitution, et qui deviennent de ce fait la loi suprême du territoire, sont primordiaux dans les délibérations du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire qui ont conduit à la décision qu’il a prise concernant M. Marafa.
Lorsque des États souverains s’engagent à nouer une relation dans le cadre des traités, leur conduite est régulée par la doctrine du pacta sunt servanda (les conventions doivent être respectées). Cette doctrine est au centre de la loi du traité et est codifiée dans l’article 26 de la Convention de Vienne sur les traités (« Tout traité en vigueur  lie les parties et doit être respecté par elles de bonne foi »). De manière simplifiée, les engagements pris publiquement, officiellement et volontairement par une Nation doivent être honorés de bonne foi. La doctrine du pacta sunt servanda empêche les États signataires d’un traité d’invoquer leurs lois nationales pour justifier le non respect de ce dernier. J’espère que la déclaration de presse de M. Tchiroma ne se veut pas une excuse du Gouvernement du Cameroun, reconnue coupable de violations de ses obligations vis-à-vis de la DUDH et du PIDCP, pour ignorer la décision du Groupe de travail. Selon la doctrine du pacta sunt servanda, le Cameroun a le devoir d’accorder pleine foi et crédit à cette Décision parce qu’elle émane des engagements qu’il a pris de bonne foi devant la communauté des nations et qu’il refuse malheureusement d’honorer et de respecter dans le cas de M. Marafa!
Lorsqu’un organisme international judiciaire ou quasi-judiciaire émet une opinion contre un État  pour non respect de ses obligations vis-à-vis d’un traité, l’État fautif n’a d’autre choix que de respecter et de se conformer à cette opinion. C’est ce respect mutuel des obligations d’un traité qui impose une structure et un ordre aux relations entre États et promeut la stabilité dans le système international. Sans l’espérance réciproque que les États respecteront leurs obligations vis-à-vis du traité, la communauté des nations ne deviendra qu’une jungle hobbesienne  gouvernée par le paradigme darwinien selon lequel seuls les États les plus forts et les mieux placés survivent – par exemple les Nations puissantes qui peuvent chasser les plus faibles – se servant de leur pouvoir pour asservir les moins puissants.
D’un point de vue moral, il est trop tard pour que M. Tchiroma mette un nuage sur l’importance juridique de la décision du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire. Cela aurait dû être fait bien avant que le Gouvernement du Cameroun n’accepte de prendre part aux procédures. La partie était engagée à partir du moment où le Gouvernement du Cameroun s’est mis sous la juridiction du Groupe de travail des Nations Unies en répondant favorablement à ses plaidoyers en réponse à la pétition de M. Marafa; et a consenti aux règles d’engagement, si on peut le dire, parce qu’il a expressément accepté d’être lié à la Charte des Nations Unies, à la DUDH et au PIDCP.  Il faut souligner que le Gouvernement du Cameroun pouvait refaire ce qu’il a fait avec les pétitions de Thierry Atangana et Lydienne Eyoum, qui ont précédé celle de M. Marafa, en ignorant les requêtes répétées du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire de déposer une réponse. Il est évident que le Gouvernement du Cameroun a attaché une grande importance au cas de Marafa comme le montre sa volonté de s’engager à tous les niveaux des procédures; pour cela, nous lui sommes infiniment reconnaissants. Toutefois, le gouvernement ne peut à présent ignorer cette décision parce qu’elle n’est pas en sa faveur. Que ce serait-il passé si le Nigéria avait refusé de respecter la décision de la Cour internationale de justice concernant la péninsule de Bakassi?
Le Cameroun se considère et veut être traité avec respect en tant que membre de la communauté des Nations respectueuse des lois. Généralement, le respect se gagne: voici donc une opportunité pour le Gouvernement du Cameroun de démontrer son engagement infaillible à l’État de droit et son profond et constant attachement à la doctrine du pacta sunt servanda en libérant M. Marafa Hamidou Yaya sans plus attendre.
Me Ndiva Kofele Kale, avocat de Marafa Hamidou Yaya.
Motande Chambers, Buea


Issa Tchiroma, le parangon le plus achevé de l'hypocrisie

Que cachent au fond les multiples sorties médiatiques d’Issa Tchiroma Bakary?
Les Camerounais et les observateurs retiendront du passage d’Issa Tchiroma Bakary au Mincom, ses nombreux points de presse qu’il donne à temps et à contretemps chaque fois que le Cameroun est accusé soit par les Organisations de la société civile, soit par les médias internationaux, soit par les juridictions internationales. Pour les huit derniers mois, il a donné au moins 8, soit une fréquence moyenne d’un point de presse par mois. Quelques dates ont retenu l’attention des observateurs attentifs. Le 23 décembre 2015 après la publication par Transparency International de son Index de perception de la corruption (IPC); le 29 janvier 2016 au sujet «des tueries massives de civils nigérians, des pillages et des incendies des villages entiers » et autres accusations lancées contre les forces de défense et de sécurité camerounaises engagées « dans la lutte contre Boko Haram »; le 10 mars 2016 au sujet de la lutte contre les atteintes à la fortune publique; le 24 mai 2016 après la publication du rapport de l’ONG Freedom House; le 5 juillet 2016 après la libération de Me Lydienne Yen Eyoum, le 15 juillet 2016 au sujet de la détention arbitraire de Marafa Hamidou Yaya et le 20 juillet 2016 après la publication du rapport d’Amnesty International.
Les journalistes se rendent compte qu’au cours du seul mois de juillet 2016, il a donné pas moins de trois points presse, pour leur ressasser presque les mêmes «vérités» et magnifier Paul Biya. Ses différentes sorties médiatiques ont fini par agacer les plus fidèles partisans de Paul Biya qui le soupçonnent de préparer un coup fourré contre le  RDPC et le Renouveau et affirment ne pas « comprendre qu’un homme qui hier vilipendait le président Biya et son régime avec une virulence à nulle autre pareille affiche ostentatoirement sa servilité hilarante qui fait en sorte qu’on ne prend plus ce qu’il dit au sérieux. » Que voulez-vous, le protégé de Martin Belinga Eboutou à l’obligation de remplir sa part de contrat pour justifier sa pitance mensuelle. Dieu seul sait quelles souffrances l’ingénieur des chemins de fer a endurées pour sortir de la dèche dans laquelle il était plongé, pour redevenir ministre.
Où est donc passé ce Tchiroma qui hier rêvait de renverser Paul Biya et qui ourdissait des complots contre lui ? Brice Nitcheu semble mieux le connaître, lui qui, il y a quelques années, affirmait avoir été contacté, par l’actuel Mincom pour mettre sur pieds une bande armée afin de s’emparer du pouvoir. Brice Nitcheu raconte : «Issa Tchiroma est le dindon de la farce du régime de Paul Biya. Cet homme est l’illustration de l’opportunisme le plus abject. Je détiens des emails qu’il m’envoyait à l’époque où il se présentait comme opposant, dans lesquels il vilipendait Paul Biya, et menaçait d’embraser le pays s’il ne quitte pas le pouvoir. Il m’avait d’ailleurs mis en contact avec un ancien ministre de Hissène Habré qui avait fait défection pour rejoindre Idriss Deby, puis a fait encore défection pour rejoindre la rébellion. Tchiroma avait même arrangé une rencontre entre le rebelle Tchadien et moi dans une ville dans le sud de la France, mais ses propositions ne nous avaient pas impressionnés. Dans l’un des emails, Tchiroma me rassurait qu’il contrôlait tout le nord du Cameroun, et qu’avec un peu de moyens, nous pourrions entrer dans Yaoundé en quelques jours. Tchiroma peut vendre sa mère pour son ventre » (http://lecode.canalblog.com/). Sans comment taire!!!
Junior Etienne Lantier


Une bouffonnerie communicationnelle dans un État dit de droit

Il y a quelque chose de risible et d’affligeant dans les sorties médiatiques du ministre de la communication, ce porte-parole autoproclamé du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary. Il donne toujours l’impression que ses points de presse convoqués après les verdicts rendus contre le Cameroun par certaines juridictions internationales changeront le cours des évènements et feront revenir les juges ou les commissaires sur leurs décisions, ou que ses opinions changeront le contenu des rapports produits par les organisations des sociétés civiles nationales et internationales. Il sait pourtant que c’est devant ces juridictions que l’État du Cameroun devait faire triompher ses arguments et que les contenus des rapports ne peuvent changer ou évoluer positivement que si le Cameroun s’engage résolument sur la voie du respect des droits humains, c’est-à-dire si le pays de Paul Biya devient un Etat de droit qui respecte ses engagements internationaux. Les points de presse organisés par cet ancien opposant au rythme des décisions de justice et des rapports produits par des ONG ne changeront pas la perception que des partenaires et opérateurs économiques – surtout – étrangers ont du Cameroun. Au mieux, les opinions du Mincom ont l’avantage de distraire les Camerounais, de le placer sous le feu des projecteurs, de satisfaire son ego et celui de ceux qui voient des complots contre le Cameroun partout. Au pire, elles offrent le Cameroun en spectacle et constituent les preuves patentes que les juridictions internationales et les ONG mettent le doigt sur les plaies du renouveau et continuent d’appuyer là où cela fait le plus mal.
Les Camerounais sont d’ailleurs habitués aux sorties grotesques du ministre des points de presse et à ses justifications abracadabrantesques qui, en réalité soulèvent le problème des droits des citoyens face à l’État. Face à la récurrence des violations de leurs droits fondamentaux, ceux-ci ne cessent de questionner la nature de l’État au Cameroun sous le Renouveau depuis le 6 novembre 1982, si l’on s’en tient à cette période. Sous Paul Biya, le Cameroun est-il une dictature, c’est-à-dire un régime politique autoritaire dans lequel le pouvoir est entre les mains d’un seul homme ou d’un groupe restreint qui n’en font qu’à leur tête et en use de manière discrétionnaire, ou un État de droit qui, selon le secrétaire général de l’Onu, « désigne un principe de gouvernance en vertu duquel l’ensemble des individus, des institutions et les entités publiques et privées y compris l’État lui-même, ont à répondre de l’observation des lois promulguées publiquement, appliquées de façon identique pour tous et administrées de manière indépendante, et compatible avec les règles et normes internationales en matière des droits de l’homme. Il implique, d’autre part, des mesures propres à assurer le respect des principes de la primauté du droit, de l’égalité devant la loi, de la responsabilité au regard de la loi, de la séparation des pouvoirs, de la participation à la prise de décisions, de la sécurité juridique, du refus de l’arbitraire et de la transparence des procédures et des processus législatifs ».
A ce sujet, Gérard soulier (1981) rappelle un truisme : « Il n’y a fondamentalement que deux types de régimes politiques : ceux où les personnes disposent de droits reconnus et effectifs qui constituent autant de bornes au pouvoir d’État, et ceux où le pouvoir de l’État, en dépit de l’existence des textes, est sans limite à l’égard des personnes. En d’autres termes, ou bien le pouvoir de l’État s’arrête effectivement aux limites fixées par le droit en général, et les droits des personnes en particulier, ou bien il ne connaît pas de limites, ce qui veut dire que ses agents peuvent tout faire, à tout moment, à l’égard de n’importe qui. C’est alors l’arbitraire, le despotisme, la dictature, le totalitarisme, ces expressions étant, sous ce point de vue général, équivalentes ».
Certes, il y a peu de pays au monde qui peuvent se reconnaître parfaitement dans le premier type de régime, même si aucun chef d’État ou de gouvernement ne confessera l’existence sous son règne de prisonniers politiques ou la pratique de la torture et de la dictature. Est-ce une raison pour que le Cameroun notamment, érige la violation des droits de l’homme en système de gouvernement, sous prétexte qu’il y aurait pire ailleurs ?
L’idéal lorsqu’un gouvernement prétend être en « démocratie avancée », n’est-il pas qu’il s’éloigne alors et absolument des pratiques horriblement détestables et courantes dans le second type de régime, où l’État se met indûment au-dessus des lois et de la société dont il émane ? A moins, bien sûr, qu’il s’agisse d’un gouvernement-menteur dont le porte-parole autoproclamé a pour mission d’enfumer les Camerounais, c’est-à-dire de troubler leurs esprits en débitant, à travers une communication discutable, pour ne pas dire bouffonne, mensonges et contre-vérités.
Or, comme il est écrit dans le préambule de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen édictée en 1789 (il y a deux siècles), « L’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements ». Aussi le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme adopté le 10 décembre 1948, signée et ratifiée par le Cameroun et intégrée dans le préambule de la loi constitutionnelle camerounaise, considère-t-elle « que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité et que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme ».
Le Cameroun de Paul Biya - par ricochet celui du porte-parole de son gouvernement -  fait aujourd’hui semblant, à ses dépens, de découvrir ces vérités, parce que ses dirigeants, en réalité des mandataires des puissances coloniales, affichent un souverain mépris à l’égard des droits des citoyens. Une attitude qui constitue de nos jours le soubassement de l’envahissement de certains pans du territoire national par les groupes dits terroristes aux intentions clairement affichées : instaurer l’anarchie, les guerres intestines et pourquoi pas une guerre civile.
Malgré des justifications peu convaincantes, nos dirigeants n’ont qu’à s’en prendre qu’à eux-mêmes, car ce qui se passe dans certaines parties de notre territoire, notamment à l’extrême nord et dans une certaine mesure à l’est, attentats suicides, exactions des forces de défense et de sécurité décriées par Amnesty International dans son récent rapport, sont des conséquences fatales des frustrations nées de l’arbitraire politique, des inégalités sociales et de l’indigence matérielle entretenues par un pouvoir sourd aux souffrances des compatriotes vivant dans ces parties du territoire, et qui sont autant de violations des droits de ces citoyens.
Nos dirigeants, bourrés de culture politique pour la plupart, mais faute d’abnégation, hélas!, font semblant de ne pas comprendre que l’existence de l’État (de droit) n’a aucun sens, si celui-ci n’est voulu de façon consensuelle par les citoyens qui constituent le peuple, pour harmoniser et protéger la jouissance par ces mêmes citoyens-peuple, de ses droits et libertés individuels.
L’État est donc un appareil au service des citoyens-peuple. Mais, hélas, au Cameroun, ses dirigeants se le sont approprié pour les asservir au lieu de les servir. La question des droits de l’Homme -  dans ce pays de cocagne où « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles », selon l’Oracle Pangloss, personnage de Candide (Voltaire), du château de Thunder-ten-tronck en Westphalie, reprenant les enseignements de Leibniz - est devenue un thème de propagande pour lever les citoyens en mal de libération, soigner une image suffisamment écornée ou une astuce pour accéder aux ressources financières extérieures. «Or, les droits de l’Homme, lit-on encore dans la déclaration de 1789, ne seront jamais rien de consistant aussi longtemps qu’ils ne seront pas devenus la politique ordinaire et obstinée de chacun et de tous ».
Parce que les hommes en charge de la gestion quotidienne des affaires de l’État au Cameroun en ont fait un patrimoine, ils ne peuvent que combattre de telles idées « subversives » qui bousculent l’ordre établi de leurs privilèges et rentes. Et pourtant, ils auraient pu, s’ils avaient une vision pour le Cameroun, s’ils étaient patriotes, démocrates et humanistes, ils auraient pu disions-nous, anticiper et conduire eux-mêmes des changements plutôt que d’avoir à museler les citoyens, réprimer les révoltes et les convulsions violentes ayant pour sources l’existence d’une démocratie nominale ou formelle, le dénuement, la paupérisation ou la clochardisation, l’abandon des pans entiers du territoire national, des populations et citoyens camerounais à leurs tristes sorts.
Jean-Bosco Talla


De l'intérêt général et l'intérêt particulier

Le nouveau code pénal est venu raviver le débat. Surtout en ce qui concerne ses dispositions relatives à « la filouterie des loyers » et à « l’enrichissement illicite ». Il laisse apparaître de nouvelles fractures sociales qu’il nous incombe de gérer désormais avec sagesse. Car, la survie de notre démocratie en dépend. Pendant que le Cameroun à l’instar d’autres pays Africains se bat pour mettre fin au tribalisme, d’autres brèches apparaissent sur le front de la cohésion sociale. En fait, il s’agit tout simplement de la manifestation d’intérêts particuliers qui semblent vouloir prendre le dessus sur l’intérêt général. En menant une réflexion sur cette situation j’ai dû rentrer dans les archives de l’histoire de notre pays et j’ai pu retrouver un discours extraordinaire prononcé par le Sultan El Hadj Seidou Njimoluh, alors membre de la toute première Assemblée nationale fédérale du Cameroun. Il prenait la parole lors de la session inaugurale du 25 avril 1962 qu’il présidait es qualité de doyen d’âge. Je crois fermement que l’histoire de notre pays reste un trésor qui regorge des enseignements dont on devrait faire usage aujourd’hui pour s’assurer des lendemains meilleurs. C’est donc dans cet esprit que je me propose de partager un extrait ce discours avec vous.
Du haut du perchoir de l’Assemblée Fédérale le 25 avril 1962, Sa Majesté le Sultan Seidou Njimoluh déclarait :
« Si l’on essaie en effet d’analyser la notion de démocratie, l’on est amené à considérer qu’il s’agit d’une sorte d’association politique dont l’intérêt général est le but et même la fin essentielle. Cette promotion de l’intérêt général qui caractérise, justifie et anime la démocratie, implique évidemment que lui soient absolument subordonnés tous les intérêts particuliers ou collectifs.
La prédominance, ou la volonté de prééminence de certaines classes sociales ou encore de certains groupements professionnels ou économiques, peut aller à l’encontre de l’intérêt général.
Mais en outre, à la recherche des intérêts personnels des individus en dehors de toute considération de classe et de groupe, à la volonté de suprématie de groupes économiques ou de classes sociales sur d’autres, peuvent s’ajouter des rivalités de génération.
C’est ainsi qu’une génération que je qualifierai de possédante ou de nantie peut fort bien essayer de tenter de fermer tout horizon politique, économique ou social à la génération suivante ; de la même manière, la prise en considération d’intérêt trop exclusivement régionaux peut très bien être nuisible à l’intérêt général.
La véritable démocratie implique que tous les membres de la société doivent être également comptés pour quelque chose et que, si possible tous soient comptés pour autant dans la recherche de l’intérêt général.
Entre les membres de la société, on ne doit donc concevoir aucun privilège ; ne peuvent être tolérées que les prérogatives qui peuvent être inattendues à première vue, mais en l’hypothèse nécessaires qui seraient exigées par l’intérêt commun.
Un régime juste, fondé sur une saine notion de démocratie, ne doit admettre entre les hommes d’autres différences que celles du mérite ou de la vertu ou encore celles afférentes au rôle que ses citoyens auraient à jouer dans la sauvegarde et la mise en œuvre de l’intérêt général.
Ayant ainsi le bien commun pour objet, l’organisation démocratique de la Nation aura naturellement pour fondement la volonté générale. De ce fait, tous les citoyens accepteront cette organisation sociale, et même la voudront ; elle portera en elle-même sa raison d’être. »

A bon entendeur salut !
Maitre Akere T. Muna