Marafa Hamidou Yaya récuse le juge d’instruction

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Arrêté et placé en détention préventive à la prison centrale Yaoundé (Kondengui) dans l’ « affaire Albatros », l’ex-premier ministre,  Inoni Éphraïm, a déféré, le 24 avril 2012, à la convocation de  Pascal Magnaguemabe,  juge d’instruction près le tribunal de grande instance du Mfoundi. L’ex-ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Marafa Hamidou Yaya également impliqué dans cette affaire et lui aussi en détention préventive dans le même pénitencier a,  quant à lui, refusé de se présenter devant ce juge d’instruction qu’il récuse et accuse de partialité.
Selon le conseil de l’ex-secrétaire général de la présidence de la République, celui-ci a déposé le 16 avril 2012, conformément au Code de procédure pénale, une demande de récusation du juge d’instruction Pascal Magnaguemabe  auprès du procureur  près le tribunal de grande instance du Mfoundi.  Dans cette correspondance, l’ex-Sgpr affirme qu’après l’ouverture des enquêtes judiciaires relatives à l’acquisition de l’aéronef présidentiel, il avait, «par acquit de conscience », sollicité du  président de la République d’être également entendu par la Justice afin d’apporter son témoignage

et son éclairage sur les faits tels qu’il a vécus, ayant été un acteur au début de ce processus. (cf. Correspondance n°1)Le 15 juillet 2008, indique-t-il, après avoir obtenu l’accord du chef de l’État  il avait été entendu comme témoin par le juge Ntamack Jean Fils Kléber au Tgi du Mfoundi. Par la suite, le 16 juillet 2008, il avait rendu compte au président de la République.  

Les frustrations de Pascal Magnaguemabe
Marafa Hamidou Yaya poursuit : « Quelques mois plus tard, un magistrat inconnu de moi a pris d'assaut mon cabinet pour obtenir une audience auprès de moi. Excédé par les demandes d'audiences répétées, j'ai fini par le recevoir le 3 décembre 2008. Il s'agissait d'un certain Pascal Magnaguemabe que je rencontrais pour la première fois. Après les civilités d'usage, il m'a fait part de l'objet de sa visite qui portait sur sa carrière professionnelle. Il me dit alors qu'il était en poste à Mora, il a été injustement (selon lui) sanctionné dans le cadre de l'affaire relative à la succession de l'ancien ministre Mohaman Lamine. Qu'il a de ce fait subi un blocage d'avancement au grade et des affectations disciplinaires (toujours selon lui) à Yabassi, puis à Mbanga. Il précisera qu'il a été «récupéré» à Yaoundé par l'ex-vice-premier ministre, ministre de la Justice, qu'il avait connu lors de son séjour à Mora. Que bien qu'exerçant au tribunal de grande instance du Mfoundi, il se sentait frustré parce que tous ses camarades de promotion sont mieux lotis que lui. Qu'il venait donc me voir pour que je l'aide à réaliser ses ambitions sur le plan professionnel».
Répondant aux  préoccupations de Pascal Magnaguemabe, l’ ex-Minatd  affirme avoir dit à son interlocuteur, « après l’effet de surprise » provoqué par sa demande, qu’il n’était malheureusement pas membre du Conseil supérieur de la magistrature et qu’il ne pouvait rien faire pour l’aider même s’il le voulait. Il lui a cependant conseillé de s’en ouvrir au vice premier, ministre de la Justice de l’époque qu’il lui avait dit qu’il connaissait par ailleurs. Aussi l’ex-Sgpr ajoute-t-il que celui-ci au cours de cet entretien lui avait proposé un arrangement dans l’instruction de l’ « affaire Albatros » : « Monsieur Magnaguemabe Pascal me dit qu’il s’occupe du dossier « Albatros ». Qu’il voulait que nous nous « arrangions » et que si j’en avais convenance, il pourrait m’aider si je me montre « compréhensif ». Je l’ai éconduit et je lui ai dit que je n’étais en rien mêlé à cette affaire. Monsieur Magnaguemabe reviendra plusieurs fois à mon cabinet dans les jours qui ont suivi cette entrevue pour essayer de me rencontrer à nouveau. Je n’ai pas cru devoir donner suite à ses demandes d’audience qui s’apparentaient à du harcèlement. Par note manuscrite non datée déposée à mon cabinet à mon intention (Cf Fac similé), il me demandait de lui indiquer le lieu convenable pour mon audition dans le cadre de l’affaire « Albatros » dont il est saisi, alors que j’avais déjà été entendu par le procureur de la République près le tribunal de grande instance du Mfoundi en date du 15 juillet 2008, ce qu’il ne pouvait ignorer étant en charge du dossier ».


Article 591
Selon Marafa Hamidou Yaya, Pascal Magnaguemabe n’a pas supporté d’avoir été « éconduit » et a développé une «animosité» à son encontre. D’où ses premiers ennuis avec ce juge d’instruction qui, après avoir rendu son ordonnance de disjonction n° 1 le 11 janvier 2010, avait saisi le délégué général à la sûreté nationale en février 2010 afin qu’il lui soit interdit de sortir du territoire national.
Marafa Hamidou Yaya, qui avait porté ces faits « à la haute attention du chef de l’État » en 2010, poursuit : «Des journalistes ont été invités et il [Magnaguemabe] leur a expliqué sous toutes les cou¬tures qu'un séisme devait secouer le pays dès le lundi 8 février 2010. Mais, manque de chance pour les manipu¬lateurs, le même vendredi 5 février 2010, le président de la République, avait procédé à la signature de décret portant nomination des gouverneurs de régions. Ce qui a eu pour effet de tempérer l'enthousiasme des comman¬ditaires de cette manipulation. Il y a encore peu de temps, ce juge continuait de raconter en privé qu'il est déterminé à obtenir sa revanche et ce faisant, il fera d'une pierre deux coups, car disait-il alors, il va au-devant des désidératas de son patron ! Il est donc évi¬dent que la suspicion de l'impartialité de ce juge est bien fondée et milite pour sa récusation».
Faut-il le souligner, l'article 591 du Code de procédure pénale (Cpp) énumère les causes pouvant conduire à la récusation d’un magistrat.
Cet article 591 dispose : « Tout magistrat du siège peut être récusé pour l'une des causes ci-après :
a) si lui-même ou son conjoint est parent, tuteur ou allié de l'une des parties jusqu'au degré d'oncle, neveu, cousin germain et cousin issu du cousin germain inclusivement ;
b) si lui-même ou son conjoint est employeur, employé de l'une des parties, héritier présomptif, donataire, créancier, débiteur ou une personne qui mange habituellement à la même table que l'une des parties, administrateur de quelque établissement ou société partie dans la cause ;
c) s'il a déjà connu de la procédure ou s'il a été arbitre, conseil ou témoin ;
d) si lui-même ou son conjoint a un procès devant être jugé par l'une des parties ;
e) s'il y a eu entre lui-même ou son conjoint et l'une des parties, toute manifestation d'amitié ou d'hostilité pouvant faire douter de son impartialité. »

D'après la loi, la demande de récusation introduite au près du président de la cour d'appel du centre conformément à l'article 594 (1a) sera transmise au procureur de la République qui, à son tour, notifiera le juge d'instruction récusé. Dès que ce dernier a reçu copie de la demande de récusation, il s'abtient de poser tout acte dans la procédure, conformémément à l'article 598 du Cpp qui dispose: "Dès que le magistrat a reçu copie de la demande de récusation conformément aux dispositions de l'article 594 alinéa (2), il est tenu de suspendre la procédure jusqu'à décision." Il reviendra au président de la Cour d'appel de "statuer par ordonnance sans frais après explications du magistrat concerné et réquisitions du ministère public"(article 595 (1)). Si la demande est admise, c'est-à-dire si les motifs invoqués sont pertinents, le juge récusé est dessaisi du dossier et il est procèdé à la désignation d'un autre juge d'instruction qui prend en charge la procédure. Au contraire, si la demande est rejetée, c'est-à-dire si les motifs invoqués sont non pertinents, la partie demanderesse peut être condamnée à payer une amende et des dommages et intérêts au juge récusé. A cet effet, l'article 599 du Cpp dispose: " (1) Lorsque la récusation est admise, le magistrat récusé ne peut plus connaître de l'affaire.(2) En cas de rejet de la demande en récusation, le demandeur peut, sans préjudice des dommages-intérêts, s'il y a lieu, être condamné à une amende civile de 100.000 à 500.000 francs. (3) Dans tous les cas, la décision est notifiée au demandeur et au magistrat concerné.

Jean-Bosco Talla


Correspondance n°1 : Demande d'audition adressée au président de la République

Yaoundé, le 07 mai 2008
Note pour Monsieur le président de la République
Les responsabilités que Vous m'avez fait le très grand honneur de me confier m'obligent à Vous rendre compte de ce qui suit :
Les enquêtes en cours dans le cadre de l'acquisition d'un aéronef présidentiel connaissent un très grand retentissement médiatique tant au niveau national qu'international.
L'impact de cette «Affaire» crée un malaise perceptible et porte incontestablement atteinte à l'image et à la crédibilité du Gouvernement et singulièrement à l'autorité de celui qui le conduit.
Cette situation est d'autant plus gênante qu'elle survient au moment où Vous avez donné des Instructions très appréciées par l'ensemble de nos compatriotes pour que le Gouvernement agisse résolument pour résoudre les problèmes touchant à leur quotidien.
Par ailleurs, beaucoup d'investisseurs sont convaincus de la précarité du Gouvernement et pourraient de ce fait diffé¬rer des décisions d'investissements alors que la récente révision constitutionnelle leur permettait de lever certaines hypothèques.
Pour ce qui me concerne et s'agissant du «scandale» de l'acquisition de l'aéronef présidentiel, pour lequel je m'étais permis par le passé d'attirer loyalement et fidèlement Votre Très Haute Attention, je voudrais Vous réitérer mon entière disponibilité à témoigner, en cas de besoin, sans gêne aucune, devant les instances judiciaires compétentes, compte tenu des fonctions antérieures que j'ai eu à occuper.
Je voudrais également Vous assurer que je ne suis impliqué dans aucune malversation concernant ce « scandale » qui exhale des relents de prévarication et de subversion-/-
Votre très dévoué
(é) Marafa Hamidou Yaya


Correspondance n°2 : Compte rendu de l'audition au président de la République

Yaoundé, le 10 juillet 2009
Note pour monsieur le président de la République
J'ai le Très Grand Honneur de Vous rendre compte de ce qui suit :
Le mercredi 15 juillet 2008, j'ai été entendu de 16 heures à 19 heures, comme témoin, dans le cadre de l'enquête judiciaire relative à l'acquisition d'un aéronef pour les déplacements de Monsieur Le Président de la République.
Cette audition a eu lieu au Cabinet du Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi à Yaoundé; elle était conduite par les responsables de la Direction de la Police judiciaire.
Je voudrais remercier très sincèrement Monsieur Le Président de la République pour avoir autorisé cette audition. J'espère qu'elle aura permis d'éclairer les enquêteurs et qu'elle contribuera, le moment venu, à aider la justice à établir la vérité des faits dans cette funeste affaire.
Tout en Vous renouvelant une fois de plus ma très sincère gratitude, je Vous prie de croire, Monsieur Le Président de la République, à l'expression de ma Très Haute considération ainsi qu'à celle de mes sentiments les plus dévoués -/-
(é) Marafa Hamidou Yaya


Complot : Et si Marafa Hamidou Yaya était dans la fosse aux lions

Dans sa demande de récusation Marafa Hamidou écrit: «Des journalistes ont été invités et il [Magnaguemabe] leur a expliqué sous toutes les coutures qu'un séisme devait secouer le pays dès le lundi 8 février 2010. Mais, manque de chance pour les manipulateurs, le même vendredi 5 février 2010, le président de la République, avait procédé à la signature de décret portant nomination des gouverneurs de régions. Ce qui a eu pour effet de tempérer l'enthousiasme des commanditaires de cette manipulation. Il y a encore peu de temps, ce juge continuait de raconter en privé qu'il est déterminé à obtenir sa revanche et ce faisant, il fera d'une pierre deux coups, car disait-il alors, il va au-devant des désidératas de son patron ! Il est donc évident que la suspicion de l'impartialité de ce juge est bien fondée et milite pour sa récusation».  (C'est nous qui soulignons)
À la lecture de cet extrait, il apparait clairement que l’ex-Minadt se pose en victime d’un complot ourdi par des "commanditaires" de l’ombre et que Pascal Magnaguemabe ne serait que l’exécutant de cette basse besogne commandité par « son patron ». Mais, de quel patron s’agit-il ? Nul ne peut le dire avec exactitude. Peut-être s’agirait-il soit du président du tribunal de grande instance du Mfoundi, soit du président de la cour d’appel du Centre, soit enfin du ministre de la Justice d’alors Amadou Ali. La troisième hypothèse est d’autant plus plausible que dans la correspondance au président de la Cour d’appel sus-citée, il affirme que Pascal Magnaguemabe lui avait dit au cours de l’audience qu’il lui avait accordée « qu'il a été «récupéré» à Yaoundé par l'ex-vice-premier ministre, ministre de la Justice, qu'il avait connu lors de son séjour à Mora ». Il est d’ailleurs de notoriété publique que Amadou Ali et Marafa Hamidou Yaya sont deux ennemis intimes qui se détestent cordialement.
Au regard des documents en circulation depuis l’arrestation de Marafa Hamidou Yaya, tout laisse à penser que ce n’est pas la première fois qu’il est victime de la fourberie de ses ex-collègues au gouvernement et de ses camarades du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc).

Déjà en 2007, alors qu’il officiait comme secrétaire général du comité central du parti au pouvoir ou proche du pouvoir, c’est selon, René Emmanuel Sadi, successeur de Marafa Hamidou Yaya au ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (Minadt), avait entrepris des démarches auprès du vice-premier ministre, ministre de la Justice Amadou Ali, visant à connaitre « l’état judiciaire et comptable de [ses] militants ». Celles-ci semblaient avoir pour cible l’éminent membre du bureau politique du Rdpc, Marafa Hamidou Yaya (Correspondance n°B56/CC/Rdpc du 27 novembre 2007) si on tient compte de la réponse de l’ex-garde des Sceaux.
En effet, répondant à la sollicitation de René Sadi, Amadou Ali écrivait : « Monsieur le secrétaire général du Comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais, Yaoundé,
Pour faire suite à votre correspondance de référence, j’ai l’honneur de porter à votre haute connaissance qu’au terme de multiples enquêtes menées respectivement auprès de l’Agence nationale d’investigation financière, du Conseil de discipline budgétaire et comptable, de la Chambre des Comptes de la Cour suprême, aucune charge majeure imputable à Monsieur Marafa Hamidou Yaya, ministre d’État, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation n’a été relevées.(C'est nous qui soulignons)
Nous vous invitons par ailleurs à saisir la Commission nationale ant-corruption pour son rapport, cette institution ne relevant pas directement de notre compétence.
Bien vouloir recevoir l’expression de Notre Profonde Considération »

Aussi, Le 25 mars 2008, adressait-il une correspondance dans laquelle il dénonçait les ragots et les manoeuvres du ministre délégué à la présidence de la République chargée de la Défense, Edgar Alain Mebe Ngo'o qui aurait affirmé devant des personnalités qu'il est "l'ennemi du président de la République". (Cf. Correspondance n°3)
Dans une autre optique, en accusant le juge d’instruction, Pascal Magnaguemabe de partialité, Marafa Hamidou Yaya, qui aujourd’hui se trouve dans la fausse aux lions, remet en cause sa crédibilité et sa moralité dans l’ « affaire Albatros ». Plus grave, L’ex-Minadt l’accuse directement de corruption et même de tentative de trafic d’influence quand il affirme que : « Monsieur Magnaguemabe Pascal me dit qu’il s’occupe du dossier « Albatros ». Qu’il voulait que nous nous « arrangions » et que si j’en avais convenance, il pourrait m’aider si je me montre « compréhensif ». » (C'est nous qui soulignons) Les guillemets mis autour du verbe conjugué « arrangions » et du  « compréhensif » ne changent rien à l’accusation qu’il porte contre ce juge d’instruction. Au contraire, ces guillemets ici attirent l’attention du lecteur en même temps qu’ils protègent et atténuent la crudité des propos de son auteur tout en permettant au lecteur de comprendre ce qu’il veut dire.
De là à penser que les autres personnalités impliquées dans l’ « affaire Albatros » ont été incarcérées à Kondengui parce qu’elles n’ont pas été compréhensives et parce qu’elles ont refusé tout arrangement avec le juge d’instruction Pascal Magnaguemabe, il y a un pas que d’aucuns n’hésitent pas de franchir.
Afin de laisser la Justice se dérouler sereinement, Pascal Magnaguemabe, ne devrait pas attendre d’être dessaisi de ce dossier par ses supérieurs hiérarchiques. Il devrait lui-même se dessaisir, compte tenu de soupçons qui pèsent sur lui aujourd’hui. Ce serait en son honneur si son intention était de faire jaillir la vérité dans cette scrabbleuse affaire qui n'épargne pas le chef de l'Etat lui-même. D'ailleurs l'article 592 du Code de procédure pénale lui donne la latitude d'agir dans ce sens. Cet artice dispose: "Tout magistrat du siège qui sait qu'il existe en sa personne une cause de récusation comme prévu à l'article 591 ci-dessus ou qui estime qu'il a de bonnes raisons de s'abstenir de connaître d'une affaire, doit en informer son supérieur hiérarchique. Dans ce cas, il est procédé comme prévu aux articles 593 à 598 ci-dessous."

J.-B Talla


Correspondance n°3
: Note pour Monsieur le président de la République
Yaoundé le 25 mars 2008
Permettez-moi, Monsieur le Président de la République, de Vous présenter mes déférentes excuses de devoir distraire Votre Très Haute Attention de Vos Très Hautes charges, particulièrement en ce moment pour Vous faire part de ce qui pourrait Vous sembler futile. Il s’agit des ragots que je juge inacceptables que le Ministre délégué à la Présidence chargé de la défense (Mindef) n’arrête pas de propager à mon égard.
1) Après les élections de juillet 2007, Vous avez bien voulu m’accorder une permission pour aller réconforter mon épouse opérée plusieurs fois et hospitalisée en France. J’y ai moi-même été hospitalisé et j’ai subi une intervention.
Le Mindef a, à cette occasion, répandu la rumeur selon laquelle je n’étais pas en France pour des raisons médicales mais plutôt pour comploter avec certaines autorités françaises afin de déstabiliser notre pays.
Ma seule réponse a été de Vous transmettre l’ensemble du dossier relatif à mon état de santé et à mon hospitalisation.
2) En octobre 2007 des informations persistantes ont fait état d’une tentative de déstabilisation de nos institutions. Une fois encore, le Mindef s’est allègrement répandu sur ma prétendue implication dans cette funeste affaire.
Mesurant l’extrême gravité, et constatant la récurrence de telles allégations, de la part d’un personnage important du dispositif gouvernemental, j’ai dû prêter une oreille attentive à une des offres d’emploi qui me sont faites régulièrement. Je Vous ai rendu compte de cette offre d’emploi à l’occasion de l’audience que Vous avez bien voulu m’accorder le 30 novembre 2007.
Constatant que je bénéficiais toujours de Votre Très Haute Confiance, je n’ai pas donné suite à cette offre d’emploi.
3) Après les désordres vécus par notre pays du 25 au 29 février dernier, l’attitude du Mindef à mon égard est tout simplement révoltante.
a) Sur Vos Très Hautes instructions, j’ai conduit une mission interministérielle à Boucla, le jeudi 28 février 2008. Avant de nous y rendre, j’ai insisté pour qu’une réunion se tienne au niveau du ministre d’État, Secrétaire général de la présidence de la République, afin que l’ensemble des services concernés par la gestion de cette crise en fassent une évaluation commune, et que la coordination des interventions des uns et des autres puisse être améliorée dans le sens d’une plus grande cohérence.
Le Mindef brûlait manifestement d’envie de se rendre à Douala. J’ai insisté pour m’y rendre en compagnie du Secrétaire d’État à la Défense chargé de la Gendarmerie et du Délégué général à la Sûreté nationale, estimant que l’intervention publique du Mindef pourrait conduire à une interprétation malveillante des opérations de maintien de l’ordre dans un état démocratique.
Depuis notre retour, le Mindef raconte à qui veut l’entendre que les propos que nous avons tenus à Douala étaient équivoques. Ce faisant, le Mindef met en cause mon loyalisme, celui du Secrétaire d’État à la Défense, et celui du Délégué général à la Sûreté nationale. Alors que rien, ni dans nos propos ni dans nos attitudes, n’est susceptible de donner lieu à suspicion.
Je Vous ai fidèlement rendu compte de notre mission à Boucla et des réunions que nous y avons tenues. Le Mindef doit avoir l’imagination bien fertile, à moins qu’il n’exprime inconsciemment sa déception de ne s’être pas rendu à Douala, pour des raisons inavouées !
b) Depuis quelques jours, le Mindef évoque ma personne devant plusieurs personnalités de la République comme étant «l’ennemi du président de la République». Cette calomnieuse accusation est particulièrement grave et dangereuse et s’apparenterait à de la haute trahison, compte tenu des fonctions que Vous avez bien voulu me confier. L’insidieuse percolation du venin de cette insinuation aidant, je commence à me demander si c’est pour cela que je ne suis plus convié aux réunions portant sur la gestion ex-post des évènements de la semaine dernière. Si c’est le cas, cela est malsain car des instructions non coordonnées et incohérentes pourraient être données à nos équipes sur le terrain et cela pourrait conduire à des méprises.
c) Il est vrai que plus souvent que jamais, le Mindef et moi n’avons pas la même approche des problèmes. Et je ne manque jamais, au cours de nos réunions, d’exprimer mon point de vue. Je considère cela comme étant mon devoir, sinon je ne vois pas mon utilité ni ma valeur ajoutée. Car, contrairement au vœu du Mindef, je refuserais toujours d’être un « ministre alibi » et j’ai la faiblesse de considérer que la fidélité ne relève pas nécessairement des solidarités primaires, encore que celles-ci, quelquefois de façade, ont montré leurs limites sous d’autres cieux et pourraient même s’avérer très pernicieuses.
D’autre part, lorsque Vous avez décidé de me confier les fonctions de ministre de l’Administration territoriale en 2002, Vous m’avez explicitement dit ceci : « Monsieur, sachez qu’en vous envoyant là-bas, c’est comme si c’était Moi-Même ». C’est cette extrême marque de confiance qui a guidé toutes mes actions (et qui m’a permis d’accepter en silence certaines avanies) à la tête de cet important département ministériel où j’essaie de donner le maximum de moi-même pour mériter cette confiance, même si pour certains, mon meilleur ne semble pas assez bon.
En effet, ce département ministériel est trop délicat, particulièrement en ce moment, pour avoir à sa tête quelqu’un qui ne jouirait pas de Votre Très Haute Confiance.

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Monsieur Le Président de la République, permettez-moi également de Vous faire tenir la copie ci-jointe de la lettre en date du 06 janvier 2008 adressée par le Vice-Premier Ministre de la Justice au Secrétaire Général Central du RDPC en réponse à son courrier n°B56/CC/RDPC du 11 novembre 2007.
Si ce document est authentique, cela renforce ma perplexité. En effet, si le Ministre de la Justice répondait à une correspondance du Secrétaire général Adjoint de la présidence de la République (qui se trouve être la même personne que le Secrétaire Général du Comité central du Rdpc) cela rentrerait dans le cadre d’un ordre institutionnel cohérent. Mais tel que libellé, cela ressemble à une dérive qui tend à mettre officiellement l’État au service d’une association privée, fut-elle le parti au pouvoir. Si je fais cette remarque, c’est parce que si copie de cette correspondance est arrivée à moi, il est vraisemblable qu’elle soit entre d’autres mains qui pourraient ne pas être nécessairement bienveillantes à l’égard du régime.
Monsieur Le président de la République,
La période que nous vivons est très délicate. Elle pourrait être exploitée (et elle l’est) par des personnes apparemment au-dessus de tout soupçon, tapies à l’intérieur du système, à d’autres fins.
Je sollicite très respectueusement de pouvoir rendre compte à Monsieur Le Président de la République de mon analyse et de mes observations à l’occasion d’une audience que je sollicite vivement.
Très respectueusement.
Votre très dévoué.

(é) Marafa Hamidou Yaya