Des procès politiques maquillés en infractions de droit commun

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 Procès politiques
altPaul Biya a certainement raison de dire qu’il n’existe pas de prisonniers politiques au Cameroun. Il sait de quoi il parle surtout qu’il a su user des artifices pour faire avaler, le plus souvent par des tours de prestidigitation savamment orchestrés et dignes d’un Maître, l’histoire selon laquelle les personnes interpellées dans le cadre de l’ « Opération Épervier » sont coupables de distractions de deniers publics. Il l’a répété mille fois, le plus souvent en se regardant dans la glace. Le peuple famélique éreinté par trois décennies d’une gouvernance catastrophique et d’une gestion à l’emporte-casse, avait besoin du sang. Il a transformé ses propres créatures en victimes expiatoires. Il a réussi certainement à se convaincre, mais pas à convaincre de nombreux Camerounais avisés qui ont démasqué le jeu de massacre de politique qu’il a orchestré dans le sombre dessein de baliser le chemin à un dauphin qui n’osera pas ouvrir les placards de la République après son départ de la magistrature suprême. On comprend pourquoi Mathias Eric Owona Nguini soutient dans le présent dossier

que l’ « Opération Épervier » «donne […] l’impression d’être une démarche calculée de purge politique.  Ainsi, la lutte contre la corruption est-elle toujours menacée d’être dévoyée en pratique dévoratrice et sacrificatrice de judiciarisation manipulatrice et inquisitrice de règlements de compte. Cela ouvre alors la porte au tissage politicien d’intrigues judiciaires qui alimente la perception des dossiers de l’ « Opération Épervier » comme des procès politiques maquillés et grimées en affaires de droit commun »
Si Marafa Hamidou Yaya, Titus Edzoa, Jean Marie Atangana Mebara, Urbain Olanguena Awono, Polycarpe Abah Abah, Thiérry Atangana, Me Lydienne Yen Eyoum…étaient poursuivis pour des infractions de droit commun, le commun des Camerounais ne comprend pas toujours pourquoi Paul Biya doit ordonner les interpellations, les arrestations, les condamnations de certaines personnalités, tout usant de tous les stratagèmes pour protéger les membres de sa famille nucléaire et ses amis.
En tout état de cause, un système qui commence à dévorer ses propres créatures pour tenter de se régénérer est un système décadent.

Dossier publié dans Germinal n°082 du 07 février 2013.


Des procès politiques maquillés en infractions de droit commun
Paul Biya et ses partisans ont de la peine à convaincre l’opinion publique sur le fait qu’il n’existe pas de prisonniers politiques au Cameroun
Paul Biya et ses thuriféraires sont visiblement très embêtés par les sorties médiatiques, amplifiées par leurs comités de soutien, de certaines personnalités, dont notamment, Titus Edzoa, Marafa Hamidou Yaya, Jean-Marie Atangana Mebara, Polycarpe Abah Abah, Urbain Olenguena Awono, Michel Thiérry Atangana, Lydienne Yen Eyoum… arrêtées et/ou condamnées à l’issue de procès qui, aux yeux de nombreux observateurs, ne sont que des procès politiques maquillés. On comprend pourquoi ils mettent tout en œuvre pour convaincre l’opinion publique qu’il n’existe pas de prisonniers politiques dans les goulags tropicaux qualifiés de prisons camerounaises.
Le chef de l’État a saisi l’occasion qui lui a été offerte lors de la visite de travail effectuée en France, du 28 janvier au 5 février 2013, pour déclarer aux journalistes français qu’au Cameroun il n’y a pas de prisonniers politiques. Paul Biya précise : « Je sais qu’il y a des personnes qui commettent des délits et qui pour faire bonne figure, disent qu’ils sont des prisonniers politiques. Quand vous avez détourné des fonds et que les tribunaux vous condamnent. Que voulez-vous qu’on fasse ? Nous sommes un pays où il n’y a pas de prisonniers politiques, il n’y a pas de torture, les gens sont libres. »
Cette sortie de l’Homme-lion est venue corroborer l’opinion du quotidien gouvernemental Cameroon Tribune, qui dans son édition du n°10260 du 15 janvier 2013, qualifiait de « diversion » la sortie médiatique de Marafa Hamidou Yaya sur le site slateafrique.com et largement reprise par des journaux camerounais. Pour Essama Essomba, dans l’interview qu’il a accordée à ce journal en ligne, Marafa Hamidou Yaya « dénie […] toute indépendance a justice, indépendance pourtant consacrée par la constitution à l’instauration de laquelle il a puissamment contribué. Le justiciable entend ainsi déplacer sur le terrain politique une question encore pendante devant la justice. » Avant de poursuivre : « L’essentiel de sa stratégie de communication ne porte pas sur l’affaire pendante devant la justice. Elle porte sur la politique et les ambitions du justiciable. D’où le volontaire amalgame entre la justice et la politique […] Cette communication et cette instrumentalisation visent surtout à distraire. Loin de la préoccupation essentielle du justiciable de préparer la cause devant les tribunaux, notamment en appel, il se présente comme la victime expiatoire des maux à lui imputés par le régime en place. »

 

Victimes expiatoires
Les partisans de Marafa Hamidou Yaya ne partagent pas cette opinion. Selon eux, leurs idoles et beaucoup d’autres personnalités incarcérées « sont des victimes expiatoires ». Les « procès en cours ne sont en réalité que des procès politiques qui ne disent pas leur nom. Si ces procès n’étaient pas politiques, pourquoi déployer tant d’énergie et de moyens pour convaincre l’opinion publique ? Leur manière de faire est une preuve qu’il y a anguille sous roche et que la plupart des personnalités arrêtées sont victimes de leurs ambitions politiques réelles ou supposées. De plus,  la rapidité avec laquelle l’affaire État du Cameroun contre Yves Michel Fotso et Marafa Hamidou Yaha a été liquidée prouve que les magistrats subissaient des pressions les poussant à condamner les prévenus avant l’entrée en fonction du Tribunal criminel spécial (Tcs). Ce qui n’a pas été le cas avec Urbain Olanguena où nous avons vu que les magistrats se sont débinés au moment de rendre le verdict. Il était question dans ce dernier cas de le renvoyer devant le Tcs afin d’alourdir les charges qui pèsent contre lui. N’évoquons pas le cas Mebara qui était tout autant flagrant.», enchaîne-t-il. Avant de s’interroger : « Si ces procès ne sont pas politiques, Titus Edzoa et Michel Thiérry Atangana injustement condamnés, ont-ils passé 15 années derrière les barreaux d’une prison normale, avant l’érection d’un camp militaire, le secrétariat d’État à la défense, en prison secondaire ? »
Ceux-ci n’hésitent pas aussi à brandir des documents prouvant que la justice est aux ordres de l’exécutif qui ordonne les poursuites et manipule les ordonnances de renvoi. « C’est le ministre de la Justice qui rédige la plupart des ordonnances de renvoi et les fait assumer par des magistrats accroupis et carriéristes », lance un défenseur des droits de l’homme visiblement courroucé. Avant de brandir le rapport d’une réunion qui se  serait tenue à la chancellerie, réunion au cours de laquelle le juge d’instruction Pascal Magnaguembe aurait été contraint d’apposer sa signature au bas d’une ordonnance de renvoi manipulée sur injonction de l’actuel Garde des Sceaux, Laurent Esso. Dans ce document on peut : « Les 12, 13 et 14 juin 2012, le juge d’instruction Pascal Magnaguemabé prend part à des réunions auxquelles il est convié à la chancellerie, aux côtés du secrétaire général du ministère de la Justice, du directeur de l’Action publique et des Grâces, du procureur général près la cour d’appel du Centre et le procureur de la République près le tribunal de grande instance du Mfoundi, réunions présidées par le Garde des Sceaux. Au cours de ces assises, il est « instruit » au juge d’instruction Pascal Magnaguemabé de ne pas dans son ordonnance renvoyant Yves Michel Fotso et Marafa Hamidou Yaha devant le tribunal de grande instance du Mfoundi statuant en matière criminelle en phase de rédaction, rentrer dans les détails des charges qui pèsent sur Fotso Yves Michel et Marafa Hamidou Yaya. Le juge d’instruction Pascal Magnaguemabé tique devant cette « instruction » et relève qu’il semblait judicieux de mettre à la disposition de l’accusation l’entier mécanisme et dans ses détails usité par Yves Michel Fotso et Marafa Hamidou Yaya pour détourner les 31 000 000 de dollars US de fonds publics par eux détournés. La haute hiérarchie maintient ses « instructions ». Le juge d’instruction Pascal Magnaguemabé rédige une mouture de cette Ordonnance conformément aux instructions reçues et le remet le 22 juin 2012 au ministre d’État, ministre de la Justice, Garde des Sceaux. Le 25 juin 2012, la Hiérarchie judiciaire par l’entremise du président du tribunal de grande instance du Mfoundi, M. Schlick remet au juge d’instruction Pascal Magnaguemabé pour uniquement y requérir sa signature. Une mouture d’ordonnance renvoyant Fotso Yves et Marafa Hamidou Yaya devant le tribunal de grande instance du Mfoundi statuant en matière criminelle, mais, dans laquelle ce magistrat ne se reconnaît pas pour 40% de la décision à lui remise. Le juge d’instruction Pascal Magnaguemabé tique encore, mais appose sa signature tout de même, sur ce document censé émaner de lui. (Hiérarchie oblige) ».

Dérives
C’est dire si le ministre de la Justice, c’est-à-dire le politique, est au cœur des procès en cours. C’est d’ailleurs lui qui autorise l’arrêt des poursuites contre un accusé en cas de restitution du corps de délit, conformément à l’article 18 (1) de la loi n°2011/028 du 14 décembre 2011 portant création d’un Tribunal criminel spécial qui dispose : « En cas de restitution du  corps du délit, le Procureur Général près le Tribunal peut, sur autorisation écrite du ministre chargé de la Justice,  arrêter les poursuites engagées avant la  saisine de  la juridiction de jugement. »
D’autres acteurs pointent du doigt les dérives de l’ « Opération Épervier ». De l’avis de Charly Gabriel Mbock, « entre le discours moral sur ‘l’urgence d’assainissement et l’immoralité des manœuvres et violences procédurales, la contradiction s’est avérée constante et croissante ; par effet cumulatif, elle a fini par convaincre les plus sceptiques que le Cameroun s’est engagé dans un véritable ésotérisme judiciaire : les rituels sacrificiels y semblent aussi impératifs que récurrents, comme pour donner des gages à quelque divinité extranationale en la gorgeant de sang  camerounais[…] L’immolation, rituelle ou non, est une dérive qui n’a pas nécessairement l’adhésion des victimes humaines. » (Mbock, 2011 : 1-2).
Mathias Ecric Owona estime pour sa part que « le déroulement et le déploiement pratiques que des différentes procédures politico-judiciaires ressortissant de l’ « Opération Épervier », donnent de l’intelligibilité à l’hypothèse d’une exploitation politicienne de ces dossiers correspondant à une manœuvre d’élimination d’éventuels prétendants à la Magistrale et Majestueuse Cathèdre présidentielle».
C’est dire si l’on ne saurait évacuer du revers de la main l’hypothèse des procès politiques maquillés en infraction de droit commun.
Jean-Bosco Talla


L'ombre de l'exécutif plane sur les procès
De plus en plus, l’autorité judiciaire est perçue comme étant aux ordres de l’exécutif. Autrement dit, certaines procédures judiciaires engagées contre des personnalités et les arrestations opérées dans le cadre de l’ « Opération Épervier » sont considérées, à raison,  par une frange de la population comme étant des procès politiques maquillés. Cette perception s’est accentuée avec le lancement en fanfare et à grand renfort de publicité de cette opération. Sont venues confortées la perception de certains observateurs, les manœuvres orchestrées pour condamner les présumés innocents et les décisions rendues dans les affaires État du Cameroun contre : 1) Edzoa Titus et Michel Thiérry Atangana qui dure depuis plus 16 ans ; 2) Yves Michel Fotso, Marafa Hamidou Yaya et compagnie ; 3) Atangana Mebara et autres. D’ailleurs, Amadou Ali, alors ministre de la Justice, n’avait pas usé de circonlocution, avant que les magistrats ne rendent leurs décisions dans certaines affaires pendantes devant les cours et tribunaux, pour affirmer que toutes les personnalités arrêtées dans le cadre d’une opération visant, déclare-t-on, l’assainissement de la gestion des affaires publiques, n’ont aucune change de s’en sortir. En d’autres termes, dès leur interpellation elles sont présumées coupables. La suite lui a donné raison, puisque jusqu’ici, les « gros poissons » emportés dans serres de ce lugubre rapace ont tous été condamnés à très lourdes peines de prison.
Comment pouvait-il en être autrement à partir du moment où c’est l’exécutif, représenté par son leader central Paul Biya qui ordonne les arrestations et tire les ficelles dans l’ombre en orientant le verdict des procès dans le sens de ses intérêts politiques.
En effet, lorsqu’il faut enclencher une procédure qui conduira à l’interpellation de certaines personnalités, certains dossiers ficelés par le ministre délégué chargé du contrôle supérieur de l’État (Consupe) sont transmis au secrétaire général de la présidence de la République. Celui-ci adresse à son tour une note à  l’attention de la Très Haute Attention du président de la République généralement en ces termes: “ le ministre délégué à la présidence de la République chargé du Contrôle supérieur de l’Etat propose la traduction des mis en cause devant le Conseil de discipline budgétaire et financière ainsi que les juridictions compétentes. Pour hautes appréciations du chef de l’État.” Lorsque Paul Biya reçoit cette note, il griffe à la marge un petit “Accord” et retourne le dossier au clerc de service. À son tour, il achemine le dossier au ministre de la Justice qui actionne les services compétents qui déclenchent les interpellations.
La correspondance de Laurent Esso, alors ministre d’État, secrétaire général de la présidence de la République, adressée au ministre de la Justice d’alors, Amadou Ali, dans laquelle l’ordre est donné au parquet du tribunal de grande Instance du Mfoundi, d’ouvrir une information judiciaire contre Maitres Eyoum Yen Lydienne, Baleng Maah Célestin et, les nommés Abah Abah Polycarpe, Engoulou Henri et Ngwem Honoré, avec mandat de détention provisoire, du chef d’accusation de détournement de deniers publics et complicité  est illustre cette démarche révélatrice du caractère politique de certaines arrestations. Elle prouve à suffisance qu’au Cameroun la justice est sous la botte de l’exécutif. Dans cette correspondance, Laurent Esso écrivait: « Faisant suite à votre correspondance de référence, j’ai l’honneur de vous notifier l’Accord du chef de l’État à vos propositions tendant à faire déférer Maîtres Eyoum Yen Lydienne, Baleng Maah Célestin, les nommés Abah Abah Polycarpe, Engoulou Henri et Ngwem au Parquet du Tribunal de Grande Instance du Mfoundi en vue de l’ouverture d’une information judiciaire contre eux, avec mandat de détention provisoire, du chef d’accusation de détournement de deniers publics et complicité. Vous voudrez bien me faire connaître, pour la Très Haute Information du chef de l’État, l’exécution de ces diligences».
Jean-Bosco Talla


Marafa Hamidou Yaya; l'ennemi intime de Paul Biya
Incarcéré depuis le 16 avril 2012, après avoir déconseillé à Paul Biya de se présenter à l’élection présidentielle d’octobre 2011, il demande aujourd’hui son départ.
altSi pour Paul Biya, il n’y a pas de prisonniers politiques au Cameroun, il y en a au moins un qui se considère comme un prisonnier politique: Marafa Hamidou Yaya. Depuis son incarcération à la prison centrale de Kondengui le 16 avril 2012 avant  d’être brutalement transféré à la prison du Secrétariat d’État à la défense, il a publié de nombreuses lettres mettant directement en cause le chef de l’État et son entourage qu’il accuse d’ailleurs d’avoir manœuvré pour accélérer son arrestation. Aujourd’hui, il ne cache plus son ambition présidentielle.
Malgré sa condamnation à 25 ans de prison en compagnie de son ami, Yves Michel Fotso, Maraf Hamidou Yaya persiste à nier toute implication dans le détournement des 31 millions de dollars destinés à l’acquisition de l’avion présidentiel. Il s’est agi d’un procès politique. A-t-il décidé de l’acquisition d’un avion présidentiel ? Non, c’est Paul Biya. A-t-il choisi de négocier avec Gia ? Non, ce fut une décision collective, approuvée par l’État major particulier du chef de l’État. A-t-il ordonné le virement de 29 millions de dollars dans les comptes de Gia International sans garantie ? Non, il s’y était opposé. La décision de virer l’argent a été prise par Michel Meva’a m’Eboutou avec l’accord de Paul Biya. L’avion était-il prêt dans les ateliers de Boeing ? Oui, mais l’État du Cameroun a refusé de le réceptionner pour acquérir un 767. Tous ces éléments permettent aujourd’hui de douter de l’implication réelle de Marafa Hamidou Yaya dans le détournement de la somme de 31 millions de dollars destinés à l’acquisition de l’avion présidentiel, s’il y en a eu un. D’ailleurs, il n’a été condamné que comme « co-auteur intellectuel ». Rien de plus !
Cet homme né en 1952 et qui a atteint les plus hautes sphères de l’État a aujourd’hui toutes les raisons de penser qu’il est un prisonnier politique. Il raconte d’ailleurs dans sa première lettre les discussions qu’il a eues avec l’actuel directeur du cabinet civil, Belinga Eboutou quelques mois avant l’élection présidentielle, sur son éventuelle candidature à l’élection présidentielle d’octobre 2011, après qu’il ait clairement déconseillé  Paul Biya de prendre un nouveau mandat après son tripatouillage de la constitution en mars 2008. Son arrestation le 16 avril 2012 semble d’ailleurs avoir été largement préparée par deux personnes : Paul Biya et Amadou Ali.
Au mois de février 2009, le juge d’instruction Pascal Magnaguemabé, en charge du dossier relatif à l’acquisition de l’avion présidentiel demande au Délégué général de la sûreté nationale, Emmanuel Edou de lui retirer son passeport. À cette date, il se trouvait à l’Est Cameroun dans le cadre d’une rencontre avec les Centrafricains sur la sécurité de la frontière et devait se rendre en Afrique du Sud pour assister à une conférence des ministres africains de l’Administration territoriale. Il a dû avoir recours à Paul Biya pour se voir restituer son passeport. En février 2010, selon un câble diplomatique publié par le site WikiLeaks, il a fait part de ses inquiétudes à Janet Garve  à Yaoundé en ces termes : « Je peux me retrouver en prison ! »

 

 

Arrestation
Au gouvernail des manœuvres en vue de son arrestation, un homme : Amadou Ali. À l’époque, il est ministre de la Justice. Les deux hommes ne s’aiment pas. L’un est originaire de l’Extrême – Nord et l’autre du Nord. Ali n’est pas prêt à accepter qu’un ressortissant du Nord puisse à nouveau succéder à Paul Biya. Ahidjo était déjà ressortissant du Nord. D’ailleurs, lui-même aspire. Il utilise dès lors tous les moyens pour barrer la route à son adversaire. Y compris l’appareil judiciaire. Il a longtemps mis à cet effet à contribution son « fis » Pascal Magnaguemabé, qu’il a sorti de Mora où il était affecté  pour le tribunal de grande instance du Mfoundi. Yves Michel Fotso n’échappe pas à cette manœuvre.  Car le ministre de la Justice sait que les deux sont amis de près d’une vingtaine d’années.
Pour pousser la bataille jusqu’à la mort, Amadou Ali envoie discrètement le 13 octobre 2008 le magistrat Salatou, inspecteur à la chancellerie d’origine Kanuri. Ce dernier doit rencontrer le juge fédéral suisse Edmond Ottinger, chargé de la procédure suisse pour laquelle Yves Michel Fotso est poursuivi, afin de l’influencer et le corrompre pour citer Marafa Hamidou Yaya dans son rapport. Cette démarche ne prospère pas.
Cependant, les luttes et batailles d’Amadou Ali rejoindront également celles d’un homme : Paul Biya, président de la République depuis le 6 novembre 1982. Marafa Hamidou Yaya et lui ont travaillé ensemble pendant 17 ans. L’erreur fatale de l’ancien secrétaire général de la présidence de la République, c’est d’avoir tenté de s’émanciper. Allant jusqu’à s’opposer à un dernier mandat du chef de l’État. Jugeant que c’était « le mandat de trop ». Paul Biya n’aime pas cela et il ne le lui a certainement jamais pardonné. Et Marafa le sait bien.
Il affirme clairement être « porteur d’un projet mettant en avant les exigences de paix et de justice permettant de bâtir une société de confiance ». C’est clair, il veut affronter le chef. Malgré sa condamnation à 25 ans de prison accompagnée de huit années de déchéances de droits civils, il ne compte pas lâcher. D’ailleurs, après avoir été reconnu coupable, il a lancé au président de la collégialité Gilbert Schlick, « un peu déçu, mais pas vaincu ». La lutte continue.
Arthur Minsk


Polycarpe Abah Abah: dans les filets de ses adversaires politiques
L’ex-Minefi qui dit être prison sur la base de la calomnie, du mensonge et de la diffamation accuse vertement Amadou Ali. Il n’a pu déjouer le complot politique ourdi contre lui par ses adversaires.
altPolycarpe Abah Abah paye-t-il aujourd’hui la rançon de ses écarts de gestion à l’époque où il était aux affaires ou, comme le pense une opinion de plus en plus répandue, est-il victime des ambitions politiques et pouvoiristes - supposées ou réelles - qu’on lui prête ? Le débat sur la polémique est tranché sur le vif par l’ex-ministre de l’Économie et des finances  en personne et ses avocats. Une thèse que conforte par ailleurs la tournure à la fois rocambolesque et scandaleuse que prennent les procédures judiciaires engagées contre lui.
C’est Polycarpe Abah Abah qui, en premier lieu, monte au créneau  le 25 octobre 2011 devant la barre de la cour d’appel du Centre : « Je suis en prison depuis près de quatre ans, révèle-t-il,  sur la base de la calomnie, du mensonge [politique] et de la diffamation » Et de poursuivre : « des mensonges ont été dits à propos des milliards que j’aurais planqués à l’étranger. Qu’on me sorte des comptes bancaires qui attestent de l’existence de ces milliards. Tout cela, martèle-t-il, n’est que mensonge et je suis sûr que leurs auteurs sont à l’écoute. Je n’ai pas détourné, je ne dispose d’aucun compte à milliards. Je mets au défi quiconque pourrait apporter la moindre preuve de l’existence de ces  comptes à milliards. Ça été une campagne de calomnie destinée à jeter l’opprobre  et le discrédit sur moi. Les auteurs de ces mensonges sont connus ». Pour accréditer la thèse d’un complot politique ourdi contre lui par ses adversaires, Abah Abah fait encore des renversantes révélations : « je suis un homme dont la vie est brisée, la famille détruite par des individus qui savent pourquoi j’ai été arrêté. J’ai été arrêté sans qu’il y ait eu au préalable une enquête de la police ou de la gendarmerie, sans un rapport de la Conac, sans un rapport de l’Anif et sans que le Fmi ait à me reprocher quoi que ce soit. Personne ne m’a accusé de détournement de fonds. On vous pompe des mensonges prétextant que j’ai des comptes à milliards à l’étranger. Mais, je sais pouvoir compter sur votre expérience de juge et votre sagesse », qu’on ne vous dise pas que c’est le président Biya qui a demandé d’engager les poursuites contre moi.
En novembre 2011, l’ex-Minefi pointe un doigt accusateur sur l’ex-Garde des sceaux comme auteur de ces mensonges. À travers une correspondance adressée à Amadou Ali, Polycarpe Abah Abah dénonce le complot dont il est victime et envisage de donner une suite judiciaire aux dénonciations calomnieuses et autres diffamations dont il se dit victime de la part de l’ex-Minjustice. Il estime qu’à des fins de manipulation et pour des raisons autrefois inavouées et qui sont désormais connues, Amadou Ali n’a pas dit la vérité au chef de l’État à son sujet.  

 

1 200 000 francs suisses
«Compte tenu de la gravité des propos qui vous sont attribués et qui sont probablement à l’origine de mon arrestation sans enquête préalable et de mon incarcération depuis 44 mois, conclura-t-il dans ladite correspondance, je me trouve dans la pénible obligation de donner une suite judiciaire à toutes vos dénonciations calomnieuses et autres diffamations, dans un avenir proche, devant les juridictions nationales ou ailleurs ». Abah Abah accuse en effet Amadou Ali d’avoir affirmé, selon Madame Garvey, que M. Dooh Colins a aidé le gouvernement de la République du Cameroun à identifier et localiser un compte bancaire appartenant à l’ex-Minefi dans les livres de la Swiss Ubs Bank au Luxembourg ; compte affichant un solde créditeur à son profit de 1 200 000 francs suisses. Des affirmations contre lesquelles l’ex-Minefi avait déclaré s’inscrire en faux et qui visaient, selon lui, à jeter de l’opprobre sur sa personne et à monter le chef de l’État et le peuple camerounais contre lui.
Se prononçant récemment sur le cas Abah Abah et la manière dont l’ « Opération épervier » est menée,  Me Nouga est acerbe :  « Nous pensons que l’« Opération épervier » telle qu’elle est menée est mal menée. Elle n’est qu’un prétexte à toutes sortes d’accusations et contre les membres du gouvernement et contre le gouvernement lui-même et qui pourrait laisser croire qu’ils utilisent cette opération pour soutenir le président de la République dont les résultats sociaux sont manifestement contestables. Donc ça peut également être une partie de l’entourage du président de la République qui, voyant des gens brillants émerger comme Abah Abah et ayant peur d’avoir à discuter éventuellement la succession avec ces gens, cet entourage se met à les attaquer et de toutes les manières pour qu’ils soient mis hors course. C’est pour ça que-je ne suis pas le seul à le dire ; on considère cette Opération comme une Opération politique.  Il y a beaucoup de hauts responsables sur lesquels pèsent d’importantes accusations et qui ne font l’objet d’aucune poursuite, y compris dans les dossiers qui sont pendants à l’heure actuelle. Donc tout cela laisse croire que cette « Opération épervier » n’est pas crédible. »
Par ailleurs, sa condamnation en l’absence de ses avocats le 19 juin 2012, à 06 ans de prison pour délit d’évasion aggravée, est perçue comme une autre preuve de la cabale contre lui. Selon ses avocats, son crime est de s’être retrouvé à son domicile à Odza le 11 mai 2012  accompagné de son chef d’escorte, après un rendez-vous manqué avec son dentiste. Il devait récupérer de la nourriture, sans aucune intention de s’évader. Il sera le même jour enlevé par des éléments cagoulés de la Dgre et séquestré pendant  06 heures. Aussitôt condamné, il sera déporté parce que jugé dangereux et réduit  à l’isolement  à la prison du Sed, son nouveau lieu de détention depuis lors.
Maheu


Les mille miracles judiciaires de l'affaire Titus Edzoa
Victime de ses ambitions politiques, Edzoa Titus sera maintenu en prison tant que Paul Biya vivra. Ainsi en ont décidé les comploteurs de minuit.
altLe 6 juillet 2012, le Tribunal de grande instance de Yaoundé doit livrer le verdict de l’un des plus anciens dossiers ouverts en son sein. Titus Edzoa et Michel Thierry Atangana Abega, inculpés de détournement et de tentative de détournement des deniers publics depuis plus de 15 ans et incarcérés depuis lors dans une cellule blindée du Secrétariat d’état à la défense, s’attendent à être fixés sur leur sort. Ils sont jugés en compagnie d’Isaac Njiemoun et M. Mapouna, rattrapés par l’accusation une dizaine d’années plus tard, qui comparaissent libres. Le collège des juges qui a connu de l’affaire depuis le 27 octobre 2009 va arriver à l’audience, imputé de l’un de ses magistrats. La veille au soir, le président de la Cour d’appel du Centre a notifié à Mme Itong son affectation au ministère de la Justice, pourtant décidée depuis avril. Elle ne peut plus agir comme juge. Le verdict rédigé et prêt à être lu, ne peut être prononcé, puisque la composition du Tribunal est jugée «irrégulière». Les juges ont été muselés.
On apprendra des sources internes au milieu judiciaire de Yaoundé que les trois juges de départ avaient montré des réticences à faire savoir leur décision avant son prononcé, en dépit de pressions intenses venues notamment de la Cour d’appel de Yaoundé. L’affectation subite de Mme Itong va être mise à profit pour extirper un autre magistrat du trio des juges : le président de la Cour d’appel semble s’être enfin rendu compte que M. Batoum ne peut plus cumuler ses fonctions de juge et de juge d’instruction. Deux nouvelles dames vont être désignées pour compléter la collégialité ainsi cassée. Et, le 04 octobre 2012 après quatre mois de reports, une condamnation à 20 ans de prison ferme et au paiement des dommages et intérêts est prononcée à l’égard de Titus Edzoa et Michel Thierry Atangana. Deux des trois magistrats qui assument ce verdict n’ont rien connu des débats et des plaidoiries : la décision est prise « à la majorité », ce qui signifie que ce sont deux magistrats, sur les trois que comptait le collège, qui ont décidé du sort des deux prisonniers du Sed.
« Nous avons eu aujourd’hui la confirmation juridique et judiciaire que ce procès est le fruit d’une grande manipulation du système judiciaire camerounais, et c’est extrêmement grave », déclare ce jour-là Charles Tchoungang, l’ancien Bâtonnier de l’ordre des avocats constitué pour les intérêts de Michel Thierry Atangana. « Nous avons demandé qu’on nous indique la position du juge dissident, poursuit-il, pour que nous puissions démontrer au monde entier que, dans cette affaire, on a retiré deux juges qui étaient contre, pour condamner des innocents ». L’affaire fait grand bruit mais, pour le pouvoir de Yaoundé, le but est atteint : Titus Edzoa ne sera pas libéré tant que M. Biya est président de la République. Ses compagnons d’infortune vont devoir ronger leur frein en prison avec lui.
Ce verdict n’est en fait qu’un énième épisode des manipulations judiciaro-policières connues par l’ancien Secrétaire général de la présidence de la République, ancien très proche collaborateur de Paul Biya depuis sa démission du gouvernement en avril 1997. Ministre de la Santé publique au moment où il officialise son divorce avec le Renouveau, M. Edzoa va connaître une descente aux enfers des plus brutales. L’annonce de sa candidature à l’élection présidentielle qui se profile à l’horizon en fait l’un des plus résolus adversaires du système. Pour empêcher sa communion avec les citoyens organisée autour de lettres ouvertes et d’interviews publiées par la presse, il est placé en résidence surveillée dans sa villa du quartier de Bastos par le préfet du Mfoundi, actuel ministre de la Défense.

 

Rouleau compresseur
Des hommes du régime vont réfléchir à la «sanction» à lui administrer. Edouard Akame Mfoumou, très influent ministre d’Etat en charge de l’Economie et des Finances, et Amadou Ali, secrétaire général de la présidence de la République, mettent alors au point la technique dite du « rouleau compresseur » pour venir à bout de leur ancien homologue. Ils recrutent des alliés et organisent une recherche minutieuse dans les actes supposés de mauvaise gestion de l’ancien ministre et décident de lui réserver des procès à cadences afin de le garder le plus longtemps possible en prison. Michel Thierry Atangana Abéga, bref fiancé de la fille de M. Akame Mfoumou et coupable d’être de l’entourage de Titus Edzoa va lui aussi subir les foudres des comploteurs. Il est le premier à être interpellé et gardé à la Direction de la police judiciaire.
En juillet 1997, une information judiciaire est ouverte contre Titus Edzoa au sujet de la gestion du Comité de pilotage des projets routiers mis sur pied par arrêté du président de la République et dont Michel Thierry Atangana est le président. L’ancien ministre est incarcéré à la prison de Kondengui. Mais les journées du Professeur de chirurgie à l’intérieur du pénitencier, faites de soins administrés aux malades, ne sont pas du goût de M. Amadou Ali. En sa double qualité de secrétaire général de la présidence de la République et secrétaire d’Etat à la défense (Sed) chargé de la gendarmerie, il décide du transfert de M. Edzoa et de son compagnon d’infortune dans une cellule presque close du Sed où les deux accusés ne connaissent pas la différence entre le jour et la nuit. Là-bas, une bonne douzaine d’autres chefs d’inculpation leurs seront notifiés.
Si l’une de ces accusations est le prétexte de leur condamnation à 15 ans de prison ferme et à la confiscation de leur bien, en un procès déroulé en une demie nuit, le jour même où la candidature de M. Edzoa à la Présidentielle d’octobre 1997 est déclarée irrecevable par la Cour suprême, les autres chefs d’inculpation restent veilleuse selon la technique déjà mise au point du rouleau compresseur. Cette condamnation sera confirmée par la Cour d’appel du Centre le 27 avril 1999, assortie de l’obligation de payer solidairement des dommages et intérêts à l’Etat de 350 millions Fcfa. Et le recouvrement forcé de cette somme va encore donner lieu à un petit miracle judiciaire.
Alors qu’après toutes les recherches d’usage, un pouvoir spécial a été délivré à Me Ngwé Gabriel, huissier de justice à Yaoundé, pour procéder à la saisie de l’immeuble «objet du titre foncier n°7890/Mfoundi» appartenant à Titus Edzoa, les avocats de l’Etat ne vont fixer leurs yeux que sur la villa de l’ancien ministre bâtie au quartier Bastos, qui fait l’objet d’une double inscription hypothécaire et ne peut faire l’objet d’une saisie immobilière. Mais la Communauté urbaine de Yaoundé va acheter l’immeuble vendu, en croyant qu’il s’agit de la villa. Mais rapidement, elle obtient que la décision constatant la vente aux enchères soit rectifiée par substitution du numéro du titre foncier dont la vente a été autorisée par le juge par le numéro du titre foncier de la villa dont la saisie est en l’état impossible. Cette décision a fait l’objet de recours judiciaire.
Parallèlement, les autres inculpations restées en veilleuse ont été ressorties. Mais le juge d’instruction qui a hérité du dossier va créer l’événement. Au terme de son enquête,  Pascal Magnaguémabé décide d’élargir totalement Michel Thiéry Atangana, Isaac Njiemoun et Mapouna des accusations mises à leurs charges respectives. Seul Titus Edzoa était renvoyé devant les juges pour répondre du crime de «détournement » des voitures et du délit de «concussion». Mais la chambre de contrôle de l’instruction de la Cour d’appel du Centre, saisie à nouveau par le procureur de la République, dans un arrêt rendu le 3 février 2009, va réhabiliter tous les chefs d’inculpations initiaux. C’est l’examen de ces accusations par le Tribunal de grande instance de Yaoundé qui a donné lieu à la condamnation « à la majorité » de Titus Edzoa, Michel Thierry Atangana et Isaac Njiemoun.
Junior Etienne Lantier


Amadou Ali et Akame Mfoumou complotent
altAli [Amadou] : On ne s'amuse pas M. le ministre d'État
Akame [Mfoumou] : Donc, il faut faire très, très... et on n'est pas nombreux, faut faire très, très ; très, très, très, très attention et, on en fait combien ? Trois c'est beaucoup, c'est 2 en fait.
Ali : Voilà... il y a toi, il y a moi-même... À vrai dire les cibles... Ceux qu'ils considèrent comme les cibles...
Akame : Ouais ! C'est les deux. Alors tu vois donc : campagne Internet ; à l'intérieur : les journaux, les machins etc.. À un moment donné, le patron lui-même risque de se dire qu'il n'y a jamais de fumée sans feu. Si bien que si on ne s'organise pas... Mais on va... Moi je suis décidé à leur mettre le feu aux fesses, puisque j'envoie même maître (Me Mbiam Emmanuel, Ndlr) là-bas pour poursuivre l'affaire dont le procureur là (Gwamesia, Ndlr) a dû te parler.
Ali : Oui. Oui !
Akame : Ah ! Oui ! Oui ! Oui!  
Ali : Je sais que tu fabriques déjà.  
Akame : Ah oui ! Et là d'ailleurs, les éléments que je vais récolter, je vais te les ramener...  
Ali : Sur l'affaire de ce même Edzoa. Akame :Voilàà !!! Je vais te les ramener
Ali : J'ai envoyé donc...  maître pour donc  ...  pour l'affaire de la Bcc  là aussi...
Akame : Ouais ! Ouais ! Parce que ce qu'il faut faire, tu as vu là ce qu'on applique à...  à l'ancien président de l'Olympique de Marseille ?
Ali : C'est ça !!!
Akame : C'est-à-dire, ce n'est pas la peine de tout sortir le même jour...
Ali : Ah ! Non ! Non ! Par petits bouts
Akame : Voilà. Dès que vous finissez ceci. Pan!! Telle condamnation. Le lendemain   Pan!!!   Vous   amenez   telle autre...
Ali : C'est ce que nous avons proposé...
Akame : Une semaine après  Pan   !! Vous amenez telle autre, une semaine après vous amenez telle autre !!
Ali: Voilààààà !
Akame : La technique du rouleau compresseur-Là, on le finit !!!
Ali: Voilà ! En tout cas, nous, nous avons actuellement... il y a le dossier des milliards là Akame : Ouais ! Ouais.!! De Paris !
Ali: Ouais ! Ouais ! Nous avons quand même donné des éléments à la Justice, y compris euh... les instructions...
Akame : Il faudrait aussi mettre le Garde des sceaux dans le coup et le Pg procureur général Ndlr) parce que...
Ali: Ouais ! M. le ministre d'État... l'inconnu pour moi, c'est le Garde des sceaux. Akame: Ah ! Ouais !
Ali: Bon ... d'aucuns disent qu'il serait de la même secte. Est-ce que c'est vrai...? Mais nous travaillons ensemble. D'aucuns m'ont même dit que même là aussi (le Délégué général à la Sûreté nationale) ...                               
Akame: Tu as d'ailleurs vu qu'il ne s'est pas mouillé du tout...
Ali: Le type calcule des choses contre moi
Akame : Oui ! Oui, oui ! Oui !
Ali: Alors que  nous travaillons ensemble.
Akame: Oui, oui, oui !
Ali: Bon !
Akame: C'est normal, puisqu'il s'agit d'isoler chacun de nous.
Ali: Voilà ! Tu sais ce que je te le dis à toi c'est le patron lui-même qui m'a dit de prendre cette affaire en main...
Akame : Ouais ; chacun de son côté, et puis nous allons nous battre jusqu'au bout. Nous nous sommes battus jusqu'à présent, ça ne sert à rien de baisser les bras aujourd'hui.  Ça voudrait dire que nous aurons été idiots de nous battre jusque-là... Ali: Ouais ! Ouais ! Ouais !
Source: Presse nationale,août 1987


Lydienne Yen Eyoum et Michel Thiérry Atangana: au mauvais endroit, au mauvais moment
Me Lydienne Yen Eyoum et Michel Thierry Atangana Abega sont deux clients de l’ « Opération épervier » dont les parcours ont quelque chose d’anecdotique. Au regard de ce qui ressemble à un acharnement, la part du hasard et de la malchance ne peuvent seuls suffire pour expliquer les procédures kafkaïennes de leur procès.   
altAccusé  de « détournement de deniers publics, tentative de détournement et trafic d’influence en coaction », Michel Thierry Atangana Abega est  condamné à quinze années de prison, à l’issue d’un long procès dont la procédure particulière est digne de figurer dans les livres record Guinness. C’est à 4 heures du matin que tombe la sentence. Procès au cours duquel, il ne lui avait pas été permis de présenter les moyens de sa défense. Est-ce sa proximité supposée à Titus Edzoa, compagnon d’infortune qui vaut l’arrestation et sa condamnation ?
Me Lydienne Eyoum quant à elle, ne paye-t-elle pas sa proximité avec l’ancien ministre Polycarpe Abah Abah ? L’arbitraire d’un pouvoir en mal d’action d’éclat, revêtu pour la circonstance des habits nobles de la lutte contre la corruption, s’est abattue sur elle, inculpée de détournement de deniers publics.
C’est dans une cellule de 12 m² qu’elle partage avec une quinzaine de codétenues que Me Lydienne Yen Eyoum, l’avocate franco-camerounaise se bat pour se faire écouter depuis le 10 janvier 2010. Les faits incriminés remontent à 2004, alors avocate de l’Etat camerounais, l’intéressée se serait indûment appropriée l’argent de l’Etat, à la faveur d’une opération de recouvrement auprès de la Société Générale de Banque du Cameroun.
La longueur des procédures et le peu de cas fait à certaines dispositions du nouveau code de procédure pénale questionne la sincérité de l’établissement de la vérité dans les deux affaires. A cet égard la période de détention provisoire de dix-huit mois dépassée en date du 8 juillet 2011 a fait sortir de leur gond deux avocats français qui l’ont exprimé dans une tribune publiée par Libération du 18 mai. Contre toute attente et dans un journal qui n’a rien à voir avec celui dans lequel  parut la dite tribune, c’est tout un directeur du cabinet civil de la présidence qui se sent offusqué et répond dans Cameroon-Tribune.
Qu’on le veuille ou non, l’intrusion de l’exécutif dans les procès n’est pas fortuite. Il n’est pas jusqu’au lieu de détention qui ne soit matière à caution. Pour Thierry Michel Atangana par exemple, c’est le Secrétariat d’Etat à la défense récemment érigé en centre de détention. Une bonne quinzaine d’années après que ces détenus y aient épuisé leur condamnation. Dans le cas de Lydienne Eyoum, les changements de ministres à la tête du Ministère des finances et la proximité réelle ou supposée avec certains d’entre eux a contribué a complexifié la nature des missions qui lui étaient assignées au départ.

 

 

Directives
Un magistrat rencontré dans son bureau au palais de justice de Yaoundé, par le reporter de Germinal confiait sous le couvert de l’anonymat : « Nous subissons de multiples pressions de la part de la chancellerie. Nous ne pouvons rien. Nous ne sommes pas organisés en syndicat pouvant défendre nos intérêts collectifs. Si individuellement un magistrat engage une action pour changer la situation, c’est à ses risques et périls […]. Ce qui est paradoxal. Dans le cas de Me Eyoum, elle est dans son droit. Son affaire n’aurait jamais prospérer si la chancellerie n’était pas derrière. Les multiples violations de ses droits et ceux de la défense sont des preuves que mes collègues en charge dudit dossier n’ont pas les mains libres. S’ils tentent de manifester une velléité d’indépendance dans cette affaire, ils seront affectés hors de Yaoundé. Un collègue honnête qui était à Douala et dont l’indépendance était légendaire en sait quelque chose. Il poirote aujourd’hui quelque part dans le septentrion simplement parce qu’il a voulu bien faire son travail. Au stade actuel de l’ «Opération épervier », les magistrats ont les mains liées et aucun d’entre eux ne peut oser aller à l’encontre des directives de l’exécutif transmises via la chancellerie. Vous comprenez pourquoi les arrestations opérées dans le cadre de l’ «Opération épervier » ne sont pas des initiatives du parquet, de la justice. C’est toujours l’exécutif qui demande d’arrêter Untel. C’est dommage pour notre justice et pour l’image du Cameroun. » No comment !
Cette déclaration du magistrat traduit la réalité vécue dans cette affaire qui avait été déclenchée après que le secrétaire général de la présidence de la République, à l’époque des faits,  Laurent Esso ait instruit, dans la correspondance n°156/c6/Sg/Pr du 29 décembre 2009, le ministre de la justice, Amadou Ali de faire déférer Mes Eyoum et Cie devant le tribunal de Grande instance du Mfoundi.
«Mon brillant collègue Gilbert Schlick, peut bien se tuer, comme il l’avait fait à l’audience, pour démontrer que les magistrats n’ont pas vu cette directive de l’exécutif, il ne convaincra personne, puisque celles-ci sont antérieures à la décision qu’il a prise. De plus, il a été décerné aux concernés un mandat de détention provisoire, comme il est stipulé dans cette lettre du ministre d’État. Si moi je l’ai vu circulé à plus forte raison ceux qui ont le dossier entre les mains», conclut ce magistrat prêt à quitter le corps ou à trouver mieux ailleurs si l’opportunité s’offre à lui. Malchance, embarras et compagnie, comme le titre d’une nouvelle à succès de Francis Bebey, résume à suffisance le parcours judiciaire des deux clients, Thierry Michel Atangana et Lydie Yen Eyoum.
En définitive, leur proximité avec Titus Edzoa pour le premier et les différents ministres de finances pour la deuxième dans le cadre des missions à elle confiées, loin de leur garantir la quiétude, les a placés dans une situation insupportable! Humainement !
Ikemefuna Oliseh


Jean-Marie Atangana Mebara, Urbain Olanguena et Cie: des procès en sorcellerie
altQuel regard avez-vous de l’opération épervier ? À cette question, Esther Dang, ex patronne de la Société nationale d’Investissements (Snh) et candidate de la dernière élection présidentielle avait eu la formule juste : « Tout est métaphysique dans cette affaire peut-être à cause du nom. Lorsqu’un enfant vole une sandalette au marché, on l’amène là où il faut. C’est un délit, tout citoyen qui commet un délit, il y a des procédures pour cela. On parle d’un simple problème de vol comme si c’était de la métaphysique. Il y a un code pénal. C’est comme le mariage, le jour que vous vous mariez, vous ne pouvez pas imaginer que vous allez divorcer. Chacun doit assumer ses responsabilités face aux délits qu’il commet. En me posant la question, c’est comme si épervier tourne autour de ma tête ou de la tête de X ou de Y. Il faut laisser les personnes chargées de ce dossier faire leur travail ». Aujourd’hui les faits lui donnent raison. Car  un arrêt de la Cour d’appel du Centre a été sans équivoque le 13 octobre 2011 en faveur d’Urbain Olanguena Awono, l’ex ministre de la Santé publique. « Par ces motifs, statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière criminelle, en appel, par arrêt avant dire droit, en collégialité et à l’unanimité des voix ; en la forme, reçoit l’appel interjeté par Olanguena Awono Urbain ; au fond et avant dire droit, infirme le jugement entrepris ; statuant à nouveau, annuelle les poursuites engagées contre Olanguena Awono Urbain  des chefs de : détournement de la somme de 200 000 000 (deux cents millions de FCFA) au travers du protocole d’accord signé avec l’Association Camerounaise de Marketing Social (ACMS) en violation de la règlementation sur les marchés publics ; tentative de détournement de la somme de 60 000 000 (soixante millions de FCFA) dans le cadre de la signature dudit protocole d’accord ; détournement de la somme de 122 000 000 (cent vingt-deux millions de francs CFA) au travers du marché de fourniture du matériel de sensibilisation (dépliants) avec les ONG …. ».
Mais coup de théâtre, dans une logique d’acharnement identique, il lui est reproché d’avoir financé par les fonds publics la production de son ouvrage paru en 2007 sous le titre « Le Sida en Terre d’Afrique, l’audace des ruptures ». Une contre-vérité au regard du contrat d’édition signé entre l’auteur et son éditeur Privat qui stipule clairement que « l’éditeur assure à ses risques et périls toutes les charges financières relatives à la publication et à la distribution du livre ». Les conclusions du rapport des experts judiciaires sur le respect scrupuleux de cette close sont formelles : « la production du livre n’a pas été financée par les fonds publics. » Le témoignage sous serment de l’expert judiciaire Dissak Delon en audience publique a confirmé cette position qui disculpe totalement le ministre. Mais qui demeure toujours en prison.
Tout comme Jean Marie Atangana Mebara. La défense de l’ex Sg/Pr  a toujours soutenu que l’accusé est en « prison pour n’avoir rien fait ».  Le dossier est « juridiquement vide », soutient Me Claude Assira. Et de ce fait, les conseils de l’ex Sg/Pr plaidaient pour l’acquittement de M. Atangana Mebara, du chef de tentative de détournement de 24 milliards FCfa (argent destiné à l’achat de l’avion présidentiel), « les faits n’étant pas établis et en raison de l’absence de la tentative ». De même pour l’accusation de 1,5 milliards FCfa (arriérés de locations d’avions de la Camair destiné au loueur d’avion, Ansett), dont la défense estime également que « les faits ne sont pas établis ». Quant à l’accusation de complicité de détournement de 121 millions FCfa, (reliquat d’un crédit de 720 millions FCfa envoyé par l’État du Cameroun à son ambassade à Washington), la défense évoquait l’absence d’éléments caractéristiques de la complicité. De manière élaborée, les quatre avocats de Jean-Marie Atangana Mebara sont arrivés à ces conclusions. Chacun dans son ton. Me Ebanga Ewodo  estime que son client est poursuivi sur la base des interprétations subjectives. C’est le cas pour l’accusation de 24 milliards FCfa. L’avocat rappelle que Mebara n’est pas Sg/Pr lorsque le projet d’acquisition de l’avion présidentiel est élaboré, encore moins lorsque l’argent débloqué disparait « J’ai servi loyalement mon pays et le chef de l’État. On a monté un dossier judiciaire contre moi et on attend de vous que vous confirmiez des accusations politiques ».
Même après son acquittement, la Justice a maintenu Mebara en prison, prouvant ainsi qu’il a été décidé qu’il restera en prison même s’il est innocent.
Ainsi les magistrats du Tribunal Criminel spécial, à qui les dossiers ont été fillés, continueront-ils de statuer sur les cas des présumés coupables aux yeux de Paul Biya, que sont Atangana Mebara et les autres.
Yvanna Claire Owona


Opération Epervier:ce grotesque défilé de boucs-émissaires
Comme linceul en haillons d’un Renouveau National mort-né. Des rapprochements ahurissants sautent aux yeux. Avec des procès plus ou moins métaphysiques
altTout d’abord l’Inquisition, ce fameux tribunal catholique de la légende. Il y a le côté décidément théâtral du procès comme de  l’exécution du verdict final – pour servir d’exemple des plus dissuasifs à la populace piaillante : Candide et Pangloss sont fouettés en cadence, tout au long de leur messe solennelle de requiem ; le maître philosophe de l’Optimisme est pendu peu de temps après. A Yaoundé, arrestation musclée des Premiers de l’Etat sous caméras de télévision ; condamnation en série des plus que quinquagénaires à mort, maquillée en 25, 50 ans de prison ferme.

 

 

Volonté jamais prise en défaut d’humilier les suppliciés, de les discréditer à jamais. Au XVIIe siècle, Galilée n’échappa à la pendaison sur la Place Publique de Rome, aux regards de nombreux curieux venus de tous les coins d’Europe, qu’en se dédisant « de gaîté de cœur » : « La Terre ne tournait pas ! », devait-il crier à la face du monde, une fois installé au podium. La vanité pompeuse, le pédantisme jargonnant des théologiens vedettes étaient saufs.
Ils proclamaient partout qu’il ne peut plus y avoir de vérités neuves. Dieu avait déjà tout révélé sous la plume des Prophètes, par le sang des Martyrs. Si la Terre tourne vraiment c’est qu’on peut la voir tourner, c’est qu’elle peut se casser ; c’est que nous ne sommes pas ici chez nous ; c’est que le Bon Dieu ne nous aime pas ; c’est que c’est dans la Bible. Tant pis pour la Science éternellement aux prises corrosives avec l’obscurantisme religieux.
De son côté, le Tribunal de Yaoundé a du mal à prouver la culpabilité de ses condamnés de luxe. Mais s’ils paient, s’ils « remboursent », le Tribunal Criminel Spécial les libère – si le garde des sceaux n’y trouve rien à redire. Ils ont donc « avoué » leurs criminels  forfaits. On leur a ainsi ôté les verres du nez. Ils ont dû faire un aller et retour du lieu de leur planque de la fortune publique dérobée au Trésor Public ; tant mieux ! Et Même libérés, ils ne sont par pour autant innocentés. Au contraire, ils demeurent aux yeux de l’Opinion des fossoyeurs de la Nation, des poules mouillées, impropres à la sélection nationale pour la course à l’Alternance Politique de tous les vœux.

Des procès dignes de Frantz Kafka, le Prince de l’Absurde. Aux principales caractéristiques bien connues :
- les vrais procureurs-juges se font inaccessibles dans la mythologie kafkaïenne. Au Cameroun le Tout-Puissant Juge Suprême n’est jamais aperçu à l’audience ; il se contente de disposer ses pions et de tirer les ficelles depuis Etoudi, Mvomeka’a, la Baule ou Genève, sa ville receleuse d’adoption ;
- il n’est pas prévu que les juges d’instruction puissent un jour se tromper ; alors être inculpé par eux c’est déjà être condamné. Et la seule peine définitive est de mort - Capitale. Tout le procès est conçu pour y conduire, tôt ou tard. Entre-temps, avant l’heure fatidique, il n’y a de la place que pour les diverses sortes d’« atermoiements illimités », des demi-mesures toutes destinées à installer de plus en plus le justiciable, le supplicié, dans l’incertitude des lendemains ;
- pour jouer sur le même registre Biya dispose de la stratégie, de l’expertise consommée du Rouleau Compresseur : une implacable succession de « menus » procès à dormir debout, jusqu’à ce que mort s’en suive – dans l’habitude du désarroi, celui des destins confisqués, des consciences en lambeaux, d’une société déstabilisée, dépouillée de fond en comble ;
- Dieu et ses condisciples, ses archanges (dont Lucifer), ne s’amusent pas. Comment des inculpés peuvent-ils se dire innocents alors qu’ils ne connaissent pas la Loi, toute la Loi ? Peuvent-ils jamais parvenir à devenir tout ce que le Juge Suprême a derrière la tête ? Les prétentieux ! Les avocats ne sont que tolérés – pour amuser longtemps la galerie et se remplir les poches aussi. On n’est même pas sûr que la Loi les tolère vraiment. En tout cas on les laisse gesticuler comme ils peuvent, en vraies bêtes de cirque. On verra s’ils disposent de quoi embarrasser le Juge Suprême – ne fût-ce que l’instant d’un battement de paupières.

Le côté divertissement (pascalien) du feuilleton Epervier.
Une interminable chaîne de prestidigitation juridico-policière, de production de dossiers « en béton », d’enquête administrative au sommet, de « solides » preuves bruyamment brandies – pourtant non perceptibles à l’œil nu du citoyen lambda. Il y a une trentaine d’années, la même lame de fond maffieuse en était à se déployer pour tenter de voiler le soleil aveuglant de la gabegie naissante.
« Où sont les preuves !? », avait lancé l’illustre Parrain Donateur du Gand Festin funéraire dévoyé (au vaste cimetière des martyrs de l’indépendance nationale), sur un ton courroucé de défi à un Eric Chinje qui croyait, en posant sa question « historique », ne faire que répercuter en Haut Lieu ce que le petit peuple continue de murmurer dans les chaumières.
Il dut aller ailleurs, en exil plus ou moins volontaire à l’étranger pour pouvoir continuer à manquer de respect aux Autorités de l’ordre établi. Flagrant délit de provocation publique de tout l’Etat en la personne de son Chef par un agent téméraire, on vous dit ! Comme s’il ne savait pas qu’il aurait suffi d’un « anodin » coup de tête de l’interviewé de marque pour que l’« insolent » arrête aussitôt de respirer.
La Série Epervier est destinée à produire sur les Camerounais tous les effets pervers d’un abcès de fixation. Qu’ils n’aient point assez de temps, de quiétude pour se sentir complètement abandonnés aux traumatismes d’un déluge de corruptions décidé à atteindre ses quarante ans, la force de l’âge – au lieu de seulement « quarante jours et quarante nuits »de la Genèse.
Quand il faut battre des records, même mythologiques, le Lion de Mvomeka’a sait s’en procurer, et « la volonté et les moyens ». On n’entre pas dans l’Histoire -  même au fin fond de sa poubelle - à pas comptés. Tant pis pour ses « chers compatriotes » qui, très naïvement, persistent à croire que l’on peut faire des omelettes sans casser des œufs. Sans décidément générer des crises à rebondissement – de consciences, économiques, sociopolitiques, et tout le reste. S’il le faut la mère-poule doit y passer. A la guerre comme à la guerre !
Tant mieux si les vingt millions de Crevettes du fond du Golfe de Guinée peuvent en rire – d’autodérision, de pitié ou de rage, peu importe ! Ça leur fait tenir encore sur leurs jambes, au moins par moments, perdre leur grise mine et croire un peu aux fumeuses Grandes Ambitions-Réalisations, à l’Emergence de 2035 des calendes camerounaises. L’Espoir fait vivre, en attendant que la foi (naïve) soulève les montagnes (de la dictature), une ancestrale sagesse du conservatisme religieux bourgeois.
Tant mieux si la Paix Sociale, l’Unité Nationale si chèrement conquises, « le rayonnement sans précédent » de notre pays dans le monde entier, doivent s’acheter à ce prix-là. Le sens du sacrifice, même suprême, le Père très Saint du Renouveau National n’a jamais cessé de l’inculquer à ses si têtus, autant ingrats qu’inconsolables « compatriotes ». Quoi qu’en pensent les « esprits chagrins » !
Qu’est-ce que ça leur coûte de se donner la petite peine de suivre l’auguste exemple rayonnant de leur shef Suprême chaque fois démocratiquement élu qu’ils se sont donné – toujours librement ? Qui leur a donné la Démocratie ! comme ça, pour rien, on dirait. Sans attendre qu’ils en aient clairement manifesté le désir. La Providence existe, en chair et en os ! Cherchez du côté de ce qui reste de la forêt équatoriale, au fond du Golfe de Guinée plus précisément, et vous serez édifié.

Paul Biya, comme un support attitré de l’idéologie coloniale, vu son réflexe mécanique à  ne réaliser tout à fait que tout le contraire de ce que fait espérer son idéal d’humanisme incessamment proclamé :
- L’ethnisme débridé, malignement érigé sur les cendres de ce qui est resté de l’unité nationale après la bourrasque de la répression coloniale que l’on sait ;
- Rigueur et Moralisation, en gant velouté sur la main acérée d’une gouvernance de corruption pandémique ;
- Une promesse de démocratie jamais sincèrement tenue – même par petits bouts ; à la place, un multipartisme administratif de plusieurs centaines de partis cellulaires, chacun étant implicitement constitué propriété privée de son Père Fondateur ; ils apparaissent presque tous comme autant d’excroissances nées stérilisées du parti resté unique, maintenant dit « proche du Pouvoir. »
Paul Biya, un insouciant « vacancier au pouvoir » ou un « Roi-Fainéant » ? Surtout un éternel et sombre prestidigitateur arracheur de dents.
Hilaire Sikounmo


Mathias Eric Owona Nguini: le Cameroun est inscrit dans la voie avancée de Zombification, de Décomposition et de Putréfaction morales
Germinal : Quelle lecture faites-vous de l’interdiction, pour la première fois, par le sous-préfet de Yaoundé I, de la 25e édition de La Grande Palabre ?
altMathias Eric Owona Nguini : L’interdiction de la 25e édition de La Grande Palabre par le sous-préfet de Yaoundé I apparaît à nos yeux comme une action de police administrative par laquelle le régime du Renouveau National envoie un message aux animateurs de cette plateforme de discussion et de réflexion politico-idéologiques autant que politico-intellectuelles. Il s’agit de montrer aux animateurs de La Grande Palabre qui a le pouvoir.
En effet, on peut voir dans cette mesure d’interdiction l’expression d’une demande à travers laquelle il est question de montrer que c’est l’État administratif qui reste au cœur de la régulation de l’espace public.
De ce fait, le groupe gouvernant opérant par le truchement des autorités administratives, soulignent leur volonté de canaliser la démarche de communication indépendante manifestée par ce forum. Manifestement, la liberté souvent critique du forum qu’est La Grande Palabre dérange dans certains milieux du pouvoir. La tonalité indépendante, libre et souvent critique des animateurs de La Grande Palabre gène énormément ces milieux versés dans la culture du monopolisme totémiste et du monarchisme fétichiste comme caractéristiques prégnantes du système gouvernant en place au Cameroun. Parce que La Grande Palabre participe d’un mouvement citoyen de configuration de l’espace public caractérisé par ce que l’historien des idées allemand Wolf Lepennies appelle le « règne de la critique ». Ce concept qui ressortit de la culture de la discussion républicaine, ne peut qu’irriter les acteurs du système officiel de pouvoir posés en rentiers politiques installés dans le confort routinier des habitudes et mœurs présidentialistes toujours en vigueur au Cameroun.

 

Cette interdiction compromet-elle l’avenir La Grande Palabre que vous coordonnez ?
Pour l’instant, nous osons croire que le format républicain de La Grande Palabre n’est pas encore compromis. Nous espérons que la frilosité gouvernante et administrative exprimée à l’occasion de l’interdiction ne s’est exprimée qu’au sujet de la thématique que devait aborder la 25e édition de La Grande Palabre. Maintenant, comme on connait le cours idéologique du régime du Renouveau dont les acteurs font généralement montre d’une culture monologique, c’est-à-dire d’une culture de l’unanimisme et de la pensée unique, il n’est pas exclu qu’il y ait un agenda pour torpiller La Grande Palabre en raison de son orientation libre-pensante. Nous espérons que les factions les plus inquisitrices du régime du Renouveau National n’utilisent pas les autorités du commandement dans une stratégie politico-administrative d’écrasement autoritariste de la liberté de penser et d’étouffement monopoliste de la liberté de communiquer qui s’est liées à cette plateforme citoyenne et républicaine qui tente de lancer et de relancer une culture du café politique.
À l’évidence, certains barons et baronnies du régime du Renouveau se méfient d’une initiative d’éveil républicain et citoyen qu’ils envisagent peut-être comme un laboratoire de politique démocratique progressiste engagé dans une démarche radicale d’émancipation par l’éducation populaire, ce qui va à l’encontre de leur volonté conservatrice d’entretenir une culture sociale et politique de l’intolérance de clocher et de l’intempérance des cliques.  Attendons de mieux voir. Après quoi, les coordonnateurs de La Grande Palabre aviseront.

L’actualité a été aussi marquée ces derniers temps par la visite de travail qu’a effectué M. Paul Biya en France. Au regard de ce qui s’est passé là-bas (un président Français distant, pas de tête à tête, protocole pas digne du rang d’un chef de l’état), parleriez-vous, comme certains commentateurs, d’une visite de la honte ?
En tout cas, la visite de travail effectuée par le président Paul Biya en France, a été l’occasion d’une véritable controverse politico-médiatique concernant le traitement protocolaire réservé au chef de l’État du Cameroun par les autorités de la République française à l’occasion de cette visite. Quoique l’on en pense, un certain nombre de faits relatifs à l’accueil du Président camerounais par les autorités françaises semblent indiquer que le leader étatique du Cameroun n’a pas été reçu dans le cadre assuré de civilité interétatique. Dans le cadre des précédents séjours officiels de M. Biya effectués selon le schéma protocolaire de la visite de travail, on n’a pas connu une telle formule d’accueil par l’ambassadeur de la République française auprès de la République du Cameroun. Tous les observateurs spécialisés, même les honnêtes hommes ou même les gens de bon sens, ont pu clairement voir la distance et la froideur manifestées par le président de la République françaises, M. François Hollande vis-à-vis de son homologue M. Paul Biya, président de la République du Cameroun. En effet, le locataire de l’Élysée attendant son homologue camerounais sur le perron de son prestigieux palais, s’est empressé de lui tendre la main pour ne pas lui accorder le privilège d’une chaleureuse accolade agrémentée d’une longue poignée de mains pour les photographes et la postérité. François Hollande a à peine laissé le temps à Paul Biya de poser pour la postérité. Par ailleurs, contrairement aux sirènes propagandistes et trompeuses de certains journalistes de médias d’État posés en griots de Palais, il n’y a    aucune preuve matérielle d’un tête-à-tête entre les deux présidents.

Quelle (s) signification (s) peut-on donner à la publication dans le journal Le Monde, d’une tribune de M. Marafa Hamidou Yaya, pendant que les journaux français faisaient un black-out sur la visite de Paul Biya et que Le Figaro le traitait de Roi-Fainéant ?
altLa publication d’une tribune de M. Marafa Hamidou Yaya dans le journal Le Monde au cours de la visité de M. Paul Biya ne peut pas être négligée, d’abord du fait de la notoriété de cet organe médiatique dans le paysage de la presse écrite en France et ensuite ne raison du timing de cette lettre publiée dans la page « Débats » du célèbre quotidien fondé par Hubert Beuve-Mery. Le fait que la lettre de l’ancien collaborateur de premier plan de M. Biya qu’est M. Marafa ait été précisément publiée au moment de la visite de travail du président camerounais, ne peut-être balayé d’un simple revers de la main - comme tentent de le faire les communicateurs/propagandistes du régime. Il est un signal envoyé à Paul Biya. Le thème de cette lettre qui met l’accent sur la nécessité d’envisager l’après-Biya à la tête de l’État camerounais commence à irriter fortement en France. Quant à traiter le respectable président camerounais de Roi-Fainéant, on aurait attendu cela d’un autre titre que Le Figaro, un quotidien symbole de la droite. C’est à croire que le quotidien conservateur a voulu faire concurrence à Libération qui avec Stéphen Smith traitait Paul Biya- irrévérencieusement peut-être – de « vacancier au pouvoir » dans les années de transition démocratique dites années de braise. Ces piques prêtées au Figaro sont intervenues dans un réel contexte de black-out communicationnel montrant que Paul Biya n’a pas la côte en Hexagone.

Paul Biya est-il fondé à dire qu’il n’existe pas de prisonnier politique au Cameroun ? Peut-on du revers de la main, comme il tente de le faire, évacuer la dimension politique de l’ « opération Épervier »?
À première vue, on pourrait penser que M. Paul Biya a raison de dire qu’il n’existe pas de prisonnier politique au Cameroun. Pourtant, une analyse plus approfondie de certains dossiers judiciaires montrent comme dans celui de Enoh Meyomesse et compagnie, que des biais politiques peuvent affecter le traitement de certaines affaires. Ainsi, la conduite de l’ Opération gouvernante et officielle de lutte contre la corruption qu’est l’ « Opération Épervier » a manifestement une dimension politique qui s’aperçoit dans la gestion tutélaire de ces dossiers qui est faite depuis le centre étatique et étatiste ainsi que le sommet présidentiel et présidentialiste. C’est cette conduite fortement modelée par la Très Haute Hiérarchie en fonction d’une Justice de Prince motivée par des visées de canalisation et de neutralisation des ambitions de nombre de barons. Pendant que leurs dossiers sont présentés comme des affaires de droit commun, le pouvoir central ne tergiverse pas quand il s’agit de protéger les favoris familiaux ou amicaux du régime empêtrés dans des scandales – au moins présumés – qui auraient au moins mérité de faire l’objet d’une information judiciaire. On a ainsi vu le silence complaisant autant qu’arrogant du régime au sujet de l’affaire des titres de Camtel impliquant le fils en propre du président Biya, silence juste interrompu par des manœuvres partisanes et courtisanes de blanchiment destinées à contredire l’hypothèse d’une mise en action de la Justice pour faire la lumière sur cette transaction financière.

Si on tient compte de certains faits (théatralisation de certaines arrestations, les moments choisis pour procéder aux interpellations, le rôle que joue l’exécutif, le déroulement de certains procès, etc.) ne peut-on pas dire que certains procès, intentés contre certaines personnalités dans le cadre de cette « Opération », sont des procès politiques maquillés ?
Certainement ! Quoique l’on pense des barons impliqués dans les procédures politico-judiciaires constituant l’ « Opération Épervier » comme croisade anti-corruption, il apparaît qu’ils sont des produits typiques des baronnies pouvoiristes, autoritaristes, affairistes et mercantiles qui composent de manière importantes la structure du régime du Renouveau. Pourtant, bien des personnalités concrètement concernées par des soupçons de corruption, ne sont jamais inquiétées par la Justice, malgré l’existence de nombreux indices factuels et matériels. C’est qu’il s’agit de Protégés et d’Obligés Bien en Cour chez l’Empereur. Les éléments que vous avez évoqués (théatralisation, de certaines arrestations, les moments choisis en d’opérer les interpellations des personnalités happées par l’engrenage de la Justice, le déroulement administrativement tutoré de certains procès) montrent de toutes les manières que la gestion effective des dossiers de l’ « Opération Épervier » - reste marquée au-delà de l’intervention des magistrats par une persistance d’une conduite présidentialiste de ces affaires.
Ainsi cette opération donne-t-elle l’impression d’être une démarche calculée de purge politique.  Ainsi, la lutte contre la corruption est-elle toujours menacée d’être dévoyée en pratique dévoratrice et sacrificatrice de judiciarisation manipulatrice et inquisitrice de règlements de compte. Cela ouvre alors la porte au tissage politicien d’intrigues judiciaires qui alimente la perception des dossiers de l’ « Opération Épervier » comme des procès politiques maquillés et grimées en affaires de droit commun.

Dans quelle mesure peut-on l’appréhender comme stratégie de position d’un dauphin, donc d’élimination d’éventuels prétendants au trône présidentiel?
Le déroulement et le déploiement pratiques autant que technique des différentes procédures politico-judiciaires ressortissant de l’« Opérartion Epervier » donnent de l’intelligibilité à l’hypothèse d’une exploitation politicienne de ces dossiers correspondant à une manœuvre d’élimination d’éventuels prétendants à la Magistrale et Majestueuse Cathèdre présidentielle. Compte tenu de l’orientation et de l’opérationnalisation de nombreux volets de la campagne politico-judiciaire de lutte contre la corruption qu’est l’ « Opération Epervier », il est plus que probable que ceux-ci sont gérés dans la perspective couplant Justice de Palais et Justice de Cadi compte tenu des dossiers du Maître Central soucieux de sanctionner ceux qui à tort ou à raison sont soupçonnés d’avoir voulu être Calife à la place du Calife. Dans cette perspective, nombre de  seigneurs issus des classes présidentialistes du pouvoir ayant frayé avec les Grands et Grands du Palais, sont sanctionnés parce qu’ils laissent entendre que César ou sa femme ne sont pas au-dessus de tout soupçon. On peut parfaitement interpréter le profilage sacrificatrice de bien de barons comme la mise en œuvre judiciairement dramatisée d’une stratégie successorale usant de l’arme de la lutte contre la corruption pour neutraliser tous les seigneurs dont la carrure et les états de service seraient de nature à gêner le positionnement d’un dauphin de Giron, lequel dauphin correspond à une entreprise de monarchisation et/ou de dynastisation de la succession présidentielle campée en transmission patrimonialiste et/ou familialiste.
L’hypothèse qu’Épervier mette en scène une stratégie palatiale de positionnement d’un dauphin qui consiste à faire le vide pour ouvrir la voie à la consécration impériale du Césarion pressenti pa    r la neutralisation judiciaire de grands barons pouvant lui faire de l’ombre, n’est pas une vue de l’esprit. C’est l’expression même du Grand Dessein Secret qui modèle la scénographie de la tauromachie politico-judiciaire conduite à l’encontre de Grands Barons dont il est manifeste que même si on ne leur donnerait pas le Bon Dieu en confession, ils ne sont pas les seules Élites du Sérail qu’une justice  véritablement indépendante et intègre autant que libre et transparente serait en droit d’inquiéter.

S’il tel est le cas, les différents clans ou factions en présence,  les différents prétendants au trône présidentiel accepteraient-ils que le passage de témoin se fasse de cette manière ?
Il est évident que les différentes baronnies gouvernantes qui constituent les factions en compétition dans le Sérail Présidentialiste du Renouveau, n’apprécient pas particulièrement un tel scénario successoral correspondant à une technologie juridique et politique de positionnement oligarchique et/ou monarchique d’un dauphin. Il faut néanmoins souligner que si le César étatique en titre forge un tel dessein successoral, il jouera de son emprise sur la puissance souveraine maîtrisée de manière centraliste et providentialiste pour imposer son Dauphin Patrimonial. Dans cette hypothèse, l’Empereur présidentialiste usera et abusera de son contrôle de la magistrature présidentielle pour mettre en œuvre sa démarche conformiste de clonage perpétualiste d’un Successeur-Dauphin.
Cela dit, rien n’assure que ce passage présidentialiste et patrimonialiste de témoin se fera nécessairement en toute quiétude.

Les Camerounais peuvent-ils s’attendre à une succession ou à une transition pacifique au Cameroun ?
altIl faut être lucide, averti et réaliste. Une succession ou transition pacifique à la tête de l’État au Cameroun est impossible. Ne voyez pas dans cette réponse une simple expression d’un inéluctable catastrophisme ou une révélation d’un diseur de bonne aventure ! Si la succession ou la transition paraît impossible, cela est en fait lié à la mécanique institutionnelle, organisationnelle, décisionnelle et opérationnelle du système gouvernant camerounais toujours effectivement structuré autour d’un Verrouillage Monopoliste et d’un Cadenassage Présidentialiste. Autrement dit, la succession sera rendue conflictuelle en raison de la persistance systématique et stratégique d’un mécanisme étatique en fait autocratique toujours réglé par la loi d’airain du pouvoir perpétuel.
En effet, l’État est toujours, malgré son habillage démocratique et son affichage pluraliste, principalement organisé autour de la prépondérance de l’État-Président, pour reprendre le mot du défunt politologue ivoiro-béninois Tessy Bakary. Parce que la Présidence domine et structure l’ensemble de la machinerie étatique, différents groupes d’intérêt et de pression pris dans les filets et les rets d’une société  claniste et clientéliste tournée vers un communautarisme prédateur plutôt que régulateur, vont s’organiser en factions farouches désireuses de conquérir à des fins concessives, corporatives et restrictives cette position cruciale et capitale de pouvoir étatique où l’on voit que c’est le mécanisme éternitaire et immunitaire de la Providence Sempiternelle qui expose fortement le Cameroun au chaos d’une véritable guerre de succession correspondant à une guerre de tous contre tous pour le contrôle conservé ou conquis du Pouvoir Perpétuel

Que devrait faire Paul Biya, au soir de la sa vie politique, pour laisser le Cameroun en paix ?
Je pense que même s’il pouvait encore le vouloir, il serait difficile pour M. Paul Biya de laisser le Cameroun en Paix. Une telle évolution semble désormais impossible en raison principalement de ce que le leader central s’est foncièrement inscrit dans la voie d’une trajectoire politique d’éternisation au pouvoir, laquelle voie est concrètement indiquée par la longévité gouvernante dévoreuse de temps qui est nécessairement orienté vers un canibalisation paternaliste des institutions étatiques et sociétales. Pour laisser le Cameroun en paix, le Président aurait dû agir dans un sens contraire à une prolongation quasi-indéfinie de sa Tenance Étatique suprême. En s’engageant plutôt dans une stratégie de dilatation de sa longévité gouvernante, le Président actuel entre dans la Voie du Gouvernement perpétuel endurci correspondant à une trentaine d’années à la tête de la République du Cameroun. La durée de vie présidentielle de M. Paul Biya a déjà sérieusement compromis les chances d’une relève démocratique et pacifique. Le seul scénario de paix qu’elle autorise est celui d’une continuation de la sclérose gouvernante à travers l’expérimentation réussie d’une succession Dauphinale-Patrimoniale basée sur la poursuite d’une gouvernance immobiliste, conformiste et clientéliste qui maintient une Paix Pouvoiriste et Affairiste par une intensification supplémentaire du niveau de corruption. On resterait alors dans une Paix plutôt Macoute que Républicaine. Les choix récents de renforcement du contrôle présidentialiste et autoritariste d’une institution régulatrice comme le Conseil constitutionnel indiquent que la Seule Paix dans les régimes improductifs, concessifs et  jouissifs de pouvoir perpétuel est une Paix de Dépotoir et de Décharge, dans laquelle la gestion de la souveraineté est submergée par une gouvernance de Pourriture et d’ordures. En effet, le cramponnement à tout prix et par tous les moyens du groupe central étatique et son Leader Monopoliste a déjà entraîné la société camerounaise sur des voies collectives caractérisées par une Décomposition et une Putréfaction morales et civilisationnelles radicales. C’est que le pouvoir perpétuel a inscrit la société camerounaise dans une Voie Avancée de Zombification où derrière la fiction (délirante) de l’Émergence, apparaît la réalité d’une collectivité complètement gangrénée, vérolée et sclérosée par une gouvernance systématiquement Vénale et Patrimoniale. Une telle hégémonie d’une Souveraineté colonisée par la Corruption Civilisationnelle rend impossible au Cameroun modelé par la Renouveau National, une Paix Positive figurée en Paix Démocratique, Développement, Prospère, Partagée et Civilisée. La Seule Paix imaginable dans les conditions d’une telle gouvernance prédatrice et déprédatrice est une Paix Monopoliste, Pouvoiriste, Affairiste et Sectariste dans laquelle des groupes oligarchiques qui ont accaparé les richesses et valeurs de toute la collectivité sociale et étatique, défendent le système nécrosé et névrosé du Pouvoir Perpétuel. Dans de telles conditions, le Président en fonction même s’il le voulait, ne peut (plus) apporter au Cameroun, une Paix Productive, Compétitive, Conversive et Positive, parce qu’un tel état de choses est incompatible avec le système cannibale de la Présidence Perpétuelle et du Gouvernement Sempiternel qui est structuré par la Tonton Macoutisation de la Vie du Pouvoir et la Zombification du Pouvoir de la Vie.
L’infime possibilité qui reste au Cameroun pour éviter que l’Après-Biya et/ou l’Après-Unc-Rdpc et/ou l’Après Aujoulatisme soient à une dynamique de guerre de tous contre tous pour le contrôle stratégique et systémique d’une Présidence Impériale associée à un Système de Gouvernement Perpétuel et Personnel, est liée à une hypothèse politique miraculeuse ; celle où l’actuel Seigneur Central-Président décide de se faire hara kiri en cédant ses Césariennes Prérogatives de puissance à un Mécanisme Gouvernant Alternatif de Transition Systémique et Historique orientée vers l’Avènement d’une Démocratie Authentique basée sur la pulvérisation du Monopolisme et du Monarchisme Présidentialistes encore en vigueur au Cameroun. Reconnaissons, il faut le concéder, qu’une telle hypothèse relève du conte fantastique et de la fable onirique. Un vrai rêve en couleurs en somme…
Propos recueillis par
Jean-Bosco Talla